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22/05/2008 | FRANCE | N°07/00253

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0113, 22 mai 2008, 07/00253


COUR D'APPEL DE LYONTroisième Chambre Civile SECTION B

ARRET DU 22 Mai 2008

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 12 décembre 2006 - No rôle : 2004j3498

No R.G. : 07/00253
Nature du recours : Appel

APPELANTE :
Société ELEKTROSTA SA, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés audit siège.15, rue Louis SaillantZ.A EST69120 VAULX-EN-VELIN
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SCP LAMY LEXEL AVOCAT ASSOCIES, avocats au barreau de LYON substitué par Maître Christoph

e OHMER avocat au barreau de LYON

INTIMEES :
Société JOAO R MATOS, S.A., agissant poursuites et diligen...

COUR D'APPEL DE LYONTroisième Chambre Civile SECTION B

ARRET DU 22 Mai 2008

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 12 décembre 2006 - No rôle : 2004j3498

No R.G. : 07/00253
Nature du recours : Appel

APPELANTE :
Société ELEKTROSTA SA, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés audit siège.15, rue Louis SaillantZ.A EST69120 VAULX-EN-VELIN
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SCP LAMY LEXEL AVOCAT ASSOCIES, avocats au barreau de LYON substitué par Maître Christophe OHMER avocat au barreau de LYON

INTIMEES :
Société JOAO R MATOS, S.A., agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice
Rua do Viso - Santa JoanaAVEIRO APT 1453811-901 AVEIRO PORTUGAL
représentée par Maître De FOURCROY, avouée à la Cour
assistée de la SELARL SIX - POTIER et Associés, avocats au barreau de LILLE,

ETABLISSEMENTS OLIVER SAS, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés audit siège.283, rue du Faubourg des Postes59000 LILLE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Pierre VANDAMME, avocat au barreau de LILLE substitué par Maître Olivier COSTA avocat au barreau de LYON
Société PROSOUD SA, représentée par ses dirigeants légaux domiciliés audit siège.Rue Bonvarlet59640 DUNKERQUE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Pierre VANDAMME, avocat au barreau de LILLE substitué par Maître Olivier COSTA avocat au barreau de LYON

Instruction clôturée le 21 Mars 2008
Audience publique du 10 Avril 2008

LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Laurence FLISE, PrésidentMadame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 10 Avril 2008sur le rapport de Madame Christine DEVALETTE, Conseiller

GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH,
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 22 Mai 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
**************
La société ELEKTROSTA qui a pour activité la fabrication de matériel de soudage électrique, fabrique notamment des onduleurs.
La société JOAO R MATOS, société de droit portugais, ci-après JOAO, est spécialisée dans la fabrication, la réparation et la commercialisation d'appareils de soudage au Portugal mais aussi sur le reste de l' Europe, en Afrique et en Amérique, sous sa marque ELECTREX.
Lors d'un salon en 1997, les deux sociétés se sont rapprochées et ont conclu un accord de commercialisation, sans clause de non concurrence ni limitation géographique, selon lequel la société ELEKTROSTA devenait le fournisseur d'onduleurs de la société JOAO pour la revente sur le Portugal et l'Espagne principalement.
Les onduleurs commercialisés par la société JOAO étaient tous revêtus des couleurs de la société JOAO (rouge et noir) et revêtus des logos et sérigraphies de JOAO ainsi que de la marque ELECTREX. Ils étaient désignés sous le terme "ELECTRO" au lieu de "ELEKTRO".
Courant 2002, la société ELEKTROSTA a produit une nouvelle gamme d'onduleurs ELEKTRO 150 qui ont fait l'objet de nombreux retours, pris en charge par la société JOAO.
Par courriel du 24 juin 2003, la société JOAO a informé la société ELEKTROSTA de la mise sur le marché de ses propres onduleurs ELECTRO 140 et 160 de marque JOAO MATOS ELECTREX, la commercialisation s'effectuant sur le marché français par le biais des sociétés ETS JOSEPH OLIVER et PROSOUD dont l'activité principale est la vente de gaz et fluide et accessoirement la vente de matériel de soudage et dont les sièges sont respectivement à LILLE et DUNKERQUE.
Le 16 juillet 2003, la société ELEKTROSTA a demandé à la société JOAO de lui faire parvenir un exemplaire de ses modèles d'onduleurs ainsi que de l'appareil de protection contre les surtensions qu'elle avait développés.
Le 15 septembre 2003, la société JOAO a fait droit à cette demande.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 octobre 2003, la société ELEKTROSTA a demandé des explications sur ce qu'elle considérait comme la copie servile de ses produits et a informé la société JOAO qu'elle cessait provisoirement toutes relations commerciales avec elle.
Celle-ci a reconnu dans un courrier du 30 octobre 2003 l'existence de similitudes entre ses modèles et ceux de la société ELEKTROSTA mais a affirmé qu'il n'y avait pas de copie servile et que la technologie était du domaine public. Elle a accepté de modifier l'aspect extérieur de ses produits et a contesté la rupture brutale des relations commerciales.
Par ordonnance sur requête, la société ELEKTROSTA a fait procéder le 26 mars 2004 à un constat d'huissier dans les locaux des ETS OLIVIER et de la société PROSOUD où il a relevé la présence d'onduleurs 140 et 160 et de l'appareil protecteur de surtension JOAO.
Par exploits en date du 25 novembre 2004 et du 23 novembre 2004, la société ELEKTROSTA a assigné les sociétés ELECTREX JOAO MATOS et les sociétés ETS OLIVIER et PROSOUD devant le tribunal de commerce de LYON en cessation immédiate de sa production et commercialisation des onduleurs et de l'appareil protecteur sous astreinte de 1 500 € par infraction constatée et en paiement de 21 596,60 € de dommages-intérêts pour appropriation déloyale de l'investissement en développement supporté par la société ELEKTROSTA et 1 341 059 € en réparation de son manque à gagner. Elle demandait la publication et l'exécution provisoire du jugement et une indemnité de procédure de 2 500 €.
La société JOAO demandait de son côté 70 000 € de dommages-intérêts pour rupture abusive des relations commerciales et les ETS OLIVIER et PROSOUD, demandaient des dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par jugement du 12 décembre 2006, le tribunal de commerce de LYON :
- s'est déclaré compétent,
- a rejeté la demande de nullité de l'assignation,
- a écarté des débats un rapport E... non produit (?) et non communiqué,
- a retenu le rapport ESTEVE produit par la demanderesse,
- a dit que la société ELEKTROSTA ne rapportait pas la preuve d'une appropriation déloyale de ses recherches en développement par la société JOAO ni d'autres fautes de celle-ci et des sociétés de distribution,
- a dit que les préjudices allégués par la société ELEKTROSTA, notamment de perte de marge du fait des prix pratiqués, n'était pas établi,
- a débouté la société ELEKTROSTA de toutes ses demandes,
- a condamné la société ELEKTROSTA à payer à la société JOAO 15 000 € pour rupture abusive de relations commerciales et à chacune des sociétés défenderesses une somme de 15000 € pour procédure abusive et de 5 000 € à titre d'indemnité de procédure.
Par déclaration du 12 janvier 2007, la société ELEKTROSTA a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du 11 septembre 2007, le Conseiller de la Mise en Etat a rejeté la demande d'expertise judiciaire de la société ELEKTROSTA.
Aux termes de ses dernières écritures, déposées le 12 février 2008 et qui sont expressément visées par la Cour, la société ELEKTROSTA demande la confirmation du jugement sur le rejet de l'exception d'incompétence et de la fin de non recevoir de prescription soulevées par les défenderesses.
Elle demande pour le surplus l'infirmation du jugement et :
- le rejet de toutes les prétentions des sociétés JOAO, ETS OLIVIER et PROSOUD,
- l'application de la loi française aux actes de concurrence déloyale allégués,
- la condamnation des trois sociétés à produire et commercialiser les onduleurs ELECTREX 140 et 160 ainsi que l'appareil protecteur de surtension sous astreinte définitive de 1 500 € par infraction constaté,

