R.G : 09/05116
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON au fond du
30 juin 2009
RG N°07.5741
[Z]
C/
Sa M.C.G.B.
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE B
ARRET DU 04 MAI 2010
APPELANT :
Monsieur [W] [Z]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 6] (Vietnam)
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE
avoués à la Cour
assisté de Me GAUDE
avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
Sa M.C.G.B.
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER
avoués à la Cour
assistée de Me PIQUET-GAUTHIER
avocat au barreau de LYON
L'instruction a été clôturée le 16 février 2010
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 22 mars 2010
L'affaire a été mise en délibéré au 04 mai 2010
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :
Président : Monsieur BAIZET,
Conseiller : Monsieur ROUX,
Conseiller : Madame MORIN
Greffier : Madame JANKOV, pendant les débats uniquement.
A l'audience Monsieur BAIZET a fait son rapport conformément à l'article 785 du Code de procédure civile.
ARRET : contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Monsieur BAIZET, président de chambre et par Madame JANKOV greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 26 février 1992, la Sci Serly, aux droits de laquelle vient désormais la société M.C.G.B., a consenti à Madame [C] un bail commercial portant sur un local à usage d'officine de pharmacie, sis [Adresse 3]).
Ce bail a été consenti pour une durée de neuf années à compter du 24 juin 1991 et jusqu'au 24 juin 2000, moyennant un loyer annuel principal de 51.659,90 francs outre charges et révision légale.
Par acte notarié en date du 31 mai 1999, Madame [C] a cédé son fonds de commerce à Monsieur [W] [Z], celui-ci se trouvant ainsi subrogé dans les droits et obligations du locataire à compter du 1er juin 1999.
Dès le 07 septembre 1999, Monsieur [W] [Z] a dénoncé au bailleur l'état des locaux comme n'étant pas aux normes et ne permettant pas la bonne conservation des produits chimiques et pharmaceutiques. Il a alors entrepris de ne plus régler le loyer.
Par ordonnance de référé en date du 17 avril 2000, Monsieur [W] [Z] a été condamné à payer les loyers et charges arriérés.
A compter de l'année 2001, les autorités administratives ont ordonné à Monsieur [W] [Z], l'exécution de travaux afin que les locaux soient compatibles avec l'exercice de l'activité d'officine de pharmacie.
Le 18 avril 2003, Monsieur [W] [Z] a ainsi fait assigner la société M.C.G.B. en référé, afin d'obtenir une mesure d'expertise des locaux tendant à déterminer les travaux à réaliser et notamment les grosses réparations visées à l'article 606 du Code Civil, à la charge du bailleur.
Sur appel d'une ordonnance de référé l'ayant débouté de sa demande, la Cour a ordonné une expertise.
Monsieur [Z] a alors sollicité la condamnation de la société M.C.G.B. à lui payer la somme de 113.620 euros au titre des travaux de réfection du local commercial.
Par jugement du 30 juin 2009, le tribunal de grande instance de LYON l'a débouté de sa demande et l'a condamné à payer à la société M.C.G.B. la somme de 1.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et celle de 1.200 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur [Z], appelant, conclut à la réformation du jugement et sollicite la condamnation de la société M.C.G.B. à lui payer les sommes de :
- 8.611,20 euros au titre des travaux électriques,
- 15.000,00 euros pour le préjudice de jouissance lié à l'absence de chauffage dans les locaux,
- 6.314,13 euros au titre de la reprise des travaux sur plafonds et murs,
- 2.931,31 euros au titre des travaux de plomberie,
- 8.611,20 euros pour la reprise des planchers,
- 2.870,40 euros au titre de la reprise de l'escalier,
- 1.000,00 euros destinée à la prise en charge des frais de maîtrise d'oeuvre et en réparation de la résistance abusive du bailleur à l'exécution de ses obligations légales et contractuelles.
Il demande enfin, 'en tant que de besoin', la condamnation de la société M.C.G.B.à procéder à l'exécution des travaux de reprise sous verrière, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que la clause du bail contenu aux conditions générales, obligeant à 'prendre les lieux loués dans leur état actuel' ne déroge pas à l'obligation qui est faite au bailleur de procéder à son obligation de délivrance conforme. Il considère qu'il est établi par le rapport d'expertise que l'état de vétusté du local de pharmacie est ancien et antérieur à la signature du bail, et qu'il ne peut conduire le bailleur à laisser au locataire la charge de toutes les réparations dites locatives au sens de l'article 1755 du Code Civil. Il ajoute que l'essentiel des dégâts est soit constitué d'un vice originel tel que l'on ne peut considérer que l'obligation de délivrance conforme ait été exécutée, soit formé de dommages de nature locative, mais dont l'expertise a clairement mis en évidence l'extrême ancienneté et le lien entre leur état et la vétusté.
