RG : 08 / 01331
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Au fond du 28 novembre 2007
ch n° 1
RG n° 2006 / 9743
SARL BALLOT FLURIN
C /
X...
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE A
ARRET DU 30 AVRIL 2009
APPELANTE :
SARL BALLOT FLURIN APICULTEURS Pavillon des Abeilles 23 bis, rue du Mamelon Vert 65110 CAUTERETS
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée par Me DANGUY avocat au barreau de Pau
INTIME :
Monsieur Hervé X......
représenté par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assisté par la SELARL HILBERT THOMASSIN PEIGNE avocats associés au barreau de Lyon
L'instruction a été clôturée le 18 Mars 2009
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 18 Mars 2009
L'affaire a été mise en délibéré au 30 avril 2009
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :
Président : Madame MARTIN Conseiller : Madame BIOT Conseiller : Madame AUGE Greffier : Mme JANKOV pendant les débats uniquement
A l'audience Mme AUGE a fait le rapport conformément à l'article 785 du CPC.
ARRET : contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par Madame MARTIN, présidente, et par Madame JANKOV, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 13 mars 2003, Monsieur Hervé X... a signé avec la SARL BALLOT FLURIN un contrat d'agent commercial pour une durée indéterminée. Ce contrat lui conférait une exclusivité sur un secteur composé de 21 départements à l'exception du réseau " VIE CLAIRE ", " SOLE BIO PAIS " et " PROBABIO ".
Considérant que Monsieur X... n'exécutait pas le contrat " de bonne foi " et " en toute loyauté ", la société BALLOT-FLURIN y a mis fin pour faute grave, par lettre recommandée avec AR en date du 4 février 2005.
Le 27 juin 2006, Monsieur X... a fait assigner la société BALLOT-FLURIN devant le Tribunal de Grande Instance de LYON en paiement de rappel de commissions, de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de rupture.
Par jugement en date du 28 novembre 2007, le tribunal a condamné la SARL BALLOT-FLURIN au paiement des sommes de 20 447,40 € au titre de l'indemnité de rupture, de 2 413,94 € au titre du préavis, 363,23 € au titre du rappel des commissions et 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par jugement du 30 janvier 2008 rectifiant le précédent, le tribunal a assorti les condamnations d'un intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil.
Par déclaration au greffe de la Cour en date du 29 février 2008, la SARL BALLOT-FLURIN a relevé appel.
Elle conclut à la réformation des jugements, au déboutement de Monsieur X... de toutes ses demandes et à sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Elle demande à la Cour de dire que la rupture du contrat d'agent commercial est justifiée par la faute grave et qu'en conséquence aucune indemnité n'est due.
Elle soutient pour l'essentiel à l'appui de son recours que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le reproche essentiel fait à Monsieur X... n'est pas le refus de la réduction de son secteur mais son manque d'activité se traduisant par un chiffre d'affaires très insuffisant. Elle indique que les pièces qu'elle verse aux débats démontrent qu'avant l'arrivée de l'intimé, la clientèle existait déjà sur son secteur et qu'il avait seulement les magasins de produits naturels, diététiques et biologiques à visiter, soit environ 633 magasins. Elle précise qu'au jour de la rupture du contrat, le portefeuille de Monsieur X... n'était composé que de 36 clients actifs dont 19 magasins " SATORIZ ", clients directs de la SARL BALLOT-FLURIN, que son chiffre d'affaires dans son secteur exclusif a connu une baisse significative (- 12,7 % entre 2003 et 2004) alors que celui de la société était en constante augmentation (+ 9,2 %) et que depuis la rupture du contrat il est en pleine progression.
Elle ajoute qu'elle a effectué une enquête téléphonique auprès des clients du portefeuille de l'agent commercial et qu'elle a pu constater qu'il négligeait les clients identifiés de la société ; que depuis le départ de Monsieur X..., 19 nouveaux clients sont arrivés et le chiffre d'affaires sur son secteur a progressé de 24 % sans recours à un nouvel agent commercial.