- la désignation d'un expert, à frais partagés par moitié, pour procéder à un examen comparatif des onduleurs concernés et donner son avis sur les ressemblances et différences entre les deux moteurs incriminés, dire si les ressemblances sont liées à la conception, aux fonctionnalités de l'objet et/ ou à une contrainte technique, donner tous les élements d'évaluation du préjudice,
- en tout état de cause :
- condamner solidairement les 3 sociétés à lui verser 141 664,46 € pour appropriation déloyale du coût de l'investissement en développement, outre 30 000 € à parfaire à dire d'expert pour manque à gagner,
- ordonner la publication de l'arrêt dans 5 revues techniques de son choix et aux frais des 3 sociétés,
- condamner solidairement les trois sociétés à lui verser 20 000 € d'indemnité de procédure.
Sur la compétence des juridictions lyonnaises, la société appelante invoque les dispositions de l'article 46 du code de procédure civile donnant compétence, en matière délictuelle aux juridictions du lieu du dommage, la distribution des produits litigieux s'effectuant en l'espèce sur l'ensemble du territoire national via le réseau de distribution et internet et dans le ressort de LYON.
Sur la validité du PV de constat d'huissier et la prescription soulevée, elle fait valoir qu'il ne s'agit pas d' un PV de saisie contrefaçon, mais d' une simple mesure de constatation dans le cadre d'une action en concurrence déloyale de droit commun, non soumise aux règles de prescription de l'article L521-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Sur le fond, et notamment sur le grief de copie servile dans le but de créer la confusion dans l'esprit de la clientèle et d'obtenir un prix de revient moins élevé, constitutif de concurrence déloyale, la société ELEKTROSTA fait valoir :
- que les produits discutés sont clairement attachés à son image, par leur forme et leurs caractéristiques techniques spécifiques, qui se différencient clairement des autres modèles d'onduleurs sur le marché, leur copie, même simple créant ainsi un risque de confusion, ce qu'a reconnu la société JOAO elle-même dans sa lettre du 12 janvier 2004 en parlant de similitude esthétique et en proposant de modifier l'aspect extérieur, ce qu'elle n'a pas fait,
- que l'expertise amiable de Monsieur E..., confirme des similitudes de design et de packaging (coques plastiques et châssis copiés), des similitudes d'architecture interne, d'architecture électronique (profilé des dissipateurs en aluminium), de système de protection primaire ou même sur des points sans importance et que cette copie servile est donc incontestable, indépendamment des recherches qu'a pu mettre en oeuvre la société JOAO.
- qu'une expertise judiciaire est cependant utile, dans ce cadre, en l'absence de titre de propriété industrielle, mais en présence des éléments qu'elle produit et qui émanent de personnes étrangères au litige (rapport E..., SYMAP, constat d'huissier), pour lever la contestation de la société JOAO sur l'absence de copie esthétique ou technique,
- que sur les actes de concurrence comme sur le préjudice qui a pu en résulter sur ses ventes à l'étranger, c'est la loi française qui doit s'appliquer, faute d'indication et de production des lois étrangères.
Sur les préjudices, la société ELEKTROSTA demande le rejet de ceux allégués par les sociétés intimées pour rupture brutale de relations contractuelles ou procédure abusive alors que la société JOAO a manqué elle-même à son obligation de loyauté et a été avertie sans ambiguïté de cette rupture.
Elle indique que les agissements de concurrence déloyale lui ont nécessairement causé un préjudice, qui a été soumis à l'avis d'un expert et qui pourrait l'être à l'expert judiciaire désigné, et qui est constitué :
- par les frais de développements des appareils qui ont nécessité plusieurs années de recherche et dont s'est appropriée déloyalement la société JOAO,
- par le manque à gagner sur pièces détachées pendant 7 ans, soit 335 263 € et la perte de marge brute sur la clientèle détournée révélé par la régression du chiffres d'affaires et la diminution des marges pour contrecarrer la baisse des ventes, soit, sur la base d'une marge moyenne de 154 € en 2002, un préjudice de 903 990 €de 2003 à 2005.
- par les frais engagés pour faire valoir ses droits, soit 14 343,29 € HT
Elle estime légitime de faire cesser la production et les ventes des produits litigieux et de faire publier la décision pour l'information de la clientèle.
****
Aux termes de ses dernières écritures, qui sont expressément visées par la Cour, la société JOAO demande l'infirmation du jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent et le renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce de LILLE.
Elle demande subsidiairement la confirmation du jugement, le rejet de la demande d'expertise et la condamnation de la société ELEKTROSTA à lui verser une indemnité pour résiliation abusive de 70 000 €, outre 50 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société JOAO maintient son exception, in limine litis, d'incompétence territoriale du tribunal de commerce de LYON et de la Cour de céans, faute de preuve par la demanderesse que le fait dommageable se serait produit dans le ressort de LYON.
Subsidiairement, elle conclut au mal fondé de l'action en concurrence déloyale formée par la société JOAO en raison :
- de l'absence de droit privatif sur la technologie des onduleurs et sur leur forme,
- de l'application des lois étrangères sur les actes de concurrence commis à l'étranger puisqu'elle intègre dans son préjudice sa baisse de ventes à l'étranger,
- de l'absence de caractérisation, en France, des manoeuvres déloyales alléguées telles que la copie servile ou l'imitation des appareils, basée sur les seules constatations d'un PV de saisie contrefaçon nul du 26 mars 2004 comme effectué en violation de l'ordonnance du 25 février 2004 et non suivi d'une assignation sous quinzaine, et dont la preuve n'est pas rapportée, à tel point que la société ELEKTROSTA réclame, en cause d'appel, une expertise pour établir les imitations alléguées qui ne pourraient être fautives qu'en cas de risque de confusion pour la clientèle.

