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31/01/2008 | FRANCE | N°06/07239

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 3, 31 janvier 2008, 06/07239


ARRÊT DU 31 Janvier 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 19 septembre 2006 - No rôle : 2005j3453

No R.G. : 06/07239
Nature du recours : Appel
APPELANTE :

SA GOTHEIL, société faisant l'objet d'un plan de redressement par continuation en vertu d'un jugement en date du 22/01/2004 du Tribunal de commerce de Lyon, prise en la personne de son Président directeur général, Monsieur Albert X..., agissant ès qualités et domicilié de droit audit siège.Les Pautus RN726600 PONT DE L ISERE

représentée par Me Christian

MOREL, avoué à la Cour
assistée de la SELAFA FOLLET - LELONG - RIVOIRE - POLLARD, avocats au...

ARRÊT DU 31 Janvier 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 19 septembre 2006 - No rôle : 2005j3453

No R.G. : 06/07239
Nature du recours : Appel
APPELANTE :

SA GOTHEIL, société faisant l'objet d'un plan de redressement par continuation en vertu d'un jugement en date du 22/01/2004 du Tribunal de commerce de Lyon, prise en la personne de son Président directeur général, Monsieur Albert X..., agissant ès qualités et domicilié de droit audit siège.Les Pautus RN726600 PONT DE L ISERE

représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée de la SELAFA FOLLET - LELONG - RIVOIRE - POLLARD, avocats au barreau de VALENCE
INTIMEES :
SA SCORGEC (Société de Contrôle - Révision - Gestion et Expertise Comptable)13, rue des Emeraudes69006 LYON

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SELARL GRANGE LAFONTINE VALENTI et ANGOGNA, avocats au barreau de LYON
Société COVEA RISKS10, Bd Alexandre Oyon72000 LE MANS

représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SELARL GRANGE LAFONTINE VALENTI et ANGOGNA, avocats au barreau de LYON
Instruction clôturée le 16 Octobre 2007
Audience publique du 10 Décembre 2007

LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Madame Laurence FLISE, PrésidentMadame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 10 Décembre 2007sur le rapport de Madame Christine DEVALETTE, Conseiller

GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Janvier 2008, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**************

La société SCORGEC, d'expertise comptable assurait depuis de nombreuses années la gestion comptable de la société GOTHEIL, outre le suivi social et fiscal.

Le 7 avril 1998, la société GOTHEIL a embauché Monsieur Y... en qualité de directeur commercial au statut cadre, coefficient 500 de la Convention Collective de l'Industrie Textile, avec une rémunération uniquement à la commission en fonction des chiffres d'affaires réalisés.
En raison d'une baisse importante du chiffre d'affaires, les performances n'ouvraient droit pour Monsieur Y... qu'à un salaire inférieur au SMIC de sorte que sur les conseils de la société SCORGEC, la société GOTHEIL lui a versé un complément de rémunération lui permettant d'atteindre ce minimum légal.
Ensuite d'une procédure collective ouverte à l'encontre de la société GOTHEIL, Monsieur Y... a été licencié pour motif économique en juillet 2004.
Considérant que sa rémunération ne correspondait pas au salarié minimum conventionnel, Monsieur Y... a saisi le Conseil des Prud'hommes de VALENCE qui, par jugement du 25 mai 2005, a condamné la société GOTHEIl, assistée des organes de la procédure, au paiement des sommes suivantes :
- 49 493, 12 € de rappel de salaire, - 4 949,31 € de congés payés sur rappel de salaires,

