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30/10/2008 | FRANCE | N°06/05332

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0109, 30 octobre 2008, 06/05332


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION A

ARRÊT DU 30 Octobre 2008

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 06 juillet 2006

N° rôle : 2003j3527

N° R.G. : 06 / 05332

Nature du recours : Appel

APPELANTES :

SARL X... ...... 84000 AVIGNON

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de la SELARL ROUBAUD SIMONIN, avocats au barreau de CARPENTRAS
Compagnie GAN ASSURANCES IARD, anciennement dénommé le GAN INCENDIE ACCIDENTS 8 / 10, rue d'Astorg 753

83 PARIS CEDEX 8

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour
assistée de Me ROCHET, avocat au ...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION A

ARRÊT DU 30 Octobre 2008

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 06 juillet 2006

N° rôle : 2003j3527

N° R.G. : 06 / 05332

Nature du recours : Appel

APPELANTES :

SARL X... ...... 84000 AVIGNON

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de la SELARL ROUBAUD SIMONIN, avocats au barreau de CARPENTRAS
Compagnie GAN ASSURANCES IARD, anciennement dénommé le GAN INCENDIE ACCIDENTS 8 / 10, rue d'Astorg 75383 PARIS CEDEX 8

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour
assistée de Me ROCHET, avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
Compagnie GAN ASSURANCES IARD, anciennement dénommé le GAN INCENDIE ACCIDENTS 8 / 10, rue d'Astorg 75383 PARIS CEDEX 8

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour
assistée de Me ROCHET, avocat au barreau de LYON

Société GRAS SAVOYE venant aux droits de la SA ACTEON, venant aux droits de la société ACL par suite de fusion absorption 2 rue Ancelle 92200 NEUILLY SUR SEINE

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de Me BRUN, avocat au barreau de LYON
Société AGF IART, venant aux droits de la société CAMAT AGF 87 rue de Richelieu 75113 PARIS

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me Xavier RISSELET, avocat au barreau de PARIS
Compagnie GAN EUROCOURTAGE IARD 8 / 10 rue d'Astorg 75383 PARIS CEDEX 08

représentée par Me Annie GUILLAUME, avoué à la Cour
assistée de Me Patrick TARDIEU, avocat au barreau de PARIS
Instruction clôturée le 09 Septembre 2008
Audience publique du 24 Septembre 2008

LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Monsieur Bernard CHAUVET, Président Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller

DEBATS : à l'audience publique du 24 Septembre 2008 sur le rapport de Monsieur Bernard CHAUVET, Président

GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier

ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 30 Octobre 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur X... expert automobile a crée la Ste X... en 1986, dont l'activité principale était l'expertise automobile et notamment celle des véhicules de compétition.