Pour sa part, elle relève en s'appuyant sur un rapport de l'ISQ tant des différences de couleur et de formes, excluant tout risque de confusion, que des différences techniques au niveau des circuits électroniques et des performances, contestant à cet égard la valeur probante du rapport non contradictoire E... qui n'était chargé que de relever les similitudes et qui n'opère aucune comparaison avec les onduleurs du marché, ou de l'avis émis par le Directeur de la SYMAP à laquelle adhère la société ELEKTROSTA, ou par l'EUROPEAN WELDING ASSOCIATION qui n'a pas eu en main les onduleurs litigieux.
Elle relève, concernant l'appareil de protection de surtension, qu'il n'est invoqué aucune caractéristique imitée.
Elle observe enfin que la technologie des onduleurs, mise au point dans les années 70 et mise en oeuvre par de nombreuses sociétés, appartient au domaine public et que la société ELEKTROSTA n'en possède pas le monopole au même titre que ses prétendues innovations sur la gamme de produits portatifs telle la protection primaire totale (contre le survoltage).
Sur les autres pratiques déloyales, la société JOAO indique qu'elle ne s'est pas appropriée les travaux de recherche et développement de la société ELEKTROSTA, ayant elle-même engagé entre 1997 et 2003 des frais de recherche de 390 308 €, et qu'elle n'a pas commercialisé ses produits à des prix illicitement bas comme il est prétendu.
Elle considère enfin que la société appelante ne rapporte pas la preuve de ses préjudices dont les montants ont sans cesse varié et qui ne reposent sur aucun élément fiable et probant.
A titre reconventionnel, elle sollicite l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait de la rupture brutale des relations par la société ELEKTROSTA, sans motif et sans préavis et du fait de la procédure qui l'a empêchée de commercialiser ses onduleurs en France dans l'attente de l'issue de la procédure.

