COUR D'APPEL DE LYONTroisième Chambre Civilesection B
ARRET DU 03 Avril 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 13 juillet 2006 - No rôle : 2004j2065
Décision précédemment intervenue :Arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 31 janvier 2008 ordonnant la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats.
No R.G. : 06/05547
Nature du recours : Appel
APPELANTE :
Société KBC LEASE FRANCE SA55, avenue Maréchal Foch69006 LYON
représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour
assistée de Maître Annie ALAGY, avocat au barreau de LYON, substitué par Maître Emilie MAGNAVAL, avocat au barreau de LYON,
INTIMEES :
Société BUSINESS SUPPORT SERVICES SA (B2S)1, avenue Charles de Gaulle92230 GENNEVILLIERS
représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour
assistée de la SCP C.M.C, avocats au barreau de PARIS
Société RISC GROUP SA venant aux droits de la SA ADHERSIS, elle-même venant aux droits de la Société ADHERSIS LEASE9/11 allée des Pierres MayettesParc des Barbanniers92632 GENNEVILLIERS CEDEX
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Maître Michel ROUBAUD, avocat au barreau de CARPENTRASInstruction clôturée le 07 Mars 2008
Audience publique du 07 Mars 2008
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
DEBATS en audience publique du 07 Mars 2008tenue par Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller, chargé de faire rapport, sans opposition des avocats dûment avisés, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré,
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Laurence FLISE, Président Madame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier
ARRET CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 03 Avril 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La société BUSINESS SPORT SERVICES (B2S) a confié à la société ADHERSIS la sauvegarde à distance de ses données, pour chacun de ses trois sites de COURBEVOIE, VALENCIENNES et PAU, suivant contrats d'abonnement et télésauvegarde sécurisée et location, en date du 26 avril 2002 d'une durée de 48 mois, prévoyant, chacun :- une mensualité de 300 € HT,- des frais d'installation de 500 € HT,en exécution desquels chacun des sites a été équipé de deux serveurs "backupia pro" et deux "bioclick" (souris équipé d'un système d'identification par empreinte digitale), fournis par ADHERSIS. Les procès-verbaux d'installation ont été signés le 30 avril 2002.Les contrats de location du matériel ont été cédés par la société ADHERSIS à la société KBC LEASE FRANCE le mois suivant.
Par courrier du 24 juillet 2002, la société B2S a informé la société ADHERSIS qu'elle constatait la résiliation du contrat à ses torts en raison de l'inexécution de la sauvegarde des données comme prévu, et a demandé à sa banque le rejet des prélèvements mensuels au profit de KBC LEASE FRANCE.
Par courrier du 23 avril 2003, la société KBC LEASE FRANCE a mis en demeure la société B2S de régler l'arriéré de loyers dans un délai de huit jours, faute de quoi la clause résolutoire s'appliquerait.
Par assignation délivrée le 12 juillet 2004, la société KBC LEASE FRANCE a fait citer la société B2S devant le tribunal de commerce de LYON afin de voir constater la résiliation des contrats, et voir statuer sur les conséquences de la résiliation. La société ADHERSIS a été appelée en cause.
Par jugement du 13 juillet 2006, le tribunal de commerce de LYON, se déclarant territorialement compétent , a tout à la fois :- jugé que le contrat de service est résolu aux torts exclusifs de la société ADHERSIS- annulé le contrat de location liant les sociétés KBC LEASE FRANCE et B2S- déclaré les contrats interdépendants- déclaré la résolution du contrat de location aux torts exclusifs de la société ADHERSIS- débouté les sociétés KBC LEASE FRANCE et ADHERSIS de toutes leurs demandes à l'encontre de la société B2S - condamné la société ADHERSIS à garantir la société KBC LEASE FRANCE du préjudice qu'elle a subi- ordonné à la société B2S de mettre à disposition de la société ADHERSIS le matériel installé, ou à la dédommager à hauteur de 236 €, valeur proposée par la société B2S et non contestée par ADHERSIS, sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de huit jours suivant la signification du jugement - condamné la société ADHERSIS à restituer à la société KBC LEASE FRANCE le matériel objet de la location tel que décrit dans le contrat, au lieu et place fixés par la société KBC LEASE FRANCE, et ce sous astreinte de 5 € par jour de retard, ou à l'indemniser du montant versé par la société B2S à ce titre, et dans le délai de 30 jours suivant la signification du jugement - déclaré les sommes versées par la société B2S au titre du contrat dues - débouté la société B2S de sa demande de remboursement des loyers versés avant les réclamations ayant abouti à la résolution du contrat- mis les dépens à la charge de la société ADHERSIS et de la société KBC LEASE FRANCE, chacune pour moitié.