A partir de 1989, la Ste X... a exercé cette activité au bénéfice de Monsieur C... puis de la Ste ACL, courtier acquéreur de son fonds de commerce, au profit de plusieurs sociétés d'assurance.
Invoquant une cessation brutale des relations commerciales en 2001, la Ste X... et Monsieur X... ont donné assignation à la Ste ACL, la Ste GAN ASSURANCES IARD et à la Ste AGF IART, aux droits de la Ste CAMAT AGF le 15 octobre 2003 devant le Tribunal de commerce de LYON pour obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 382 660 euros et, par jugement en date du 6 juillet 2006, ils ont été déboutés de leurs demandes et condamnés à payer à chacune des sociétés citées, la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les 1 août et 26 octobre 2006, la Ste X... a relevé appel de cette décision en intimant la Ste ACL, puis la Ste ACTEON, venant aux droits de celle-ci, la Ste GAN ASSURANCES, puis la Ste GAN ASSURANCES IARD venant aux droits de cette société, la Ste CAMAT AGF puis la Ste AGF IART venant aux droits de cette dernière société.
Le 15 mars 2007, la Ste GAN ASSURANCES IARD a interjeté appel-appel provoqué-contre la Ste GAN EUROCOURTAGE.
Elle expose que la forme juridique de la Ste GAN a évolué au fil des années et que les différentes sociétés GAN EUROCOURTAGE et GAN ASSURANCES, qui tirent le plus grand profit de la confusion qu'elles entretiennent, justifient de la personne morale venant aux droits de la Ste GAN ASSURANCES DIRECTION COURTAGE IA.
La Ste X... fait valoir que jusqu'en janvier 2001 elle détenait l'exclusivité pour les expertises concernant les véhicules assurés par les sociétés GAN et AGF, ce qui ressort des conventions signées entre elles et la Ste ACL.
Elle soutient que s'il n'existe aucun contrat avec la Ste AGF et les entités de la Ste GAN, les pièces produites établissent qu'il existait des relations commerciales entre elles, qui ont duré plus de 12 années, la Ste ACL n'agissant que dans le cadre d'une délégation de pouvoir qui ne la plaçait qu'en qualité d'intermédiaire-courtier.
La Ste X... soutient que d'ailleurs, en 1999, Monsieur X... a crée une Ste ZILIAN CONSULTANCY MANAGEMENT, dont le siège social est à SINGAPOUR, afin de prendre en charge les sinistres pour cette partie du monde et que cette société a été agrée par les compagnies d'assurances.
Elle fonde sa demande sur les dispositions de l'article L 442-6 5° I du Code de commerce et relève que la rupture des relations commerciales est intervenue brusquement sans respect d'aucun préavis et sans aucune justification, l'invocation d'une hausse des facturations - qui n'ont jamais été mises en cause - n'étant qu'un prétexte développé postérieurement à la rupture.
La Ste X... prétend que si la Ste ACL était informée du mécontentement des sociétés d'assurance, elle engage comme elles sa responsabilité, puisqu'elle ne l'a pas informée, manquant ainsi à son obligation de conseil et à l'exécution de bonne foi du contrat qui les liait.
Elle demande que son préjudice soit fixé à la somme de 582 660 euros-sauf à désigner un expert à titre subsidiaire-et elle conclut à la condamnation solidaire de la Ste GRAS SAVOYE, aux droits de la Ste ACL, de la Ste GAN EUROCOURTAGE et de la Ste AGF IART au paiement de cette somme outre celle de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.
La Ste GAN EUROCOURTAGE relève que l'assignation devant le Tribunal de commerce visait la Ste GAN ASSURANCES Direction courtage RISQUES ENTREPRISES IA, qui n'existe pas, la direction courtage étant en réalité attachée à la Ste GAN EUROCOURTAGE qui a accepté d'intervenir volontairement mais qui ne peut être signataire d'un contrat avec la Ste ACL, puisqu'elle n'a été crée qu'en janvier 1997 et qu'elle a réalisé des opérations d'assurances avec son réseau de courtiers.
Elle indique que seule la Ste GAN ASSURANCES IARD était signataire du contrat avec la Ste ACL-elle avait vocation de créer les contrats d'assurance et de les proposer aux clients par ses agents généraux-et que GAN DIRECTION COURTAGE, qui constituait à l'origine un département de GAN IARD est devenue une société d'assurances GAN EUROCOURTAGE qui avait pour objet les relations avec les courtiers et qui a naturellement poursuivi seule les relations avec la Ste ACL : aucune des compagnies du GAN n'avaient de relations contractuelles avec la Ste X... .
La Ste GAN EUROCOURTAGE rappelle que la relation commerciale invoquée par la Ste X... implique qu'un lien direct ait existé entre le demandeur à l'action en réparation et le défendeur, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce, puisque qu'aux termes d'une convention entre la Ste GAN ASSURANCES et la Ste ACL, c'est cette dernière et elle seule, qui désignait les experts en fonction d'une délégation de gestion des sinistres dont elle était investie.
Selon elle, en l'absence de relation commerciales directes entre la Ste X... et le GAN, les dispositions de l'article L 442-6 du Code de commerce sont inapplicables.
La Ste GAN EUROCOURTAGE conteste à titre subsidiaire les conditions d'application de cet article, faisant valoir que la rupture serait en tout état de cause légitime, compte tenu des dérives de la Ste X... dans la facturation des sinistres (elle facturait autant de frais de déplacement que de véhicules à expertiser), ce qui a conduit à lui adresser plusieurs avertissements dès le mois de septembre 2000, ce qui justifie la rupture.