- 1 072,38 € de rappel d'indemnité de licenciement,
- 600€ au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Après avoir interjeté appel de ce jugement, la société GOTHEIL et les organes de la procédure se sont désistés.
La société GOTHEIL a alors assigné d'abord en référé, puis au fond, par exploit des 19 et 24 novembre 2005 la société SCORGEC et son assureur la société COVEA RISKS en responsabilité et en condamnation solidaire à leur payer l'intégralité des condamnations prononcées par le jugement du Conseil des Prud'hommes, outre exécution provisoire et une indemnité de procédure.
Par jugement du 19 septembre 2006, le tribunal de commerce de LYON a condamné solidairement la société SCORGEC et la société COVEA RISKS à verser à la société GOTHEIL la somme de 600 € et rejeté toutes les autres demandes.
Par déclaration du 17 novembre 2006, la société GOTHEIL, en redressement judiciaire depuis le 22 janvier 2004 et faisant actuellement l'objet d'un plan de continuation, a interjeté appel du jugement.
Aux termes de ses dernières écritures, déposées le 2 octobre 2007 et qui sont expressément visées par la Cour, la société GOTHEIL demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a limité les dommages-intérêts au montant des frais de procédure prud'homale.
Elle demande la condamnation solidaire de la société SCORGEC et de la COVEA RISKS à lui verser 65 515,02 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de procéder, au vu du coût réel de ce salarié, à son licenciement économique avant d'être placée en redressement judiciaire outre 3 000 € d'indemnité de procédure.

Elle fait valoir tout d'abord que cette demande est recevable en cause d'appel dans la mesure où elle tend à la même fin que sa demande initiale en remboursement des condamnations prononcées, à titre de dommages-intérêts.
Concernant la nature et l'étendue des obligation du Cabinet SCORGEC, elle rappelle que celui-ci avait pour mission non seulement de traiter les documents comptables et administratifs relatifs à l'exécution des contrats de travail mais également de la conseiller et de l'alerter sur toutes les questions relevant du droit social, notamment pour la rédaction des contrats de travail, toutes prestations qui ont été facturées par le cabinet d'expertise comptable.
Elle considère à cet égard que la société SCORGEC a commis une grave méconnaissance de la législation sociale en considérant que Monsieur Y... pouvait, en cas d'insuffisance de ses résultats commerciaux, percevoir un salaire au minimum égal au SMIC alors que sur le contrat de travail, dont elle a conseillé la rédaction, comme sur les fiches de paie de ce salarié éditées par le cabinet, il était expressément fait référence à la Convention Collective et au coefficient 500 qui portaient ce salaire minimum à 2 400 € par mois.
Elle considère que son préjudice consiste à avoir laissé s'accumuler à son insu une dette salariale ce qui ne lui a pas permis de prendre la décision de stopper cette dette en procédant plus tôt au licenciement économique du salarié, donc de faire une économie et un bon choix de gestion (comme pour les 16 autres licenciements opérés entre août 1999 et 2006) au moins au moment de l'embauche d'un nouveau directeur général en octobre 2001. Elle chiffre l'économie qu'elle aurait pu ainsi réaliser :

- aux salaires d'octobre 2001 à juillet 2004 soit 43 150,68 €,
- aux charges sociales patronales soit 21 575,34 €,
- aux rappels d'indemnité de licenciement (49 49,31 €) et d'indemnité d'ancienneté (1 072,38 €),
- aux intérêts légaux sur les sommes dues (2 119,01€ ) aux frais d'huissier de la saisie attribution pratiquée (712,71 €) et à l'ensemble des frais de la procédure prud'homale (2 644,36 €), sauf à déduire les indemnités qu'elle aurait du verser en cas de licenciement en juin 2001 (indemnité légale de licenciement et indemnité compensatrice de préavis).
****
Aux termes de leurs écritures, déposées le 19 juillet 2007 et qui sont expressément visées par la Cour, les sociétés SCORGEC et COVEA RISKS forment appel incident sur la reconnaissance de la responsabilité professionnelle de la société SCORGEC et concluent au rejet de toutes les prétentions de la société GOTHEIL.
Elles demandent la condamnation de celle-ci à leur verser à chacune 2 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elles font valoir :
- que la société SCORGEC n'a commis aucune faute dans sa mission accessoire de conseil en droit social, qui dans le respect de l'article 22 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, se limitait à "l'établissement des bulletins de paie et charges sociales ".

