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22/01/2008 | FRANCE | N°06/06899

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0063, 22 janvier 2008, 06/06899


R. G : 06 / 06899

décision du Tribunal de Grande Instance de LYON au fond du 06 septembre 2006

RG No2004 / 15719
ch no 1

Z... X... X...

C /
Y...
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE B
ARRET DU 22 JANVIER 2008
APPELANTES :
Madame Elizabeth Z... veuve X... ......

représentée par la SCP LAFFLY- WICKY avoués à la Cour

assistée de la SCP HAWADIER BONNEMAIN avocats au barreau de DRAGUIGNAN

Madame Isabelle X... épouse A... ......

représentée par la SCP LAFFLY- WICKY avoués à la Cour

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sistée de la SCP HAWADIER BONNEMAIN avocats au barreau de DRAGUIGNAN

Madame Christiane X... épouse B... ...

représentée par la SC...

R. G : 06 / 06899

décision du Tribunal de Grande Instance de LYON au fond du 06 septembre 2006

RG No2004 / 15719
ch no 1

Z... X... X...

C /
Y...
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE B
ARRET DU 22 JANVIER 2008
APPELANTES :
Madame Elizabeth Z... veuve X... ......

représentée par la SCP LAFFLY- WICKY avoués à la Cour

assistée de la SCP HAWADIER BONNEMAIN avocats au barreau de DRAGUIGNAN

Madame Isabelle X... épouse A... ......

représentée par la SCP LAFFLY- WICKY avoués à la Cour

assistée de la SCP HAWADIER BONNEMAIN avocats au barreau de DRAGUIGNAN

Madame Christiane X... épouse B... ...

représentée par la SCP LAFFLY- WICKY avoués à la Cour

assistée de la SCP HAWADIER BONNEMAIN avocats au barreau de DRAGUIGNAN

INTIME :
Monsieur Gérard Y... ......

représenté par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER avoués à la Cour

assisté de Me Laurent CAZELLES avocats au barreau de PARIS

L'instruction a été clôturée le 22 Octobre 2007

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 11 Décembre 2007
L'affaire a été mise en délibéré au 22 Janvier 2008

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur BAIZET, Conseiller : Monsieur ROUX, Conseiller : Madame MORIN

