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26/02/2008 | FRANCE | N°05/06537

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0029, 26 février 2008, 05/06537


R. G : 05 / 06537

décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE Au fond-1ère Ch. 2003 / 777 du 14 septembre 2005

COUR D'APPEL DE LYON

8ème Chambre Civile
ARRÊT du 26 Février 2008
APPELANTES :
La Compagnie AUXILIAIRE ès qualités d'assureur de la SARL ROYET représentée par ses dirigeants légaux 50 cours Franklin Roosevelt 69006 LYON

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me Marc BUFFARD, avocat

SA AXA FRANCE IARD représentée par ses dirigeants légaux 233, cours Lafayette 69006 LYON
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br>représentée par Me MOREL, avoué à la Cour assistée de Me PEYRET, avocat

INTIMES :

SCI 12-14 RUE MICHEL ...

R. G : 05 / 06537

décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE Au fond-1ère Ch. 2003 / 777 du 14 septembre 2005

COUR D'APPEL DE LYON

8ème Chambre Civile
ARRÊT du 26 Février 2008
APPELANTES :
La Compagnie AUXILIAIRE ès qualités d'assureur de la SARL ROYET représentée par ses dirigeants légaux 50 cours Franklin Roosevelt 69006 LYON

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me Marc BUFFARD, avocat

SA AXA FRANCE IARD représentée par ses dirigeants légaux 233, cours Lafayette 69006 LYON

représentée par Me MOREL, avoué à la Cour assistée de Me PEYRET, avocat

INTIMES :

SCI 12-14 RUE MICHEL RONDET représentée par ses dirigeants légaux 20, avenue Gambetta 42300 ROANNE

représentée par Me RAHON, avoué à la Cour assistée de Me FRIBOURG, avocat

SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS venant aux droits de la Société SUISSE ACCIDENTS représentée par ses dirigeants légaux 86, boulevard Haussmann 75008 PARIS CEDEX 08

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me DREVET RIVAL, avocat

SARL GEORGES ROYET représentée par ses dirigeants légaux Le Varrat 42560 BOISSET SAINT PRIEST

représentée par Me VERRIERE, avoué à la Cour assistée de Me BERNARD, avocat

Monsieur Jacques E..., architecte ...42000 SAINT-ETIENNE

représenté par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour assisté de Me André BUFFARD, avocat

Société MAAF ès qualités d'assureur de la Société DSL et de la Société SBJ PLACODECOR représentée par ses dirigeants légaux Chaban de Chauray 79036 NIORT CEDEX 9

représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me VINCENT, avocat

La MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS représentée par ses dirigeants légaux 9, rue Hamelin 75783 PARIS CEDEX 16

représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour assistée de Me André BUFFARD, avocat

Société SBJ PLACODECOR représentée par ses dirigeants légaux 9, square JB Lully 42000 SAINT-ETIENNE

SA ACTE IARD représentée par ses dirigeants légaux 6, rue de Niederbronn-BP 230 67007 STRASBOURG CEDEX

représentée par Me DE FOURCROY, avoué à la Cour assistée de Me LARCHER, avocat

SARL SECURITOP représentée par ses dirigeants légaux 87 rue Marengo 42000 SAINT-ETIENNE

représentée par Me DE FOURCROY, avoué à la Cour assistée de Me LARCHER, avocat

SARL DSL représentée par ses dirigeants légaux 10K, rue du Béarn Bât K11 42800 RIVE DE GIER

représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY-LIGIER, avoués à la Cour assistée de Me CIZERON, avocat

***** Instruction clôturée le 03 Décembre 2007 Audience de plaidoiries du 23 Janvier 2008 *****

La huitième chambre de la COUR d'APPEL de LYON,
composée lors des débats et du délibéré de :
* Jeanne STUTZMANN, présidente de la huitième chambre, qui a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries, * Martine BAYLE, conseillère, * Agnès CHAUVE, conseillère,

assistées lors des débats tenus en audience publique par Nicole MONTAGNE, greffière,
a rendu l'ARRET contradictoire suivant :
FAITS-PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre de la réhabilitation de son immeuble à St ETIENNE, la SCI 12-14 RUE MICHEL RONDET (ci-après SCI) a, sous la maîtrise d'oeuvre de Jacques E... architecte, confié notamment les lots " démolition-maçonnerie ", " isolation-plâtrerie-peinture ", " traitement de façade " " faux-plafonds " à la SARL GEORGES ROYET qui a sous-traité partie des travaux à la SARL DSL laquelle a elle-même sous-traité la pose des faux-plafonds à la société SBJ PLACODECOR. La Société SECURITOP est intervenue comme coordinateur sécurité.

