COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION B
ARRET DU 20 Mars 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 28 juin 2006- No rôle : 2004j3279
No R. G. : 06 / 05201
Nature du recours : Appel
APPELANTS :
Société LOREAT CONTENEURS SARL Centre Tertiaire Môle Graveleau 13230 PORT SAINT LOUIS DU RHONE
représentée par la SCP BRONDEL- TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me Robert BALLESTRACCI, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître Dominique X..., mandataire judiciaire, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LOGISTIQUE ROUTE ET AFFRETEMENT TRANSPORT (LOREAT) ...... représenté par la SCP BRONDEL- TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me Robert BALLESTRACCI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES :
SOCIETE LYONNAISE DES MESSAGERIES NATIONALES (SLMN), SAS 15, Avenue de l'Industrie 69960 CORBAS
représentée par Me MOREL, avoué à la Cour
assistée de Me Gilles CATELAND, avocat au barreau de LYON
Société JJ TRANS SARL Quai Notre Dame 84430 MONDRAGON
représentée par la SCP AGUIRAUD- NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de la SCP DEYGAS PERRACHON BES et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Instruction clôturée le 22 Janvier 2008
Audience publique du 18 Février 2008
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Laurence FLISE, Président Madame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 18 Février 2008 sur le rapport de Madame Laurence FLISE, Président
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 20 mars 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La SOCIETE LYONNAISE DES MESSAGERIES NATIONALES (dite SLMN), commissionnaire de transport, a, entre 2001 et 2003, habituellement confié à la société LOGISTIQUE ROUTE ET AFFRETEMENT TRANSPORT (dite LOREAT), autre commissionnaire de transport, l'acheminement de conteneurs de marchandises.
Au mois d'octobre 2004 la société LOREAT a fait assigner en justice la SLMN et la société JJ TRANS, transporteur, pour obtenir :
de la SLMN
- le paiement de surtaxes (de prise en charge de conteneurs dans le port de Fos),
- la suppression de déductions (correspondant à des frais de stationnement et de surestaries) pratiquées en raison de retards dans la restitution des conteneurs,
- l'indemnisation des conséquences d'une rupture brutale des relations entre les parties.
de la SLMN et de la société JJ TRANS
- l'indemnisation de l'acte de concurrence déloyale résultant du fait que la société JJ TRANS, qu'elle affrétait habituellement, avait traité directement avec la SLMN.
Par jugement en date du 28 juin 2006 le tribunal de commerce de Lyon a débouté la société LOREAT de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à chacune des défenderesses une somme de 750 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société LOREAT (actuellement en liquidation judiciaire et représentée par son liquidateur) a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures elle conclut à l'infirmation du jugement entrepris et, réitérant ses prétentions initiales, demande :
- que la SLMN soit condamnée à lui payer une somme de 22 526, 40 € (surtaxes d'un montant unitaire de 150 €), une somme de 12 364, 40 € (frais indûment déduits) ainsi qu'une somme de 45 000 € (préjudice consécutif à la rupture brutale des relations commerciales),
- que la SLMN et la société JJ TRANS soient condamnées in solidum à lui payer une somme principale de 90 000 € (préjudice consécutif à la concurrence déloyale) et une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour soutenir que sa première demande n'est pas prescrite elle se prévaut d'une compensation effectuée par la SLMN et conteste que les surtaxes se rattachent au contrat de transport.
Sur le fond :
- elle tire de l'envoi par elle de plusieurs fax laissés sans réponse la preuve du consentement donné par la SLMN au paiement de surtaxes,
- elle tire de la diminution de sa marge brute et de l'augmentation de ses frais de manutention la preuve qu'elle a effectivement subi un préjudice pratiquement égal au montant des surtaxes réclamées,
- elle considère comme abusives (et comme rendant, par voie de conséquence, la prescription inapplicable) les déductions opérées par la SLMN à la suite de retards qui n'étaient pas imputables à son co- contractant, se prévaut à titre subsidiaire des dispositions du contrat- type interdisant la compensation et soutient à titre très subsidiaire que les conditions d'une indemnisation pour retard n'étaient pas réunies en l'absence notamment de mise en demeure,
- elle conteste se trouver à l'origine de la rupture des relations commerciales avec la SLMN, que le différend à propos des surtaxes ne pouvait, selon elle, justifier,
- elle soutient que, même en l'absence d'exclusivité, le contrat de commission de transport interdisait à la SLMN de solliciter directement un sous- traitant de son co- contractant,
- elle estime qu'une antériorité de la collaboration entre les intimées n'est pas rapportée et présente de surcroît peu de vraisemblance.
Elle explique qu'en 2003 elle réalisait avec la SLMN jusqu'à 40 % de son chiffre d'affaires.
Elle obtient la somme de 45 000 euros en fixant à 6 mois la durée du préavis dont elle aurait du bénéficier et en estimant à 7 500 € le bénéfice mensuel qu'elle tirait de ses relations avec la SLMN.
Elle obtient la somme de 90 000 € en multipliant par 12 ce bénéfice mensuel.