****

Aux termes de leurs dernières écritures, déposées le 10 mars 2008 et qui sont expressément visées par la Cour, les sociétés OLIVER et PROSOUD demande l'infirmation du jugement qui s'est déclaré compétent et le renvoi de l'affaire devant la Cour d'appel de DOUAI. Subsidiairement, elles demandent la confirmation du jugement, le rejet des demandes d'expertise et des autres demandes de la société appelante et la condamnation de celle -ci à leur verser la somme de 30 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la compétence, elles rappellent qu'aucun défendeur n'est domicilié à LYON et qu'aucune preuve n'est rapportée sur la vente de produits litigieux sur la région lyonnaise.
Sur le fond et subsidiairement, elles font valoir qu'en l'absence de propriété industrielle sur les onduleurs, la société ELEKTROSTA ne peut s'opposer à une concurrence loyale consistant dans la vente de produits similaires sans risque de confusion pour la clientèle.
Sur les ventes à l'étranger, les sociétés intimées adoptent la même argumentation que la société JOAO et contestent l'existence d'actes de concurrence déloyale sur la France en se reportant aux écritures de celle-ci.

Elles relèvent qu'il n'est allégué aucune faute contre elles, indiquant qu'elles ont pratiqué les prix du marché qui sont régulièrement en baisse, quel que soit le fournisseur :
- que la société ELEKTROSTA ne justifie pas de ses préjudices,
- qu'une mesure de publicité serait injustifiée et disproportionnée.
La société ETS OLIVER indique qu'elle a subi un préjudice du fait de la procédure de contrefaçon illicite opérée sur son site et qu'elle-même et la société PROSOUD ont été privées de la commercialisation des onduleurs JOAO sur le marché français pendant la procédure, ce qui est constitutif d'un abus de droit.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2008.
Le même jour, la société ELEKTROSTA a notifié et déposé de nouvelles conclusions récapitulatives.
Les 25 et 27 mars 2008, les sociétés JOAO R MATOS, ETABLISSEMENTS OLIVER et PROSOUD ont déposé des conclusions d'irrecevabilité au visa des articles 15 et 16 du code de procédure civile.
Par conclusions du 28 mars 2008, la société ELEKTROSTA demande que ses conclusions déposées le jour de la clôture soient déclarées recevables, les intimées ne démontrant pas une impossibilité d'organiser leur défense puisqu'elles se sont opposées elles-même à un report de clôture.

SUR CE :