Un incendie s'est déclaré dans la nuit du 9 au 10 juin 1998 vers 2 heures endommageant gravement l'immeuble de la SCI.
Il a été procédé à diverses indemnisations :
* par la SA SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS assureur de la SCI 12-14 RUE MICHEL RONDET à celle-ci pour un montant de 521. 521,68 € ;
* par la SA AXA FRANCE IARD au profit de l'EURL GARAGE DU CENTRE VILLE pour 33. 839 € ;
* par la SA AUXILIAIRE assureur de la SARL GEORGES ROYET au profit de la SARL SUPER pour 29. 466,72 €.
Une mesure d'expertise a été instituée par ordonnance de référé du 22 mars 2001 et confiée à Monsieur I... qui a fait appel à un sapiteur Monsieur J... et a déposé son rapport le 22 mars 2001.
Par jugement en date du 14 septembre 2005 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de St ETIENNE, recevant l'intervention volontaire de Jacques E..., a :
-jugé irrecevables les demandes présentées contre la société SBJ PLACODECOR par la SA SWISS LIFE, la SA AXA FRANCE IARD, la SARL GEORGES ROYET, Jacques E... et la MAF,
-jugé recevable la demande de garantie présentée contre la société SBJ PLACODECOR par la SA AUXILIAIRE ès qualités d'assureur de la SARL GEORGES ROYET,
-jugé irrecevables les autres demandes présentées contre la société SBJ PLACODECOR par la SA AUXILIAIRE,
-débouté Jacques E..., la MAF, la SARL SECURITOP et la compagnie d'assurances ACTE IARD de leur demande en nullité des assignations délivrées à la requête de la SA AUXILIAIRE,
-jugé recevable l'action intentée par la SA AUXILIAIRE contre la SARL SECURITOP et la compagnie d'assurances ACTE IARD,
-condamné solidairement la SARL GEORGES ROYET et la SA AUXILIAIRE à verser à la SA SWISS LIFE la somme de 442. 713 € outre intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2003 jusqu'à parfait règlement en indemnisation du sinistre,
-condamné solidairement la SARL GEORGES ROYET et la SA AUXILIAIRE à verser à la SCI 12-14 RUE MICHEL RONDET la somme de 67. 646,31 € outre intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2003 jusqu'à parfait règlement en indemnisation du sinistre,
-débouté la SARL GEORGES ROYET de son recours en garantie formé contre la SARL DSL et la MAAF,
-débouté la SA AUXILIAIRE ès qualités d'assureur de la SARL GEORGES ROYET de son recours en garantie formé contre la SARL DSL, la société SBJ PLACODECOR, la MAAF, Jacques E..., la MAF, la SARL SECURITOP et la compagnie d'assurances ACTE IARD,
-débouté la SA AXA FRANCE IARD ès qualités d'assureur de L'EURL GARAGE DU CENTRE VILLE de sa demande d'indemnisation présentée à l'encontre de la SARL GEORGES ROYET, de la SA AUXILIAIRE, de la société DSL et de la MAAF,
-débouté la SA AUXILIAIRE ès qualités d'assureur de la SARL SUPER de sa demande d'indemnisation présentée à l'encontre de Jacques E..., de la MAF, de la SARL SECURITOP et de la compagnie d'assurances ACTE IARD, de la SARL GEORGES ROYET, de la société DSL et de la MAAF,
-débouté Jacques E..., la MAF, la SARL SECURITOP et la compagnie d'assurances ACTE IARD de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
