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16/10/2008 | FRANCE | N°07/05899

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0146, 16 octobre 2008, 07/05899


RG n° : 07 / 05899
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Au fond du 04 juillet 2007

ch n° 4
RG n° : 2007 / 6740
X...
C /
Société FGM BIO SELARL
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE A
ARRET DU 16 Octobre 2008
APPELANTE :
Madame Selima X... épouse Y..., assistée par sa curatrice l'ATMP, 60-62 rue Francis de Préssenssé, villeurbanne.... 69008 LYON 08

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de Me Isabelle HALBIQUE, avocat au barreau de LYON
au titre d'une aide juridictionnelle to

tale numéro 2007 / 0025746 du 08 / 11 / 2007 accordée par de bureau d'aide juridictionnelle de LYON
INTIMEE :...

RG n° : 07 / 05899
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Au fond du 04 juillet 2007

ch n° 4
RG n° : 2007 / 6740
X...
C /
Société FGM BIO SELARL
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE A
ARRET DU 16 Octobre 2008
APPELANTE :
Madame Selima X... épouse Y..., assistée par sa curatrice l'ATMP, 60-62 rue Francis de Préssenssé, villeurbanne.... 69008 LYON 08

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de Me Isabelle HALBIQUE, avocat au barreau de LYON
au titre d'une aide juridictionnelle totale numéro 2007 / 0025746 du 08 / 11 / 2007 accordée par de bureau d'aide juridictionnelle de LYON
INTIMEE :
Société FGM BIO SELARL, Enseigne LC CHEVREUL 94 rue Chevreul 69007 LYON 07

représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée par Me MAURICE avocat au barreau de Lyon
L'instruction a été clôturée le 05 Septembre 2008
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 17 Septembre 2008
L'affaire a été mise en délibéré au 16 octobre 2008
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :
Président : Mme MARTIN Conseiller : Madame BIOT Conseiller : Madame AUGE Greffier : Mme JANKOV pendant les débats uniquement

