07 / 08144
SA OSEO BDPME, Société MARCO POLO SA C / Ministère de l'Equipement
APPEL D'UNE DECISION DU : Tribunal de Grande Instance de LYON du 05 Décembre 2007 RG n° : 2007 / 21
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE DES EXPROPRIATIONS
ARRET DU
neuf Juin deux mille huit
APPELANTES :
Sa OSEO BDPME 27-31, Av Général Leclerc 94710 MAISONS-ALFORT CEDEX
assistée de Maître Patrick PREVOT, avocat
Société MARCO POLO SA BP127 NOVANCES 69654 VILLEFRANCHE
assistée de Maître Patrick PREVOT, avocat
INTIME :
Ministère de l'Equipement Hôtel de la Préfecture 106 rue Pierre Corneille 69419 LYON CEDEX 03
assisté de Maître GAULAIS, avocat
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Jean-Paul MATHIEU, Président Monsieur LACROIX, juge de l'expropriation au tribunal de grande instance de Saint Etienne Madame CHAUVE, conseiller à la cour d'appel de Lyon
désignés conformément à l'article L 13-1 du Code de l'expropriation, et par ordonnance de monsieur le premier président en date du 21 mai 2008 assistés pendant les débats de Madame SAUVAGE, greffier.
En présence de :
Monsieur X..., Inspecteur principal du Trésor, représentant Monsieur le directeur des services fiscaux du département du Rhône, Commissaire du gouvernement Trésorerie générale Hôtel des Finances 3 rue de la Charité 69268 LYON Cédex 02
DEBATS
A l'audience publique du 22 Mai 2008
ARRET
Contradictoire
Prononcé à l'audience publique du 09 Juin 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile ;
signé par Monsieur MATHIEU, Président de chambre et par Madame SAUVAGE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les pièces de la procédure :
- mémoires déposées par l'appelant régulièrement notifiés,
- mémoires déposés par l'intimé régulièrement notifiés,
- conclusions déposées par le commissaire du gouvernement régulièrement notifiées,
- les convocations régulièrement adressées aux parties,
Ouï à la date d'audience : Maître PREVOT, avocat des appelantes, en sa plaidoirie, Maître GAULAIS, avocat de l'intimé, en sa plaidoirie,
En ses observations, Monsieur le Trésorier Payeur Général du Département du Rhône, représenté par Monsieur X..., Inspecteur Principal du Trésor, Commissaire du gouvernement spécialement désigné à cet effet,
L'affaire ayant été mise en délibéré après clôture des débats, l'arrêt ayant été prononcé 09 Juin 2008
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 14 mai 2007, L'ETAT FRANÇAIS a saisi le juge de l'Expropriation du Département du Rhône d'une requête aux fins de fixation des indemnités dues à la SA OSEO BDPME à la suite de l'expropriation dont elle est l'objet portant sur une parcelle cadastré section BI No 643, 1 rue de la Paix, d'une contenance de 2 655 m2 sur la commune de GIVORS.
Le 24 mai 2007, la société MARCO POLO, crédit-preneur, intervenait devant le Juge de l'Expropriation.
Par jugement en date du 5 décembre 2007, le Juge de l'Expropriation, retenant pour l'évaluation des biens la méthode dite par " comparaison ", fixait l'indemnité due par L'ETAT FRANÇAIS à la SA OSEO BDPME à la somme principale à la somme de 558 000 euros outre une indemnité de remploi de 55 800 euros. Estimant qu'il n'appartenait pas au juge de l'expropriation de procéder à une répartition de l'indemnité entre le crédit-bailleur et le crédit-preneur, les autres demandes étaient rejetées.
Appelante à cette décision, la SA OSEO BDPME déposait ses dernières conclusions le 6 mai 2008.
Se fondant sur une expertise privée faite à sa demande, elle soutenait que la méthode par " comparaison " retenue par le premier juge n'était pas adaptée et qu'il convenait de fixer l'indemnité lui revenant en procédant par capitalisation.
De ce fait, elle sollicitait, compte tenu de la situation très favorable du terrain situé en pleine zone de chalandise de GIVORS une somme de 1 150 000 euros au titre de l'indemnité principale et une somme de 172 500 euros au titre de l'indemnité de remploi, alors que le principe même de cette dernière indemnité était dorénavant contesté par L'ETAT FRANÇAIS, qui l'avait admis en premier instance, et par Monsieur le Commissaire du Gouvernement.
Dans son mémoire d'appel, la société MARCO POLO soutenait que l'indemnisation du crédit-bailleur n'excluait pas l'indemnisation du crédit-preneur pour la perte de revenus tirés de la sous-location qu'il avait consenti à une SARL G. C. P. dont le bail avait été résilié pour non-paiement des loyers le 9 juillet 2007. Pour tenir compte du délai nécessaire à toute sous-location, la SARL MARCO POLO ne sollicitait les loyers qu'elle aurait pu percevoir qu'à compter du 1 octobre 2007 soit une somme de 28 704 euros par trimestre.
L'ETAT FRANÇAIS estimait dans son mémoire du 21 février 2008, que la méthode par " comparaison " était " la plus proche de la réalité " et qu'elle était celle la plus habituellement pratiquée. Elle faisait observer que le jour de la visite des lieux, le bâtiment était vide et n'avait plus aucune activité ;- qu'il se trouvait dans une zone " quelque peu isolée de la zone commerciale ". Elle concluait en conséquence à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait fixé à la somme de 558 000 euros l'indemnité principale.
