COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION A
ARRÊT DU 31 Janvier 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 31 octobre 2006- No rôle : 2006j2247
No R. G. : 06 / 07764
Nature du recours : Appel
APPELANT :
Monsieur Jacques Lucien X... ...69740 GENAS
représenté par Me GUILLAUME, avoué à la Cour
assisté de Me Michel BEL, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
Société BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS anciennement dénommée BANQUE POPULAIRE DE LYON, société coopérative au capital variable 141 rue Garibaldi 69211 LYON CEDEX 03
représentée par la SCP BRONDEL- TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SCP ADK DESCHODT KUNTZ et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Instruction clôturée le 13 Novembre 2007
Audience publique du 12 Décembre 2007
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Bernard CHAUVET, Président Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie- Françoise CLOZEL- TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 12 Décembre 2007 sur le rapport de Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Janvier 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE- PROCÉDURE- PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte authentique passé en l'étude de Maître Z..., notaire à CONDRIEU (Rhône) du 29 avril 1999, la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS a prêté à la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS la somme de 500 000 francs avec le cautionnement de Monsieur Jacques X... et de Messieurs A...et Y.... Cet acte précisait que le prêt était accordé sous réserve de prise des garanties suivantes :- subrogation dans le privilège de vendeur du fonds sis 30 rue Jean Jaurès à GENAS (Rhône) à hauteur de 230 000 francs et inscription de privilège de nantissement sur le fonds de commerce à hauteur de 500 000 francs- souscription par Monsieur Jacques A...d'une assurance groupe décès invalidité absolue et définitive, incapacité de travail à hauteur de 100 % du montant du prêt et pour Messieurs Gilles Y... et Jacques X... à hauteur chacun de 50 % du montant du financement- cautionnement solidaire de Messieurs A..., Y... et X... à hauteur de 500. 000 francs avec consentement du conjoint pour Monsieur Jacques X.... La société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS a été mise en redressement judiciaire le 30 octobre 2001. C'est dans ces conditions que Monsieur Jacques X... a fait citer la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS devant le Tribunal de Commerce de LYON aux fins :- de dire que Monsieur Jacques X... est déchargé de toute dette envers la société BANQUE POPULAIRE au titre du cautionnement donné pour le compte de la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS- de condamner la société BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS à lui restituer au titre : *des sommes saisies52 841, 49 euros *des sommes réglées14 927, 63 euros *de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile 3 000 euros.
Par jugement du 31 octobre 2006, le Tribunal de Commerce de LYON a :- dit que Monsieur Jacques X... était recevable dans ses demandes- dit que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS n'avait pas commis de faute- dit que Monsieur Jacques X... était débiteur envers la société BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS au titre du cautionnement donné pour le compte de la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS- débouté Monsieur Jacques X... de ses demandes- condamné Monsieur Jacques X... à payer à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens.
Par déclaration du 7 décembre 2006 Monsieur Jacques X... a relevé appel de ce jugement.
Dans ses conclusions du 19 septembre 2007, Monsieur Jacques X... relève :- que la société BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS a prêté à la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS la somme de 500 000 francs- que ce prêt a été cautionné par lui- que l'acte prévoyait que le prêt était accordé sous la réserve de : *la justification d'un apport personnel de 56 500 francs *l'inscription d'un privilège de nantissement sur le fonds de commerce à hauteur de 500. 000 francs- que la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS a été mise en redressement judiciaire le 30 octobre 2001- que le rapport de Maître C...préconisait un plan de redressement par voie de cession au profit d'une société " le Petit Genassien "- que la cession a été entérinée par le tribunal et que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS a reçu le 18 octobre 2004 un règlement de 1 500, 39 euros à valoir sur la créance admise à titre privilégié du fait du plan de cession du 28 février 2002- que compte tenu du fait que le prêt n'était plus remboursé, la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS a fait saisir le compte de Monsieur Jacques X... pour paiement du solde de 48 612, 84 euros- qu'il a contesté la saisie par acte du 4 février 2005 devant le juge de l'exécution près le Tribunal de Grande Instance de LYON- que le juge de l'exécution, après examen du procès- verbal de saisie attribution, et au vu du justificatif de la déclaration de créance de la BANQUE POPULAIRE au passif de la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS a rendu un jugement d'incompétence et a condamné Monsieur Jacques X... a versé à la société BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile- qu'il a saisi le Tribunal de Commerce de LYON sur la contestation de la créance de la société BANQUE POPULAIRE puisqu'il est libéré de toute dette envers la banque en tant que caution- qu'en effet au titre de l'article 2037 du Code Civil la banque, n'ayant pas fait diligence pour bénéficier de la sûreté qu'elle avait inscrite sur le fonds de commerce, a commis une faute envers lui et qu'en conséquence, il est déchargé de toute obligation à son égard- que l'acte de prêt régularisé par Maître Z...le 29 avril 1999 mentionne que le prêt est accordé par la banque sous la réserve prise de garanties- que l'apport personnel n'a pas été effectué, Maître C...précisant que lors de la constitution de la société, il a été apporté en numéraire la somme de 50 000 francs- qu'il résulte qu'en l'absence de cet apport le prêt n'aurait pas dû être consenti à la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS et que dans ces conditions, il ne saurait être poursuivi comme caution- que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS prétend que la justification de l'apport personnel n'est pas une garantie, mais que l'acte authentique, qui fait foi, dit qu'il a été fait- que la BANQUE POPULAIRE soutient que l'apport personnel a été réalisé au compte courant de la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS- qu'il l'a été à une date postérieure au déblocage du prêt- que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS a donc débloqué le prêt avant la constitution de l'apport personnel. Il sollicite la réformation du jugement déféré qui l'a débouté de ses demandes.