A l'audience Mme AUGE a fait le rapport conformément à l'article 785 du CPC.
ARRET : contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
signé par Madame MARTIN, présidente et par Madame JANKOV, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE-PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Madame Y... placée sous curatelle spéciale a interrompu sa contraception orale en 2005 et sur prescription de son médecin, elle a subi le 17 juin 2005, un test de grossesse appelé DBG pratiqué par le laboratoire LC CHEVREUL dont le résultat s'est révélé négatif.
Elle a repris sa contraception et son traitement pour la schizophrénie dont elle était atteinte.
Le 13 août 2005, elle a été victime d'une agression et a été transportée à l'hôpital Edouard HERRIOT où une ITT de 7 jours a été constatée.
Dans la nuit du 25 au 26 août, présentant des maux de ventre, elle est revenue à cet hôpital où elle a accouché d'une fille née vivante à 13h06, décédée quelques minutes plus tard à 13h16.
Par courrier du 20 septembre 2005, l'ATMP du Rhône, curateur de Madame Y... a prévenu le laboratoire d'analyses médicales de son erreur et a proposé une procédure de règlement amiable. En l'absence de réponse, elle a renouvelé sa demande le 24 octobre 2005 et par courrier du lendemain, le laboratoire l'a informée qu'il avait procédé à une déclaration de sinistre auprès de la compagnie d'assurances la société AXA.
Cette dernière estimant que la responsabilité de son assurée ne pouvait être engagée en l'absence de preuve d'une faute a refusé toute indemnisation et Madame Y... assistée de sa curatrice a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de LYON la SELARL FGM BIO à l'enseigne Laboratoire LC CHEVREUL en indemnisation de sa perte de chance et de son préjudice moral.
Par jugement en date du 15 mai 2007, cette juridiction a retenu l'obligation de résultat pesant sur le laboratoire et l'a condamné au paiement de la somme de 5. 000 € au titre de l'indemnisation de sa perte de chance d'accoucher à terme d'un enfant en bonne santé, outre 1. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Par requête du 24 mai 2007, Madame Y... a saisi le tribunal d'une omission de statuer au motif qu'il n'avait pas été répondu à sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral.
Par jugement du 4 juillet 2007, le tribunal a jugé que par sa décision du 15 mai 2007, il avait admis le principe de l'indemnisation de la seule perte de chance, qu'il avait exclu que la prise de contraceptif et la poursuite du traitement pour la schizophrénie alors que la patiente était enceinte n'étaient pas à l'origine du décès de l'enfant et qu'il avait donc exclu toutes les demandes de préjudice en lien avec le décès de l'enfant dont le préjudice moral de la mère.
Il a rejeté la requête de Madame Y....
Par déclaration au greffe de la Cour en date du 10 septembre 2007, Madame Y... SELIMA née X... assistée par sa curatrice, a relevé appel des deux jugements.
Elle conclut à la confirmation de la décision en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la SELARL FGM BIO et à son infirmation pour le surplus.
Elle demande à la Cour de porter l'indemnisation au titre de la perte de chance à 15. 000 €, de constater l'existence d'un préjudice moral indépendant de cette indemnisation et de condamner la société intimée au paiement de la somme de 15. 000 € à ce titre.
Subsidiairement elle sollicite la désignation d'un médecin expert aux fins de dire si la poursuite du traitement ZYPREXA et du contraceptif oral a pu jouer un rôle causal avec le décès de l'enfant ou si le décès est survenu pour une toute autre cause et elle demande la condamnation de la société FGM BIO à payer la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle soutient pour l'essentiel à l'appui de son recours qu'elle n'a pas pu informer le service des urgences où elle a été admise à la suite de son agression de son état de grossesse qu'elle ignorait et que ce service n'a donc pas pu prendre les précautions d'usage pour une femme enceinte. Elle ajoute que l'erreur de diagnostic a provoqué un double préjudice à savoir, l'impossibilité d'avoir un suivi normal de grossesse et d'accoucher d'un enfant viable d'une part et celle d'informer les services médicaux de son état ce qui aurait permis de sauver l'enfant, d'autre part.
En ce qui concerne le préjudice moral, elle estime que le préjudice lié au lien causal entre la poursuite du traitement et le décès de l'enfant est indépendant de l'indemnisation du préjudice moral dès lors que le Tribunal a jugé que l'erreur de diagnostic commise par le laboratoire avait causé une perte de chance d'accoucher à terme d'un enfant en bonne santé. Elle en conclut que les premiers juges, sauf à dire que le décès de l'enfant n'entraînait aucun préjudice moral, ne pouvaient, sans contradiction, constater l'existence de son préjudice de mener à terme la grossesse tout en écartant tout préjudice moral comme si elle n'avait subi aucun traumatisme.
Elle ajoute qu'il existe un lien de causalité entre le traitement poursuivi et le décès de l'enfant et qu'il est nécessaire d'ordonner une expertise en cas de doute sur ce point.
La SELARL FGM BIO conclut à la réformation du jugement et au déboutement de Madame Y... de l'intégralité de ses demandes. A titre infiniment subsidiaire, elle conclut à la confirmation de l'évaluation du préjudice et au déboutement de la demande au titre du préjudice moral. Elle demande la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 2. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Elle fait valoir qu'en application de l'article L 1142-1-1 du Code de la Santé publique issu de la loi du 4 mars 2002, il appartient au patient d'apporter la preuve de la faute du professionnel de santé ainsi que des conséquences dommageables susceptibles d'avoir été générées par cette faute.
Elle estime que cette faute n'est pas prouvée dès lors qu'il n'y a pas eu d'erreur de transcription des résultats ni d'inversion avec un autre prélèvement.
Elle évoque la possibilité d'une erreur de personne, rien ne permettant de savoir si c'est bien Madame Y... qui a subi le test alors même qu'elle présente une lourde pathologie de schizophrénie et qu'il existe une différence de deux mois entre l'âge réel du foetus et les indications de la patiente sur la date de ses dernières règles.