Sur le préjudice, elle souligne que la Ste X... n'a versé aucun document comptable - se contentant de tableaux élaborés pour les besoins de la cause -précise que c'est par la seule volonté de Monsieur X... que l'activité hors FRANCE de la Ste X... a été transférée à SINGAPOUR dans une Ste ZILIAN CONSULTANCY MANAGEMENT qui n'a jamais été agrée et que c'est ce transfert qui a contribué à la diminution de l'activité de la Ste X....
La Ste GAN EUROCOURTAGE ajoute que la mauvaise foi de la Ste X... résulte de l'augmentation de son chiffre d'affaires (180 % entre 1997 et 1999), alors que le nombre de sinistres est demeuré identique, ce qui démontre une augmentation anormale et non justifiée des tarifs.
Elle rappelle de plus, que la Ste X... n'a reçu du GAN des missions d'expertise que bien postérieurement aux autres intimées - à partir de 1994 - et qu'aucune condamnation solidaire ne peut intervenir.
La Ste GAN EUROCOURTAGE conclut à la confirmation du jugement au rejet des demandes de la Ste X... et à sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Ste GAN ASSURANCES IARD dénie tout lien contractuel avec la Ste X... qui reconnaît n'avoir contracté qu'avec la Ste ACL qui bénéficiait d'une entière délégation pour la gestion des sinistres et le choix des experts : en l'absence de relation contractuelles et de relations commerciales, les dispositions de l'article L 442-6 5° du Code de commerce sont inapplicables.
Elle conteste l'existence d'un préjudice subi par la Ste X..., s'oppose à toute condamnation solidaire, rappelle que le chiffre d'affaires avec la Compagnie GAN ne s'est élevé qu'à la somme de 18 141, 43 euros en 1999 et sollicite la confirmation du jugement le rejet des prétentions de la Ste X... et à sa condamnation au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
A titre subsidiaire, elle demande à être relevé et garantie de toute condamnation par la Ste GAN EUROCOURTAGE.
La Ste GRAS SAVOYE indique exercer une activité de courtage-et non d'assurance-depuis 1994 et avoir eu des rapports professionnels avec la Ste X... dans le cadre des expertises, mais pas de relations contractuelles qui étaient établies avec les seules compagnies d'assurances.
Elle reconnaît qu'elle est mandatée par les compagnies d'assurances pour gérer en leur nom et pour leur compte auprès des assurés, les contrats d'assurance souscrits et notamment les sinistres et que ce sont les compagnies qui sélectionnent les experts dont la Ste X..., qui ne bénéficie d'aucune exclusivité auprès du GAN et des AGF.
La Ste GRAS SAVOYE conteste avoir des relations contractuelles avec la Ste X... et donc être tenue à une obligation de conseil ou d'information, indique être étrangère au contrat de référencement entre les compagnies et la société appelante et que celle-ci correspondait directement avec les compagnies.
Elle sollicite sa mise hors de cause, souligne que la Ste X... ne peut se plaindre que les compagnies d'assurances aient suspendu tout envoi de nouveaux dossiers en se prévalant de l'exception d'inexécution, dès lors qu'elle a refusé de s'expliquer sur l'augmentation de ses frais, manquant ainsi à son obligation de loyauté.
La Ste GRAS SAVOYE ajoute que la Ste X... ne démontre pas la rupture du contrat avec la Ste ACL au nom et pour le compte des AGF, son mandat de gestion en matière de sinistres n'incluant pas la sélection et l'éviction des experts et précise que c'est le GAN qui a pris la décision de ne plus désigner la société appelante du fait de son attitude.
Sur le préjudice, elle confirme que la Ste X... n'a perdu aucun chiffre d'affaires en 2001, car elle n'en n'avait plus du fait qu'elle a dirigé son chiffre d'affaires sur la Ste ZILIAN CONSULTANCY MANAGEMENT pour des raisons fiscales et personnelles.
Elle conteste le montant des chiffres d'affaires avancés par la Ste X... et conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la Ste X... au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La Ste AGF IART prétend qu'il n'existe aucune relation commerciale établie entre elle et la Ste X..., seule la Ste ACL saisissant l'expert, qu'il n'y a pas eu de brusque rupture des relations commerciales puisqu'elle a continué à travailler avec cette société postérieurement au 1 janvier 2001 et qu'il semble que ce soit la Ste ACL qui a pris l'initiative de la rupture en raison des multiples problèmes rencontrés.
Elle ajoute que le préjudice de la Ste X... n'est pas établi et qu'elle ne peut en tout état de cause prétendre à une indemnisation représentant deux années de chiffre d'affaires, ce d'autant qu'elle ne peut justifier d'un préavis de deux ans.
La Ste AGF IART conclut à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur X..., qui n'a pas relevé appel et qui n'est pas intimé, a pris des conclusions identiques à celles de la Ste X..., y compris dans les demandes formées au nom de cette dernière.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 septembre 2008.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur les demandes à l'encontre de la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD et de la Ste GAN ASSURANCES IARD :