Aux termes de ses dernières écritures la SLMN conclut à l'irrecevabilité des demandes relatives aux surtaxes et aux déductions de frais (ces surtaxes et ces frais se rattachant aux transports réalisés par les affrétés et les surtaxes n'ayant de surcroît fait l'objet d'aucune compensation) et à la confirmation, pour le surplus, du jugement entrepris. Elle sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient :
- qu'à les supposer même recevables les demandes relatives à des surtaxes qui n'étaient pas contractuellement prévues et dont le règlement aux voituriers n'est pas établi, sont mal fondées
- qu'à les supposer même recevables les demandes relatives aux déductions de frais sont mal fondées, la compensation n'étant pas interdite en matière de commission de transport, les déductions ayant été conventionnellement prévues et les retards étant bien imputables à la société LOREAT qui devait restituer les conteneurs le jour de leur enlèvement,
- que la rupture des relations contractuelles, dont la date n'est au demeurant pas clairement précisée par la société LOREAT, trouve son origine dans le comportement de cette dernière qui a modifié unilatéralement le prix de ses prestations et qui a ensuite refusé d'exécuter des ordres de transport,
- qu'elle a entretenu des relations commerciales concomitamment avec la société LOREAT et la société JJ TRANS qui ne bénéficiaient ni l'une l'autre d'une quelconque exclusivité,
- que la diminution du chiffre d'affaires de la société LOREAT au cours de l'année 2003 n'est pas imputable uniquement à la perte d'un seul client.
Elle critique l'évaluation faite par la société LOREAT de son préjudice et se plaint d'une double demande d'indemnisation.
Aux termes de ses dernières écritures la société JJ TRANS conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu'elle n'a joué aucun rôle dans la rupture des relations entre la SLMN et la société LOREAT et qu'elle n'a commis aucune faute en effectuant des prestations pour la SLMN postérieurement à cette rupture. Elle estime même que ce comportement a évité à la société LOREAT de lui verser une indemnité.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2008.
SUR CE :
Attendu que des dispositions de l'article L 133- 6 du code de commerce il ressort que toutes les actions auxquelles peut donner lieu le contrat de transport, tant contre le voiturier ou le commissionnaire de transport que contre l'expéditeur ou le destinataire, sont prescrites dans le délai d'un an ;
Attendu que chacune des factures (d'un montant de 150 €) établies le 31 août 2003 par la société LOREAT pour " prise en charge de conteneur " se rapporte à un transport précis effectué entre le 19 mai et le 30 juin 2003 et a pour objet la rémunération du temps d'attente subi par le voiturier au moment de la prise en charge des conteneurs ;
Que l'article L 133- 6 du code de commerce est, par conséquent bien applicable aux demandes de paiement de ces surtaxes qui se trouvent prescrites pour n'avoir été introduites que le 27 octobre 2004 (étant précisé qu'aucune compensation n'a été, en ce qui concerne ces surtaxes, pratiquée par la SLMN) ;
Attendu que les déductions critiquées par la société LOREAT ont été (comme des déductions antérieures acceptées en leur temps par la société LOREAT) pratiquées par la SLMN en application de dispositions du contrat de commission de transport (et non du contrat- type de transport) rappelées sur chacun des bons de commande et se trouvent clairement explicitées par les mentions précises portées sur les factures concernées qui visent des justificatifs émanant des tiers ayant réclamé le paiement de frais de détention à la suite de retards ;
Que les demandes de restitution de ces déductions, qui se rapportent à des transports réalisés entre le mois de décembre 2002 et le mois d'août 2003, se trouvent prescrites pour n'avoir été introduites que le 27 octobre 2004 ;
Attendu que la société LOREAT, qui se contente de verser aux débats des fax ou télécopies relatant les doléances des voituriers consécutives aux délais d'attente pour la prise en charge des conteneurs et évoquant l'éventualité de la mise en place d'une surtaxe, n'établit ni que la SLMN a accepté de régler une telle surtaxe, ni qu'elle s'est vu elle- même réclamer cette surtaxe par les voituriers ;
Qu'apparaît dès lors fautif le fait pour la société LOREAT d'avoir réclamé à la SLMN (par factures toutes datées du 31 août 2003) le paiement d'une surtaxe de 150 € pour chaque transport effectué entre le 19 mai et le 30 juin 2003 ;
Attendu que, comme le confirment les courriers échangés par les parties au mois d'octobre 2003 (par lesquels la SLMN a fait connaître son refus de régler une surtaxe et la société LOREAT a fait connaître son indignation devant ce refus) la modification unilatérale par la société LOREAT des prix convenus se trouve à l'origine de la rupture des relations commerciales entre les parties ;
Que ce comportement revêt un caractère de gravité suffisant pour justifier une résiliation sans préavis ;
Attendu qu'il n'est pas démontré que la SLMN et la société JJ TRANSPORT aient enfreint une quelconque interdiction en entretenant des relations contractuelles directes ;
Attendu que le jugement entrepris doit, dès lors, être infirmé en ce qu'il a déclaré recevables les deux premières demandes de la société LOREAT et confirmé en ce qu'il a débouté la société LOREAT de ses autres demandes ;
Attendu que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur des intimées ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevables les deux premières demandes de la société LOREAT
Statuant à nouveau dans cette limite
Déclare ces demandes irrecevables en tant qu'atteintes par la prescription
Confirme en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris
Y ajoutant
Condamne la société LOREAT à payer à chacune des intimées une somme supplémentaire de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 nouveau code de procédure civile
Condamne la société LOREAT aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de Maître Morel et de la SCP Aguiraud- Nouvellet, avoués