-condamné solidairement la SARL GEORGES ROYET et la SA AUXILIAIRE aux entiers dépens comprenant le coût de la procédure de référé et de l'expertise.
Ont relevé appel de cette décision la SA AUXILIAIRE le 10 octobre 2005 et la SA AXA FRANCE IARD le 21 octobre 2005. Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction le 20 avril 2006.
Par ordonnance du 21 novembre 2005 le premier président de cette cour recevant la SA AUXILIAIRE et la SARL GEORGES ROYET en leur demande, a subordonné l'exécution immédiate du jugement déféré à la constitution par la SCI d'une garantie sous la forme d'une caution bancaire d'un montant identique.
La SA AUXILIAIRE assureur de la SARL GEORGES ROYET se désiste de son appel à l'encontre de Jacques E... et de la MAF et conclut à titre principal à la réformation du jugement et à sa mise hors de cause au motif que dans l'hypothèse où la responsabilité de son assurée serait consacrée du chef des agissements de ses sous-traitants, au demeurant non agréés par le maître de l'ouvrage, elle ne doit aucune garantie et qu'elle n'a pas failli à son obligation de conseil en ne la préconisant pas.
Subsidiairement elle fait valoir :
-que l'article 1788-et non l'article 1789 inapplicable puisque la SARL GEORGES ROYET apportait non seulement sa main d'oeuvre mais aussi la matière-n'institue pas un régime de responsabilité se substituant aux règles d'ordre public de la responsabilité civile (plus particulièrement sur le fondement de 1384 alinéa 2 du code civil) mais une présomption de charge des risques puisqu'ils ont pour effet d'interdire avec présomption à la charge de l'entrepreneur à ce dernier de se faire payer alors que l'ouvrage a été détruit avant réception,
-qu'en matière d'incendie seul le régime spécial instauré par l'article 1384 alinéa 2 du code civil exigeant la preuve d'une faute peut trouver application, et non l'article 1384 alinéa 1er,
-que dès lors que les causes de l'incendie sont restées indéterminées malgré l'expertise, la preuve d'une faute en relation directe avec l'incendie et le préjudice n'a été rapportée à l'encontre d'aucune entreprise et notamment de la SARL GEORGES ROYET,
-que l'incendie étant survenu avant réception la garantie décennale des constructeurs ne saurait être mise en oeuvre,
-en réponse à la demande de la SCI fondée sur l'article 1384 alinéa 1er du code civil, que la SARL GEORGES ROYET n'avait pas le rôle de gardien.
A titre infiniment subsidiaire elle avance que la SARL GEORGES ROYET liée par un marché privé n'avait pas l'obligation de faire agréer ses sous-traitants si ces derniers ne le lui demandaient pas expressément, que le défaut d'agrément n'interdit pas le recours de la SARL GEORGES ROYET et de son assureur contre les sous-traitants : la SARL DSL, la société SBJ PLACODECOR et leur assureur la MAAF qui seront condamnées in solidum à lui rembourser la somme de 29. 466,72 € versée à la SARL SUPER son assurée outre intérêts de droit à compter de la quittance subrogative du 8 août 1999 et capitalisation des intérêts. Elle ajoute que les préjudices de la SCI ont été correctement appréciés par les premiers juges.

