COUR D' APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION A
ARRÊT DU 31 Janvier 2008
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 29 mars 2006- No rôle : 2005j2658
No R. G. : 06 / 02161
Nature du recours : Appel
APPELANT :
Monsieur Jacques X... ......
représenté par la SCP AGUIRAUD- NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de Me Philippe PLANES, avocat au barreau de LYON
INTIME :
Monsieur Lionel A... ......
représenté par la SCP LAFFLY- WICKY, avoués à la Cour
assisté de Me Mohamed CHEBBAH, avocat au barreau de LYON
Instruction clôturée le 27 Novembre 2007
Audience publique du 14 Décembre 2007
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D' APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Bernard CHAUVET, Président Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie- Françoise CLOZEL- TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l' audience publique du 14 Décembre 2007 sur le rapport de Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Janvier 2008, par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Mademoiselle Patricia LE FLOCH, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE- PROCÉDURE- PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 10 juillet 1998 Monsieur Lionel A... a signé une promesse de vente en vue d' acquérir les 2 500 actions formant la totalité du capital de la société DKP ENTREPRISE qui étaient détenues par Monsieur Jacques X... et par d' autres actionnaires, pour lesquels ce dernier s' était porté fort. Le prix de cession était provisoirement fixé à la somme de 800 000 francs, soit 121. 959, 21 euros au vu du bilan clos le 31 octobre 1997 et devait être réajusté en fonction de l' état comptable établi le 31 octobre 1998. Monsieur Lionel A... a effectué un premier paiement le 5 décembre 1998, date de la réalisation de la transaction, pour un montant de 480 000 francs, le solde du prix devant être payé de manière échelonnée jusqu' au 30 novembre 2001. Le 10 juillet 1998, les parties ont également conclu une garantie d' actif et de passif valable jusqu' en octobre 2001, qui prévoyait le paiement par le cédant d' une indemnité au cessionnaire notamment en cas de passif social non comptabilisé mais existant au 31 octobre 1998. Constatant les difficultés financières de la société DKP ENTREPRISE, Monsieur Lionel A... a assigné en référé Monsieur Jacques X... devant le Président du Tribunal de Commerce de LYON aux fins de faire désigner un expert chargé d' examiner les comptes de la société. L' expert a été désigné par ordonnance du 6 septembre 2000 et a déposé son rapport le 16 février 2001, concluant à une sous- évaluation du passif social de la somme de 396 489 francs par rapport à l' actif net comptable dans le bilan établi au 31 octobre 1998. La société DKP ENTREPRISE a été mise en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de LYON en date du 8 mars 2001. Par exploit du 13 juillet 2004, Monsieur Lionel A... a assigné Monsieur Jacques X... devant le Tribunal de Commerce de LYON aux fins de voir :- prononcer la nullité de l' acte de cession intervenu entre les parties- condamner Monsieur Jacques X... au remboursement du prix de vente versé, soit de la somme de 96 042, 88 euros- condamner Monsieur Jacques X... à lui payer la somme de 19 514, 13 euros- condamner Monsieur Jacques X... à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts- condamner Monsieur Jacques X... à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugement du 29 mars 2006, le Tribunal de Commerce de LYON a :- dit que Monsieur Jacques X... s' était rendu coupable de manoeuvres dolosives au préjudice de Monsieur Lionel A...- prononcé la nullité de l' acte de cession d' actions du 5 décembre 1998- condamné en conséquence Monsieur Jacques X... à rembourser à Monsieur Lionel A... le prix de vente versé soit la somme de 96 042, 88 euros- débouté Monsieur Jacques X... de sa demande de paiement de la somme de 41 161 euros, outre intérêts conventionnels, au titre du solde du prix de cession des actions- condamné Monsieur Jacques X... à payer à Monsieur Lionel A... la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice- débouté Monsieur Lionel A... de sa demande de paiement de la somme de 19 514, 31 euros- condamné Monsieur Jacques X... à rembourser à Monsieur Lionel A... les frais d' expertise- ordonné l' exécution provisoire de la décision- condamné Monsieur Jacques X... à payer à Monsieur Lionel A... la somme de 500 euros au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les dépens. M. Jacques X... a relevé appel le 3 avril 2006. Dans ses conclusions du 9 octobre 2007, M. Jacques X... soutient :- que M. Lionel A... ne démontre pas l' existence d' un dol- que ce dernier ne se fonde que sur le rapport d' expertise judiciaire affirmant que le bilan n' est pas sincère- que la comptabilité d' écritures ne relèvent pas de sa compétence- que le fait que certains éléments n' aient pas été comptabilisés relève de la responsabilité des professionnels du chiffre que sont l' expert comptable de la société et le commissaire aux comptes- que la comptabilisation des factures à recevoir est une notion purement comptable accessible seulement à des professionnels- qu' il n' a pu tromper l' expert comptable ni le commissaire aux comptes qui connaissaient bien la situation de la société- qu' il n' a donc commis aucune manoeuvre dolosive au préjudice de Monsieur Lionel A...