La société M.C.G.B., intimée, conclut à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de Monsieur [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive. Elle fait valoir que l'obligation de délivrance doit s'apprécier à la conclusion du bail vis à vis du preneur en titre, et non de ses cessionnaires ultérieurs, et que Monsieur [Z] ne peut, plus de huit ans après la délivrance initiale, rechercher son bailleur au titre de cette obligation. Elle souligne qu'il a acquis des locaux non entretenus et dégradés depuis de nombreuses années et a, dans le même temps, renoncé à tout recours à l'encontre de son vendeur. Elle estime que les parties ont dérogé à l'obligation de réparation prévue par l'article 1720 du Code Civil, de sorte qu'elle n'est tenue qu'aux grosses réparations visées à l'article 606 du Code Civil. Elle ajoute qu'en vertu d'une stipulation particulière du bail, les travaux prescrits par l'autorité administrative sont exécutés sous la responsabilité et aux frais du preneur.
Elle précise que les seuls travaux de couverture à sa charge pour remédier à des infiltrations ont été refusés par Monsieur [Z] dans un premier temps, mais qu'elle les a de nouveau commandés à une entreprise.
MOTIFS
Attendu qu'en application des articles 1719 et 1720 du Code Civil, le bailleur est obligé de délivrer au preneur la chose louée et de l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; que la clause selon laquelle le preneur prend les lieux dans l'état où ils se trouvent ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance ; que cependant, il peut être dérogé par des conventions particulières aux dispositions de l'article 1720 qui met à la charge du bailleur toutes les réparations autres que locatives ;
Attendu par ailleurs que le bailleur est tenu de supporter le coût des travaux nécessaires pour mettre les locaux en conformité avec les normes exigées par la réglementation en vigueur, sauf stipulation contraire du bail ;
Attendu en l'espèce que le bail prévoit que le locataire prend les lieux loués dans leur état actuel et que, par dérogation à l'article 1720 du Code Civil, il ne pourra exiger du bailleur aucune réparation, soit à son entrée en jouissance, soit pendant toute la durée du bail, gardant pour son compte toutes celles à faire, sauf celles qui dites 'grosses réparations' sont définies par l'article 606 du Code Civil ; qu'il stipule également que les travaux immobiliers qui seront exigés par l'autorité publique seront exécutés aux frais du preneur ;
Attendu, s'agissant de l'obligation de délivrance, que Monsieur [Z] est subrogé dans les droits de Madame [C] dont il a acquis le fonds de commerce en 1999 ; que cette dernière a pris possession des locaux le 24 juin 1991 et a pu y exercer l'activité d'officine de pharmacie durant huit ans ; que si l'expertise a mis en évidence la vétusté des locaux, le bailleur a néanmoins rempli son obligation de délivrance lors de la conclusion du bail en mettant à la disposition du preneur des locaux en état de servir à l'usage auquel ils étaient destinés ; que si la désignation des équipements des locaux portés dans le bail ne mentionnent pas de système de chauffage, seules des cheminées étant indiquées, le local est néanmoins équipé de radiateurs électriques ; que l'inventaire du matériel joint à l'acte de cession du fonds établi entre Madame [C] et Monsieur [Z] mentionne trois radiateurs électriques, quatre appareils thermodiffuseurs (chauffage) et une climatisation ;
Attendu s'agissant de l'obligation d'entretien, qu'il résulte des stipulations rappelées précédemment que le bailleur n'est tenu que des grosses réparations définies à l'article 606 du Code Civil ; que par une analyse exacte des constatations de l'expert judiciaire, le premier juge a considéré à juste titre que les désordres relatifs à l'installation électrique, au chauffage, à la plomberie, au plancher, à l'escalier de la cave, aux plafonds et aux étagères de stockage ne relevaient pas de l'obligation des grosses réparations à la charge du bailleur, et que les travaux de réfection ordonnés par l'autorité administrative à la suite d'une inspection de la pharmacie devaient être réalisés aux frais du preneur ;
Attendu par contre que les travaux destinés à remédier aux infiltrations d'eau par une verrière, dues à un défaut d'étanchéité de cet élément, relèvent des obligations du bailleur, ainsi que l'admet la société M.C.G.B. ; que cette dernière a commandé les travaux nécessaires au cours des opérations d'expertise ; que ceux-ci n'ont pu être réalisés en raison du refus de Monsieur [Z] ; que dès lors que Monsieur [Z] s'est ravisé et que la société M.C.G.B. est toujours disposée à prendre en charge les travaux qu'elle a commandés à une entreprise, il n'y a pas lieu de la condamner sous astreinte à procéder à l'exécution de ces travaux ;
Attendu que la société M.C.G.B. n'établit ni que Monsieur [Z] a diligenté la procédure de manière abusive, ni qu'elle a subi un préjudice indépendant des frais irrépétibles qu'elle a supportés;
Attendu que l'appelant doit supporter les dépens et une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris, sauf sur la condamnation au paiement de dommages et intérêts,
Réformant de ce seul chef,
Déboute la société M.C.G.B. de sa demande de dommages intérêts,
Donne acte à la société M.C.G.B. de ce qu'elle est disposée à prendre en charge les travaux destinés à remédier aux infiltrations d'eau par une verrière,
Condamne Monsieur [Z] à payer à la société M.C.G.B. la somme supplémentaire de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 EUROS) en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Monsieur [Z] aux dépens, avec droit de recouvrement direct par la Société Civile Professionnelle (Scp) Ligier de Mauroy-Ligier, société d'avoués.
LE GREFFIER LE PRESIDENT