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12/07/2010 | FRANCE | N°09/01303

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 12 juillet 2010, 09/01303


R.G : 09/01303









décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du

26 janvier 2009



RG N°05/08495



ch n° 4





SA AXA FRANCE

SA ZURICH



C/



SARL ITEC

SA AUXILIAIRE

SA EM2C

SA AUXILIAIRE

[U]

SA MAAF

COMPAGNIE AGF

GIE CETEN APAVE INTERNATIONAL

SA LLOYD'S DE LONDRES

SARL GALATI PERE & FILS

SARL ASCR CELLUPICA

SA AXA ASSURANCES










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PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B



ARRÊT DU 12 JUILLET 2010







APPELANTES :



SA AXA FRANCE IARD venant aux droits d'AXA COURTAGE

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 8]

[Localité 19]

prise en sa délégation de [Localité 16] [Adres...

R.G : 09/01303

décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du

26 janvier 2009

RG N°05/08495

ch n° 4

SA AXA FRANCE

SA ZURICH

C/

SARL ITEC

SA AUXILIAIRE

SA EM2C

SA AUXILIAIRE

[U]

SA MAAF

COMPAGNIE AGF

GIE CETEN APAVE INTERNATIONAL

SA LLOYD'S DE LONDRES

SARL GALATI PERE & FILS

SARL ASCR CELLUPICA

SA AXA ASSURANCES

COUR D'APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B

ARRÊT DU 12 JUILLET 2010

APPELANTES :

SA AXA FRANCE IARD venant aux droits d'AXA COURTAGE

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 8]

[Localité 19]

prise en sa délégation de [Localité 16] [Adresse 7]

[Localité 16]

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour

assistée la SCP adk deschodt kuntz & associés

représentée par Me LAURENDON, avocat au barreau de LYON

Compagnie d'assurances ZURICH INSURANCE

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 22]

[Localité 21]

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour

assistée la SCP adk deschodt kuntz & associés

représentée par Me LAURENDON, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

Société EM2C CONSTRUCTION SUD EST venant aux droits

de la société EM2C INITIALE RHÔNE

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 24]

[Localité 15]

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour

assistée de Me Gilles DUMONT LATOUR, avocat au barreau de LYON

substitué par Me BOIRIVENT, avocat

Maître [S] [V] ès qualités de mandataire judiciaire

de la société EM2C CONSTRUCTION SUD EST

placée en régime de sauvegarde selon jugement

du tribunal de commerce de LYON du 10 février 2010

[Adresse 13]

[Localité 16]

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour

assistée de Me Gilles DUMONT LATOUR, avocat au barreau de LYON

substitué par Me BOIRIVENT, avocat

La SELARL A.J. PARTENAIRES représentée par

Maître [S] [T] en ès qualités d'administrateur judiciaire

de la société EM2C CONSTRUCTION SUD EST

placée en régime de sauvegarde selon jugement

du tribunal de commerce de LYON du 10 février 2010

[Adresse 4]

[Localité 16]

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour

assistée de Me Gilles DUMONT LATOUR, avocat au barreau de LYON

substitué par Me BOIRIVENT, avocat

SARL ITEC représentée par son liquidateur amiable

Monsieur [R] [B]

[Adresse 23]

[Localité 15]

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour

assistée de Me PERRACHON, avocat au barreau de LYON

Compagnie d'assurance L'AUXILIAIRE ès qualités d'assureur

de la Société EM2C représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 12]

[Localité 16]

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Cour

assistée de Me BOIS, avocat au barreau de LYON (cabinet RACINE)

Compagnie d'assurance L'AUXILIAIRE ès qualités d'assureur

de la Société ITEC représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 12]

[Localité 16]

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Cour

assistée de Me Corinne MICHEL, avocat au barreau de LYON

Monsieur [X] [U], architecte

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté par Me Christian MOREL, avoué à la Cour

assisté de Me BORDET, avocat au barreau de LYON

SA MAAF ASSURANCES représentée par ses dirigeants légaux

ès qualités d'assureur allégué de Monsieur [U]

et de la société GALATI

[Adresse 9]

[Localité 18]

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour

assistée de Me DESCOUT Associés, avocats au barreau de LYON

SA ALLIANZ IARD anciennement dénommée AGF

présentée en qualité d'assureur de Monsieur [X] [U]

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 20]

[Localité 19]

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Cour

assistée de Me Laurence RAICHON, avocat au barreau de l'AIN

SA ALLIANZ IARD anciennement dénommée AGF

ès qualités d'assureur de la société GALATI Père et Fils

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 20]

[Localité 19]

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Cour

assistée de Me Laurence RAICHON, avocat au barreau de L'AIN

GIE CETEN APAVE INTERNATIONAL

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 5]

[Localité 14]

dont le siège social est [Adresse 6]

[Localité 19]

représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assisté de Me POMPEI, avocat au barreau de PARIS

LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES représentés

par leur mandataire général en France, la SAS LLOYD'S FRANCE

ès qualités d'assureur du CETEN APAVE

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 11]

[Localité 19]

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour

assistée de Me POMPEI, avocat au barreau de PARIS

SARL CELLUPICA ASCR représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 26]

[Localité 17]

représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour

assistée de Me Sabah DEBBAH, avocat au barreau de LYON

SA AXA FRANCE IARD représentée par ses dirigeants légaux

ès qualités d'assureur de la société ASCR CELLUPICA

[Adresse 10]

[Localité 19]

représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour

assistée de Me ARRUE, avocat au barreau de LYON

SARL GALATI PERE & FILS

représentée par ses dirigeants légaux

[Adresse 2]

[Localité 18]

L'instruction a été clôturée le 30 Avril 2010

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 03 Mai 2010

L'affaire a été mise en délibéré au 15 juin 2010, prorogé au 12 juillet 2010

(avis a été donné aux avoués conformément aux dispositions

de l'article 450 du code de procédure civile)