Dans ses conclusions récapitulatives du 29 octobre 2007, la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS soutient :- que par acte authentique du 29 avril 1999 la société BANQUE POPULAIRE a consenti un prêt à la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce de restauration- que par ce même acte, Messieurs A..., Y... et X... se sont engagés en qualité de caution solidaire et indivisible à son profit à rembourser, en cas de défaillance du débiteur, toutes les sommes dues et ce, à hauteur de 76 224, 51 euros- que la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS, débiteur du prêt, a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire du 30 octobre 2001- que la société BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS a régulièrement déclaré sa créance par courrier du 27 novembre 2001 entre les mains de Maître D..., représentant des créanciers pour la somme de 55 100, 35 euros, outre intérêts au titre du prêt consenti- qu'un plan de cession de la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS a été adopté par le Tribunal de Commerce de LYON le 11 avril 2002- que dans ces conditions la société BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS s'est retourné sur les cautions et a procédé à la saisie attribution du compte de Monsieur Jacques X... ouvert dans ses livres- que le juge de l'exécution, saisi par Monsieur Jacques X... l'a débouté de la demande de mainlevée de la saisie attribution faite le 31 janvier 2005 qu'il avait contestée le 4 février 2005- que Monsieur Jacques X... l'a assigné devant le Tribunal de Commerce de LYON aux fins d'être déchargé de toute dette envers elle au titre du cautionnement donné pour le compte de la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS- que l'acte notarié et les conditions générales et particulières du prêt définissent les garanties réclamées par elle- que la justification de l'apport personnel de la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS n'a jamais été imposée comme condition suspensive à l'octroi de prêt- qu'il devait s'agir d'un apport de l'emprunteur, la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS et non de la caution- que la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS a effectué cet apport au crédit du compte courant. Elle sollicite la confirmation du jugement déféré.
MOTIFS ET DÉCISION
I Sur la condition de la qualité de sociétaire pour l'octroi du prix.
Attendu que Monsieur Jacques X... soutient que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS ne pouvait consentir un prêt à la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS dés lors qu'en vertu de l'article 3 de la loi du 10 septembre 1947 portant statut des coopératives celles- ci ne peuvent admettre les tiers non sociétaires à bénéficier de leurs services et qu'ainsi, si la banque avait respecté cette interdiction, il ne se verrait pas actuellement poursuivi par elle au titre d'un prêt qui n'a pas lieu d'être accordé ;
Attendu que l'article L 512- 5 alinéa 2 du Code monétaire et financier résultant de l'ordonnance du 14 décembre 2000- qui dispose que la banque est en droit de prévoir dans ses statuts que toute personne sociétaire ou non peut bénéficier de ses services- est applicable au prêt consenti le 29 avril 1999, cette ordonnance n'ayant fait que codifier le texte de la loi du 13 août 1936 en ses articles 1 et 2 portant organisation des banques populaires- qu'il suffit aux termes de la loi précitée que les statuts de la banque prévoient la faculté d'accorder des prêts à des non sociétaires- que c'est le cas en l'espèce des statuts que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS produit aux débats- qu'ayant été déposés au greffe du Tribunal de Commerce, ils étaient librement consultables et par conséquent opposables à tous- que les statuts n'avaient pas dans ces conditions à lui être communiqués ;
Attendu que le moyen soulevé par la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS à ce titre n'est donc pas fondé, la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS étant en droit de consentir un prêt à un non sociétaire en vertu de ses statuts- qu'il doit en conséquence être écarté ;
II Sur l'application de l'article 2314 du Code Civil.