Elle conteste à cet égard avoir jamais été consultée sur le principe et les modalités de l'engagement de Monsieur Y... ni sur le respect des dispositions conventionnelles ou légales le concernant, son intervention s'étant limitée à établir les bulletins de salaire conformément aux décisions prises par le Directeur Administratif et Financier et en fonction de ses indications sur les chiffres d'affaires réalisés.
- que la demande de dommages-intérêts pour perte de chance est irrecevable en cause d'appel comme constituant une demande nouvelle, différente dans sa nature et dans son quantum,
- que le préjudice invoqué ne peut correspondre aux salaires impayés qui coïncident avec les prestations dont la société GOTHEIL a bénéficié et dont elle a accepté le principe dans sa décision d'embauche, ni même à une perte de chance de le licencier plus tôt, considération purement spéculative sur ce qu'aurait été la décision d'un chef d'entreprise dans de telles circonstances. Elle observe à cet égard que la société GOTHEIL ne rapporte pas la preuve d'une rétrogradation de son salarié à un poste de chauffeur auquel il aurait été affecté et conservé pour son faible coût salarial.
- qu'il n'y a pas de lien direct entre la faute qui lui est reprochée et le préjudice allégué.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 octobre 2007.
SUR CE :

Sur la recevabilité de la demande de la société GOTHEIL :
Au regard des dispositions de l'article 564 du nouveau code de procédure civile, cette demande est recevable en cause d'appel comme constituant, au même titre qu'en première instance, une demande d'indemnisation d'un préjudice pour inexécution d'obligations contractuelles, quand bien même ce préjudice différerait dans sa nature et son quantum.
Sur le bien fondé de cette demande :
Aucun document contractuel ou pièce n'est produit démontrant que, dans ses relations avec la société GOTHEIL et au mépris des dispositions de l'ordonnance du 19 septembre 1945, la société SCORGEC aurait été chargée d'une mission de conseil en droit social, au delà de la mission habituelle d'établissement des bulletins de salaire et charges sociales. Il n'est en particulier nullement établi, comme le prétend la société DUTHEIL, que la société SCORGEC l'ait conseillée dans la rédaction du contrat de travail de Monsieur Y... ou en cours d'exécution de celui -ci, notamment sur la nature et l'étendue des fonctions de celui-ci et sur son mode et coefficient de rémunération.
Dans le cadre de sa simple mission de suivi social, il n'est pas établi non plus que la société SCORGEC ait commis des erreurs dans le calcul des rémunérations de Monsieur Y... en fonction des éléments sur le chiffre d'affaires qui lui ont été communiqués, la plupart du temps téléphoniquement, par le responsable de la société GOTHEIL.

En revanche, et toujours dans le cadre de cette mission de suivi social, la société SCORGEC a doublement failli à son obligation de conseil et de mise en garde, en établissant les bulletins de salaire de Monsieur Y... pour un salaire dans certains cas inférieur au SMIC et en précédant ensuite à des régularisations par référence à ce minimum légal, ceci en contradiction par rapport à la Convention Collective de l'Industrie Textile visée sur ces bulletins, avec les mentions relatives à la qualification du salarié en tant que cadre coefficient 500.
Ce manquement de la société SCORGEC à son obligation de conseil a perduré jusqu'au 24 février 2004, date à laquelle celle-ci a établi une estimation du coût du licenciement de Monsieur Y... sur la base de salaires non conformes aux dispositions conventionnelles mais le préjudice qui en est directement résulté pour la société GOTHEIL ne coïncide pas avec les rappels de salaires, de congés payés et d'indemnité de licenciement qu'elle a été uniquement condamnée à verser à son ex-salarié, et qui sont la simple contrepartie de la prestation fournie par celui-ci, prétention d'ailleurs abandonnée par cette société.
Il n'est pas non plus constitué par la perte de chance d'avoir licencié plus tôt Monsieur Y..., en connaissance de son coût salarial réel et d'avoir ainsi pu réaliser des économies en termes de salaires et d'indemnités de licenciement, de telles considérations étant purement hypothétiques au regard des dispositions régissant le licenciement (pour faute ou économique) et des circonstances de la cause (embauche à cette période d'un nouveau directeur général et rétrogradation prétendue de Monsieur Y...) rendant encore plus aléatoire l'économie invoquée et chiffrée approximativement par la société GOTHEIL.

