RG : 07 / 07864
Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE
RG : 2004 / 3303 du 26 novembre 2007
X...
C /
Y...
COUR D'APPEL DE LYON
2e chambre A
ARRET DU 05 MARS 2009
APPELANTE :
Mme Catherine X... épouse Y... ...née le 25 Septembre 1961 à LYON (69004)
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me DOUSSON-BILLOUDET, avocat au barreau de BOURG EN BRESSE
INTIME :
M. Jean Yves Y... ... né le 09 Janvier 1965 à LYON (69003)
représenté par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assisté de Me Valérie BERTHOZ, avocat au barreau de LYON
L'instruction a été clôturée le 19 Décembre 2008
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 06 Janvier 2009
L'affaire a été mise en délibéré au 26 Février 2009, prorogé au 05 Mars 2009
La Deuxième Chambre A de la Cour d'Appel de LYON,
composée lors des débats et du délibéré de :
Monsieur Jean-Charles GOUILHERS, président,
Madame Michèle RAGUIN GOUVERNEUR, conseillère,
Madame Marie LACROIX, conseillère.
Madame Anne-Marie BENOIT, greffière, pendant les débats en audience non publique uniquement.
A l'audience, Monsieur GOUILHERS a fait le rapport conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Arrêt : contradictoire
prononcé en audience publique par mise à disposition de l'arrêt au Greffe de la Cour d'Appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
Signé par Monsieur Jean-Charles GOUILHERS, président de la Deuxième Chambre A et par Madame Anne-Marie BENOIT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Vu le jugement contradictoire rendu entre les parties le 26 novembre 2007 par le Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE, dont appel ;
Vu les conclusions déposées le 16 octobre 2008 par Catherine X... épouse Y..., appelante, incidemment intimée ;
Vu les conclusions déposées le 11 décembre 2008 par Jean Y..., intimé, incidemment appelant ;
LA COUR,
Attendu que Catherine X... épouse Y... est régulièrement appelante d'un jugement du 26 novembre 2008 par lequel le Tribunal de Grande Instance de BOURG-EN-BRESSE a notamment :
- prononcé le divorce des époux Y...-X... par application de l'article 238 alinéa 2 du Code Civil,
- dit que les père et mère exerceront conjointement l'autorité parentale sur les deux enfants issus du mariage,
- fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère,
- organisé le droit de visite et d'hébergement du père,
- condamné Jean Y... à payer à Catherine X..., pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation des deux enfants communs, une pension alimentaire mensuelle indexée de 70 € pour chacun d'eux, soit en tout 140 € par mois,
- débouté les parties de toutes autres prétentions ;
Attendu, sur la demande principale en divorce de la femme, que celle-ci reproche à son mari d'avoir fait preuve d'un comportement violent et agressif envers sa fille Noémie issue d'un autre lit, de l'avoir elle-même totalement délaissée pour privilégier ses loisirs, de l'avoir publiquement humiliée, d'avoir financièrement abandonné sa famille et enfin, de l'avoir spoliée ;
Attendu, sur les griefs tirés du comportement agressif et violent de Jean Y... à l'égard de sa belle-fille, de l'abandon moral dans lequel il aurait laissé son épouse et de l'abandon financier dont il se serait rendu coupable envers sa famille, que les moyens soutenus par l'appelante ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier Juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs pertinents et exacts que la Cour adopte sans rien y ajouter, ni en retrancher ;
que ces griefs ne sauraient donc être accueillis ;
Attendu, sur le grief tiré des humiliations publiques que l'intimé aurait infligées à son épouse, que celui-ci ne repose que sur la seule attestation de la dame Jocelyne Z... qui, sur ce point particulier, est rédigée en termes généraux sans relater les circonstances exactes d'un fait précis ;
que ce témoignage est donc inopérant et que le grief qu'il est censé établir sera également écarté ;
Attendu, sur le grief tiré de la spoliation de l'épouse par le mari, que l'appelante indique qu'elle a confié à l'intimé, agent d'assurances, des fonds provenant de l'héritage de sa mère et que Jean Y... a placés sur un compte ouvert à son propre nom avant de les utiliser lors de l'acquisition de la maison qui constituait le domicile conjugal ;
Attendu qu'en remettant des fonds personnels à son conjoint pour qu'il les fît fructifier, l'appelante a manifestement eu l'intention de lui en laisser la gestion dans l'intérêt de la famille, solution qu'elle a estimée préférable à celle consistant à les placer elle-même sur un ou des comptes dont elle était déjà titulaire ou qu'elle pouvait ouvrir spécialement ;