- que le consentement de M. Lionel A... lors de la cession n' a pu être vicié sur le fondement du dol ou d' un autre vice du consentement au titre du bilan clos le 31 octobre 1998 puisqu' il est postérieur à l' accord des parties- que l' évaluation des comptes de la société n' était pas un élément déterminant du consentement du demandeur dans la mesure où ce dernier devait réaliser un audit des comptes sociaux en vue d' un réajustement du prix de cession, ce qui n' a pas été fait- que les conditions du dol ne sont donc pas réunies- que l' erreur invoquée par M. Lionel A... ne porte pas sur les qualités substantielles de l' objet du contrat mais sur sa valeur, ce qui n' est pas une cause de nullité du contrat- que la sous- évaluation du passif social aurait dû donner lieu à une réduction du prix par la mise en oeuvre de la garantie de passif et non à la nullité de la convention- que M. Lionel A... n' a pas mis en oeuvre cette garantie, alors qu' il pouvait le faire avant son expiration- qu' il n' est pas établi qu' il existe un lien de causalité entre le passif qui existait en 1998 et le dépôt de bilan de la société, d' autant que c' est M. Lionel A... qui a géré la société de 1999 à 2001- qie M. Lionel A... n' a pas payé le solde du prix de cession des actions, soit la somme de 270 000 francs, ce qu' il ne conteste pas- qu' il n' avait pas intérêt à ce que la société dépose le bilan, étant donné qu' il avait un important compte courant d' associé dans la société- que la lettre produite par M. Lionel A... pour réclamer le paiement d' une somme de 19. 514, 31 euros n' est pas un acte de cautionnement et n' a aucun lien avec la cession. Il sollicite ainsi la réformation du jugement déféré.
Dans ses conclusions récapitulatives du 31 juillet 2007 M. Lionel A... soutient :- que la cession d' actions intervenue est nulle, son consentement ayant été vicié en raison de l' absence de sincérité du bilan au 31 octobre 1998, ainsi que l' a souligné l' expert- qu' il a subi un grave préjudice, dans la mesure où il a dû très rapidement déposer le bilan de la société DKP ENTREPRISE et qu' il a dû faire face à un passif important- qu' il s' est porté caution au nom de la société ce qui lui a causé un préjudice du fait de la liquidation judiciaire de la société- que Monsieur Jacques X... a commis un dol comme l' établissent les conclusions de l' expert judiciaire, mettant en cause Monsieur Jacques X... du fait de l' absence de sincérité du bilan- que la sous- évaluation du passif caractérise la mauvaise foi de Monsieur Jacques X... qui l' a trompé- que si le Tribunal estime qu' il n' y a pas eu dol, la nullité de la cession devra être prononcée pour erreur sur la substance- que la contestation sur le prix de cession des actions est fondée sur les conclusions de l' expert désigné par le Tribunal, comme le prévoyait le protocole signé par les parties- qu' il n' était pas obligé de faire jouer la clause de garantie de passif- que Monsieur Jacques X... a transmis de fausses informations pour l' établissement de la comptabilité de la société. Il sollicite ainsi la confirmation du jugement déféré, qui a prononcé la nullité de la cession et qui a condamné en conséquence M. Jacques X... à lui restituer les sommes versées.
MOTIFS ET DÉCISION
I Sur la nullité de l' acte de cession d' actions du 10 juillet 1998, devenu définitif en date du 5 décembre 1998.
Attendu que pour réclamer la nullité de l' acte du 10 juillet 1998 par lequel il a acquis toutes les actions appartenant à Monsieur Jacques X... ainsi que celles pour lesquelles il s' est porté fort dans le capital de la société DKP, Monsieur Jacques X... invoque le rapport d' expertise déposé le 16 février 2001 qui conclut à une absence de sincérité du bilan arrêté le 31 octobre 1998 qui a servi à réviser le prix des actions calculé au jour de l' acte sur les éléments du bilan du 31 octobre 1997, seul connu lors de sa signature et à une sous évaluation du passif social de 396 489 francs par rapport à l' actif net comptable, résultant des comptes au 31 / 10 / 1998 ;
1) Sur le dol.