La société KBC LEASE FRANCE a interjeté appel le 11 août 2006.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 10 septembre 2007, et expressément visées par la Cour, elle demande à la Cour de :- à titre principal : constater la résiliation des contrats aux torts de la société B2S et : ~ condamner la société B2S au paiement de la somme de 16 034,88 € pour chaque contrat, outre intérêts de droit à compter de l'assignation ~ condamner la société B2S à restituer le matériel objet de la location, sous astreinte de 150 € par jour de retard, le délai commençant à courir huit jours après la signification de la décision à intervenir- à titre subsidiaire : condamner la société ADHERSIS au paiement des sommes susvisées ;- rejeter les demandes reconventionnelles formées par la ADHERSIS, et, subsidiairement, dire qu'elle ne devra reverser une partie des redevances à la société ADHERSIS qu'après paiement effectif par la société B2S des condamnations mises à sa charge.Enfin elle sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société KBC LEASE FRANCE se prévaut ;- de la signature sans réserves par la société locataires des procès-verbaux d'installation des matériels, - de la clause insérée dans les contrats de location, par laquelle le locataires s'interdit de refuser le paiement des loyers en raison d'un différend avec le fournisseur du matériel, et attire son attention sur l'indépendance du contrat de location avec les autres contrats.
Pour s'opposer à la demande reconventionnelle de la société ADHERSIS, elle soutient que le reversement par le loueur de la redevance encaissée par lui pour le compte du prestataire n'est prévu qu'en cours d'exécution du contrat, et n'a pas lieu d'être concernant les indemnités dues par le locataire au profit du bailleur en cas de résiliation anticipée du contrat.
Dans ses dernières écritures déposées au greffe le 28 septembre 2007, et expressément visées par la Cour, la société B2S conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en remboursement des loyers versés avant les réclamations, et à ce titre condamner la société ADHERSIS à lui payer la somme de 7354,80 €, outre intérêts au taux légal à compter de la date de la résolution. Elle demande enfin l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle expose que :- dès l'origine, la société ADHERSIS a été dans l'incapacité d'exécuter la sauvegarde incrémentale des données, qui était une obligation essentielle du contrat ;- sans l'aviser, la société ADHERSIS est revenue à une sauvegarde intégrale des données, au lieu de la sauvegarde incrémentale convenue, ce qui a entraîné des délais d'intervention plus longs bloquant le système informatique de B2S ;- elle n'a pas apporté de réponse au problème, et n'a pas même répondu à la lettre du 24 juillet 2002 lui notifiant la résiliation du contrat en raison de sa totale défaillance, qu'elle a ainsi reconnue ;- la société ADHERSIS ne saurait se retrancher derrière l'article 6.2 des conditions générales, qui exonère le prestataire des conséquences des temps de connexion de télé sauvegarde, dès lors que la durée des sauvegardes est due au procédé mis en oeuvre ;- le contrat d'abonnement de télé sauvegarde et le contrat de location, n'ayant aucun intérêt l'un sans l'autre, étaient interdépendants dans l'esprit des parties.
