R. G : 06 / 06008
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON ordonnance de référé 2006 / 1934 du 11 septembre 2006
COUR D'APPEL DE LYON
8ème Chambre Civile
ARRÊT du 26 Février 2008
APPELANTE :
SA NEXTIRAONE FRANCE représentée par ses dirigeants légaux 10 rue de la Paix 75002 PARIS
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me CARRON, substitué par Me Stéphanie DUBOS, avocat
INTIMEES :
LE CHSCT de l'établissement de la région SUD-EST RHONE-ALPES de la Société NEXTIRAONE FRANCE représenté par son secrétaire Monsieur Patrick A... 7 rue du 35ème Régiment d'Aviation ZAC du Chêne 69500 BRON
représentée par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour assistée de Me B..., avocat
LE CHSCT de l'établissement de la région SUD-EST PACA de la Société NEXTIRAONE FRANCE représenté par son secrétaire Monsieur Michel C...ZAC Saumaty Séon-BP 194 51 avenue André Roussin 13322 MARSEILLE CEDEX 16
représentée par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour assistée de Me B..., avocat
***** Instruction clôturée le 08 Octobre 2007 Audience de plaidoiries du 22 Janvier 2008 *****
La huitième chambre de la COUR d'APPEL de LYON,
composée lors des débats et du délibéré de :
* Jeanne STUTZMANN, présidente de la huitième chambre, qui a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries, * Martine BAYLE, conseillère, * Agnès CHAUVE, conseillère,
assistées lors des débats tenus en audience publique par Nicole MONTAGNE, greffière,
a rendu l'ARRÊT contradictoire suivant :
FAITS-PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par délibérations en date des 30 mars 2006 et 27 avril 2006, le CHSCT de l'établissement de la région SUD-EST PACA et le CHSCT de l'établissement de la région SUD-EST RHÔNE-ALPES de la SA NEXTIRAONE FRANCE ont nommé un expert le Cabinet EMERGENCES pour examiner l'organisation commerciale d'une partie du personnel de la SA NEXTIRAONE FRANCE en application de l'article L 236-9 du code du travail.
La SA NEXTIRAONE FRANCE ayant contesté ces désignations, le président du tribunal de grande instance de LYON a, par ordonnance en date du 11 septembre 2006 rendue en la forme des référés, débouté la SA NEXTIRAONE FRANCE de ses prétentions, dit que les opérations d'expertise ne pourraient courir au plus tôt le 1er septembre 2006 à compter de la signature des conventions d'expertise et de la remise des documents par l'employeur, a condamné la SA NEXTIRAONE FRANCE à payer aux CHSCT SUD-EST Rhône-Alpes et SUD-EST PACA la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA NEXTIRAONE FRANCE a relevé appel de cette décision le 20 septembre 2006.
L'appelante fait valoir à l'appui de sa demande de réformation que la nomination ne répond pas aux exigences de l'article L 236-9 du code du travail en ce que l'aménagement de l'organisation commerciale de trois salariés sur 501 ne constitue pas un projet important modifiant les conditions de travail ; elle sollicite en conséquence l'annulation de la nomination et subsidiairement la minoration à une somme qui ne saurait dépasser 5. 000 € du montant des devis présentés par le Cabinet EMERGENCES qu'elle estime exorbitants ; elle réclame en outre la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle explique qu'elle a renoncé le 16 mars 2006 à son projet initial à savoir la mise en place de binôme et le recours à la sous-traitance, qu'en tout état de cause le projet d'aménagement de l'organisation commercialeTPE / PE (très petites entreprises / petites entreprises) ne concernait que 8 salariés sur 501 (et 6 au final en raison des départs de deux salariés), les ingénieurs, cadres et responsables entreprise n'étant pas concernés par le projet, que le projet n'a eu pour effet que de réviser pour certains responsables de secteur le périmètre de leur intervention commerciale comme chaque année, que seuls 3 salariés ont vu leur secteur augmenter d'un département, que l'ajout d'un département supplémentaire est conforme aux contrats de travail et que l'aménagement du territoire commercial n'est pas visé par l'article L 236-2 du code du travail.