Attendu que selon protocole ayant pris effet le 1er avril 1994, la Ste GAN INCENDIE ACCIDENTS RISQUES DIVERS (IARD), élisant domicile dans les locaux d'EUROCOURTAGE et la Ste ACL, courtier représentée par Monsieur C..., précisent les modalités de leur collaboration dans la gestion de deux contrats ayant pour objet de garantir les dommages aux véhicules participant à des compétitions automobiles sur circuit (contrat à la course et contrat à la saison) ;
Qu'il indique que le GAN INCENDIE ACCIDENT, soucieux d'améliorer les rapports de travail courtiers-compagnie (...) A estimé nécessaire de préciser les modalités selon lesquelles une collaboration confiante et efficace doit s'instaurer entre le courtier gestionnaire et les services de GAN EUROCOURTAGE ;
Qu'il organise une délégation de gestion des sinistres par laquelle le courtier gestionnaire missionne l'expert, expressément désigné, Monsieur X... ;
Attendu que les conditions particulières du contrat à la course, produites par la Ste ACL sont à l'en-tête du " GAN " ;
Attendu que les correspondance produites aux débats émanent de GAN DIRECTION COURTAGE ou de GAN IA EUROCOURTAGE.
Qu'il est constant et admis par les sociétés GAN EUROCOURTAGE IARD et GAN ASSURANCES IARD que GAN DIRECTION COURTAGE était rattachée à la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD et a pour objet les relations avec les courtiers ;
Que la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD a repris l'activité de la direction de courtage de la Ste GAN ASSURANCES IARD et a poursuivi les relations de cette dernière société avec la Ste ACL ;