Elle indique n'avoir retrouvé qu'un bioclick sur les six livrés, et offre de dédommager la société ADHERSIS à hauteur de 236 €.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 18 avril 2007, et expressément visées par la Cour, la société ADHERSIS demande l'infirmation du jugement entrepris, le rejet des réclamations de la société B2S, et la condamnation de celle-ci à lui payer :- la somme de 5400 € HT au titre des redevances- la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts - la somme de 3000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.A titre subsidiaire, si la société B2S est condamnée à payer l'intégralité des sommes réclamées par la société KBC LEASE FRANCE, elle demande que celle-ci soit condamnée à lui payer la somme de 5400 € HT au titre des redevances.
Sur les doléances de la société B2S, elle expose que :- les procès-verbaux d'installation signés établissent que les sauvegardes étaient correctement effectuées ;- la société B2S ne rapporte pas la preuve du prétendu passage du mode de sauvegarde incrémentale en sauvegarde intégrale, ni de la longueur des sauvegardes ;- les temps de connexion et de sauvegarde sont intimement liés au volume des données à sauvegarder et à l'environnement informatique de l'abonné ; aussi l'article 6.2 des conditions générales de vente rend l'abonné attentif au coût téléphonique et indique que le prestataire ne saurait en être responsable ;- pour le même motif, la durée importante des sauvegardes ne signifie pas qu'il s'agissait d'une sauvegarde complète.
S'il devait être fait droit aux demandes de la société KBC LEASE FRANCE à l'encontre de la société K2S, elle soutient que la part de la redevance dans la mensualité, soit 15%, devra lui être reversée.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 octobre 2007.
Par conclusions de reprise d'instance déposées au greffe le 8 janvier 2008, et expressément visées par la Cour, la société RISC GROUP, déclarant venir aux droits de la société ADHERSIS, a repris l'instance en son nom.
Par arrêt du 31 janvier 2008, la Cour a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats aux fins de régularisation de l'instance à la suite de l'intervention de la société RISC GROUP.
Aux termes de ses dernières écritures déposées au greffe le 3 mars 2008, et expressément visées par la Cour, la société RISC GROUP a repris les dernières conclusions de la société ADHERSIS.
Une nouvelle clôture a été ordonnée à l'audience de débats devant le conseiller rapporteur.
SUR CE :
I - Sur le contrat de sauvegarde sécurisée
Les contrats signés par la société B2S sont des contrats de télésauvegarde sécurisée et de location.Dans sa lettre recommandée avec avis de réception, adressée à la société ADHERSIS le 24 juillet 2002, soit moins de trois mois après l'installation des matériels et la mise en route, la société B2S s'est plainte de la survenance depuis un mois de sérieux problèmes sur les sauvegardes à distance via le système backupia, et précisément de la non finalisation des sauvegardes journalières en raison de leur durée trop longue, supérieure à 10 heures, sachant que la sauvegarde ne peut s'effectuer que sur des fichiers fermés.
Avant la présente instance, la société ADHERSIS n'a jamais contesté ce courrier, ni l'annonce qui y était faite de la décision de la société B2S de bloquer le paiement des factures et rompre le contrat, comme elle n'aurait pas manqué de le faire si les griefs qui lui étaient faits n'étaient pas fondés. Elle n'a pas même offert d'intervenir pour remédier aux dysfonctionnements, et ne conteste pas l'arrêt à la même époque des opérations de sauvegarde.Il y a donc eu acceptation de sa part de la résiliation du contrat en raison de son incapacité de fournir à la société B2S la prestation promise.
En tout état de cause, la clause du contrat de maintenance (article 6-2), qui dit que le prestataire ne saurait être responsable des coûts de la connexion, et notamment le coût téléphonique, serait impropre à l'exonérer de sa responsabilité en cas de réalisation incomplète de la sauvegarde quotidienne consécutive aux temps de transfert des données, qui était sa prestation essentielle.
Le contrat de sauvegarde a donc été résilié sur décision de la société B2S acceptée par la société ADHERSIS.