Greffier : Madame WICKER pendant les débats uniquement.
A l'audience Monsieur BAIZET a fait son rapport conformément à l'article 785 du nouveau Code de procédure civile.
ARRET : contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile,
signé par Monsieur BAIZET, président et par Madame WICKER greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Par jugement du 4 octobre 1973, le tribunal de grande instance de SAINT- QUENTIN a prononcé l'adoption simple par Madame Jeanne D... du mineur Eugène E... et dit que l'adoption s'appelerait François D....
A la suite d'une mésentente entre Madame D... et son fils adoptif, celle- ci a chargé Maître Y..., avocat, d'engager une procédure de révocation d'adoption.
Par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 1978, le tribunal de grande instance de SAINT- QUENTIN a prononcé la révocation de l'adoption.
Madame D... est décédée le 2 mai 2000 après avoir institué pour ses légataires universelles Madame Elizabeth Z..., Madame Isabelle X... épouse A... et Madame Christiane X... épouse B....
A l'occasion d'un contentieux relatif à des baux et des promesses de vente, il a été soutenu que l'héritier de droit de Madame D... était Monsieur François D..., son fils adoptif.
Ce dernier a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de SAINT QUENTIN afin de voir déclarer non avenu le jugement de révocation de l'adoption en raison de l'absence de signification dans le délai de six mois.
Par jugement du 17 août 2001, ce magistrat a déclaré non avenu le jugement du tribunal de grande instance de SAINT QUENTIN du 1er décembre 1978 prononçant la révocation de l'adoption, en l'absence de production de l'acte de signification de cette décision.
Par arrêt du 10 septembre 2002, la Cour d'Appel d'AMIENS a confirmé le jugement.
Le 18 décembre 2003, Madame Z..., Madame A... et Madame B... ont signé avec Monsieur François D... une transaction portant sur le partage de l'actif successoral de Madame D..., reconnaissant les droits d'héritier réservataire de celui- ci.
Elles ont ensuite assigné en responsabilité Maître Y..., ancien avocat.
Par jugement du 6 septembre 2006, le tribunal de grande instance de LYON a déclaré l'action recevable, mais a rejeté les demandes en l'absence de faute de l'avocat.
Madame X..., Madame Z... et Madame A..., appelantes, concluent à la réformation du jugement et sollicitent la condamnation de Monsieur Y... à leur payer les sommes de 649. 867, 69 euros et 210. 000 euros en réparation de leurs préjudices, outre celle de 6. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutiennent que leur action en responsabilité délictuelle n'est pas prescrite, puisqu'elle est soumise non pas à la prescription de l'article 2277- 1 du Code Civil, mais à celle prévue par l'article 2270- 1 du même code, dont le délai de dix ans ne court qu'à compter de la manifestation du dommage constituée par la revendication de ses droits par Madame D....
Elles font valoir que la mission de Maître Y... n'a pas pris fin, comme il le soutient par le prononcé du jugement du 14 décembre 1978, puisqu'il ne s'est pas assuré d'une signification régulière de la décision et de sa transcription à l'état civil.
Elles considèrent que Maître Y... était tenu d'une obligation de résultat quant à l'effectivité du jugement de révocation de l'adoption, en le faisant signifier régulièrement et en le transmettant aux fins de transcription, et que l'absence de signification du jugement induit la faute de l'avocat, qui a commis un second manquement fautif en ne s'assurant pas de la transcription effective du jugement.
Au titre de leurs préjudices, elles réclament la perte de la moitié de l'actif net successoral, la perte de l'exonération fiscale prévue à l'article 793- 2- 3 du Code général des impôts, et la réparation des frais, pertes de temps et travaux générés par le contentieux avec Madame D..., ainsi que du préjudice découlant de la difficulté de trouver des terres agricoles.
Monsieur Y..., intimé, conclut à l'infirmation partielle du jugement et estime que l'action est irrecevable par acquisition de la prescription en application de l'article 2277- 1 du Code Civil.
Il considère que les appelantes ne disposent à son encontre que d'une action de nature contractuelle, en ce qu'elles n'agissent qu'en représentation des droits qu'elles ont reçus de Madame D... par l'effet du testament les ayant institué légataires universels.
Il soutient que sa mission a trouvé son terme lorsque le jugement a été rendu, et qu'en toute hypothèse, la prescription a couru à la date de la cessation définitive de ses fonctions d'avocat en 1987.
A titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement. Il soutient qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution de son mandat qu'il a mené à terme, puisqu'il a fait procéder à la signification du jugement et que la transcription de cette décision relevait de la charge exclusive du Procureur de la République. Il estime que le contentieux provient d'une absence de transcription du jugement qui ne peut lui être imputée.
Il souligne que n'ayant l'obligation de conserver ses archives que pendant dix ans, il se trouve dans l'impossibilité de rapporter la preuve de ce qu'il a rendu compte de sa mission à Madame D....
Il soutient que ne sont établis ni le principe ni le quantum du préjudice, ni le lien de causalité entre celui- ci et la faute alléguée, et fait valoir que les consorts X... n'ont pas formé de pourvoi à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'AMIENS, et ont régularisé un protocole d'accord avec leur adversaire, de sorte que le préjudice s'est nécessairement éteint.
A titre plus subsidiaire, il considère que le préjudice doit être réduit à la part de l'actif net successoral de l'héritier réservataire sous déduction des droits de mutation à hauteur de 60 % qui devaient être supportés par les consorts X..., et que le bénéfice de l'article 793- 2- 3 du Code général des impôts ne pouvait trouver application.
L'avis par lequel le Procureur Général a fait connaître qu'il n'avait pas d'observations à présenter a été communiqué aux parties.

