COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION A
ARRÊT DU 3 AVRIL 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 23 mai 2006- No rôle : 2004j3156
No R. G. : 06 / 03713
Nature du recours : Appel
APPELANTE :
Madame Lydie X..., agent commercial exerçant sous la dénomination commerciale " HALE FRANCE ". ...
représentée par Me Annie GUILLAUME, avoué à la Cour
assistée de Me Catherine VEROT- FOURNET, avocat au barreau de LYON
INTIMEES :
Société SERVICE ACHAT PARTENAIRE SAS 110 rue Hénon 69004 LYON
représentée par la SCP AGUIRAUD- NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocats au barreau de LYON
Société CPS EUROPE SARL 1avenue Jean Mermoz Bat M 6041 GOSSELIES BELGIQUE
défaillante
Instruction clôturée le 22 Janvier 2008
Audience publique du 20 Février 2008
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Bernard CHAUVET, Président Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie- Françoise CLOZEL- TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 20 Février 2008 sur le rapport de Monsieur Bernard CHAUVET, Président
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier
ARRET : REPUTE CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 3 avril 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame X... exerce une activité d'agent commercial dans le domaine des composants électroniques sous la dénomination de HALE FRANCE, son mandant exclusif étant la Ste de droit anglais HALE INSTRUMENTS.
Elle recherche des fournisseurs et des clients pour des composants électroniques de matériels obsolètes.
Madame X... a des relations commerciales avec la Ste CPS BELGIUM, fournisseur qui importe et exporte du matériel électronique dans les mêmes domaines qu'elle.
Le 1 octobre 2000, Madame X... a recruté une salariée en qualité d'assistant, Madame A..., qu'elle a licenciée pour faute grave le 29 juin 2004, lui reprochant d'avoir pris connaissance de documents confidentiels de l'entreprise- notamment une liste informatique de 2 300 coordonnées de clients et fournisseurs- pour en faire un usage à son profit et par le biais des sociétés SERVICE ACHAT PARTENAIRE puis de CPS EUROPE.
Invoquant une complicité entre Madame A..., la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE et la Ste CPS EUROPE, Madame X... a donné assignation aux deux sociétés les 29 octobre et 2 novembre 2004 devant le Tribunal de commerce de LYON pour obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 400 000 euros à titre de dommages- intérêts et, par jugement en date du 23 mai 2006, elle a été déboutée de ses demandes et condamnée au paiement à chacune d'elles, de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Le 13 juin 2006, Madame X... a relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions récapitulatives de Madame X... en date du 16 octobre 2007.
Vu les conclusions de la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE en date du 16 janvier 2007.
Par acte d'huissier du 23 mars 2007, Madame X... a donné assignation à la Ste CPS EUROPE, qui a eu connaissance de l'acte et qui n'a pas constitué avoué.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2008.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu sur la demande de sursis à statuer, que la plainte pénale ne vise pas la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE et que la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil ;
Qu'il n'y a pas lieu à surseoir à statuer ;
Attendu que suite à son licenciement par Madame X... le 29 juin 2004, Madame A... a été engagée le 9 juillet 2004 par la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE (crée le 12 septembre 2003) et qu'elle a démissionné le 4 octobre 2004 ;
Qu'aucun fait de débauchage n'est démontré à l'encontre de la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE ;
Attendu qu'il résulte de la reproduction du site internet de la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE à la date du 6 avril 2004, qu'elle proposait des promotions sur des matériels et consommables informatiques et qu'elle justifie avoir mis en vente des composants électroniques dès avant l'embauche de Madame A... ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites, que dès le 12 juillet 2004, la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE, par l'intermédiaire de Madame A..., a fait parvenir des messages électroniques dans le monde entier, à des sociétés susceptibles d'acheter ou de vendre des composants électroniques ;
Que du 12 au 27 juillet 2004, elle a contacté 63 sociétés également clientes ou fournisseurs de Madame X... ;
Attendu que s'il apparaît que de nombreux clients figurent dans un ouvrage de référence spécialisé (KOMPASS), Madame X... établit que parmi ces 63 sociétés plusieurs d'entre elles ne figurent pas dans cet outil de recherche (sociétés SABWABCO, CCDE, ANNECY ELECT, SEE, SEREPS, LARSHOLT au DANEMARK, SYSTECH à SINGAPOUR, ADECEF...) et que l'une d'entre elle a été contactée par un e- mail figurant dans le fichier de Madame X... mais qui n'est pas celui utilisé par la société sur son site internet (Ste ACSA) ;
Qu'enfin, un e- mail a été envoyé par la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE à Monsieur B..., ami de Madame X..., qui n'a aucune activité dans le commerce de composants électroniques, mais figurant dans son fichier (carnet d'adresses internet) qui comporte pour chacun des clients ou fournisseurs, la dénomination de son courrier électronique ;