Sur la procédure :
Dans la mesure où les dernières conclusions déposées par la société ELEKTROSTA le jour même de la clôture ne contiennent aucune demande ou moyen nouveau, les sociétés intimées n'établissent pas, pour s'opposer à l'accueil de ces conclusions sans demander toutefois le rabat de la clôture, qu'elles se sont trouvées dans l'impossibilité d'organiser leur défense.
Ces conclusions doivent donc être déclarées recevables.
Sur l'exception d'incompétence, qui ne pourrait conduire qu'au renvoi devant la Cour d'Appel de DOUAI, il ressort que les juridictions lyonnaises sont bien compétentes, au regard des dispositions de l'article 46 du code de procédure civile, dés lors que la commercialisation des onduleurs fabriqués par la société JOAO s'effectuait sur tout le territoire français par le biais du réseau de distribution des sociétés ETS OLIVER et PROSOUD ou sur leur site internet et que le dommage allégué par la société ELEKTROSTA a donc pu se produire dans le ressort de ces juridictions.
Sur les demandes de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon et de constatation de la prescription de cette action, ces demandes ne sont pas formulées dans le dispositif des conclusions des sociétés intimées et n'ont au demeurant aucune incidence sur la présente instance en concurrence déloyale, étant observé que ce procès-verbal manuscrit litigieux est inexploitable, comme illisible, même comme élément d'information dans le cadre de cette instance en responsabilité.
Sur le fond :
En dehors de droits privatifs sur un produit ou de forme fonctionnelle imposée, la copie servile d'un produit constitue un acte de concurrence déloyale. En cas de simple imitation, le demandeur à l'action en concurrence déloyale doit établir la similitude entre ses propres produits et ceux du prétendu imitateur et apporter la preuve que cette similitude, non imposée par des impératifs techniques, a eu pour but ou pour effet de créer dans l'esprit de la clientèle une confusion entre ces produits.
En l'espèce, et en dépit des observations émises par Monsieur E... dans un rapport destiné, comme il le précise lui-même dans son préambule, uniquement à relever les similitudes entre les deux types d'onduleurs fabriqués respectivement par la société ELEKTROSTA et par la société JOAO, il ressort de la simple confrontation des planches photographiques produites que ces deux appareils présentent des différences, de couleurs, de formes, de marques et références et de structures internes après démontage, différences certes minimes mais certaines, qui, au même titre que les appareils de même nature et fonctionnalité fabriqués sous d'autres marques, ne font pas des onduleurs fabriqués par la société JOAO des copies serviles de ceux fabriqués par la société JOAO.
Il ressort par ailleurs du rapport de l'Institut de Soudure et de Qualité (ISQ) établi certes à la demande de la société JOAO mais dont le contenu, très technique, n'a pas fait l'objet de contestations de la part de la société ELEKTROSTA, que les modèles fabriqués par la société JOAO présentent, au niveau de la mécanique et du design externes des similitudes avec ceux fabriqués par ELEKTROSTA (format, dimension, position des potentiomètres) mais que les moules sont différents et que le concept de retrait des capots diffère entre l'Electro 160 et l'Elektro 150.
Concernant la mécanique et l'électronique internes, ce rapport comparatif note des différences très marquées entre ces deux appareils au niveau de leur carte électronique surtout du fait de la différence d'épaisseur des diélectriques qui influe sur la robustesse et les caractéristiques d'isolation électrique et électromagnétique, au niveau de la disposition des composants de puissance ou, dans une moindre mesure, du schéma électrique. Toujours selon ce même rapport, non contredit techniquement, les tests de soudage effectués sur ces deux appareils font apparaître, dans les mêmes conditions de fonctionnement, des différences de comportements sur la durée et en cas de court-circuit.
Outre les différences relevées, ce rapport démontre que la plupart des similitudes apparentes ou techniques sont liées en grande partie à la fonctionnalité du produit, y compris la fonction portative qui, à l'examen des catalogues des autres fabricants, n'est pas une spécificité de la société ELEKTROSTA, ou à des évolutions techniques entrées dans le domaine public telle la technologie Inverter utilisée par la plupart des fabricants de ce genre d'équipements.
Ces similitudes ne sont donc pas fautives, comme n'impliquant pas un comportement délibéré de la société JOAO dans le but de porter la confusion dans l'esprit de la clientèle.
A cet égard, le risque de confusion sur le fabricant ou le produit est d'autant plus inexistant que les produits sont clairement identifiés par une marque différente bien que proche et par les performances techniques distinctes qu'ils présentent, relevées dans le rapport ISQ, et détaillées dans les catalogues techniques établis, pour chacun de ces appareils, à destination d'une clientèle qui n'est pas constituée de consommateurs novices mais de professionnels recherchant non pas l'esthétique du produit mais sa fonctionnalité et ses performances, voire le rapport qualité- prix, étant observé à cet égard que le second grief de concurrence déloyale formulé par la société ELKTROSTA contre la société JOAO de vente par celle-ci à des prix très bas, n'est étayé par aucune pièce et s'inscrit dans un contexte général de baisse des prix du marché sur ce genre de matériel.
