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20/11/2008 | FRANCE | N°07/06821

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0146, 20 novembre 2008, 07/06821


RG N° : 07/06821
décision du Tribunal de Grande Instance de LYONAu fond du15 octobre 2007
ch n° 4
RG N° : 2006/2540

SA CLINIQUE SAINT LOUISSociété HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLES SASU
C/
OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES INFECTIONS IATROGENES ET NOSOCOMIALESCPAM DE SAONE ET LOIRE
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE A
ARRET DU 20 NOVEMBRE 2008

APPELANTES :
SA CLINIQUE SAINT LOUIS100 rue du Bourbonnais69338 LYON CEDEX O9
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée par Me DEYGAS

avocat au barreau de Lyon
Société HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLES SHAM 18, rue E. Rochet69008 LYON...

RG N° : 07/06821
décision du Tribunal de Grande Instance de LYONAu fond du15 octobre 2007
ch n° 4
RG N° : 2006/2540

SA CLINIQUE SAINT LOUISSociété HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLES SASU
C/
OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES INFECTIONS IATROGENES ET NOSOCOMIALESCPAM DE SAONE ET LOIRE
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE A
ARRET DU 20 NOVEMBRE 2008

APPELANTES :
SA CLINIQUE SAINT LOUIS100 rue du Bourbonnais69338 LYON CEDEX O9
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée par Me DEYGAS avocat au barreau de Lyon
Société HOSPITALIERE D'ASSURANCE MUTUELLES SHAM 18, rue E. Rochet69008 LYON 08
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée par Me DEYGAS avocat au barreau de Lyon

INTIMEES :
OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES INFECTIONS IATROGENES ET NOSOCOMIALESTour Gallieni36, Av Général de Gaulle93170 BAGNOLET
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assisté par Me de la Grange avocat au barreau de Paris
CPAM DE SAONE ET LOIRE113 rue de Paris71000 MACON
représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée par Me de Laborie avocat au barreau de Lyon

L'instruction a été clôturée le 22 Septembre 2008
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 23 Octobre 2008
L'affaire a été mise en délibéré au 20 novembre 2008