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats :

Président : Monsieur ROUX

Conseiller : Madame MORIN

Greffier : Mme [J] pendant les débats

A l'audience Madame [E] a fait son rapport conformément à l'article 785 du CPC

COMPOSITION DE LA COUR, lors du délibéré :

Président : Monsieur ROUX

Conseiller : Madame MORIN

Conseiller : Madame AUGE

ARRET : contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

signé par Monsieur ROUX, président de chambre et par Madame Frédérique JANKOV greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE - PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société STYL'MONDE exploite à [Localité 25] ( 01) une activité de transformation de matières plastiques par thermoformage. Elle dispose d'une unité de production dans un bâtiment de 2.700 m² construit en 1993, auquel a été ajoutée une extension de 1.500 m² réalisée en 1998, servant d'unité de stockage.

La SA ZURICH est l'assureur des bâtiments et des pertes d'exploitation et la SA AXA FRANCE celui des moules et du matériel.

Le 12 novembre 1999, un incendie a détruit les bâtiments du site de [Localité 25]. A la suite d'une expertise amiable des dommages, la SA AXA FRANCE a indemnisé son assurée à hauteur de 1.000.000 d'euros et la SA ZURICH à hauteur de 4.725.000 euros pour les bâtiments et les pertes d'exploitation.

Les compagnies d'assurance ont assigné en référé le maître d'oeuvre d'exécution des travaux réalisés en 1998, la société EM2C, afin d'obtenir la désignation d'un expert chargé de déterminer s'il y avait eu défaillance des systèmes de protection anti-incendie.

Monsieur [N] a été désigné par ordonnance du 30 novembre 1999. Après dépôt de son rapport, les compagnies d'assurance ont assigné la société EM2C et son assureur la compagnie l'AUXILIAIRE, qui ont appelé en cause l'architecte, Monsieur [U], et les différentes entreprises qui sont intervenues ainsi que leurs assureurs respectifs.

* * *

Par jugement en date du 26 janvier 2009, le Tribunal de Grande Instance de LYON a retenu que le régime applicable était celui de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1147 du Code Civil, que les conclusions de l'expert permettaient de considérer que la société EM2C, professionnel de la construction, avait livré un produit défectueux ce qui établissait suffisamment sa faute, mais que le lien de causalité entre cette faute et le dommage n'était pas établi. Il a en effet relevé que l'incendie avait été très violent, dépassant les 900° C, qu'il n'existait aucune information sur le délai d'intervention des pompiers, ni sur la durée de celle-ci et qu'il était impossible, dans ces conditions, de savoir si la porte coupe-feu, même fermée, conçue pour résister deux heures, aurait empêché la propagation du feu.

Le tribunal a donc débouté la SA AXA FRANCE et la SA ZURICH de leurs demandes et les a condamnées à payer à la société EM2C et son assureur la compagnie L'AUXILIAIRE la somme de 2.500 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; il a ensuite condamné la société EM2C au paiement des indemnités suivantes au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile : 2.000 € à [X] [U], 1.800 € au CETEN APAVE et la compagnie LLOYD'S, 1.500 € à la société ASCR CELLUPICA, 1.200€ à la MAAF et 1.200 € à la SA AGF.

Il a condamné encore Monsieur [U] à payer à la société ITEC la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, puis les sociétés AXA FRANCE et ZURICH in solidum à relever et garantir la société EM2C et Monsieur [U] des condamnations prononcées à leur encontre au titre des frais irrépétibles. Les deux assureurs, enfin, ont été condamnés aux dépens.

Par déclaration au greffe de la Cour en date du 26 février 2009, la SA AXA FRANCE et la SA ZURICH ont relevé appel.

Durant la procédure d'appel, la société EM2C a été placée sous sauvegarde par jugement du 10 février 2010 du tribunal de commerce de Lyon ayant désigné Maître [V] en qualité de mandataire judiciaire et la Selarl AJ PARTENAIRES en qualité d'administrateur judiciaire, lesquels ont été assignés en intervention forcée et reprise d'instance.

* * *

1) Conclusions des sociétés AXA FRANCE et ZURICH reçues le 14/4/2010 :

Les appelantes concluent à la confirmation de la décision en ce qu'elle a retenu la responsabilité contractuelle de la société EM2C et à sa réformation en ce qu'elle les a déboutées au motif que le lien de causalité entre la faute et le dommage ne serait pas établi.

Elles demandent à la Cour de fixer leurs créances au passif de la société EM2C à la somme de 827.770,27 € pour la SA ZURICH et à celle de 804.169,79 € pour la SA AXA FRANCE, outre intérêts de droit à compter de l'assignation.

A titre principal, elles demandent la condamnation de la Compagnie l'AUXILIAIRE, assureur de la société EM2C à leur payer ces sommes sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil, ou, selon l'argumentation de la société EM2C, sur celui de l'article 1792 du Code Civil.

A titre subsidiaire, si la Cour retenait la responsabilité des autres intervenants à l'opération de construction, elles demandent la condamnation in solidum de la compagnie L'Auxiliaire avec Monsieur [U] et la société ITEC ainsi que de leurs assureurs respectifs.