Elle indique qu'elle a cherché avec l'intimé une solution amiable que l'intransigeance de celui-ci n'a pas permis de trouver ; que l'exclusivité accordée à Monsieur X... sur un secteur lui interdisait de nommer un nouveau représentant sur ce secteur et qu'elle devait donc soit réduire par accord amiable le secteur soit sanctionner l'agent commercial par la résiliation du mandat. Elle précise que contrairement à ce qu'il soutient, l'article 4 du contrat prévoyait expressément que Monsieur X... visiterait uniquement la clientèle des magasins et non pas les grossistes.
Elle estime que la faute grave résulte d'une activité insuffisante et de la négligence de la clientèle et que l'indemnité de rupture n'est pas due lorsque l'activité du mandataire n'a pas entraîné la conclusion de nouveaux contrats.
En ce qui concerne la demande de rappel de commissions, elle soutient qu'elle est irrecevable concernant les ventes réalisées auprès du grossiste " RELAIS VERT " par la société BALLOT-FLURIN alors que les grossistes étaient exclus du mandat d'intérêt commun, que les commissions pour l'année 2003 et 2004 évaluées par Monsieur X... à 20 084,17 € correspondent à des ventes directes qu'elle a effectuées notamment à " SATORIZ ". Enfin, elle ajoute que l'indemnité de préavis n'est pas due compte tenu des fautes graves commises.
Hervé X... conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a fixé le montant de rappel de commissions à 363,23 € et à sa fixation à la somme de 2 816,77 €. Il sollicite également la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il fait valoir que la société BALLOT-FLURIN ne fait pas la preuve de la faute grave, qu'en réalité elle voulait lui imposer une modification du contrat et que sa résistance est la cause de la rupture.
Il soutient que lors de la signature du contrat, son secteur était vierge à l'exception de 3 clients qui ont été réservés à la société BALLOT-FLURIN, que les pièces versées aux débats par cette dernière ne sont pas probantes s'agissant de relevés établis par elle-même de manière non contradictoire alors même qu'elle a toujours refusé de produire les justificatifs comptables des affaires réalisées sur le secteur.
Il expose que la rupture immédiate pour faute grave n'est due qu'au refus qu'il a opposé à la réduction de son secteur géographique d'intervention. Sur les griefs invoqués par la société appelante, il soutient avoir parfaitement exercé sa mission puisqu'en 23 mois, il a apporté comme le reconnaît l'appelante 53 nouveaux clients. Il indique que par un courrier du 4 août 2004, la société BALLOT-FLURIN faisait état de mauvais résultats sur un plan général et non uniquement sur son secteur. Il reproche à l'appelante l'insuffisance d'informations et de réactions face à des problèmes importants comme la concurrence et les difficultés de livraison et enfin, il conteste l'absence de visites auprès des clients, seuls les clients mécontents étant cités sans que soit faite la preuve que les enquêtes de satisfaction aient porté sur tous les clients de l'intégralité de son secteur.
En ce qui concerne les demandes, il maintient qu'il pouvait intervenir auprès des grossistes et qu'au titre du rappel de commissions de 3 mois il lui est dû la somme de 2 553,54 € HT, soit un total de 2 816,77 € comprenant la somme déjà allouée par le tribunal.