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :
Président : Mme MARTINConseiller : Madame BIOTConseiller : Madame AUGEGreffier : Mme JANKOV pendant les débats uniquement
A l'audience Mme MARTIN a fait le rapport conformément à l'article 785 du CPC.
ARRET : contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par Madame MARTIN, présidente et par Madame JANKOV, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
Le 2 septembre 2003, Mme Z... a été opérée à la Clinique SAINT LOUIS par le docteur A... qui a pratiqué une cure de hernie hiatale et d'éventration et le remplacement d'un anneau gastrique.
Le 26 septembre 2003, Mme Z..., qui se plaignait de vives douleurs au niveau de la paroi abdominale, a consulté le docteur A... lequel a débridé la cicatrice sans anesthésie et a constaté un écoulement. Suspectant un syndrome infectieux, il a conseillé la réalisation de pansements quotidiens à mèches iodoformées mais n'a pas prescrit d'antibiothérapie.
L'état de Mme Z... ne s'améliorant pas, le docteur A... a procédé le 7 octobre 2003 à un prélèvement dont l'analyse a mis en évidence un staphylocoque aureus multi-sensible. Des ampoules d'antibiotiques locaux et un traitement par gentalline ont été prescrits.
Par la suite, Mme Z... qui n'était pas guérie a consulté un autre praticien qui, après nouveaux prélèvements, a prescrit un traitement par Pyostacine pour une durée de deux mois associé à des pansements jusqu'au 25 avril 2004.
Le 16 mars 2004, Mme Z... a saisi la Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation de la région Rhône-Alpes afin qu'une expertise soit diligentée. Le docteur B..., désigné comme expert, a indiqué qu'après une opération correctement exécutée, il y a eu une infection de paroi, complication assez bénigne et non exceptionnelle, dont le traitement inadapté et le suivi médiocre n'ont pas permis sa guérison rapide, qu'il s'agit d'une infection nosocomiale, que l'infection de paroi était une complication à redouter chez la patiente qui avait plusieurs facteurs favorisants, qu'après diagnostic le traitement n'a pas été suivi par le chirurgien qui était injoignable, que le traitement a été peu énergique.
La Commission Régionale de Conciliation a rendu son avis le 8 décembre 2004 en indiquant que la responsabilité personnelle du docteur A... a lieu d'être engagée pour manquement à son obligation de soins sur le fondement de l'article 1142-1 I du code de la santé publique et que, d'autre part, l'infection contractée par Mme Z... dans les suites immédiates de son intervention constitue bien une infection nosocomiale engageant la responsabilité de la clinique SAINT LOUIS en l'absence de preuve d'une cause étrangère. Elle a ajouté qu'il appartiendra à l'assureur de la clinique et à celui du docteur A... de faire une offre d'indemnisation à la victime dans la limite, pour chacun, de 50% du préjudice caractérisé par l'expert.
Conformément à cet avis, le docteur A... et son assureur ont fait une offre d'indemnisation de 2.444 euros que Mme Z... a acceptée.
En revanche, la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM), assureur de la clinique SAINT LOUIS, a expressément refusé d'indemniser les préjudices de Mme Z... aux motifs "qu'aucun manquement en matière de lutte contre les infections n'a été commis pendant le séjour en clinique" et que "la cause est étrangère à l'établissement".
Conformément aux dispositions de l'article 1142-15 du code de la santé publique, l'Office National d'Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) a soumis à Mme Z... une offre d'indemnisation d'un montant de 3.001,23 euros au titre de la quote-part incombant à l'assureur de la clinique. Cette offre a été acceptée et a donné lieu à la signature d'un protocole transactionnel le 22 août 2005.
L'ONIAM a alors engagé à l'encontre de la clinique SAINT LOUIS et de la SHAM l'action récursoire prévue par l'article 1142-15 alinéa 4 du code de la santé publique.
Par jugement du 15 octobre 2007, le tribunal de grande instance de Lyon a condamné in solidum la clinique SAINT LOUIS et la SHAM son assureur à :
-payer à l'ONIAM la somme de 3.001,23 euros, outre la somme de 450,18 euros au titre de la pénalité prévue par l'article 1142-15 en cas de silence ou de refus d'indemnisation dans le délai légal, ainsi que la somme de 600 euros en paiement des honoraires de l'expert et la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-payer à la CPAM de Saône et Loire la somme de 7.873,80 euros, outre 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La clinique SAINT LOUIS et la SHAM ont relevé appel du jugement.
A l'appui de leur appel, elles font valoir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de qualifier la faute commise par le docteur A... de cause étrangère au sens des dispositions de l'article L 1142-1 I alinéa 2 du code de la santé publique, lesdites dispositions n'ayant pas pour finalité de créer un système de responsabilité automatique qui interdirait au juge de raisonner à partir de l'imputabilité des dommages, qu'une faute a bel et bien été commise par le docteur A... qui était seul à l'origine des dommages, que le praticien libéral est seul maître du traitement qu'il met en oeuvre et que la clinique ne saurait en aucun cas intervenir dans ce champ de compétence exclusif, que la faute commise, extérieure à la clinique, imprévisible au vu des données de la science et irrésistible, présente bien le caractère d'une cause étrangère.
Elles soutiennent encore que c'est à tort que le tribunal a appliqué de manière automatique une pénalité de 15% alors que le juge doit apprécier son application en fonction des circonstances de l'espèce.
Elles concluent, en conséquence, à la réformation de la décision entreprise et à la condamnation de l'intimé à leur payer la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ONIAM prie la cour de confirmer le jugement sauf à porter à 6.000 euros l'indemnité allouée au titre de l'article 700.
En réponse aux prétentions adverses, il soutient que Mme Z... a été victime d'une infection nosocomiale contractée au sein de la clinique SAINT LOUIS, que la responsabilité de cette dernière est engagée de facto à raison de la survenance de l'infection nosocomiale et que seule la preuve d'une cause étrangère revêtant les critères de la force majeure permettrait à l'établissement de santé de s'exonérer de sa responsabilité, que cette preuve n'est pas rapportée, que la faute du docteur A... ne constitue en rien une cause étrangère de l'infection en cause, qu'elle n'est pas à l'origine de l'infection nosocomiale source de préjudices.
Il ajoute que la pénalité de 15% a été appliquée à bon droit car rien ne pouvait justifier objectivement le refus d'indemniser la victime, que le refus de la SHAM s'apparente à une position de principe qui méconnaît l'esprit et le sens de la loi du 4 mars 2002.
La CPAM de Saône et Loire conclut à la confirmation du jugement et à l'allocation d'une indemnité complémentaire de 500 euros pour les frais irrépétibles exposés devant la cour.

MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise non sérieusement discuté que l'infection de paroi qu'a présentée Mme Z... dans les suites immédiates de son opération est une infection nosocomiale, c'est à dire une infection apparue au cours ou à la suite d'une hospitalisation, qui était absente à l'admission dans l'établissement hospitalier;
Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article L 1142-1 I alinéa 2 du code de la santé publique, les établissements hospitaliers sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère; que la survenance d'une infection nosocomiale entraîne de fait la responsabilité de l'établissement de santé et que ce dernier ne peut s'en exonérer que par la preuve d'une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure;
Attendu que les appelantes considèrent que la faute commise par le docteur A... constitue la cause étrangère susceptible d'exonérer la clinique de sa responsabilité, qu'elles invoquent les dispositions du rapport d'expertise faisant ressortir que le dommage supporté par Mme Z... n'était dû qu'aux fautes commises par le docteur A... (traitement inadapté, peu énergique et suivi médiocre), le praticien étant seul maître du traitement qu'il met en oeuvre;
Attendu qu'il est vrai, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que selon le rapport d'expertise les manquements dans le traitement de l'infection contractée par Mme Z... sont imputables au chirurgien qui a été négligent dans le suivi post-opératoire de sa patiente alors qu'aucun manquement en matière de lutte contre les infections n'a été mis en évidence pendant le séjour en clinique; que, cependant, la faute du docteur A... n'est pas à l'origine de l'infection nosocomiale; que par ailleurs si l'expert a mentionné dans son rapport que la cause de l'infection est étrangère à l'établissement, c'est par référence à la nature du germe retrouvé lors des analyses bactériologiques lesquelles ont permis d'isoler un germe opportuniste tout à fait banal qui n'est pas un germe d'inoculation ou hospitalier;
Attendu que la preuve d'une cause étrangère exonératoire de responsabilité n'est pas rapportée; que le fait qu'il puisse s'agir d'un germe opportuniste tout à fait banal ne peut suffire à l'établir dans la mesure où l'on ignore la provenance du germe isolé et que d'autre part le risque infectieux par staphylocoque est bien connu des professionnels de santé;
Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement qui a dit que la clinique Saint Louis et son assureur doivent contribuer à la réparation du dommage de la victime, par parts égales avec le docteur A...;
Attendu que les premiers juges ont estimé à juste titre qu'il convenait d'appliquer la pénalité de 15% prévue par l'article L 1142-15 du code de la santé publique, la SHAM ayant refusé toute offre d'indemnisation alors que l'existence de l'infection nosocomiale n'était pas sérieusement contestable et que cette infection était à l'origine du préjudice subi par Mme Z...;
Attendu que l'ONIAM peut encore prétendre au remboursement des frais d'expertise;
Attendu que les appelantes ne formulent aucune observation sur leur condamnation prononcée au profit de la CPAM;
Attendu que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions, l'indemnité allouée à l'ONIAM au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant portée à 4.000 euros et une indemnité complémentaire de 300 euros allouée sur le même fondement à la CPAM de Saône et Loire;

PAR CES MOTIFS, LA COUR
Confirme le jugement entrepris en portant à 4.000 euros l'indemnité allouée à l'ONIAM sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Y ajoutant,
Condamne in solidum la clinique Saint Louis et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles à payer à la CPAM de Saône et Loire une indemnité complémentaire de 300 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Condamne in solidum la clinique Saint Louis et la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM) aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP BAUFUME-SOURBE et de Me MOREL avoués.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 07/06821
Date de la décision : 20/11/2008

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Etablissement de santé - Responsabilité du fait d'une infection nosocomiale - Responsabilité de plein droit - Exonération - Conditions - Détermination

Aux termes de l'article L. 1142-1 I alinéa 2 du Code de la santé publique, les établissements hospitaliers sont responsables de plein droit de la survenance d'une infection nosocomiale, sauf pour l'établissement à rapporter la preuve d'une cause étrangère revêtant les caractère de la force majeure. La faute commise par le praticien n'est pas susceptible de constituer une cause étrangère dès lors que cette faute n'est pas la cause directe de l'infection nosocomiale.En l'espèce, si l'on peut imputer au praticien des manquements sérieux dans le traitement de l'infection contractée par la patiente, celui-ci n'étant pas à l'origine directe de cette infection, les négligences alors commises par celui-ci ne sauraient constituer une cause étrangère exonératoire de responsabilité pour l'établissement hospitalier.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lyon, 15 octobre 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2008-11-20;07.06821 ?
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