Elles réclament également la fixation au passif de la société EM2C d'une créance pour chacune d'elles de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et la condamnation de L'AUXILIAIRE, le cas échéant, in solidum avec Monsieur [U] et la société ITEC ainsi que leurs assureurs respectifs à payer la somme de 10.000 euros à chacune d'elles au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elles soutiennent pour l'essentiel à l'appui de leur recours que selon le rapport de Monsieur [N], le système de protection anti-feu n'a pas fonctionné ; que ce dysfonctionnement a pour cause l'absence d'une 'étude de risque incendie...: on n' a pas envisagé que la chaleur pouvait s'accumuler en toiture par la combustion des mousses isolantes combustibles ; la charpente métallique a chauffé, s'est dilatée et a poussé sur un mur coupe-feu qui n'était pas homogène ; une partie seulement du portique rigide nécessaire au rail de la porte a été réalisée ; sous la poussée le mur s'est déformé, le demi-portique est resté vertical et les moellons disjoints ont bloqué la porte, l'empêchant de se refermer lorsque le fusible placé sur le linteau a fondu'. L'expert a également constaté que la règle de pose des portes coupe-feu n'avait pas été respectée, le linteau faisant 4,20 mètres avec deux raidisseurs alors qu'il aurait dû faire 8 mètres avec trois raidisseurs.

Elles estiment que la société EM2C en sa qualité de concepteur-réalisateur de l'extension de l'usine doit être déclarée responsable du non-fonctionnement du système anti- feu.

Sur le lien de causalité, elle font observer que Monsieur [M], expert désigné par le procureur de la république, avait uniquement pour mission de rechercher si l'incendie était de nature accidentelle ou criminelle, qu'il n'a pas procédé aux mêmes investigations que Monsieur [N] ; qu'il est établi qu'une première alerte est parvenue à 15h01 aux pompiers qui ont été maîtres du feu à 17 h ; qu'ainsi l'incendie, ayant duré environ 2 heures, ne se serait pas étendu au bâtiment de stockage si la porte coupe-feu avait fonctionné. Elles ajoutent qu'il n'est pas démontré que la porte avait été bloquée par une cale.

Sur le montant des dommages, elle précisent qu'elles ne réclament que ceux causés à la deuxième partie du bâtiment située au delà de la porte coupe feu et qu'elles ont déclaré leurs créances le 19 mars 2010.

* * *

2) Conclusions de la société EM2C, Maître [V] et AJ PARTENAIRES reçues le 29/4/2010 :

La société EM2C a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'absence de lien de causalité entre les non-conformités alléguées et l'extension de l'incendie et en ce qu'il a débouté AXA et la ZURICH de leurs demandes.

A titre subsidiaire, elle conclut à son absence de faute, le sinistre ayant été provoqué par la faute de la société STYL'MONDE qui avait laissé la porte coupe-feu ouverte et qui n'a pas fait procéder aux visites de conformité du système de protection incendie. Elle ajoute que l'architecte Monsieur [U], qui a assuré la maîtrise d'oeuvre de conception de l'extension, n'a pas respecté les normes de construction du mur et de la porte anti-feu, que sa responsabilité est engagée ainsi que celle des autres intervenants les sociétés GALATI, ASCR CELLUPICA, CETEN APAVE et ITEC qui ont commis des fautes. Elle demande à la Cour de les condamner in solidum avec leurs assureurs à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre proportionnellement au partage de responsabilité prononcé par la cour.

A titre infiniment subsidiaire, elle estime que sa responsabilité ne peut être recherchée que sur le fondement de l'article 1792 du Code Civil et qu'en raison de l'existence d'une cause étrangère liée à la faute du maître de l'ouvrage et la violence de l'incendie, elle doit être déchargée de toute condamnation à réparation du dommage.

Elle invoque la garantie de son assureur L'AUXILIAIRE.

Elle réclame aux appelantes la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle soutient que l'incendie, qui a été d'une rare violence en raison des matériaux se trouvant dans les locaux, a duré plus de deux heures et s'est inéluctablement propagé du premier bâtiment au second, peu important que le mur coupe-feu ait été ou non conforme, et que la porte coupe-feu ait ou non fonctionné.

Elle ajoute que la responsabilité du maître de l'ouvrage doit être retenue pour avoir laissé la porte coupe-feu ouverte et bloquée et pour ne pas avoir fait procéder aux visites de vérification de la conformité des installations.

Elle conteste les non-conformités aux règles de l'art qui lui sont reprochées par l'expert concernant le mur coupe-feu, compte-tenu de la mission de conception confiée à Monsieur [U] dont elle a mis en oeuvre les préconisations. Elle considère qu'elle a seulement la qualité de contractant général en bâtiments industriels et non pas celle de maître d'oeuvre d'exécution et que la faute de l'architecte doit être retenue dès lors qu'il a été destinataire des recommandations APSAD, qu'il a établi la notice de sécurité préconisant la mise en oeuvre du mur et de la porte coupe-feu.

Pour les autres intervenants, elle estime que le CETEN APAVE, contrôleur technique sur le chantier, n' a pas rempli sa mission de contrôle et d'information sur le fonctionnement des portes au personnel du maître de l'ouvrage ; que la société GALATI , chargée du lot maçonnerie, aurait dû relever la non-conformité des préconisations de l'architecte avec les règles APSAD ; que la société ASCR CELLUPICA, chargée de la pose de la porte coupe-feu, quelques jours avant l'incendie, a effectué une réparation avec du fil de fer ; que la société ITEC, à laquelle était confiée une mission d'ingénieur béton 'étude et calcul de structures et ouvrages en béton' n'a pas réalisé un plan avec un mur coupe-feu conforme à la règle APSAD.

Elle ajoute que son assureur la Compagnie L'AUXILIAIRE lui doit sa garantie tant sur le fondement de la garantie décennale que sur la responsabilité contractuelle de droit commun. Au titre de sa responsabilité civile, elle conteste l'application d'un plafond de garantie.

