COUR D'APPEL DE LYONTroisième Chambre Civile SECTION A
ARRÊT DU 13 Mars 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 14 septembre 2006 - No rôle : 2004j540
No R.G. : 06/06075
Nature du recours : Appel
APPELANTE :
Société SAINT-JEAN SAS (anciennement dénommée DAUPHIPATE)Avenue des Allobroges26100 ROMANS SUR ISERE
représentée par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour
assistée de la SELAFA DELSART TESTON, avocats au barreau de LYON
INTIMEE :
Société PANZANI SAS4, rue Boileau69006 LYON
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Antoine DE BROSSES, avocat au barreau de PARIS
Instruction clôturée le 13 Novembre 2007
Audience publique du 23 Janvier 2008
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Bernard CHAUVET, PrésidentMonsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 23 Janvier 2008sur le rapport de Monsieur Bernard CHAUVET, Président
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 Mars 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
La Ste SAINT JEAN (anciennement dénommée DAUPHIPATE) fabrique des pâtes alimentaires fraîches et des ravioles.
La Ste PANZANI est spécialisée dans la fabrication de pâtes alimentaires sèches.
Par contrat en date du 15 mai 2000, d'une durée de trois ans, la Ste DAUPHIPATE s'est engagée à fabriquer et à livrer au profit de la Ste PANZANI des pâtes simples fraîches, farcies et des ravioles.
Le 23 septembre 2002, la Ste PANZANI informe la Ste SAINT JEAN qu'elle ne souhaite pas reconduire le contrat au-delà de son terme de trois ans et qu'ainsi le contrat prendra fin le 31 mars 2005.
Par lettre du 23 juin 2003, la Ste PANZANI, invoquant les problèmes de qualité existant dans les fabrications, informe la Ste SAINT JEAN et la présence de staphylocoques pathogènes dans des lots réceptionnés les 12 et 18 juin 2003, informe la Ste SAINT JEAN qu'elle rompait le contrat.
Par ordonnance du 9 juillet 2003, le Président du Tribunal de commerce de LYON a ordonné une expertise et commis pour y procéder Monsieur Z... avec notamment pour mission de prélever sur les lieux de production et de stockage et d'analyser, les lots fabriqués le 12 juin et portant une date limite de commercialisation au 17 juillet 2003, les lots fabriqués les 17 et 18 juin (pour partie avant le 18 juin à zéro heure et comportant une date limite de commercialisation au 22 juillet 2003, pour partie après zéro heure comportant une date limite de commercialisation au 23 juillet 2003), de prélever et d'analyser les lots comportant une date limite de consommation au 31 juillet 2003.
Par acte d'huissier en date du 19 février 2004, avant le dépôt de son rapport par l'expert le 21 juillet 2005, la Ste SAINT JEAN a donné assignation à la Ste PANZANI devant le Tribunal de commerce de LYON pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 4 831 500 euros à titre de dommages-intérêts pour brusque rupture du contrat et, par jugement en date du 14 septembre 2006, le Tribunal a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la Ste PANZANI et l'a condamnée au paiement de la somme de 46 000 euros pour défaut de respect du préavis et de celle de 31 550 euros au titre de la moitié des frais d'expertise, outre la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Le 25 septembre 2006, la Ste SAINT JEAN a relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions récapitulatives de la Ste SAINT JEAN en date du 29 juin 2007.