MOTIFS

Attendu que si Madame X..., Madame Z... et Madame A... invoquent l'inexécution contractuelle du mandat confié par Madame D... à Maître Y..., elles exercent, à l'encontre de ce dernier, une action de nature quasi- délictuelle en leur qualité de tiers au contrat de mandat, et sollicitent la réparation d'un préjudice qui leur est propre, et qui s'analyse en la perte d'une partie de l'actif successoral leur revenant en leur qualité de légataires universelles ; qu'elles n'agissent pas à ce titre en représentation de Madame D..., contrairement à ce que soutient l'intimé ; que le premier juge a considéré à juste titre que l'action de cette nature se prescrit par un délai de dix ans à compter du jour de la manifestation du dommage, qui en l'espèce s'est située après le décès de Madame D..., par la revendication par Monsieur D... de ses droits d'héritier, de sorte que l'action est recevable, les dispositions de l'article 2277- 1 du Code Civil étant inapplicables ;

Attendu que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de SAINT QUENTIN par jugement du 17 août 2001 et la Cour d'Appel d'AMIENS par arrêt du 10 septembre 2002 ont considéré que la preuve de la notification du jugement réputé contradictoire ayant révoqué l'adoption n'était pas rapportée et qu'en conséquence, cette décision était non avenue ; que Maître Y..., qui n'est pas fondé à se prévaloir de l'absence d'obligation pour un avocat de ne pas conserver ses archives au- delà de dix ans pour se soustraire à la charge de la preuve qui lui incombe, n'établit par aucun élément qu'il a fait procéder à une signification régulière du jugement ayant prononcé la révocation de l'adoption ; que les seules pièces retrouvées par les appelantes dans le cadre de l'instance devant le juge de l'exécution, constituées par une attestation d'un huissier de justice accompagnée d'une photocopie du répertoire de ses actes ne sont pas de nature à rapporter la preuve d'une signification régulière du jugement ; qu'en outre, à supposer que le jugement soit devenu définitif, Maître Y... n'a pas non plus veillé à ce que la transcription en soit effectuée à la diligence du Procureur de la République ; qu'est ainsi suffisamment caractérisé le manquement commis par l'avocat à ses obligations découlant du mandat que lui avait confié Madame D... ;

Attendu que cette faute a été à l'origine du préjudice dont se prévalent Madame X..., Madame Z... et Madame A..., provenant du fait que Monsieur François D... doit être considéré comme le fils adoptif de Jeanne D... et son héritier réservataire, ce qui les prive d'une partie de l'actif successoral qui leur était dévolu en qualité de légataires universelles ; que les termes du jugement du 14 décembre 1978 font apparaître que Monsieur François D... avait manifesté son accord sur la demande formulée à son encontre et qu'après réception de l'assignation aux fins de révocation de son adoption, il avait écrit au Président de la République pour indiquer qui'l n'entendait pas s'opposer à la demande de sa mère adoptive et qu'il souhaitait reprendre la nom qui était le sien avant le jugement d'adoption ; que compte tenu de cet élément et du fait que l'intéressé s'était complètement rapproché de ses parents naturels en Belgique, il était exclu qu'il exerce un recours à l'encontre du jugement qui avait prononcé la révocation de l'adoption conformément à ses voeux ; que si, après le décès de Madame D..., il s'est prévalu du caractère non avenu du jugement de révocation de l'adoption pour bénéficier de la moitié d'un actif successoral important, cet élément n'exclut pas l'existence du lien de causalité entre la faute de l'avocat et le préjudice, puisque précisément si le jugement avait été régulièrement signifié, les appelantes auraient été à l'abri de cette revendication ;

Attendu qu'après le décès de Madame D..., les appelantes se trouvaient dans l'impossibilité de reprendre l'action en révocation de l'adoption ; que par ailleurs, un pourvoi de cassation à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'AMIENS le 10 septembre 2002 était voué à l'échec, ainsi qu'il résulte d'une consultation d'un avocat à la Cour de Cassation ;