Attendu dès lors, que seule la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD doit être considérée comme étant liée contractuellement avec la Ste ACL et qu'il convient de mettre hors de cause la Ste GAN ASSURANCES IARD ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 442-6 I 5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par tout commerçant de rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis écrit ;
Que ses dispositions s'appliquent tant aux relations contractuelles qu'aux relations extra-contractuelles et qu'elles concernent notamment les activités de production et de services ;
Attendu en l'espèce, que la Ste ACL est le mandataire de la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD en ce qui concerne la gestion des sinistres visés au protocole et que c'est le mandant qui est dès lors à l'origine de la décision du recours à l'expertise, qui contrôle l'exécution des missions (courrier de DIRECTION COURTAGE à la Ste X... du 15 mai 2001 et lettre de la Ste X... du 12 avril 2001), et qui apprécie et paie les honoraires ;
Que d'ailleurs, les conditions particulières du contrat " à la course " indiquent que l'assuré, en cas de sinistre, doit prendre contact avec Monsieur X..., " expert mandaté par l'assureur " ;
Qu'il est dès lors indifférent qu'aucun contrat n'ait existé entre la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD et la Ste X..., les relations contractuelles résultant de l'acceptation par l'assureur du choix de cette société en qualité d'expert et de sa désignation dans le cadre du protocole et de la délégation de gestion des sinistres ;
Attendu que la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD reconnaît que la Ste X... effectuait des expertises pour la Ste GAN depuis 1994 et que l'appelant ne fournit aucun document justifiant d'une intervention antérieure ;
Qu'il apparaît ainsi qu'il existait une relation commerciale établie entre la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD et la Ste X... et que si l'assureur est libre de changer d'expert, il convient de le faire en respectant un préavis ;
Attendu que par courrier en date du 22 février 2001, la DIRECTION COURTAGE de la Ste GAN a fait connaître à Monsieur X... qu'elle ne souhaitait plus lui confier les missions d'expertise des véhicules de compétition automobile assurés par le Cabinet ACL ;
Qu'il est constant que la Ste X... n'a bénéficié d'aucun préavis et que la rupture doit être considérée comme brutale ;
Attendu sur le bien fondé de la rupture, que l'article L 442-6 I 5° du Code de commerce ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ;
Attendu en l'espèce, que la correspondance adressée antérieurement à la rupture à la Ste X... par l'assureur est celle du 29 septembre 2000, par laquelle la DIRECTION COURTAGE lui demandait de plus détailler ses notes d'honoraires, de distinguer le montant des frais de celui des honoraires et lui faisait le reproche du montant élevé des frais de déplacement lorsque plusieurs accidents affectaient une même course ;
Que ce seul courrier, en dehors de tout autre reproche ou mise en garde, est insuffisant pour établir que la Ste X... a manqué à ses obligations et que la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD n'était pas fondée à résilier les relations commerciales sans préavis ;
Attendu sur la durée du préavis, que la Ste X... était le seul expert désigné pour la compétition automobile et qu'il bénéficiait ainsi d'une exclusivité ;
Que compte tenu de la durée de la relation commerciale - 7 années - du fait que la Ste X... ne réalisait plus que les expertises sur les compétitions automobiles en FRANCE (toutes les expertises hors de FRANCE devaient être facturées à compter de mai 1999 à la Ste ZILIAN CONSULTANCY MANAGEMENT à SINGAPOUR : lettre du 30 mai 1999), qu'elle ne comptait qu'un salarié, qu'elle ne justifie d'aucun investissement particulier lié à sa relation avec la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD et que le chiffre d'affaires aves le GAN représentait moins de 6 % de l'ensemble de son chiffre en 1999, il convient de fixer un préavis de 4 mois ;
Attendu sur le préjudice, que ne peut être indemnisé que celui entraîné par le caractère brutal de la rupture et non le préjudice résultant de la rupture elle-même et qu'il doit être apprécié au regard de la marge bénéficiaire brute que la Ste X... aurait été en droit d'escompter en l'absence de rupture pendant la durée du préavis ;