Attendu que Monsieur Jacques X... conteste qu'il soit débiteur envers la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS des sommes qu'elle lui réclame en qualité de caution du prêt consenti le 29 avril 1999 à la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS au motif qu'il serait déchargé de ses obligations envers la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS qui n'a pas selon lui respecté les engagements qu'elle avait pris de se faire consentir les garanties prévues dans l'acte de prêt avant de débloquer les fonds en faveur de la société emprunteuse ;
Attendu que l'acte de prêt du 29 avril 1999 prévoyait qu'il n'était accordé par la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS à la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS que sous la réserve d'une prise de garanties- que figurait dans la liste de ce qui était demandé par la banque l'apport d'une somme de 56 500 euros au compte courant sans d'ailleurs préciser qui des associés y était tenu- que l'exigence d'un tel apport ne constitue pas une garantie au sens de l'article 2314 du Code civil (ex article 2037)- que Monsieur Jacques X... ne peut donc invoquer ce texte pour reprocher à la banque de n'avoir pas exigé que soit fait cet apport avant d'accorder le prêt et d'avoir perdu ainsi une garantie à l'égard du débiteur- qu'à supposer même qu'il se soit agi d'une condition à l'octroi du prêt, rien n'obligeait la banque au seul bénéfice de laquelle elle aurait dans ce cas été prévue de s'en prévaloir- que ce moyen, dépourvu de fondement, doit être ainsi écarté ;
Attendu que Monsieur Jacques X... reconnaît dans ses écritures que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS a bien inscrit, comme l'acte de prêt lui en faisait obligation, un nantissement sur le fonds de commerce de la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS le 10 mai 1999- que l'article L 142- 1 du Code de commerce ne prévoit pas que le nantissement sur le fonds de commerce confère au créancier gagiste le droit de rétention- que par conséquent Monsieur Jacques X... ne peut faire grief à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS de n'avoir pas réclamé l'attribution judiciaire du gage tel que prévu à l'article 622- 21 alinéa 3 du Code de commerce qui n'a donc pas vocation à s'appliquer en l'espèce- que la banque n'a par conséquent pas commis de faute qui aurait privé la caution de la subrogation- que ce texte s'applique y compris en cas de procédure collective, dés lors qu'aucune clause de ce article n'écarte cette disposition- que le moyen soulevé par Monsieur Jacques X... qui invoque l'article 2314 du Code Civil (ex article 2037 du Code Civil) n'est donc pas fondé et doit par conséquent être rejeté ;
Attendu que l'appréciation du premier juge selon laquelle la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS n'avait pas commis de faute au sens de l'article 2314 du Code Civil doit être confirmée ;
III Sur les demandes de Monsieur Jacques X... faites à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS de lui rembourser les sommes payées en sa qualité de caution.
Attendu que Monsieur Jacques X... réclame à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS de lui restituer les sommes de 52 841, 49 euros et de 14 927, 63 euros qu'il lui a payées en sa qualité de caution de la société LE RELAIS DES TROIS CHASSEURS ;
Attendu qu'en l'absence de faute de la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS, les demandes de Monsieur Jacques X... sont donc dépourvues de tout fondement, de sorte qu'il doit en être débouté ;
Attendu que le jugement déféré qui a rejeté cette demande doit être en conséquence confirmé de ce chef ;
IV Sur la demande de Monsieur Jacques X... à voir la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS déchue des intérêts réclamés au titre du prêt.
Attendu que la demande de Monsieur Jacques X... tendant à voir déclarer la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS déchue des intérêts pour n'avoir pas informé la caution conformément aux dispositions de l'article L 363- 22 du Code monétaire et financier est nouvelle en appel- qu'elle doit être ainsi déclarée irrecevable ;
V Sur les autres demandes.
Attendu qu'il serait inéquitable que la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS supporte la charge de ses frais irrépétibles d'appel et qu'il y a lieu ainsi de condamner Monsieur Jacques X... à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge ;
Attendu que Monsieur Jacques X..., qui succombe, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Déclare irrecevable la demande de Monsieur Jacques X... tendant à voir la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS déchue des intérêts conformément aux dispositions de l'article L 313- 22 du Code monétaire et financier ;
Condamne Monsieur Jacques X... à payer à la BANQUE POPULAIRE LOIRE ET LYONNAIS la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel par la SCP BRONDEL ET TUDELA, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.