En revanche, le manquement de la société SCORGEC à son obligation de conseil a fait perdre à la société GOTHEIL la chance d'éviter une instance prud'homale uniquement fondée sur cette erreur de rémunération et de faire ainsi une économie de procédure qui, selon les pièces produites, doit être évaluée à la somme de 2 644,36 €, comprise dans sa demande globale et correspondant à ses frais d'avocat, à l'exclusion de l'indemnité de procédure qui n'est pas réclamée, ou des intérêts sur les sommes dues au salarié et les frais de saisie- attribution qui ne sont pas en rapport direct avec le préjudice retenu.
Le jugement doit être réformé sur le montant des dommages-intérêts alloués mais non sur la solidarité entre les sociétés intimées, qui n'est pas contestée.
Par ailleurs, et faute de caractérisation d'un abus par la société GOTHEIL, en plan de continuation, de son droit d'ester en justice et notamment de faire appel, le jugement qui a débouté la société SCORGEC de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive doit être confirmé.
En application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, les sociétés SCORGEC et COVEA RISKS doivent être condamnée à verser une indemnité de procédure de 1 500 €.
PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf sur le quantum des dommages-intérêts allouées ;
Et statuant à nouveau,
Condamne solidairement la société SCORGEC et la société COVEA RISKS à payer à la société GOTHEIL la somme de 2 644,36 € à titre de dommages-intérêts
Y ajoutant,

Condamne solidairement les sociétés SCORGEC et COVEA RISKS à verser à la société GOTHEIL la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Condamne solidairement les sociétés SCORGEC et COVEA RISKS aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître MOREL, avoué.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 06/07239
Date de la décision : 31/01/2008
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Obligation de conseil - Manquement - Applications diverses - / JDF

Au regard des dispositions de l'article 564 du nouveau code de procédure civile, la demande d'indemnisation d'un préjudice pour inexécution des obligations contractuelles est recevable en appel, quand bien même ce préjudice différerait dans sa nature et son quantum, par rapport aux demandes de première instance. Dans le cadre de sa mission, la société chargée du suivi social d'une entreprise a doublement failli à son obligation de conseil et de mise en garde en établissant les bulletins de salaire d'un salarié pour un salaire dans certains cas inférieur au SMIC, et en procédant ensuite à des régularisations par référence à ce minimum légal, ceci en contradiction par rapport à la Convention Collective de l'Industrie Textile visée sur les bulletins. Ce double manquement ne peut conduire cependant à indemniser l'employeur pour le versement au salarié, qui a été licencié entre temps, de ses rappels de salaire, de congés payés et d'indemnités de licenciement, qui sont la simple contrepartie de la prestation fournie par le salarié, indépendamment de toute faute de la société de conseil. De même, l'employeur ne peut pas être indemnisé au titre de la perte de chance d'avoir licencié plus tôt le salarié, en connaissance de son coût salarial réel, et d'avoir ainsi pu réaliser des économies en termes de salaires et d'indemnités de licenciement, dans la mesure où de telles considérations sont purement hypothétiques au regard des dispositions régissant le licenciement et des circonstances de la cause. En revanche, le manquement par la société à son obligation de conseil a fait perdre à l'employeur la chance d'éviter une instance prud'homale uniquement fondée sur cette erreur de rémunération et de faire ainsi une économie de procédure


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Lyon, 19 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2008-01-31;06.07239 ?
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