Attendu que la Ste X... produit aux débats le compte de résultat au 31 décembre 1998, faisant ressortir un chiffre d'affaires de 2 166 738 F, des charges d'exploitation de 2 032 297 F et un résultat d'exploitation de 134 441 F, le compte de résultat au 31 décembre 1999 qui mentionne un chiffre d'affaires de 2 227 478 F, des charges d'exploitation de 1 986 837 F et un résultat d'exploitation de 240 673 F et le compte de résultat au 31 décembre 2000, faisant apparaître un chiffre d'affaires de 164 930 euros (1 081 869 F), des charges d'exploitation de 215. 304 euros (1 412 301 F) et un résultat d'exploitation déficitaire de 42 968 euros (281 851 F) ;
Que le seul document produit relatif aux honoraires versés par la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD figurent dans un tableau de synthèse 1997 à 2000, dans lequel seules sont renseignés les honoraires pour l'année 1999 (119 000 F HT), que la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD évoque un chiffre d'affaires d'environ 45 735 euros (300 000 F) et que dans son assignation la Ste X... faisait état d'un montant d'honoraires de 152 884 F TTC en 1999 et de 201 844 F TTC en 2000 soit une moyenne annuelle de 177 364 F TTC, et mensuelle de 14 780 F TTC soit 2 253 euros TTC ;
Attendu que la marge brute figurant dans l'état de synthèse ressort à une moyenne de 45 % ;
Attendu que compte tenu de ces éléments, il convient de condamner la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD à payer à la Ste X... la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts et de réformer le jugement de ce chef ;
- Sur la demande à l'encontre de la Ste AGF IART :
Attendu qu'il ressort tant des écritures de la Ste GRAS SAVOYE que du protocole d'indemnisation intervenu entre la Ste AGF IART et la Ste ACL le 17 janvier 2001, que celle-ci est gestionnaire délégué des sinistres, à l'exception de leur instruction, et que pour les sinistres dommages sur véhicules de compétition, l'expert est le Cabinet X... et la Ste ZILLIAN CONSULTANCY MANAGEMENT pour l'étranger ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la Ste AGF IART a confié à la Ste X..., au moins depuis 1997 - aucun document antérieur n'étant produit - les expertises de véhicules sinistrés lors de compétitions automobiles et qu'elle lui a réglé les honoraires correspondant (1 033 055, 01 F TTC soit 885 259 F HT en 2000) ;
Attendu que pour les raisons déjà exposées pour la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD, que la Ste ACL est le mandataire de la Ste AGF IART en ce qui concerne la gestion des sinistres visés au protocole et que c'est le mandant qui est dès lors à l'origine de la décision du recours à l'expertise, qui contrôle l'exécution des missions, et qui apprécie (mail du 27 novembre 2000 et du 21 mai 2001) et paie les honoraires (571 807 F en 1997, 686 905 F en 1998, 839 821 F en 1999 et 885 259 F en 2000) ;
Qu'il apparaît ainsi qu'il existait une relation commerciale établie entre la Ste AGF IART et la Ste X... ;
Attendu sur la rupture des relations, que la Ste AGF IART indique dans ses écritures qu'elle s'est retirée du marché en partie en raison des coûts d'expertise dont elle n'obtenait pas justification ;
Que si dans un mail adressé à la Ste ACL le 27 novembre 2000, la Ste AGF IART indique qu'il n'est pas dans ses intentions de remettre en cause la collaboration avec la Ste X..., elle demande au courtier qu'il recherche un second expert et qu'aucun justificatif de missions après le 1 janvier 2001, n'est produit aux débats, le mail du 21 mai 2001 (de la Ste AGF IART à la Ste X...) concernant des honoraires impayés de l'année 2000 (voir mails des 17 et 26 mars 2001) ;
Attendu dès lors qu'il résulte de ces éléments que la Ste AGF IART a cessé toute collaboration avec la Ste X... en 2001, sans lui accorder de préavis ;
Attendu sur le bien fondé de la rupture, que le 27 novembre 2000, la Ste AGF IART a demandé à la Ste X... de détailler ses factures, dans le but d'améliorer sa gestion et ses statistiques et afin de respecter les règles d'usage pratiquées pour cette nature de dossier ;
Attendu que les pièces produites, si elles établissent quelques litiges sur le montant des frais facturés par la Ste X..., n'établissent pas que la Ste X... a manqué à ses obligations, ce d'autant qu'elle était reconduite en qualité d'expert dans le protocole d'indemnisation du 17 janvier 2001 ;