Attendu que M. Lionel A... ne peut faire état des conclusions du rapport d' expertise pour soutenir qu' il aurait été victime d' un dol de la part de Monsieur Jacques X... au motif qu' à raison d' un nouveau passif révélé le prix des actions dans l' acte du 5 décembre 1998 s' en est trouvé réduit sans démontrer que des manoeuvres ont été utilisées aux fins de tromper son consentement puisqu' au jour où les parties ont contacté le 10 juillet 1998 elles n' ont pas fait de la révision du prix des actions au vu du bilan au 31 octobre 1998 une cause de leur engagement- que les éléments permettant la révision du prix des actions révélés dans ce bilan ne sont donc pas constitutifs d' un dol- que c' est en effet le 10 juillet 1998 que M. Lionel A... s' est engagé en considération d' un bilan dont il n' est ni prétendu ni établi qu' il ait été falsifié en vue de la cession des actions par M. Jacques X... ;
Attendu que M. Lionel A... doit en conséquence être débouté de sa demande en nullité du chef de dol comme dépourvue de fondement ;
2) Sur l' erreur.
Attendu que l' erreur n' est retenue comme cause de nullité d' un acte qu' à la condition de porter sur les qualités substantielles de la chose cédée- que M. Lionel A... ne démontre pas qu' en contractant avec Monsieur Jacques X... il a pu se méprendre sur ce qu' il acquerrait, ni que la société DKP se trouvait dans l' impossibilité de remplir son objet ;
Attendu que l' existence d' un passif non connu au jour de la signature de l' acte de cession du 10 juillet 1998 conduit nécessairement à une diminution de l' actif net comptable et par conséquent du prix des actions- que l' erreur sur le prix n' est pas une cause de nullité de l' acte- que la clause de garantie de passif a été stipulée dans l' acte aux fins de tenir compte de cette situation- qu' il appartenait donc à M. Lionel A..., bénéficiaire de cette clause, de la mettre en oeuvre, ce qu' il n' a pas fait dans le délai prévu dans l' acte ;
Attendu que M. Lionel A... doit en conséquence être débouté de sa demande en nullité au titre de l' erreur sur le prix comme dépourvue de fondement ;
Attendu que le jugement déféré, qui a retenu l' existence de manoeuvres dolosives pour annuler l' acte de cession du 5 décembre 1998, actualisant le prix tel qu' il avait été fixé dans l' engagement du 10 juillet 1998, doit être dans ces conditions réformé ;
II Sur la demande reconventionnelle faite par Monsieur Jacques X... en paiement du solde du prix des actions.
Attendu que M. Lionel A... ne conteste pas qu' il reste redevable de la somme de 41. 161 euros pour solde du prix des actions restée impayée- que M. Lionel A... doit donc être condamné à payer ladite somme à Monsieur Jacques X..., majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande du 25 / 01 / 2005 ;
Attendu que le jugement déféré doit être réformé de ce chef ;
III Sur la demande de M. Lionel A... en dommages et intérêts.
Attendu que M. Lionel A... n' est pas fondé, à raison de la décision rendue qui le déboute de sa demande en nullité et qui le condamne à payer à Monsieur Jacques X... le solde du prix des actions cédées, à réclamer des dommages et intérêts- qu' il doit en conséquence être débouté de sa demande réformant de ce chef le jugement déféré ;
IV Sur les autres demandes.
Attendu qu' il serait inéquitable que Monsieur Jacques X... supporte la charge de ses frais irrépétibles et qu' il convient de lui allouer ainsi la somme de 1 000 euros au titre de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que M. Lionel A..., qui succombe, doit être condamné aux dépens de première instance et d' appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau :
Déclare M. Lionel A... mal fondé dans sa demandes en nullité de l' acte de cession des actions de la société DKP ENTREPRISE du 5 décembre 1998 ainsi que dans sa demande en dommages et intérêts et l' en déboute ;
Déclare Monsieur Jacques X... bien fondé dans sa demande en paiement du solde du prix des actions resté impayé ;
Condamne en conséquence M. Lionel A... à payer à Monsieur Jacques X... la somme de 41 161 euros à ce titre, outre intérêts au taux légal à compter du 25 / 01 / 2005 ;
Condamne M. Lionel A... à payer à Monsieur Jacques X... la somme de 1 000 euros au titre de l' article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d' appel, ces derniers étant recouvrés par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués, conformément aux dispositions de l' article 699 du nouveau Code de procédure civile.