Attendu qu'il ne peut être fait grief à Madame X..., Madame Z... et Madame A... d'avoir régularisé une transaction avec Monsieur François D... sur le règlement de la succession, dès lors qu'elles n'avaient plus la possibilité de contester ses droits d'héritier réservataire ; que le litige qui les a opposées à des locataires sur le renouvellement de baux ruraux et la validité d'une promesse de vente de terres agricoles est sans incidence sur l'existence du lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqués dans le cadre de la présente instance, puisque même en l'absence d'un tel litige, les légataires universelles n'auraient pu passer outre aux droits de l'héritier réservataire ;

Attendu que Madame X..., Madame Z... et Madame A... ont été privées de la moitié de l'actif net successoral s'élevant à 1. 728. 338, 45 euros soit 864. 169, 22 euros ; que compte tenu des droits de succession de 60 %, la somme devant leur revenir s'élève à 345. 667, 69 euros ;

Attendu que les appelantes soutiennent qu'elles ont perdu la somme de 303. 000 euros au titre de l'exonération prévue par l'article 793- 2- 3 du Code général des impôts, qui exonère de droits de mutation par décès les biens ruraux ayant fait l'objet d'un bail rural à long terme, à condition que les héritiers conservent les terres pendant cinq ans à compter du décès ; que cependant, les biens avaient fait l'objet de deux promesses unilatérales de vente signées en faveur des bénéficiaires des baux, les consorts H... ; que les appelantes avaient engagé des actions en contestation de la validité des prorogations des baux ruraux et en annulation des promesses de vente ; que, comme le souligne l'intimé, dans le cas où ces actions auraient reçu un accueil favorable, Madame X..., Madame Z... et Madame A... n'auraient pu justifier rester propriétaires durant cinq ans de biens ruraux donnés à bail à long terme puisque les baux étaient résiliés, et dans le cas contraire, elles auraient été contraintes de vendre les terres aux consorts H... et n'auraient pu en rester propriétaires durant cinq ans ; que dans le protocole d'accord régularisé le 18 décembre 2003, elles ont reconnu la validité des baux et promesses de vente et se sont désistées des instances et actions engagées à l'encontre des consorts H... ; qu'elles ne peuvent dès lors se prévaloir d'un préjudice certain au titre de l'exonération fiscale prévue par le texte susvisé ; que Maître Y... doit être condamné à indemniser le seul préjudice certain résultant de sa faute s'élevant à 345. 667, 69 euros ;

Attendu que dès lors qu'elles n'exercent pas la profession d'exploitant agricole, les appelantes ne sont pas fondées à solliciter en outre l'indemnisation d'un préjudice complémentaire au titre de la difficulté de trouver des terres à cultiver ; que les honoraires et frais qu'elles ont supportés dans le cadre de différentes instances pour s'opposer aux demandes légitimes de Monsieur D... découlent des choix procéduraux qu'elles ont opérés, et non de la faute de l'avocat ;

Attendu qu'il doit être fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,
Réforme le jugement entrepris,

Condamne Monsieur Y... à payer à Madame X..., Madame Z... et Madame A... la somme de TROIS CENT QUARANTE CINQ MILLE SIX CENT SOIXANTE SEPT EUROS SOIXANTE NEUF CENTS (345. 667, 69 EUROS),

Déboute Madame X..., Madame Z... et Madame A... du surplus de leurs demandes indemnitaires,

Condamne Monsieur Y... à payer à Madame X..., Madame Z... et Madame A... la somme de CINQ MILLE EUROS (5. 000 EUROS) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Condamne Monsieur Y... aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct par la Société Civile Professionnelle (SCP) LAFFLY- WICKY, Société d'avoués.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0063
Numéro d'arrêt : 06/06899
Date de la décision : 22/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lyon, 06 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2008-01-22;06.06899 ?
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