* * *

3) Conclusions de la Compagnie l'AUXILIAIRE, assureur de la société EM2C, reçues le 3/12/2009 :

Elle conclut à la confirmation du jugement et à titre subsidiaire à la condamnation de Monsieur [U], du CETEN APAVE, des sociétés GALATI et STYL'MONDE in solidum à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être mises à sa charge. A titre infiniment subsidiaire, elle invoque le plafonnement de sa garantie à hauteur de 150.000 €, outre une franchise de 10% du sinistre avec un minimum de 10 fois la franchise statutaire de 121,96 € et un maximum de 100 fois cette même franchise, soit 12.196 euros. Elle sollicite le paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Sur les responsabilités des divers intervenants, elle adopte les arguments de son assurée.

Elle soutient que ce n'est pas l'assurance 'garantie décennale' qui doit s'appliquer, mais l'assurance 'responsabilité civile travaux et chantiers', qui garantit l'activité professionnelle d'entreprise générale sous-traitant tous les travaux ; que par un avenant du 10 octobre 1994, la notion de contractant général a été élargie à ' l'entreprise qui passe avec le maître d'ouvrage un marché global comprenant l'exécution des travaux et la maîtrise d'oeuvre'; que la garantie a été étendue à la maîtrise d'oeuvre, limitée à 1.000.000 francs par sinistre; qu'elle est fondée à opposer ce plafond de garantie et la franchise.

* * *

4) Conclusions de Monsieur [U], architecte, reçues le 15/4/2010 :

Il conclut à la confirmation du jugement et à titre subsidiaire au rejet de toutes les demandes formées à son encontre. Dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée contre lui, il demande à être relevé et garanti par la société EM2C, garantie par son assureur L'AUXILIAIRE, par la société APAVE, garantie par son assureur LES SOUSCRIPTEURS DES LLOYD'S DE LONDRES, par la MAAF et ALLIANZ, assureurs de la société GALATI, par la société ASCR CELLUPICA, garantie par son assureur, la société AXA ou la Compagnie L'AUXILIAIRE et par la société ITEC, garantie par son assureur.

Il fait valoir qu'il n'avait pour le bâtiment édifié en 1998 qu'une mission de conception architecturale en vue de l'obtention du permis de construire ; que la société STYL'MONDE a confié à la société EM2C la mission de réaliser la construction en dehors de toute intervention de sa part.

Sur le déroulement des faits, il estime que la violence de l'incendie ne permettait pas d'éviter sa propagation d'un bâtiment à l'autre, même si la porte coupe-feu avait été fermée. Il ajoute que celle-ci était bloquée par une cale, ce qui constitue une faute du maître de l'ouvrage.

Il estime que sa responsabilité ne peut être recherchée à l'égard de la société EM2C que sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil et à l'égard de la société STYL'MONDE que sur la responsabilité contractuelle de droit commun, les dispositions de l'article 1792 du Code Civil n'étant pas applicables ; qu'il est donc nécessaire de prouver sa faute, la préjudice subi et le lien de causalité.

Sa mission s'étant arrêtée à l'obtention du permis de construire, aucune faute ne peut lui être reprochée pour l'exécution du mur et de la porte coupe-feu. Il indique que c'est la société ITEC, sous-traitant de EM2C, qui a conçu techniquement le mur coupe-feu.

* * *

5) Conclusions de la compagnie ALLIANZ IARD (anciennement dénommée AGF

IART) reçues le 16 mars 2010 :

Elle conteste être l'assureur de Monsieur [U] et sollicite sa mise hors de cause à ce titre.

Elle indique qu'elle a été l'assureur de la société GALATI jusqu'au 31 décembre 1997, date de résiliation du contrat ; que les travaux effectués pour le chantier de la société STYL'MONDE n'avaient pas débuté à cette date et ne peuvent donc être garantis. Elle relève qu'aucune des parties n'a formulé de demande à son encontre en sa qualité d'assureur de la société GALATI, à l'exception de Monsieur [U] qui ne soutient pas en quoi sa mise en cause est justifiée.

Elle conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation in solidum de la SA EM2C, la SA AXA FRANCE et la SA ZURICH à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'avoir attraite à la procédure et la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

Sur les demandes présentées à son encontre en sa qualité d'assureur de la société GALATI, elle conclut à leur rejet et à titre subsidiaire elle demande à être relevée et garantie par la SA EM2C et son assureur la Compagnie L'AUXILIAIRE, Monsieur [U] et la société ITEC.

Elle réclame à Monsieur [U] le paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

* * *

6) Conclusions de la MAAF ASSURANCE, assureur de la société GALATI, reçues le 14/1/2010 :

Elle conteste être l'assureur de Monsieur [U].

Elle conclut à sa mise hors de cause en sa qualité d'assureur de la société GALATI et à titre subsidiaire à l'absence de faute de la société GALATI. A titre infiniment subsidiaire, elle demande à être relevée et garantie par Monsieur [U] et son assureur AXA, la société STYL'MONDE et ses assureurs ZURICH et AXA, la société EM2C et son assureur L'AUXILIAIRE, le CETEN APAVE et son assureur, les LLOYD'S DE LONDRES, la société ASCR CELLUPICA et son assureur la société AXA, la société ITEC et son assureur L'AUXILIAIRE, et enfin par la compagnie AGF en sa qualité d'assureur de la société GALATI. Elle réclame le paiement de la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir qu'elle a souscrit un contrat avec la société GALATI à effet du 1er janvier 1998 ; que les travaux d'extension ayant débuté en novembre 1997, c'est la société ALLIANZ qui doit sa garantie.

A titre subsidiaire, sur les responsabilités, elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'absence de lien de causalité. Sur les fautes, elle rappelle que l'expert a retenu que les deux erreurs de conception étaient imputables à la société EM2C et non à son sous-traitant GALATI qui a réalisé le mur coupe-feu conformément au descriptif technique qu'elle lui avait remis.