La redevance au titre du contrat de sauvegarde, qui selon les éléments au dossier correspondait à 15% de la mensualité de 300 € HT, soit 45 € HT, n'étant plus due à compter du mois de juillet 2004, la société B2S est donc fondée à demander à la société RISC GROUP, venant aux droits de la société ADHERSIS, le remboursement de la somme versée à ce titre entre le mois de juillet 2004 et le mois de décembre 2004, soit 320,22 € TTC (45 x 6 = 270 € HT).
La demande relative à la période antérieure n'est pas fondée, du fait que la société B2S dans sa lettre du 24 juillet 2002 à la société ADHERSIS parle de problèmes rencontrés depuis un mois.
II - Sur le contrat de location
Contrairement à ce qu'indique la société B2S dans ses écritures, le matériel livré comprenait, outre les souris, deux serveurs "backupia" pour chacun des sites. Ces matériels ont été cédés par la société ADHERSIS à la société KBC LEASE FRANCE le 13 mai 2002, pour le prix de 9670,08 € HT par site, selon les factures versées aux débats.
A aucun moment, pas même dans ses écritures, la société B2S n'a dit que le matériel ne lui a plus été d'aucune utilité après la résiliation du contrat de sauvegarde signé avec ADHERSIS, et elle n'a offert qu'au cours de la présente instance la restitution de la seule souris qu'elle dit avoir pu retrouver.
Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à invoquer une interdépendance des contrats et une absence d'intérêt du contrat de location sans le contrat de sauvegarde.
La société KBC LEASE FRANCE est donc fondée en sa demande en paiement des sommes dues au titre du contrat de location, pour la part de la redevance mensuelle de 300 € correspondant au loyer des matériels (85%), soit 255 € HT, et TTC 302,43 €.Il lui sera donc alloué :- les loyers échus à la date de résiliation des contrats en avril 2004, demeurés impayés depuis le mois de janvier 2003, soit par contrat 302,43 € x 16 = 4838,88 € TTC ;- les loyers à échoir de mai 2004 jusqu'au terme du contrat en mai 2006 inclus, soit 302,43 € x 25 = 7560,75 € TTC ;- la clause pénale de 10% sur les sommes ci-dessus, soit : (7560,75 + 4838,88) x 10% = 1239,96 € ;soit au total la somme de 13 639,59 € par contrat, donc pour les 3 contrats la somme de 40 918,78 €.
La restitution du matériel sera ordonnée. En raison de son ancienneté, imputable pour une bonne part à la société KBC LEASE FRANCE qui a attendu plus de quinze mois (mai 2004) après l'arrêt des versements (janvier 2003) pour poursuivre la résiliation du contrat, et l'introduction de l'instance pour réclamer la restitution, l'astreinte sera fixée à seulement 15 € par jour et par site, et sa durée à un mois.
III - Sur les demandes de la société RISC GROUP
Ses demandes principales sont devenues sans objet.
IV - Sur les demandes accessoires
La société B2S, qui succombe sur la demande principale, sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.
Les dépens seront mis à la charge de la société B2S et de la société RISC GROUP chacune pour moitié.
PAR CES MOTIFSLa Cour,
Vu l'arrêt du 31 janvier 2008
- Infirme le jugement déféré
- Condamne la société RISC GROUP à payer à la société BUSINESS SUPPORT SERVICES la somme de 320,22 €, outre intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2002
- Déboute la société BUSINESS SUPPORT SERVICES de ses demandes pour le surplus
- Déboute la société RISC GROUP de ses demandes
- Condamne la société BUSINESS SUPPORT SERVICES à payer à la société KBC LEASE FRANCE la somme de 40 918,78 €, avec les intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2004
- La condamne à restituer à la société KBC LEASE FRANCE les matériels objet des contrats de location dans un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, sous peine d'une astreinte de 15 € par site et par jour, pendant un mois
- Déboute la société KBC LEASE FRANCE du surplus de ses demandes
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties
- Fait masse des dépens de première instance et d'appel, et dit qu'ils seront supportés par la société BUSINESS SUPPORT SERVICES et la société RISC GROUP chacune pour moitié, et distraits au profit de la SCP Eve et Jean-Pierre DUTRIEVOZ, avoués, sur son affirmation de droit.