La procédure a été clôturée en l'état par ordonnance en date du 18 mars 2009.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'il résulte des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de Commerce qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, sauf si la cessation du contrat a été provoquée par sa faute grave ; qu'il appartient au mandant de prouver celle-ci ;
Attendu qu'en l'espèce, il a été indiqué à Monsieur X... par la lettre du 4 février 2005 mettant fin à son contrat : " votre manque d'activité chronique se traduit par un chiffre d'affaires très insuffisant sur le secteur géographique qui vous était confié... votre portefeuille se compose aujourd'hui seulement de 53 clients que vous avez personnellement apportés dont 19 ont été perdus au cours de l'exécution de votre mandat " ;
Attendu que la faute invoquée est donc le défaut d'exécution du contrat caractérisé par le manque de résultats et l'insuffisance d'apport de nouveaux clients ;
Attendu qu'aucune clause d'objectif ne figure au contrat ;
Attendu qu'en ce qui concerne le chiffre d'affaires du secteur confié à Monsieur X..., la pièce n° 31 relative à ce résultat dans les 21 départements du secteur de l'intimé fait apparaître pour les deux années antérieures à la signature du contrat de Monsieur X... un chiffre d'affaires HT de 40 645 € et 75 117 € alors que pour les deux années d'exercice de l'intimé il est passé à 142 479 € et 136 125 € ; que selon la société appelante, le chiffre d'affaires attribué à l'intimé s'est élevé en 2003 à 82 488 € HT et en 2004 à 71 978 € ; que par ailleurs, la liste des comptes ouverts sur le secteur, établie le 25 octobre 2004 et ayant servi de base à l'enquête de satisfaction démontre que depuis novembre 2002, Monsieur X..., qui avait commencé à travailler pour BALLOT-FLURIN avant la signature de son contrat, avait apporté 42 nouveaux clients ; que l'action de l'intimé a donc accru les ventes et le nombre de clients sur le secteur qui lui avait été confié ;
Attendu qu'en ce qui concerne l'enquête de satisfaction, réalisée en avril 2005, soit postérieurement au départ de Monsieur X..., elle n'a porté que sur 17 clients dont 9 ont indiqué qu'ils ne voyaient jamais l'agent commercial, 5 qu'ils le voyaient tous les 3 mois, 1 qu'il le voyait toutes les années et 2 qui pour l'un ne commandait plus depuis plusieurs années et pour l'autre s'approvisionnait auprès d'une coopérative ;
Attendu qu'un autre enquête avait été effectuée en juillet et août 2004 et que seulement 7 réponses sont versées aux débats dont 5 indiquent ne jamais voir l'agent commercial, 1 le voir tous les 3 mois et 1 le voir une fois par an ;
Attendu que ces documents ne suffisent pas à établir les carences invoquées à l'encontre de Monsieur X... ; qu'en effet, d'une part les enquêtes ont été réalisées par l'une des parties à l'instance et d'autre part les réponses produites sont limitées et ne concernent pas la totalité de la clientèle du secteur de l'intimé, ce qui ne permet pas d'appréhender la réalité de l'activité de celui-ci ;
Attendu que la société appelante fait état d'une progression du chiffre d'affaires et du nombre de clients après le départ de Monsieur X... ; que si cette progression est bien attestée par son expert comptable, elle concerne ses résultats pour l'ensemble des secteurs et pas uniquement celui de l'intimé ;
Attendu qu'en conséquence, il n'est pas établi que Monsieur X... n'ait pas exécuté son contrat avec diligence et qu'il ait fait preuve d'un manque d'activité chronique ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que celui-ci n'avait pas commis de faute grave privative de l'indemnité de rupture ;
Attendu que la décision entreprise sera également confirmée en ce qui concerne le montant de l'indemnité de rupture allouée à Monsieur X... ; qu'en effet, tant les usages professionnels que la jurisprudence fixent habituellement à deux années de commissions brutes le montant de cette indemnité ; que le préjudice résultant, pour un agent commercial, de la cessation de son mandat, consiste en la perte du droit de traiter avec une certaine clientèle, c'est-à-dire en la perte d'une part de marché ; que les premiers juges ont parfaitement évalué le préjudice de ce chef ;
Attendu que l'intimé devait également bénéficier d'un préavis de 2 mois qui expirait le 30 avril 2005 ; que l'indemnité à ce titre a été justement fixée à la somme de 2 413,94 € ;
Attendu qu'en ce qui concerne les commissions réclamées par l'intimé pour un montant supplémentaire de 2 553,54 €, elles ne sont nullement justifiées par celui-ci qui a cependant eu connaissance pendant son contrat de l'intégralité des ventes de son secteur ; que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a fixé ces commissions à la somme de 363,23 € ;
Attendu que la société appelante sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme les jugements ;
Condamne la SARL BALLOT-FLURIN à payer à Hervé X... la somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, en sus de celle allouée en première instance de ce chef ;
La condamne aux dépens et autorise la SCP LAFFLY-WICKY, titulaire d'un office d'avoué, à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.