Contrairement à ce qu'il avait conclu devant le premier juge, L'ETAT FRANÇAIS s'opposait au versement d'une indemnité de remploi par application de l'article R 13-46 du code de l'expropriation qui excluait celle-ci lorsque le bien exproprié était notoirement destiné à la vente ou mise en vente.
S'agissant de la demande de la société MARCO POLO, elle estimait que cette demande nouvelle devant la Cour était irrecevable et qu'en tout état de cause la sous-location invoquée était postérieure à la déclaration d'utilité publique.
Monsieur le Commissaire du Gouvernement déposait les 20 et 29 février 2008 ses conclusions.
S'agissant de la SA OSEO BDPME, il estimait bien fondé le choix fait par le premier juge de la méthode par comparaison et concluait à la confirmation du jugement au titre de l'évaluation faite de l'indemnité principale.
S'agissant de l'indemnité de remploi, il observait que la notion même de crédit-bail induisait l'idée de la cession des biens au profit du locataire, afin de lui permettre de devenir propriétaire ;- qu'il ne pouvait pas exister de contrat de crédit-bail " qui ne prévoirait pas la vente des biens immobiliers au profit du crédit preneur ".
En conséquence, en application de l'article R 13-46 du code de l'expropriation, il concluait au rejet de la demande tendant à voir verser une indemnité de remploi.
En ce qui concerne la SA MARCO POLO, il observait que celle-ci n'avait formulée aucune demande en première instance. Au fond, il rappelait que les relations contractuelles entre le crédit-preneur et son sous-locataire auraient dû cesser à la date du prononcé de l'ordonnance d'expropriation, laquelle avait pour effet " d'anéantir le contrat principal ".
Les parties étaient convoquées à l'audience du 2 mai 2008 et présentaient tour à tour leurs observations.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - SUR LES DEMANDES DE LA SA OSEO BDPME
Attendu que la méthode par " comparaison " est majoritairement retenu par les juridictions ainsi que par la Cour Suprême qui n'admet, sauf exceptions, d'autres possibilités ;
Attendu que cette méthode permet de rendre compte à un instant donné de la réelle valeur des biens immobiliers en un lieu donné ;- qu'en l'espèce, outre le fait que l'exproprié entend nous faire adopter la méthode dite par " capitalisation " sur la base d'un rapport d'expertise non contradictoire, la méthode retenu par le premier juge permet de cerner avec exactitude la valeur du bien au regard de sa situation au sein de la zone commerciale dont l'enseigne CARREFOUR est le véritable " moteur " ;- que de ce point de vue, la situation du bien exproprié n'est pas dans une situation particulièrement porteuse, car situé à l'entrée de la zone, à un endroit quelque peu isolé, la plupart des autres enseignes étant situées à l'ouest du magasin CARREFOUR ;
Attendu que l'étude du plan de masse de la zone commerciale permet de confirmer cette thèse ;- que ce faisant, les termes de comparaison BI 841, BI 1123 et BI 1303 permettent de dire que le premier juge a fait une exacte appréciation du prix au M2 à donner au bien exproprié, soit pour une surface utile incontestée de 715 m2, une évaluation de 558 000 euros que la Cour entend confirmer ;
Attendu qu'en première instance, L'ETAT FRANÇAIS avait offert une indemnité de remploi qui avait donc été fixé à la somme de 55 800 euros ;
Mais attendu que devant la Cour, L'ETAT FRANÇAIS conteste le versement d'une telle indemnité en ce qu'elle serait contraire à l'article R 13-46 du code de l'expropriation qui prévoit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de remploi en cas de destination notoire à la vente ou à la mise à la vente du bien exproprié ;
Attendu qu'il est de l'essence même du contrat de crédit-bail que le crédit-preneur devienne, au terme de la location, propriétaire du bien loué pour un prix symbolique ;- que cela résulte des termes du contrat ;- qu'il s'en déduit que l'article sus-visé doit trouver application ;- qu'il y a lieu de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a alloué à la SA OSEO BDPME une indemnité de remploi de 55 800 euros ;
II - SUR LES DEMANDES DE LA SA MARCO POLO
Attendu que la lecture attentive du jugement entrepris nous enseigne que la société MARCO POLO n'a formulé pour elle-même aucune demande en première instance ;- qu'elle a donné un avis sur la fixation des indemnités devant revenir à la société OSEO BDPME, sans réclamer pour elle-même la moindre indemnisation ;- qu'il s'en suit que sa demande présentée pour la première fois devant la Cour à l'occasion de l'appel de la société OSEO est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en application de l'article L 13-15 du code de l'expropriation les dépens resteront à la charge de L'ETAT FRANÇAIS ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 558 000 euros l'indemnité principale revenant à la société OSEO BDPME suite à l'expropriation dont s'agit,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Rejette la demande d'indemnisation présentée par la SA OSEO BDPME au titre de l'indemnité de remploi.
Déclare irrecevable les demandes présentées par la SA MARCO POLO en application de l'article 564 du code de procédure civile.
Dit que les dépens resteront à la charge de l'ETAT FRANÇAIS.