La société ELEKTROSTA n'établit pas non plus à l'encontre de la société JOAO une forme de parasitage concurrentiel par accaparement de recherches pour parvenir à un moindre coût de production, ne fournissant pour sa part, pour preuve de son préjudice en termes de recherches sur le produit, que des factures externalisées de design, ce qui tend à confirmer, sans être contredit par d'autres éléments du dossier, que l'essentiel des caractéristiques techniques des onduleurs est du domaine public et qu'en l'absence de copie des moulages, la société JOAO a elle-même engagé des frais pour la configuration externe de son appareil qui n'est pas l'exacte copie du modèle de la société ELEKTROSTA.
Concernant le système de protection en cas de surtension, la société ELEKTROSTA n'établit par aucune pièce que ce système, bien que non breveté, lui serait spécifique et que la société JOAO aurait profité de cette innovation, un tel dispositif apparaissant au contraire inhérent à des onduleurs sur postes de soudure.
Dans ces conditions, le jugement qui a considéré que la société ELKTROSTA ne rapportait pas la preuve d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société JOAO et des sociétés distributrices et qui, en conséquence, a débouté la société demanderesse de toutes ses prétentions, doit être confirmé y compris sur le rejet d'une demande de mesure d'expertise qui n'a pas pour vocation de suppléer à sa carence en termes de preuve.
En l'absence de préjudice indemnisable, le moyen relatif à la loi applicable sur les ventes à l'étranger est sans objet.
Concernant la demande reconventionnelle de la société JOAO en dommages-intérêts pour rupture des relations commerciales par la société ELEKTROSTA, cette rupture a été exactement considérée comme fautive, comme sans préavis et non justifiée par la déloyauté de la société JOAO et justement indemnisée à hauteur de 15 000 €, en considération de la durée de ces relations, mais aussi, du préjudice subi par la société JOAO dont l'activité principale n'est pas la commercialisation d'onduleurs mais d'appareils de soudage.
En engageant initialement une procédure de contrefaçon, comme l'atteste, en l'absence de production de l'ordonnance, l'intitulé du procès-verbal d'huissier du 26 mars 2004, sans la conduire à son terme, puis en engageant une procédure pour concurrence déloyale sans disposer d'éléments suffisants puisque le rapport E... est postérieur à l'assignation et, qu'en cause d'appel, la société ELEKTROSTA sollicite encore une mesure d'expertise, cette dernière a abusé de son droit d'ester en justice et a persisté dans son attitude en faisant appel, ce qui de fait, a prolongé la période durant laquelle la société JOAO et ses distributeurs n'ont pas commercialisé le produit litigieux sur le territoire français.
Le jugement qui l'a condamnée, pour procédure abusive, à verser à chacune des sociétés défenderesses et actuellement intimées, la somme de 15 000 € de dommages-intérêts, doit être confirmé y compris sur les indemnités de procédure qui doivent être augmentées de 5 000 € pour l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Reçoit les conclusions récapitulatives déposées le 21 mars 2008 par la société ELEKTROSTA;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société ELEKTROSTA à verser à chacune des sociétés intimées la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société ELEKTROSTA aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maître DE FOURCROY et de la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0113
Numéro d'arrêt : 07/00253
Date de la décision : 22/05/2008
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Concurrence déloyale - Faute - Parasitisme - Confusion - Risque - Absence - / JDF

Dans le cas d'une imitation, le demandeur à l'action en concurrence déloyale doit établir la similitude entre ses propres produits et ceux du prétendu imitateur et apporter la preuve que cette similitude, non imposée par des impératifs techniques, a eu pour but ou pour effet de créer dans l'esprit de la clientèle, une confusion entre ces produits. En l'espèce, les similitudes invoquées par le demandeur à l'action en concurrence déloyale ne peuvent-être considérées comme fautives dans la mesure où il est démontré que ces similitudes, tant apparentes que techniques, sont liées à la fonctionnalité du produit et à des évolutions techniques entrées dans le domaine public. Elles n'impliquent donc pas un comportement délibéré de l'intimée visant à créer la confusion dans l'esprit de la clientèle


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Lyon, 12 décembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2008-05-22;07.00253 ?
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