Vu les conclusions récapitulatives de la Ste PANZANI en date du 6 août 2007.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 novembre 2007.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que l'article 12 du contrat prévoit qu'en cas de non exécution par l'une des parties de l'une ou plusieurs obligations contractuelles, la partie affectée par le manquement pourra mettre fin au contrat après une mise en demeure notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, demeurée infructueuse pendant un mois ;
Attendu que la gravité du comportement du cocontractant peut justifier la rupture du contrat sans préavis ;
Attendu qu'aux termes des arrêtés du 21 décembre 1979 et du 28 mai 1997 sur la qualité des denrées alimentaires, un produit est considéré comme conforme au regard de la présence de staphylococcus aureus, lorsque leur dénombrement est inférieur à 100 germes par gramme ;
Que pour l'expert (rapport pages 50 et 51), il est considéré non conforme en cas d'une présence de staphylococcus aureus supérieure à 1 000 germes par gramme et toxique ou corrompu pour une quantité supérieure à 50 000 ;
Attendu que l'Institut scientifique d'hygiène alimentaire, qui a procédé aux analyses des produits, propose un classement sans risque pour les échantillons contenant moins de 1 000 staphylococcus aureus par gramme, à risque pour ceux contenant plus de 10 000 staphylococcus aureus par gramme et incertain pour les échantillons contenant entre 1 000 et 10 000 staphylococcus aureus par gramme ;
Qu'au niveau santé publique , la présence de staphylococcus aureus est un indicateur mais seule la présence d'entérotoxine peut provoquer une toxi-infection alimentaire ;
Attendu que pour les produits visés par la lettre du 23 juin 2003 (tagliolini au basilic de Provence), les analyses ont porté sur un prélèvement représentatif et significatif de barquettes, de l'ordre de 1,6 % des lots en stock et ont révélés que 58 % des barquettes examinées présentaient un taux de germes par gramme supérieur à 100 et n'étaient donc pas conformes à la réglementation sur les produites alimentaires et que 5,5 % de l'ensemble des échantillons examinés correspondaient à des produits contenant plus de 10 000 germes par gramme et donc assimilable à des produits à risque ;
Que la recherche d'entérotoxines staphylococciques s'est avérée négative, mais selon l'expert, cette absence de risque de toxi-infection des produits en l'état, ne permet pas de considérer celle-ci garantie lors de la consommation des produits et de leur conservation par les consommateurs ;
Attendu que les propres analyses réalisées par la Ste SAINT JEAN non limitées aux tagliolini, font ressortir des analyses non satisfaisantes pour des lots à date limite de commercialisation des 30 et 31 mai 2001 (anaérobies et coliformes), pour les lots du 15 juin 2001 (anaérobies), du 18 février 2003 (aérobies), des 17, 23, 29 et 31 juillet 2003 (staphylocoques à coagulase) et du 20 juillet 2003 (anaérobies et coliformes), étant précisé que le résultat sur un lot a révélé qu'il était susceptible d'être corrompu ou toxique ;
Que concernant les staphylococcus aureus, les contrôles réalisés par la Ste SAINT JEAN ont révélés 33,3 % d'analyses positives avec un dénombrement de germes supérieur au seuil réglementaire de 100 par gramme ;
Attendu que les 18 et 25 mars 2003, des lots de pâtes au jambon cru n'ont pas été mis en vente du fait de l'excès d'anaérobies sulfito réducteurs et que 292 colis n'ont pas été commercialisés le 10 juin 2003 du fait de la présence ( 10 000) de staphylococcus aureus ;
Attendu que l'expert constate que les analyses réalisées par la Ste PANZANI ont été confirmées, quant à la présence de staphylococcus aureus, par ceux de l'expertise et que la Ste SAINT JEAN possédait des résultats d'analyse négatifs sur les pâtes tagliolini qu'elle n'a pas transmis à la Ste PANZANI ;
Qu'il en impute l'origine à un défaut d'hygiène ;
Attendu que la Ste SAINT JEAN ne démontre pas que la contamination microbienne par staphylococcus aureus trouve son origine dans un entreposage défectueux quant à la température, dans les locaux de la Ste LUSTUCRU FRANCE ;
Que ses propres analyses ont établi que la contamination existait dans ses propres locaux et que l'expert observe que l'éventuel dysfonctionnement de la chaîne du froid dans les entrepôts LUSTUCRU n'a pu créer la contamination et que la conservation à basse température (congélation) a pu conduire à des dénombrements inférieurs à la réalité ;