Enfin la SA AUXILIAIRE réclame à la SCI et à la SA SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS le remboursement des sommes payées en exécution de la décision déférée outre le paiement in solidum de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 3. 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SA AXA FRANCE IARD assureur de l'EURL GARAGE DU CENTRE VILLE explique à l'appui de sa demande de réformation formée au visa des articles 1382 et 1384 alinéa 2 du code civil qu'il existe des présomptions graves, précises et concordantes justifiant que l'incendie est dû à une projection d'une particule de métal, que la SCI est responsable sur le fondement de l'article 1384 alinéa 2 des personnes avec lesquelles elle a contracté, qu'il suffit pour l'application de cet article que l'incendie ait pris naissance dans l'immeuble du détenteur et ce même si la cause première de l'incendie est indéterminée et que la SARL GEORGES ROYET et ses sous-traitants ont commis des négligences en matière de sécurité comme démontré par le rapport d'expertise, fautes ayant concouru à l'existence, l'extension ou l'aggravation du sinistre.
Elle demande en conséquence la condamnation in solidum de la SCI, de la SARL GEORGES ROYET, de la société SBJ PLACODECOR et de la SARL DSL ou celle d'entre elles qui mieux le devra avec leurs assureurs respectifs à lui rembourser la somme de 33. 904 € établie sur la base de procès-verbaux de constatations et d'évaluation des dommages outre 4. 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL GEORGES ROYET formant appel incident sollicite l'infirmation du jugement et le débouté de la SCI et de la SA SWISS LIFE ; contestant l'avis de l'expert et du sapiteur, elle soutient qu'elle n'est pas responsable de l'incendie puisqu'elle avait sous-traité les travaux à l'occasion desquels s'est déclaré l'incendie, qu'elle avait pratiquement terminé ses propres prestations, que l'intervention d'un tiers n'est pas à exclure, que les experts etsapiteur se contentent d'énoncer des hypothèses probables et des hypothèses improbables sans déterminer avec précision l'origine de l'incendie et que l'expert n'a étonnamment pas relevé les fautes d'imprudence commises par l'architecte et la société SECURITOP.
Subsidiairement elle demande à être relevée et garantie de toutes condamnations d'une part par les sociétés DSL et SBJ PLACODECOR ainsi que par leurs assureurs respectifs et d'autre part par son assureur la SA AUXILIAIRE qui a gravement manqué à son devoir de conseil en ne lui proposant pas d'assurer ses sous-traitants. Sur les indemnités, elle soutient que la somme réclamée par la SA SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS chiffrée de façon non contradictoire est surévaluée et que la somme réclamée par la SCI résulte d'un chiffrage unilatéral.
Elle réclame à la partie succombante la somme de 3. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SARL DSL sollicite la confirmation du jugement et sa mise hors de cause en raison de l'incertitude subsistant sur les causes du sinistre-alors que sur le fondement de l'article 1789 du code civil, il y a lieu à exonération des intervenants dans le cas de circonstances inconnues-en raison de la pluralité d'entreprises sur le chantier et en l'absence de toute faute de sa part puisqu'elle était absente du chantier le 9 juin ; à l'inverse elle considère que la responsabilité de la SARL GEORGES ROYET est engagée en raison des carences en matière sécuritaires mises en évidence par l'expert et de l'absence de déclaration de son sous-traitant, fautes l'exonérant.
Subsidiairement elle entend obtenir la réduction des réclamations de la SA SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS à la somme de 442. 713 € et le débouté de la SCI de sa demande d'indemnisation non contractuellement indemnisée.
Enfin elle réclame à la SA AUXILIAIRE ou à qui mieux le devra une somme de 8. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La MAAF assureur de la société SBJ PLACODECOR et de la SARL DSL sollicitent la confirmation du jugement qui n'a pas retenu la responsabilité de ses assurées ; elle fait valoir que les articles 1788 et 1789 du code civil ne peuvent se substituer aux règles de la responsabilité civile à savoir les articles 1384 alinéa 2 vis-à-vis des tiers et 1147 vis-à-vis du maître de l'ouvrage, qu'en toute hypothèse les articles 1788 et 1789 sont inapplicables aux sous-traitants de la SARL GEORGES ROYET présente sur les lieux le jour de l'incendie, que l'origine de l'incendie n'est pas établie avec certitude, que la thèse la plus probable avancée par l'expert judiciaire consiste en la projection d'étincelles provenant d'unemeuleuse utilisée pour les faux-plafonds relevant du lot confié à la SARL GEORGES ROYET, que celle-ci n'a pas déclaré ses sous-traitants, ne leur a pas transmis les consignes de sécurité ni sollicité de permis de feu et doit supporter l'entière responsabilité du sinistre.
Subsidiairement la MAAF demande que les indemnités n'excèdent pas les évaluations des désordres faites contradictoirement entre experts d'assurance, explique qu'elle peut opposer la franchise et le plafond de garantie prévus à chacune des polices, que dans l'appel en garantie formé par la SA AUXILIAIRE soit fait application d'un partage de responsabilité entre la SARL GEORGES ROYET et les sous-traitantes et que les intérêts de retard ne courent qu'à compter d'une mise en demeure ou d'une assignation.
En tous les cas elles concluent au débouté de la société SECURITOP et de son assureur et réclament à la SA AUXILIAIRE ou à qui mieux le devra une indemnité de 3. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Jacques E... et son assureur la MAF demandent la confirmation du jugement en ce qu'il les a mis hors de cause. Ils font observer que la SA AUXILIAIRE et la SA AXA FRANCE IARD ne forment aucune demande contre eux et que les demandes de la société SECURITOP qui n'a ni qualité ni intérêt à agir contre eux sont irrecevables et sans objet. Soutenant que les appels de la SA AUXILIAIRE et de SECURITOP sont abusifs ils réclament la somme de 10. 000 € pour procédure abusive et celle de 5. 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
A titre très subsidiaire, Jacques E... et son assureur soulignent qu'aucune part de responsabilité ne peut être imputée à l'architecte dans la survenue de cet incendie, incident ponctuel et accidentel ainsi que l'expert l'a conclu.