Sur la garantie de la Compagnie l'AUXILIAIRE en qualité d'assureur de la société EM2C, elle invoque en premier lieu l'application de la garantie décennale et en second lieu l'application de l'avenant au contrat responsabilité civile travaux et chantiers ayant pris effet au 1er janvier 1997, qui prévoit que les dommages matériels et immatériels ont pour seuil une somme de 15.000.000 F pour l'activité de contractant général. La Compagnie L'AUXILIAIRE ne peut donc invoquer un plafond de 150.000 € qui ne correspond qu'à la responsabilité civile professionnelle pour la maîtrise d'oeuvre.

* * *

7) Conclusions de Me SENECLAUZE, liquidateur amiable de la société ITEC, reçues le 11/9/2009 :

La SARL ITEC conclut à titre principal à la confirmation du jugement, à titre subsidiaire à l'absence de faute de sa part et à titre infiniment subsidiaire, si sa responsabilité était retenue, à la garantie de son assureur la compagnie L'AUXILIAIRE. Elle sollicite en outre la condamnation des appelantes et de Monsieur [U] ou de qui mieux il appartiendra au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle soutient que Monsieur [U] a conçu l'intégralité de l'étude du mur coupe-feu et de la porte coupe-feu à mettre en oeuvre entre les deux bâtiments. Elle n'est intervenue dans l'opération qu'en qualité de sous-traitant de la société EM2C. Elle prétend avoir établi les plans de 'coffrage- ferraillage- fondations- élévation' du mur coupe feu sur la base des préconisations de monsieur [U]. Elle conteste le non-respect des règles APSAD alors même qu'elle ont été rappelées dans le projet de Monsieur [U] et reprises par elle-même.

Elle soutient qu'il n'existe aucun lien de causalité entre la défectuosité alléguée du mur et de la porte et le dommage, en raison de la violence de l'incendie qui se serait transmis au deuxième bâtiment même si le mur et la porte avaient bien fonctionné. Elle ajoute que le maître de l'ouvrage a commis une faute en laissant la porte coupe-feu ouverte après qu'une réparation de fortune ait été réalisée quelques jours avant l'incendie

Elle estime que les autres intervenants et notamment la société GALATI, qui a édifié le mur, le bureau de contrôle CETEN APAVE et la société ASCR CELLUPICA qui a posé la porte, doivent voir leur responsabilité engagée.

* * *

8) Conclusions de la compagnie L'AUXILIAIRE, assureur de la SARL ITEC, reçues le 10/11/2009 :

Elle reprend les faits et moyens exposés par son assurée, rappelle que sa garantie est limitée par un plafond de 1.524.000 euros avec une franchise de 10%, et en cas de condamnation, elle demande à être relevée et garantie par Monsieur [U].

Elle réclame le paiement par les appelantes de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

* * *

9) Conclusions de la société ASCR CELLUPICA reçues le 29 avril 2010 :

Elle conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société EM2C solidairement avec AXA FRANCE et ZURICH à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire et la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir qu'elle a seulement posé la porte coupe-feu qui lui avait été fournie par la société EM2C ; que sur intervention du Ceten APAVE, elle a revu entièrement le système d'ancrage de la porte dans le mur séparatif en raison de la fragilité du mur en parpaing. Elle explique avoir effectué avant le sinistre des travaux sur la porte coupe-feu, qui, après son intervention fonctionnait normalement. Elle rappelle qu'au moment de l'incendie la porte était restée ouverte et même bloquée avec une cale, et considère qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. Elle maintient que son assureur est la compagnie AXA.

* * *

10) Conclusions de la société AXA FRANCE IARD, reçues le 16/2/2010 :

Elle conteste depuis le début de la procédure être l'assureur de la société ASCR CELLUPICA, assurée par L'AUXILIAIRE, demande la confirmation du jugement, qui a prononcé sa mise hors de cause, et la condamnation des autres parties à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

* * *

11) Conclusions du CETEN APAVE INTERNATIONAL et son assureur les SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S DE LONDRES, reçues le 28 juillet 2009 :

Ils concluent à la confirmation du jugement qui les a mis hors de cause et réclament la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Ils font valoir que les sociétés appelantes n'ont pas formé de demandes à leur encontre; que la société EM2C invoque à tort la responsabilité du CETEN APAVE sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil en l'absence de tout lien de droit ; que l'existence d'une faute pouvant lui être reprochée n'est pas établie. Ils ajoutent que la mission de contrôleur technique est incompatible avec toute activité de conception, réalisation ou expertise, et est soumise à un régime spécifique de responsabilité limité au regard des conditions de son intervention, le contrôleur étant un simple donneur d'avis ne disposant pas de moyens de contrainte. Ils estiment donc qu'en admettant même un manquement dans la mission d'information du maître de l'ouvrage, celui-ci n'a pu concourir directement à la production du dommage puisqu'il a été précédé d'une erreur de conception ou d'exécution.

Ils ajoutent que dans le cadre de la construction du deuxième bâtiment, le CETEN APAVE s'est vu confier une mission de contrôle de la solidité des bâtiments existants, de la solidité des ouvrages et une mission relative à la sécurité des personnes limitée aux installations électriques fixes; qu'il n'a pas reçu de mission de vérification de conformité des installations coupe-feu, contrairement aux indications de l'expert.

La société GALATI n'a pas constitué avoué et n'a pas été appelée dans la cause. La cour n'est donc pas saisie à son égard.

La procédure a été clôturée en l'état par ordonnance en date du 30 avril 2010.

DISCUSSION

Il n'est pas discuté que le dispositif prévu pour protéger l'entrepôt de stockage de la communication d'un incendie prenant naissance dans le bâtiment de fabrication n'a pas rempli son office. Il est soutenu, en revanche, que même si ce dispositif avait normalement fonctionné, l'incendie, en raison de sa violence, aurait détruit le bâtiment de stockage. La cour doit donc, au préalable, rechercher si la propagation du feu pouvait être stoppée par le mur et la porte coupe-feu.