Attendu dans ces conditions, qu'eu égard aux risques de santé alimentaire constatés et alors même que par ses propres contrôles la Ste SAINT JEAN avait connaissance des problèmes récurrents de contamination des produits par le staphylococcus aureus au cours de l'année 2003, la société appelante est mal fondée à reprocher à la Ste PANZANI de ne pas avoir appliqué l'article 6.5 du contrat relatif à la "gestion de crise", qui d'ailleurs ne vise que le comportement des parties vis à vis des tiers ;
Que la Ste SAINT JEAN elle-même, qui y était contractuellement tenue (article 6.4) n'a pas communiqué, sous deux jours, les informations relatives à la qualité des produits dont certaines n'ont été produites que lors de l'expertise ;
Attendu de plus, que la société appelante n'a subi aucun préjudice du fait de la mise en place d'une expertise judiciaire qui a donné lieu aux analyses d'un laboratoire indépendant, plutôt que de la saisine d'un laboratoire indépendant désigné d'un commun accord par les parties ;
Attendu que la multiplication des non conformités de produits aux critères microbiologiques définis par l'arrêté du 21 décembre 1979, qui peuvent avoir des conséquences sur la santé publique, constituent une faute contractuelle grave de la part de la Ste SAINT JEAN justifiant la rupture immédiate du préavis contractuel par la Ste PANZANI, peu important que n'a pas été constatée la présence d'entérotoxine susceptible de provoquer une infection alimentaire toxique ;
Que le jugement est réformé et les demandes de la Ste SAINT JEAN sont rejetées ;
Attendu sur la demande reconventionnelle de la Ste PANZANI, qu'elle ne démontre nullement que la baisse alléguée de ses ventes de pâtes fraîches ait un lien de causalité avec les fautes de la Ste SAINT JEAN ;
Attendu que la production de pâtes fraîches n'a cessé d'augmenter de 2000 à 2002 (de 304 tonnes à 628 tonnes) et a atteint 229,1 tonnes pour le premier semestre 2003 et qu'elle n'indique pas, par des documents comptables certifiés, le tonnage de pâtes fraîches rendus sous la marque LUSTUCRU ou sous la marque PANZANI ;
Qu'elle reconnaît dans ses écritures -reprenant les propos du Directeur général de la Ste SAINT JEAN- que le marché général des pâtes fraîches s'est dégradé, toutes marques confondues;
Que dès le début de l'année 2002 (dépôt du dossier de projet d'acquisition au Ministère de l'économie le 19 mars 2002), la Ste PANZANI qui avait décidé d'acheter la Ste LUSTUCRU producteur des 2/3 des pâtes fraîches en FRANCE, ne souhaitait pas, de ce fait, reconduire le contrat avec la Ste SAINT JEAN ;
Attendu qu'elle ne justifie pas avoir du, du fait de la rupture du contrat plutôt que par choix stratégique, industriel ou commercial, abandonner la marque Giovanni PANZANI, sous laquelle étaient vendus les produits fabriqués par la Ste SAINT JEAN ;
Que de même, elle ne peut prétendre que les réclamations des consommateurs du fait des non conformités des produits fabriqués par la Ste SAINT JEAN, soient à l'origine de ses pertes de marché, alors que le bilan annuel de l'année 2002, fait ressortir une forte augmentation des corps étrangers trouvés dans les produits fabriqués par la Ste PANZANI dans son usine de NANTERRE et une légère augmentation dans celle de LA MONTRE (graisse, plastique, insectes, métal, verre, caillou) et que les réclamations concernant la Ste SAINT JEAN sont en forte diminution par rapport à 2001 (4 au lieu de 15) ;
Que si le taux de réclamation -toutes causes confondues- s'élève à 68 par millions de paquets de pâtes fraîches vendues contre environ 3 en ce qui concerne les pâtes sèches, la sensibilité différente des produits rend inopérante la comparaison ;
Attendu que la Ste PANZANI ne produit aucune étude comptable ou financière de nature à établir que la rupture immédiate du préavis lui a causé un préjudice ni que le préjudice allégué trouverait son origine dans les non conformités des produits fabriqués par la Ste SAINT JEAN;
Que le jugement est confirmé pour avoir rejeté la demande de la Ste PANZANI ;
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que chacune des parties succombant partiellement dans ses prétentions et que la mesure d'instruction ayant été rendue nécessaire par la nature de l'affaire, les dépens et les frais d'expertise seront partagés par moitié entre elles ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l'appel comme régulier en la forme,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la Ste PANZANI de ses demandes,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Déboute la Ste SAINT JEAN de ses demandes,
Rejette les autres demandes,
Fait masse des et dit u'ils seront partagés par moitié entre chacune des parties, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.