La SARL SECURITOP et la compagnie d'assurances ACTE IARD sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il les a mis hors de cause. Elles font valoir que l'expert ne met pas en cause la société SECURITOP, que sont responsables la SARL GEORGES ROYET et ses sous-traitants les sociétés DSL et SBJ PLACODECOR ainsi que l'architecte chargé de la surveillance du chantier. Elles demandent, pour le cas où une condamnation serait prononcée contre elles, à être relevées et garanties par Jacques E... et son assureur, par la SARL DSL, la société SBJ PLACODECOR et leur assureur, et par la SARL GEORGES ROYET et son assureur.

Formant appel incident dans le cadre de leurs demandes reconventionnelles, elles sollicitent la condamnation in solidum de la SCI, de la SA SWISS LIFE, de la SARL GEORGES ROYET et son assureur la SA AUXILIAIRE, de Jacques E... et son assureur la MAF, des sociétés DSL et SBJ PLACODECOR et de leur assureur la MAAF à leur payer la somme de 5. 000 € chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 3. 000 € chacune en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SCI 12-14 RUE MICHEL RONDET conclut au visa de l'article 1789 du code civil à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SARL GEORGES ROYET et a débouté la SA AXA FRANCE IARD de ses demandes sauf à la relever et garantir à ce titre par la SARL GEORGES ROYET et par la SA AUXILIAIRE.
Pour le surplus elle conclut à la réformation du jugement et sollicite la condamnation in solidum de la SARL GEORGES ROYET et de son assureur à lui payer la somme de 385. 569,68 € outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation et une indemnité de 25. 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SCI explique :
-que l'article 1789 instaure un véritable régime de responsabilité,
-que la SARL GEORGES ROYET gardienne s'est rendue débitrice d'une obligation de restitution faisant peser sur elle la charge des risques selon une présomption de faute commise et qu'elle ne prouve pas la force majeure, la cause étrangère ou l'absence de faute commise par elle, qu'au surplus l'incendie est, selon l'avis de l'expert, imputable à des manquements et négligences de la SARL GEORGES ROYET ou à tout le moins de son sous-traitant occulte,
-sur la demande de la SA AXA FRANCE IARD que n'étant pas gardienne de l'immeuble elle ne saurait être responsable sur le fondement de l'article 1384 alinéa 2 du code civil.
Elle ajoute qu'elle entend obtenir l'indemnisation de son préjudice non indemnisé par son assureur (surcoût des maçonneries après sinistre pour 110. 420 €, pertes de subventions ANAH pour 22. 867 €, pertes de loyer pour 207. 298,68 €, intérêts intercalaires pour 44. 984 €).
La SA SWISS LIFE ASSURANCES DE BIENS assureur de biens de la SCI conclut au visa des articles 1147,1789,1382,1383,1384 alinéa 2 du code civil, au rejet des appels aux motifs :
-que les causes de l'incendie ne sont pas indéterminées,
-que l'incendie a pour origine les négligences graves commises par les personnels des entreprises présentes dans les dernières heures précédant le sinistre quant à la surveillance des conditions des travaux sur les lieux dans la journée du 9 juin 1998, tout particulièrement en ce qui concerne la SARL GEORGES ROYET et les sous-traitants non déclarés,
-que la SARL GEORGES ROYET est contractuellement responsable du sinistre survenu par sa faute,
-que la SARL DSL et la société SBJ PLACODECOR qui sont des tiers pour le maître de l'ouvrage sont délictuellement responsables du sinistre survenu par leur faute, que ces sociétés et leurs assureurs respectifs doivent être condamnées in solidum à lui payer la somme de 442. 713 € outre intérêts à compter de l'assignation et une indemnité de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-et qu'en l'absence de faute de la SCI à l'origine du préjudice subi par l'EURL GARAGE DU CENTRE VILLE, la SA AXA FRANCE IARD doit être déboutée de sa demande fondée sur l'article 1384 alinéa 2 du code civil.
La société SBJ PLACODECOR en liquidation judiciaire a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif par jugement du 24 janvier 2001. Aucune régularisation par assignation de son mandataire ad hoc n'est intervenue malgré une injonction donnée par le conseiller de la mise en état. La cour n'est pas saisie en ce qui la concerne. *****