Sur le lien de causalité entre le dysfonctionnement du système de protection contre l'incendie et la propagation du feu au bâtiment de stockage :

Le rapport d'expertise a mis en évidence les éléments suivants :

- le bâtiment de la société STYL'MONDE, dans lequel se trouvent les ateliers de fabrication, a fait l'objet en 1998 d'un agrandissement par l'adjonction d'un nouveau bâtiment servant d'entrepôt de stockage ; les assureurs ont exigé la réalisation d'un mur séparatif coupe-feu de 2 heures, et pour permettre la communication entre les deux bâtiments, une porte coupe-feu à fermeture automatique a été préconisée ;

- le vendredi 12 novembre 1999, alors que l'unité de fabrication était fermée depuis le 10 novembre au soir, et que la porte coupe-feu avait été laissée ouverte, un incendie, ayant vraisemblablement pour origine l'échauffement d'une étuve, a rapidement embrasé la toiture de ce bâtiment ; la porte coupe-feu ne s'est pas refermée malgré la fonte du fusible qui aurait dû déclencher le dispositif de fermeture ; l'entrepôt de stockage a été détruit par l'incendie;

- l'expert, après avoir constaté que le système de protection contre l'incendie n'avait pas convenablement fonctionné, a poursuivi sa mission en déterminant les causes de ce dysfonctionnement.

Toutes les parties intimées sollicitent la confirmation du jugement qui a écarté l'existence d'un lien de causalité entre la défaillance du système de protection et la propagation du sinistre à l'entrepôt, au motif que la violence de l'incendie était telle que la porte coupe-feu, même fermée, conçue pour résister seulement deux heures, n'aurait pas empêché la propagation de l'incendie à l'autre bâtiment. Le premier juge a considéré qu'en l'absence d'information sur le délai d'intervention des pompiers et sur le temps qu'il avait fallu pour maîtriser l'incendie, l'existence de ce lien de causalité n'était pas établie.

Or, l'expert n'a jamais affirmé que même en cas de fermeture de la porte coupe-feu l'incendie aurait aussi ravagé le nouveau bâtiment :

- dans le compte-rendu n° 4 de son rapport, contenant le dire du conseil de la société EM2C faisant observer que le feu avait duré 13 à 14 heures et que la protection mise en place, mur et porte coupe-feu, n'aurait pas résisté, ce qui rend inutile l'étude de l'aggravation du préjudice causée par le non-fonctionnement du système anti-incendie, la réponse de l'expert a été la suivante: '1er appel : 15 h ; 15h20 : embrasement des 2700m²; 16h30 : embrasement des 4200 m² ; 17 h : les secours ont maîtrisé le feu; deux heures pour éteindre le feu après l'alerte, entrepôt compris : le mur coupe-feu aurait pu sauvegarder l'entrepôt'. Il ajoute un peu plus loin dans ses pré-conclusions: 'il a été convenu que l'intervention des pompiers aurait pu empêcher la propagation du feu à l'entrepôt, si le mur coupe-feu avec sa porte avaient été effectivement coupe-feu de 2 heures'. Aucune des parties n'a contesté en cours d'expertise ces informations données par l'expert sur le déroulement de l'incendie, ni n'a sollicité de nouvelles investigations sur ce point. Il convient donc de considérer que ces informations ont été considérées comme exactes.

- dans le compte-rendu n° 5, l'assureur de la société EM2C a rappelé les observations de Mr [M], expert, dont le rapport était joint à l'enquête diligentée par le procureur de la république, selon lesquelles 'il n'était pas certain que la porte coupe-feu, si elle avait fonctionné, aurait nécessairement évité la propagation du sinistre du fait de l'élévation de la température des cloisons séparant les deux locaux'. Monsieur [N] a répliqué que cet expert, qui n'évoquait même pas le mur coupe-feu, n'avait pas pour mission de rechercher les causes de la propagation du sinistre. Il a confirmé ensuite l'exactitude du résumé des débats de la réunion d'expertise du 25 avril fait par le conseil de Monsieur [U] dans son dire, annexé au même compte-rendu : 'l'incendie s'est propagé dans la partie haute du bâtiment ancien par l'isolant, autorisé à l'époque de la construction, ...il ne s'est pas propagé par la toiture , le mur coupe-feu ayant parfaitement rempli son office, et n'a pu se propager du bâtiment ancien où il a pris naissance au bâtiment récent que par la porte coupe-feu restée ouverte'.

Par conséquent, il existe bien un lien de causalité entre la propagation de l'incendie dans le nouveau bâtiment et la défaillance du dispositif anti-incendie constatée par l'expert. Le jugement doit être infirmé sur ce point.

Sur les causes des défaillances du dispositif anti-incendie :

Selon l'expert, ces causes sont les suivantes :

- le personnel de la société STYL'MONDE est parti pour un week-end prolongé sans fermer la porte coupe-feu, mais celle-ci aurait dû se fermer automatiquement, ce qui n'a pas été le cas ;

- le dispositif de déclenchement de la fermeture automatique a cependant bien fonctionné: lorsque la température a atteint 70°, le fusible de commande, placé sur le linteau de la porte a fondu, et a déclenché ainsi la commande de fermeture ;

- mais, sous l'effet de la chaleur dégagée par l'embrasement des plaques isolantes en toiture (plus de 900°) la charpente métallique s'est dilatée, exerçant une poussée sur le mur coupe-feu, qui s'est déformé et dont les moellons disjoints ont bloqué la porte qui n'a pu se refermer.

L'expert conclut que le feu ne se serait pas propagé à l'entrepôt :

- si un fusible supplémentaire avait été installé dans le faîtage, car il aurait déclenché la fermeture de la porte coupe-feu avant la déformation de la charpente entraînant celle du mur coupe-feu : il s'agit d'une faute de conception et réalisation ;

- si le mur coupe-feu et la pose de la porte avaient été réalisés conformément aux normes APSAD (portique rigide en béton); il s'agit également d'une faute de conception et réalisation ;

- évidemment si la porte avait été fermée au moment de la cessation du travail dans l'atelier.