Elle soutient qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le résultat négatif du test de grossesse et l'accouchement prématuré de l'enfant, ni la reprise du traitement contraceptif ni celle du ZYPREXA n'étant interdites en cas de grossesse et ce d'autant plus que ce dernier médicament ne présente un danger potentiel que du 13e au 56e jour de grossesse. Elle estime que les soins prodigués lors de l'hospitalisation en urgence n'ont pas pu atteindre le foetus et que les causes de l'accouchement prématuré et du décès de l'enfant sont inexpliquées sauf à retenir comme la plus probable l'agression subie 10 jours auparavant.
Elle ajoute que le test a été réalisé à trois mois de grossesse et qu'elle a accouché à cinq mois et demi, et qu'il est invraisemblable que ni Madame Y... ni ses médecins ne se soient rendu compte de son état. Elle estime qu'il n'est pas établi qu'une prise en charge différente aurait permis de sauver l'enfant ce qui exclut toute indemnisation de la perte de chance.
Sur le préjudice moral, elle fait valoir que Madame Y... ne justifie pas que son état psychologique pathologique a été gravement altéré par la découverte de son état de grossesse et qu'elle a subi un préjudice moral dès lors que la cause du décès de l'enfant est inconnue.
Concernant la demande d'expertise, elle estime qu'aucune autopsie n'ayant été réalisée, la cause du décès ne peut être déterminée et que la mesure est donc inutile.
La procédure a été clôturée en l'état par ordonnance en date du 5 septembre 2008.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 / Sur la responsabilité du laboratoire
Attendu qu'en raison du lien contractuel unissant le patient et laboratoire d'analyses de biologie médicale, il y a lieu de déterminer si ce dernier a bien exécuté son obligation en fonction de la recherche qu'il doit effectuer ;
Attendu que dès lors que l'analyse à laquelle doit procéder le laboratoire ne présente pas de difficulté particulière, le praticien s'oblige à fournir un résultat directement utilisable considéré comme une certitude dans les limites de précision habituelle des méthodes utilisées ;
Attendu que le test de grossesse pratiqué sur Madame Y... met en oeuvre, comme l'a retenu le premier juge, des techniques simples et peu sujettes à aléa dès lors qu'il suffit de calculer une concentration d'hormone ; qu'il s'agit d'une recherche technique obéissant à des règles strictes et invariables, effectuée par un personnel formé à son exécution, devant aboutir nécessairement à une solution exacte ;
Attendu que dés lors que ce résultat n'est pas atteint, la responsabilité contractuelle du laboratoire doit être retenue, celui-ci ne pouvant invoquer la possibilité d'une erreur de personne qu'il ne prouve pas alors même qu'il lui appartient de vérifier l'identité des patients qu'il reçoit ; qu'il ne peut non plus invoquer la défectuosité du réactif qu'il n'établit pas ;
Attendu que c'est à juste titre que le Tribunal a retenu que le résultat erroné d'une analyse simple constituait une inexécution contractuelle ;
Attendu que Madame Y... n'a pas été informée, en raison de l'erreur de la SELARL FGM BIO de son état de grossesse ; que deux mois après l'analyse médicale et alors qu'elle avait repris la pilule contraceptive et le ZYPREZA, traitement antipsychotique à base d'olanzapine, elle a été victime d'une agression au cours de laquelle elle a été frappée et jetée à terre ; qu'elle n'a pas pu informer le médecin de garde aux urgences de son état de grossesse qu'elle ignorait, de telle sorte qu'il n'a pas procédé à des examens concernant les conséquences des violences subies sur le déroulement de la grossesse ; qu'il n'a pas non plus préconisé une surveillance attentive après le retour de la patiente à son domicile ; que la naissance de l'enfant de Madame Y... est intervenue moins de deux semaines après l'admission de cette dernière aux urgences ;
Attendu que le premier juge a pu valablement retenir que du fait de l'erreur du laboratoire, la patiente n'avait pas pu bénéficier du suivi et des contrôles nécessaires pour le bon déroulement de la grossesse, qu'à la suite de son agression son état n'avait pas été pris en considération et qu'ainsi elle avait perdu une chance sérieuse d'accoucher à terme d'un enfant viable ;
Attendu que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SELARL FGM BIO ;
2 / Sur le préjudice subi par Madame Y...
Attendu que le premier juge a fait une exacte appréciation de l'indemnisation au titre de la perte de chance ; que sa décision sera confirmée de ce chef ;
Attendu que Madame Y... qui n'a appris qu'elle était enceinte qu'au moment de la naissance de son enfant et qui a perdu celui-ci seulement quelques minutes après a indéniablement subi un préjudice moral ; qu'en effet, dès lors que la faute de la SELARL FGM BIO a été retenue et que son erreur n'a pas permis à Madame Y... de connaître son état de grossesse et l'a privée d'une chance d'accoucher à terme d'un enfant en bonne santé, il ne peut être sérieusement contesté que cette dernière a subi un préjudice moral distinct ;
Qu'il sera alloué à Madame Y... en réparation de son préjudice la somme de 5. 000 € ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;
Attendu que la SELARL FGM BIO sera condamnée à payer à Madame Y... la somme de 1. 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a débouté Madame Y... de sa demande au titre du préjudice moral
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé :
Condamne la SELARL FGM BIO a payer à Madame Y... la somme de 5. 000 € au titre du préjudice moral,
Déboute la SELARL FGM BIO de toutes ses demandes,
La condamne à payer à Madame Y... la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, en sus de celle allouée en première instance de ce chef
La condamne aux dépens et autorise la SCP LAFFLY-WICKY, titulaire d'un office d'avoué à en poursuivre le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 07/05899
Date de la décision : 16/10/2008

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Dommage - Réparation - Conditions - Lien de causalité avec le dommage - / JDF

Le préjudice subi par la femme qui découvre qu'elle est enceinte au moment de la naissance de son enfant et qui perd celui-ci quelques minutes après, constitue pour elle un préjudice distinct. Dès lors que ce préjudice résulte de la faute du laboratoire ayant effectué une erreur d'analyse lors du test de grossesse qui a empêché la patiente de connaître son état, la responsabilité contractuelle de celui-ci se trouve engagé entraînant l'obligation d'indemniser le préjudice moral subi par la patiente


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lyon, 04 juillet 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2008-10-16;07.05899 ?
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