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu'il convient de statuer sur la responsabilité de la société GEORGES ROYET et sur le fondement juridique applicable avant de rechercher si peut jouer la garantie de la compagnie AUXILIAIRE ;

Sur les responsabilités :

Attendu que la société GEORGES ROYET chargée dans la réhabilitation de l'immeuble de nombreux lots ne s'est pas contentée de travailler la matière fournie par elle ; que ses prestations ont porté essentiellement sur la chose à elle confiée par la SCI ;
Attendu que l'article 1789 du code civil (" dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute "), seul applicable en l'espèce à l'inverse de l'article 1788 (" dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, si la chose vient à périr de quelque manière que ce soit avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître soit en demeure de recevoir la chose ") instaure bien un régime de responsabilité se substituant aux régimes de droit commun ;
Attendu que les conditions d'application de cet article sont remplies ; qu'en effet, chargée de plusieurs lots dont celui de la pose des faux-plafonds, en l'absence d'agrément des sous-traitants dont elle doit répondre, la société GEORGES ROYET s'était vue confier le chantier par la SCI, en avait la direction (cf sa présence lors de la réunion de chantier du 9 juin au matin) et était chargée de le restituer ; qu'elle en était gardienne ; qu'en outre le rapport d'expertise a démontré que l'incendie avait pris naissance à l'endroit où les poseurs de faux-plafonds avaient découpé les rails au moyen d'une meuleuse électrique ;
Attendu que les premiers juges ont fait une exacte application de la présomption édictée par l'article 1789 du code civil en considérant que la société GEORGES ROYET ne rapportait pas la preuve, en raison des graves négligences sécuritaires commises par elle, de l'absence de faute de sa part ou de la survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause étrangère ;
Attendu que la société SWISS LIFE assureur de la SCI demande la condamnation in solidum de la société GEORGES ROYET mais aussi des sous-traitants en se fondant sur les articles 1382 et 1383 du code civil ; qu'à l'inverse de la demande dirigée contre la société GEORGES ROYET, cette demande ne bénéficie pas de la présomption de l'article 1789 du code civil ; que l'assureur doit sur le fondement quasi-délictuel apporter la preuve d'une faute ce qu'elle ne fait pas, les conclusions du rapport d'expertise sur les hypothèses probables (même " hautement probable ") et peu probables ne permettant pas d'asseoir une condamnation sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil comme retenu à bon droit par les premiers juges ;
Attendu que la société GEORGES ROYET entend être relevée et garantie par son sous-traitant la société DSL et la sous-traitante de cette dernière la société SBJ PLACODECOR sur le fondement des articles 1382 et 1384 du code civil ;
Mais attendu que les conclusions hypothétiques de l'expert ne permettent pas plus de retenir une faute quasi-délictuelle à l'encontre des sous-traitants ou de retenir leur responsabilité comme gardiens en l'absence de transfert de garde établi ;