Les CHSCT concluent à la confirmation de l'ordonnance et réclament la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Ils soutiennent que l'ensemble de la catégorie professionnelle des commerciaux est concerné par le projet de réorganisation, qu'en prenant l'initiative d'une consultation du CHSCT la SA NEXTIRAONE FRANCE a reconnu le caractère important du projet, que le caractère important d'un projet dépend du nombre significatif de salariés concernés, que le projet concerne plus de responsables de secteur et de commerciaux que ceux reconnus par l'entreprise, qu'en raison de la sous-traitance du marché des TPE l'ensemble des commerciaux verra ses méthode de travail changer et sa cible de clientèle évoluer et que le projet ne vise pas que l'aménagement du territoire commercial mais bien l'aménagement de l'organisation commerciale puisque portant sur un changement de répartition de la clientèle.
Enfin ils s'opposent à la demande de minoration du coût des expertises en soutenant que celui-ci a été fixé selon les règles professionnelles du Cabinet EMERGENCES et qu'il appartient à la SA NEXTIRAONE FRANCE d'attraire ce Cabinet afin qu'il puisse présenter ses observations.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que l'article L 236-9 2o du code du travail dispose que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail prévues au 7ème alinéa de l'article L 236-2 du code du travail ;
Attendu que l'importance du projet ne saurait se déduire des conditions dans lesquelles la SA NEXTIRAONE FRANCE a pris l'initiative de consulter le comité central d'un projet d'aménagement de l'organisation commerciale TPE / PE puisque la SA NEXTIRAONE FRANCE y a renoncé le 16 mars 2006-comme admis par les intimés-en ne laissant plus subsister qu'une modification de la sectorisation et la suppression du secteur TPE confié à la sous-traitance ;
Attendu que pour être considéré comme important un projet ne nécessite pas de porter sur la totalité du personnel mais doit concerner un nombre significatif de salariés ;
Attendu que le nombre de salariés (RSPE) concernés par le projet représente le 1 / 10 du total des vendeurs de la région SUD-EST ; que sur ces 10 salariés, les intimés produisent des tableaux comparatifs 2005 et 2006 de trois d'entre eux, documents démontrant une extension du nombre de communes visitées pour deux d'entre eux uniquement ;
Attendu qu'il n'est pas plus démontré en quoi le projet de sous-traitance du segment TPE, non mis en application, serait susceptible d'entraîner une modification des conditions d'hygiène, de sécurité ou les conditions de travail et concernerait un nombre significatif de salariés ;
Attendu que dans ces conditions le projet ne peut pas être considéré comme un projet important ;
Attendu que l'ordonnance doit être infirmée et les désignations contestées annulées ;
Attendu que les frais de procédure sont à la charge de l'entreprise sauf abus du CHSCT ; qu'en l'espèce l'abus n'est pas allégué ; qu'il convient de laisser à la charge de la SA NEXTIRAONE FRANCE les dépens de la procédure et les frais non répétibles engagés par les intimés et évalués à la somme de 1. 000 € ;
PAR CES MOTIFS La Cour,
Infirmant l'ordonnance déférée et statuant à nouveau :
Constate que le projet tel que modifié par la SA NEXTIRAONE ne constitue pas un projet important répondant à la définition de l'article L 236-2 du code du travail ;
En conséquence annule les désignations du Cabinet EMERGENCES en qualité d'expert prises par le CHSCT de l'établissement de la région SUD-EST PACA de la SA NEXTIRAONE FRANCE en date du 30 mars 2006 et par le CHSCT de l'établissement de la région SUD-EST RHÔNE-ALPES de la SA NEXTIRAONE FRANCE en date du 27 avril 2006 ;
Condamne la SA NEXTIRAONE à payer aux intimés la somme de 1. 000 € pour leurs frais non répétibles ;
Laisse les entiers dépens à la charge de la SA NEXTIRAONE et dit que ceux d'appel seront recouvrés par l'avoué des intimés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Cet arrêt a été prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Jeanne STUTZMANN, présidente de la huitième chambre et par Nicole MONTAGNE, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.