qu'en tout état de cause, l'intimé ne conteste pas avoir reçu de son épouse des fonds provenant de la succession de la mère de celle-ci, et que la question de savoir quelle destination leur a été donnée et comment ils doivent être pris en compte dans la détermination des droits des époux relève du contentieux de la liquidation du régime matrimonial ;
qu'il n'est donc nullement établi que l'intimé aurait frauduleusement dépouillé son épouse de l'héritage de sa mère ;
que ce grief ne pouvant, pas davantage que les autres, être retenu, il échet de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a rejeté la demande principale en divorce pour faute présentée par l'épouse et en ce qu'elle a fait droit, sur le fondement de l'article 238 alinéa 2 du Code Civil, à la demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal présentée par le mari ;
Attendu, sur le droit de visite et d'hébergement du père, que le Tribunal l'a fixé, en période de classe, les fins de semaine paires du samedi à 10 heures jusqu'au dimanche soir à 19 heures outre les jours fériés précédant ou suivant immédiatement lesdites fins de semaine ;
que l'appelant prie la Cour de réformer de ce chef et de dire qu'il pourra exercer son droit à compter du vendredi soir à la sortie des classes ;
Attendu que l'intérêt bien compris des enfants exige qu'ils puissent entretenir des liens aussi étroits que possible avec leur père ;
que l'appelante n'oppose aucun élément sérieux à la demande légitime de l'intimé tendant à ce que les enfants puissent profiter pleinement des fins de semaine où ils résident chez lui ;
qu'il convient donc de réformer sur ce point et de dire que pendant les périodes de classe, le droit de visite et d'hébergement du père s'exercera les fins de semaine paires à compter du vendredi à la sortie des cours ;
Attendu en outre, que la juridiction de première instance a dit que le père devra, notamment pendant la période d'été, s'occuper personnellement des enfants sans les confier de manière habituelle et continue à leurs grands-parents paternels ;
que formant également appel incident de ce chef, Jean Y... conclut à ce que la Cour dise n'y avoir lieu d'apporter une restriction particulière aux visites des enfants chez leurs grands-parents ;
Attendu que s'il revient au Juge aux Affaires Familiales de fixer la durée, l'étendue et les modes d'exercice du droit de visite et d'hébergement, aucun texte ne lui confère en revanche le pouvoir de réglementer les relations personnelles qu'entretient le bénéficiaire du droit avec son enfant ;
que la disposition du jugement critiquée par l'intimé est constitutive d'une atteinte à la liberté individuelle qui ne repose sur aucune justification dès lors qu'il n'est pas soutenu que les enfants seraient en situation de danger chez leurs grands-parents paternels ;
qu'au demeurant, il est de l'intérêt des enfants de tisser des relations avec l'ensemble de leur famille et en particulier avec les ascendants de leurs propres parents et qu'il ne saurait être reproché au père de confier ses enfants à leurs grands-parents paternels lorsque ses obligations professionnelles ne lui permettent pas de faire exactement coïncider ses congés avec les périodes qui lui sont dévolues pendant les vacances scolaires ;
qu'il convient donc de réformer sur ce point également et de dire n'y avoir lieu à restriction quelconque des visites des enfants chez leurs grands-parents paternels ;
Attendu, sur la pension alimentaire, que les enfants Bastien et Thibault sont aujourd'hui respectivement âgés de seize et treize ans ;
que Catherine X... a perçu en 2007 un salaire mensuel moyen net imposable de 1 562,21 € selon cumul mentionné sur le bulletin de salaire du mois de décembre 2007 ;
qu'elle bénéficie, en outre, des allocations familiales pour 150 € par mois ;
qu'elle dispose donc d'un revenu mensuel global d'environ 1 700 € par mois pour trois personnes ;
que le remboursement de l'emprunt contracté par les époux pour l'achat d'une résidence secondaire ne saurait être rangé au nombre des charges incompressibles et des dépenses indispensables à la vie courante ;
Attendu que l'intimé, à présent gérant de sociétés, prétend ne tirer de cette activité qu'un revenu mensuel de 1 450 € ;
qu'il convient cependant de relever qu'il revendique assumer les charges suivantes :
- un loyer mensuel de 640 € pour son logement,
- le remboursement de sa quote-part de l'emprunt contracté pour l'achat d'une résidence secondaire, soit 159,38 € (la même remarque devant être formulée sur cette dépense que supra pour les charges alléguées par l'appelante),
- le remboursement d'un emprunt contracté pour l'acquisition d'une automobile à raison de 443 € par mois ;
que sauf à supposer que l'intimé et ses enfants, lorsqu'il les reçoit, ne vivent que de l'air du temps, il est manifeste que pour soutenir le train de vie qui est le sien, alors qu'ainsi que le fait justement remarquer l'appelante, Jean Y... est en mesure de partir en vacances pour des destinations lointaines, de procéder à l'acquisition de parts de sociétés, d'offrir des stages coûteux à ses enfants pendant les vacances d'hiver et d'été, l'intimé bénéficie de ressources occultes et que les moyens dont il dispose sont sans rapport aucun avec ceux qu'il déclare ;