Sur les fautes des différents intervenants dans l'opération de construction à l'origine de la défaillance du dispositif anti-incendie :

1 - L'architecte Monsieur [U] :

Sa mission s'est limitée à la conception architecturale du bâtiment et s'est arrêtée à l'obtention du permis de construire. Il n'a pas eu en charge la définition technique détaillée du mur coupe-feu et de la porte. Sa responsabilité a donc été écartée à juste titre par l'expert.

2- La société EM2C :

Se présentant elle-même sous la qualification de 'donneur d'ouvrage' ou de 'contractant général', elle a passé avec le maître d'ouvrage un marché global et a livré un bâtiment industriel 'clés en mains'. Le maître d'oeuvre désigné dans la liste des sous-traitants n'est pas intervenu, ni aucun autre à sa place. La société EM2C a donc assuré la maîtrise d'oeuvre pendant la construction. Elle a elle-même commandé la porte coupe-feu et a fourni à l'entreprise de maçonnerie les plans du mur coupe-feu établis sur sa demande par la société ITEC.

Elle avait l'obligation de construire un mur séparatif coupe-feu 2 heures avec porte coupe-feu. Parfaitement informée des exigences des assureurs du maître de l'ouvrage, elle devait respecter les règles Apsad et plus particulièrement les règles R15 et R 16. L'expert lui reproche :

- d'avoir considéré que les moellons creux du mur coupe-feu présentaient une résistance suffisante pour supporter le poids de la porte coupe-feu (malgré les réserves du CETEN APAVE émises le 8/1/1998), de s'être abstenue de réaliser un portique en béton, de ne pas s'être assurée que le mur coupe-feu était mécaniquement stable, et ainsi de ne pas avoir respecté les règles et recommandations de l'APSAD tant pour le mur coupe-feu que pour la pose de la porte coupe-feu ;

- de ne pas avoir prévu, compte-tenu de la hauteur sous plafond, un jeu de fusibles supplémentaires ou tout autre système de détection en toiture afin de déclencher au plus vite la fermeture de la porte coupe-feu ;

- de ne pas avoir recommandé au maître de l'ouvrage une étude du risque incendie, et à la fin des travaux une visite de vérification de conformité des installations, comme le précise la recommandation APSAD R 16.

3- La société ITEC :

La société EM2C a commandé le plan du mur coupe-feu à la société ITEC qui n'a pas appliqué les règles Amsad.

4- La société GALATI :

Aucune faute ne peut être reprochée à cette entreprise de maçonnerie qui a construit un mur conforme au plan de la société ITEC et au descriptif technique établi par la société EM2C.

5- La société ASCR CELLUPICA :

Aucune faute non plus ne peut lui être reprochée : elle a seulement procédé à la pose de la porte coupe-feu fournie par la société EM2C. L'expert a vérifié qu'après son intervention peu avant le sinistre, la porte fonctionnait normalement.

6- Le CETEN APAVE :

Sa mission était limitée à la solidité des ouvrages(et équipements indissociables) et à la sécurité des personnes (seulement pour les installations électriques).

Le CETEN APAVE a émis des réserves en constatant l'accrochage non-conforme de la porte coupe-feu, alors qu'il n'y était pas tenu puisqu'il s'agissait d'un élément dissociable et que la mission sécurité ne portait pas sur la porte coupe-feu. En revanche, tel n'est pas le cas du mur coupe-feu , qui est un élément indissociable. Il a donc commis une faute en s'abstenant d'émettre un avis sur la construction de ce mur.

Sur les demandes des compagnies d'assurance AXA FRANCE et ZURICH :

Ayant indemnisé leur assurée, la société STYL'MONDE, les appelantes sont subrogées dans ses droits. L'incendie n'a pas pour origine un vice de construction. C'est donc bien sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil que la responsabilité de la société EM2C doit être recherchée. Ses erreurs de conception du dispositif anti-incendie et manquements aux règles de l'art ont été caractérisés par l'expert.

La société EM2C n'est pas fondée à se prévaloir de l'imprudence de la société STYL'MONDE, qui a omis de fermer la porte coupe-feu pendant le week-end prolongé au cours duquel s'est produit le sinistre, alors qu'elle ne démontre pas lui avoir donné connaissance de la règle imposant cette fermeture en cas d'arrêt de travail prolongé (compte-rendu de l'expert n° 5 p 49). Ce dernier a écarté formellement l'hypothèse selon laquelle le fonctionnement de la porte coupe-feu aurait été bloqué par une cale en bois. Enfin, dès lors que la société EM2C a assumé la maîtrise d'oeuvre d'exécution, il lui appartenait d'attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur la nécessité d'une étude du risque incendie et d'une vérification de la conformité du dispositif incendie qu'elle a mis en oeuvre.

La société EM2C doit donc être déclarée responsable de l'intégralité du préjudice de la société STYL'MONDE résultant de l'extension de l'incendie à l'entrepôt de stockage, tel qu'il a été évalué contradictoirement par les différents experts des assureurs concernés.

La compagnie L'AUXILIAIRE reconnaît devoir sa garantie au titre de la responsabilité civile professionnelle de la société EM2C afférente à son activité de contractant général comprenant la mission de maîtrise d'oeuvre qu'elle a assurée ou sous-traitée. Les fautes commises relevant de la maîtrise d'oeuvre, la limite spéciale de garantie prévue pour la responsabilité civile professionnelle maîtrise d'oeuvre doit s'appliquer.