Attendu que ces éléments démontrent que la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE par l'intermédiaire de sa salariée, a eu connaissance et a utilisé ce fichier, dès lors que la société intimée ne prétend ni ne démontre avoir été antérieurement en relation d'affaires avec ces sociétés ;
Attendu que le contrat de travail liant Madame X... à Madame A... comportait une clause de non concurrence ;
Que par acte d'huissier en date du 16 juillet 2004, Madame X... a fait connaître à la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE le contenu de la clause et lui a fait sommation de cesser tout agissement de nature concurrentiel ;
Attendu que seul le salarié peut invoquer la nullité d'une clause de non- concurrence et que la nullité de celle- ci ne fait pas obstacle en tout état de cause à l'action engagée contre l'employeur du salarié, s'il s'est livré à des actes de concurrence déloyale ;
Que le nouvel employeur se rend coupable de concurrence déloyale s'il embauche l'ancien salarié d'un concurrent alors qu'il connaissait l'existence de la clause de non concurrence ;
Attendu qu'en l'espèce, la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE averti de ce que Madame A... était tenue par une clause de non concurrence l'a conservée à son service et l'a maintenue dans une fonction de recherche de clientèle ;
Qu'il convient de retenir, en infirmant le jugement déféré, que la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE a commis des faits de concurrence déloyale à l'égard de Madame X... ;
Attendu sur le préjudice, que Madame X... ne démontre pas avoir perdu un client ou un fournisseur du fait des agissements de la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE ;
Qu'au cours de l'année 2004, son chiffre d'affaires s'est élevé à la somme de 144 760 euros et son bénéfice à celle de 60 115 euros (avec deux salariés) et pour l'exercice 2005 respectivement aux sommes de 128 273 euros et de 39 115 euros (sans salarié), les charges augmentant notamment au niveau des honoraires (8 867 euros) ;
Que le rapport d'évaluation produit par Madame X..., n'étudie pas de manière détaillée le chiffre d'affaires de Madame X... par rapport à ses clients pour affirmer que la perte d'une partie de la clientèle entraîne un préjudice de 360 000 euros et que la pénétration de la clientèle par un concurrent, génère un préjudice de 31 220 euros ;
Attendu qu'un trouble commercial s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale ;
Que compte tenu des éléments relevés, il convient, sans qu'il y ait lieu de recourir à une mesure d'instruction, de condamner la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages- intérêts ;
Attendu sur la demande à l'encontre de la Ste CPS EUROPE, qui exerce dans le même domaine d'activité que Madame X..., que si Madame A... a été engagée par cette société le 11 octobre 2004 en, qualité d'employée commerciale, aucun élément n'établit que la société intimée avait connaissance de la clause de non concurrence figurant au contrat de l'ancien employeur de la salariée ;
Que de même, Madame X... ne démontre pas l'action concertée de la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE et de la Ste CPS EUROPE qui ne saurait résulter de leur seule domiciliation dans le même centre d'affaires en BELGIQUE ;
Attendu que l'appelante produit cinq courriers électroniques adressés par la Ste CPS EUROPE- par l'intermédiaire de Madame A...- à des sociétés pour leur proposer des composants électroniques ;
Que l'une de ces sociétés a pour client la Ste CPS EUROPE et qu'il n'apparaît pas, en dehors de tout autre élément, que constitue un acte de concurrence déloyale le démarchage de clients par une société spécialisée dans l'import- export de matériels électroniques se rattachant à l'industrie aéronautique, militaire et civile, dont l'activité est de se procurer des pièces et composants électroniques ne pouvant plus être obtenus sur le marché et dont le rapport d'évaluation produit par Madame X... indique qu'elle était pour elle un fournisseur important, connaissant nécessairement les acteurs de ce marché ;
Que d'ailleurs, le jugement du Tribunal de commerce de CHARLEROI prononçant un concordat judiciaire de la Ste CPS EUROPE, relève que son chiffre d'affaires a chuté de 501 802 euros en 2004 à 368 156 euros en 2005 ;
Attendu que la non immatriculation de la Ste CPS EUROPE au greffe du Tribunal de commerce ne caractérise pas un acte de concurrence déloyale susceptible de causer un préjudice à Madame X... ;
Attendu que le jugement est confirmé pour avoir débouté Madame X... de sa demande à l'encontre de la Ste CPS EUROPE ;
Attendu que la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE ne démontre pas le caractère abusif de la procédure initiée par Madame X... et que sa demande de dommages- intérêts est écartée ;
Attendu que l'équité commande de condamner la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE à payer à Madame X... la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Reçoit l'appel comme régulier en la forme,
Rejette la demande de sursis à statuer,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de Madame X... à l'encontre de la Ste CPS EUROPE,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE à payer à Madame X... la somme de 10 000 euros à titre de dommages- intérêts,
Condamne la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE à payer à Madame X... la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne la Ste SERVICE ACHAT PARTENAIRE aux dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.