Sur la garantie de la compagnie AUXILIAIRE :

Attendu que la responsabilité, personnelle et non du fait des sous-traitants, de la société GEORGES ROYET est engagée sur le fondement spécifique de l'article 1789 du code civil et non sur celui des garanties légales des constructeurs ; que l'absence de souscription de la garantie facultative du fait des sous-traitants est sans incidence sur la garantie de l'AUXILIAIRE ; que le jugement doit être confirmé ;

Sur les indemnités :

Attendu qu'il convient de rappeler que l'expert judiciaire n'avait pas pour mission de chiffrer le coût des travaux de réparation ni de proposer une évaluation des préjudices annexes ; que le tribunal s'est fondé sur le rapport K... expert de la société SWISS LIFE ;

Attendu qu'il ressort de ce rapport qu'ont été établis contradictoirement avec les experts des autres assureurs les procès-verbaux de constatations et dommages ; qu'aucun élément ne permet de déduire une surévaluation des différents postes de préjudice retenus par lui ;
Attendu que la société SWISS LIFE ne discute pas l'indemnité allouée par les premiers juges (442. 713 €) correspondant au montant de sa quittance subrogative, déduction faite des honoraires d'expert, des pertes indirectes et la valeur à neuf ;
Attendu que la SCI réclame en plus de l'indemnité reçue de son assureur pour le surcoût des maçonneries après sinistre la somme de 110. 420 €, pour les pertes de subventions ANAH la somme de 22. 867 €, pour les pertes de loyer la somme de 207. 298,68 € et pour les intérêts intercalaires la somme de 44. 984 € ;
Attendu s'agissant du surcoût de maçonnerie qu'aucun élément (devis ou facture L...) ne permet de vérifier le bien fondé de ce chef de demande et son montant ; qu'en outre ainsi que jugé à bon droit par les premiers juges, le rapport K... démontre que les travaux ont été estimés valeur à neuf et ont été réglés à la SCI sur cette base ;
Attendu qu'au titre de la perte de subvention ANAH le tribunal a alloué à la SCI la somme réclamée de 22. 867 € ; que cette perte justifiée par le courrier de l'ANAH du 17 février 1999 et non indemnisée par la société SWISS LIFE doit être confirmée ;
Attendu que le tribunal a alloué au titre de la perte des loyers, en rapport avec un retard de livraison de 11 mois, la somme de 44. 779,31 € sur la base de l'estimation de Monsieur K..., somme non réglée par la société SWISS LIFE qui n'a payé que la perte des loyers dans les locaux occupés pendant le sinistre (17. 657,25 €) ;
Attendu que le calcul de la SCI (tableau produit en pièce 5) ne saurait être retenu ; qu'il porte sur la totalité de l'immeuble alors que Monsieur K... n'avait chiffré une perte que sur 909 m ² ; que le préjudice n'est pas établi ;
Attendu s'agissant de la prétendue perte de loyers en relation avec une diminution du loyer maximum autorisé par la convention du 31 octobre 2000, il ressort de la comparaison des tableaux figurant aux deux conventions (du 29 août 1997 et du 31 octobre 2000) que la base du loyer n'est plus la même (non plus surface utile mais surface corrigée) ; que la SCI qui se contente de manière erronée de multiplier la différence de loyers par la surface utile et non la surface corrigée ne justifie pas de sa perte ;
Attendu que la perte de loyers dues à la non-réhabilitation de deux logements ensuite de la diminution de la subvention ANAH non directement causée par l'incendie sera écartée ;
Attendu que la SCI réclame pour les intérêts intercalaires une somme supplémentaire de 44. 984 € que le tribunal a rejetée au motif que la société SWISS LIFE avait réglé sur la base du rapport K... la somme de 18. 064,75 € ;
Mais attendu que la SCI produit à l'appui de sa réclamation une estimation succincte du Cabinet ROCHE dont le montant représente plus du double de l'estimation du Cabinet REDURON elle-même non explicitée ; qu'en l'absence d'éléments justificatifs suffisamment probants, le calcul proposé par Monsieur K... sera retenu et le jugement confirmé ;