Le montant du préjudice n'étant pas discuté, il convient de fixer les créances des appelantes conformément à leurs demandes respectives au titre des dommages subis, ainsi que leurs créances en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile .

Sur les appels en garantie de la société EM2C :

Aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Monsieur [U], qui n'a pas assuré la conception technique du dispositif anti-incendie.

Le CETEN APAVE aurait dû émettre des réserves sur la construction du mur coupe-feu. Sa responsabilité doit être retenue sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil.

Parmi les sous-traitants de la société EM2C, seule la responsabilité contractuelle de la société Itec, qui a établi le plan du mur coupe-feu, doit être retenue.

Compte-tenu de la gravité respective des fautes commises, la cour estime que la responsabilité du Ceten Apave doit être fixée à hauteur de 10 % et celle de la société ITEC à hauteur de 40 %.

Le CETEN APAVE, avec son assureur LLOYD'S DE LONDRES, et la société ITEC, avec son assureur la compagnie l'AUXILIAIRE, doivent donc être condamnés in solidum à relever et garantir la société EM2C et son assureur la compagnie l'AUXILIAIRE à concurrence de 50 % du montant des indemnités ci-dessus mises à leur charge, étant précisé que dans leurs rapports réciproques, le CETEN APAVE supportera la charge de cette condamnation à hauteur de 10%  et la société ITEC à hauteur de 40%.

Sur les autres demandes :

Les demandes en dommages-intérêts formées par la société AGF, qui se plaint d'avoir été attraite à tort dans la cause en sa qualité d'assureur de Monsieur [U], et qui reproche à ce dernier d'être le seul à encore solliciter sa garantie en tant qu'assureur de la société GALATI doivent être rejetées comme mal fondées, aucune faute pouvant être reprochée à Monsieur [U] n'étant caractérisée.

La mauvaise foi de la société EM2C n'étant pas plus démontrée, la demande en dommages-intérêts de la société ASCR CELLUPICA doit également être rejetée.

L'équité commande d'allouer à la société ASCR CELLUPICA, à la société GALATI, à la MAAF Assurances, à la société AGF IART une indemnité complémentaire en cause d'appel de 3 000 €, chacune, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile , dont la charge incombe à la société EM2C, garantie par la compagnie L'AUXILIAIRE.

Les autres demandes en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement critiqué, sauf en ce qu'il a dit que la responsabilité de la société EM2C devait être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, et en ce qu'il a condamné la société EM2C à verser des indemnités en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile à Monsieur [U], le CETEN APAVE, la société ASCR CELLUPICA, la MAAF, et la société AGF.

Fixe au passif de la société EM2C la créance de la société ZURICH à la somme de 827.770,27 €, la créance de la société AXA FRANCE IARD (venant aux droits de la société AXA COURTAGE) à la somme de 804.169,79 €, outre intérêts de droit à compter de l'assignation, ainsi que la créance de chacune des appelantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 5 000 €,

Dit que la compagnie L'AUXILIAIRE doit sa garantie à la société EM2C en application de de la police responsabilité civile Travaux et Chantiers, sous réserve de la limitation de garantie et de la franchise prévues par l'avenant 'contractant général'concernant la responsabilité civile professionnelle maîtrise d'oeuvre.

En conséquence, condamne la compagnie L'AUXILIAIRE, en sa qualité d'assureur de société EM2C, à payer, dans les limites des conditions de la police souscrite, sous réserve de la précision ci-dessus énoncée, et sous déduction de la franchise contractuelle :

- à la société ZURICH la somme de 827 770.27 €,

- à la société AXA FRANCE IARD la somme de 804.169,79 €,

- à chacune d'elles la somme de 5 000  € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum le CETEN APAVE, avec son assureur LLOYD'S DE LONDRES, et la société ITEC, avec son assureur la compagnie L'AUXILIAIRE, à relever et garantir la société EM2C et son assureur la compagnie l'AUXILIAIRE à concurrence de 50 % du montant des indemnités mises à leur charge, et dit que dans leurs rapports réciproques, le CETEN APAVE supportera la charge de celles-ci à hauteur de 10% et la société ITEC à hauteur de 40%,

Déboute la société AGF IART et la société ASCR CELLUPICA de leurs demandes en dommages-intérêts,

Fixe au passif de la société EM2C à la somme de 3 000 €, chacune, la créance d'indemnité complémentaire due en application de l'article 700 du code de procédure civile à la société ASCR CELLUPICA, à la société GALATI, à la MAAF Assurances et à la société AGF IART,

Condamne la compagnie L'AUXILIAIRE à relever et garantir la société EM2C de cette condamnation ;

Condamne in solidum le CETEN APAVE avec son assureur, et la société ITEC avec son assureur à relever et garantir la société EM2C et son assureur du paiement de ces indemnités à hauteur de 50 % de leur montant et dit que dans leurs rapports réciproques, le CETEN APAVE supportera la charge de celles-ci à hauteur de 10%  et la société ITEC à hauteur de 40%.

Rejette les autres demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Met à la charge de la société EM2C, garantie par la compagnie L'AUXILIAIRE, les dépens d'appel et de première instance, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués: SCP BRONDEL & TUDELA, AGUIRAUD NOUVELLET (Maaf), LIGIER de MAUROY & LIGIER (Allianz), Maître [C] (Mr [U] et Axa, assureur ASCR Cellupica), et Maître [W] (ASCR Cellupica) ;

Condamne in solidum le CETEN APAVE, et la société ITEC à relever et garantir la société EM2C € son assureur de cette condamnation à hauteur de 50 % de son montant, et dit que dans leurs rapports réciproques, le CETEN APAVE supportera la charge de celle-ci à hauteur de 10%  et la société ITEC à hauteur de 40%.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 09/01303
Date de la décision : 12/07/2010

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°09/01303 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-07-12;09.01303 ?
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