Qu'il convient de retenir que la Ste AGF IART n'était pas fondée à rompre sans préavis les relations commerciales établies avec la Ste X... depuis 1997 ;
Attendu que compte tenu de la durée des relations (4 ans), mais aussi du montant du chiffre d'affaires réalisé (45 % en moyenne par rapport au chiffre d'affaires global), du fait que la Ste X... n'effectuait plus, depuis 1999, que les expertises sur le territoire national ayant confié à une société étrangère les autres expertises (lettre du 30 mai 1999) il y a lieu de fixer à quatre mois le préavis qu'aurait du respecter la Ste AGF IART ;
Attendu sur le préjudice, compte tenu de la marge brute moyenne (45 %), du transfert à une société étrangère des expertises hors de FRANCE, il convient de condamner la Ste AGF IART à payer à la Ste X... la somme de 24 000 euros au titre du préjudice subi du fait de la rupture brutale ;
Que le jugement est réformé de ce chef ;
- Sur la demande à l'encontre de la Ste GRAS SAVOYE :
Attendu que la Ste X... ne démontre pas que la Ste ACL, mandataire des compagnies, soit à l'origine de la rupture des relations commerciales tant avec la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD qu'avec la Ste AGF IART ;
Qu'elle ne peut lui reprocher de ne pas avoir exécuté le contrat de bonne foi ou de ne pas l'avoir tenue informée des exigences de ses mandants, alors que dès le 29 septembre 2000 faisant suite à une réunion du 7 juin 2000 au cours de laquelle l'assureur lui avait demandé que ses notes d'honoraires soient plus détaillées, la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD réitérait sa demande de précision ;
Que de même, le 27 novembre 2000, la Ste AGF IART prenait directement contact avec la Ste X... et qu'il résulte du mail du même jour adressé par l'assureur à la Ste ACL, que cette dernière avait déjà répondu aux interrogations de son mandant ;
Attendu que le jugement est confirmé pour avoir rejeté la demande de la Ste X... à l'encontre de la Ste ACL, aux droits de laquelle se trouve la Ste GRAS SAVOYE ;
Attendu que les relations de la Ste X... étant indépendantes vis à vis de chacun des assureurs, sa demande de condamnation solidaire est rejetée ;
Attendu que ni la Ste GRAS SAVOYE ni la Ste GAN ASSURANCES IARD ne démontrent le caractère abusif de la procédure engagée à leur encontre par la Ste X... et que leur demande de dommages-intérêts est écartée ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel comme régulier en la forme,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la Ste X... à l'encontre de la Ste GAN ASSURANCES IARD et de la Ste ACL aux droits de laquelle se trouve la Ste GRAS SAVOYE et en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive,
Infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD à payer à la Ste X... la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts,
Condamne la Ste AGF IART à payer à la Ste X... la somme de 24 000 euros à titre de dommages-intérêts,
Rejette les autres demandes,
Condamne in solidum la Ste GAN EUROCOURTAGE IARD et la Ste AGF IART aux dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0109
Numéro d'arrêt : 06/05332
Date de la décision : 30/10/2008

Analyses

CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Rupture brutale des relations commerciales - Domaine d'application

Aux termes des dispositions de l'article L. 442-6 I 5º du code de commerce, le commerçant qui rompt brutalement une relation commerciale engage sa re- sponsabilité. Ces dispositions s'appliquent tant aux relations contractuelles qu'aux relations extracontractuelles, qu'il s'agisse d'activités de services ou de productions.En l'espèce, il est indifférent qu'aucun contrat n'ait été signé entre une société d'assurance et un expert, dans la mesure où le contrat résulte de l'acceptation par la société d'assurance du choix de cet expert et de sa désignation dans le contrat du protocole et de la délégation de gestion des sinistres. Il apparaît ainsi qu'il existait une relation commerciale établie qui justifiait, en cas de rupture, le respect d'un préavis.


Références :

Article L. 442-6 I 5º du code de commerce.

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Lyon, 06 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2008-10-30;06.05332 ?
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