Attendu qu'il y a donc lieu de réformer de ce chef également et de fixer la pension alimentaire litigieuse à la somme mensuelle indexée de 200 € par enfant ;
Attendu, sur la prestation compensatoire, que le mariage a duré neuf ans ;
qu'il a été précédé de neuf ans de vie commune en concubinage et que deux enfants toujours mineurs en sont issus ;
qu'après s'être mariés sous le régime légal, les époux Y...-X... ont adopté le régime de la séparation de biens suivant acte du 26 septembre 2002 homologué par jugement du 11 juillet 2003, définitif ;
que les époux sont respectivement âgés de quarante-quatre ans pour le mari et de quarante-sept ans pour la femme ;
Attendu que Catherine X... a travaillé à mi-temps de juin 1994 à avril 2006 afin de pouvoir consacrer une partie de son temps à l'entretien de son foyer et à l'éducation de ses enfants ;
que s'il est exact qu'elle pourra bénéficier d'une retraite à taux plein, il est néanmoins certain que l'assiette des cotisations ayant été réduite, la pension de retraite le sera également dans son montant ;
que celui-ci est d'ailleurs évalué par la CRAM Rhône-Alpes à 765,42 € par mois à compter du 1er octobre 2021, ce qui est extrêmement minime ;
que certes, les vingt-cinq meilleures années servant de base au calcul, l'appelante peut raisonnablement espérer améliorer le montant de sa retraite mais qu'il n'en demeure pas moins que les douze années de travail à mi-temps auront pour effet de réduire ses droits ;
Attendu que pour le surplus, les situations respectives des parties ont été examinées supra, observation étant faite que contrairement à ce que soutient l'intimé, les allocations familiales et les pensions alimentaires n'ont pas à être prises en considération pour la détermination du droit de l'appelante à prestation compensatoire puisqu'elles ne bénéficient exclusivement qu'aux enfants et qu'elles cesseront d'être dues dans quelques années ;
qu'en revanche, il y a lieu de tenir compte du fait que l'intimé va devoir régler une pension alimentaire mensuelle de 200 € pour chacun des deux enfants communs pendant de nombreuses années encore ;
qu'il convient également de souligner que nonobstant le grand nombre de pièces produites, l'intimé se plaît à entretenir la plus totale opacité sur ses ressources dont il ne dévoile manifestement qu'une partie ;
Attendu par ailleurs que les époux sont propriétaires d'une maison sise à SAINTE-EUPHÉMIE (Ain) qui constituait le domicile conjugal, d'un appartement sis à ORCIÈRES (Hautes-Alpes) et de parts de plusieurs sociétés dont le mari est associé ou gérant ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la rupture du mariage crée, au détriment de la femme, une disparité dans les conditions de vie respectives des époux ;
qu'il échet, en conséquence, de réformer sur ce point également et de condamner Jean Y... à payer à Catherine X..., à titre de prestation compensatoire, la somme de 40 000 € ;
Attendu que les appels principal et incident étant l'un et l'autre partiellement justifiés, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en la cause ;
que pour la même raison, chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil et après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, déclare recevables tant l'appel principal que l'appel incident ;
Au fond, les dit l'un et l'autre partiellement justifiés ;
Réformant, dit qu'en période de classe, Jean Y... pourra exercer son droit de visite et d'hébergement sur les enfants Bastien et Thibault les fins de semaine paires de chaque mois à compter du vendredi, sortie des cours, jusqu'au dimanche à 19 heures, ainsi que les jours fériés précédant ou suivant immédiatement lesdites fins de semaine, et ce dans les mêmes conditions ;
Dit n'y avoir lieu à restriction quelconque aux visites des enfants Bastien et Thibault au domicile de leurs grands-parents paternels ;
Condamne Jean Y... à payer à Catherine X..., pour sa contribution à l'entretien et à l'éducation des deux enfants communs, une pension alimentaire mensuelle de 200 € pour chacun d'eux, soit en tout 400 € par mois ;
Dit que cette pension alimentaire sera payable et indexée selon les modalités définies par la décision entreprise à laquelle le présent arrêt se substitue sur ce point ;
Condamne Jean Y... à payer à Catherine X... la somme de 40 000 € à titre de prestation compensatoire ;
Confirme, pour le surplus, le jugement déféré ;
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;
Accorde à la S. C. P. AGUIRAUD-NOUVELLET et à Me MOREL, Avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.