Sur la demande de la compagnie L'AUXILIAIRE assureur de la SARL SUPER :

Attendu qu'elle réclame à la SARL DSL, à la société SBJ PLACODECOR et à leur assureur la MAAF la somme de 29. 466,72 € versée à son assurée, entreprise intervenante (VMC) ;
Mais attendu que se plaçant nécessairement sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle elle doit rapporter la preuve d'une faute, preuve que les conclusions hypothétiques du rapport d'expertise ne lui permettent pas de démontrer ;

Sur la demande de la compagnie AXA, assureur de L'EURL GARAGE DU CENTRE VILLE :

Attendu que c'est également à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de la compagnie AXA en ce qu'elle est fondée à l'encontre de la SCI sur l'article 1384 alinéa 2 qui impose la preuve d'une faute et à l'encontre de la société GEORGES ROYET et des sous-traitants sur les articles 1382 et 1383 du code civil qui nécessitent tout autant la preuve d'une faute, en raison de l'incertitude sur les causes de l'incendie et sur l'existence de fautes causales ;
Attendu que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que la procédure ne révèle aucun abus de procédure justifiant l'octroi de dommages et intérêts ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Sur le désistement de la SA AUXILIAIRE à l'encontre de Jacques E... et de la MAF :

Attendu qu'il convient de déclarer parfait le désistement de la société AUXLIAIRE à l'encontre de Jacques E... et de la MAF intimés par elle seule ;
Attendu qu'aucune demande n'est formée contre eux par les parties excepté par la société SECURITOP formant appel incident et sollicitant la condamnation entre autres de Jacques E... et de la MAF pour procédure abusive, demande écartée ci-dessus ;
Attendu que la SA AUXILIAIRE et la SARL GEORGES ROYET succombant principalement à l'instance supporteront les dépens d'appel ;

*****

PAR CES MOTIFS La Cour,

Donne acte à la SA AUXILIAIRE de son désistement d'appel à l'encontre de Jacques E... et de la MAF et dit qu'elle supportera les dépens de leur mise en cause d'appel ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant :
Rejette les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum la SA AUXILIAIRE et la SARL GEORGES ROYET aux dépens d'appel qui seront recouvrés par les avoués de leurs adversaires conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Cet arrêt a été prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Jeanne STUTZMANN, présidente de la huitième chambre et par Nicole MONTAGNE, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0029
Numéro d'arrêt : 05/06537
Date de la décision : 26/02/2008

Analyses

CONTRAT D'ENTREPRISE - Responsabilité de l'entrepreneur - Incendie survenu dans les lieux où ont été exécutés les travaux - / JDF

L'article 1789 du code civil selon lequel "dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute" instaure un régime de responsabilité spécifique, fondé sur la présomption, se substituant aux régimes de droit commun. Cet article s'applique lorsqu'une entreprise chargée, dans la réhabilitation d'un immeuble, de nombreux lots dont celui de la pose des faux-plafonds, ne s'est pas contentée de travailler la matière fournie par elle mais a exécuté des prestations portant essentiellement sur la chose qui lui était confiée. Gardienne du chantier dont elle avait la direction et débitrice d'une obligation de restitution, elle ne peut combattre la présomption édictée par l'article 1789 du code civil que si elle rapporte la preuve de l'absence de faute de sa part, de la survenance d'un cas de force majeure ou d'une cause étrangère, ce qu'elle ne fait pas, le rapport d'expertise soulignant au contraire de graves négligences en matière de sécurité et démontrant que l'incendie qui a endommagé gravement l'immeuble, a pris naissance à l'endroit où les poseurs de faux-plafonds, sous-traitants occultes dont elle doit répondre, ont découpé les rails au moyen d'une meuleuse électrique


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Etienne, 14 septembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2008-02-26;05.06537 ?
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