R. G : 06 / 02491
décision du Tribunal de Grande Instance de LYON
au fond du 31 janvier 2006
RG No2002 / 14854
ch no 10
X...
C /
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE EST
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE B
ARRET DU 15 JANVIER 2008
APPELANTE :
Madame Lydie X... épouse A...
...
13270 FOS-SUR-MER
représentée par Me Annick DE FOURCROY
avoué à la Cour
assistée de Me Jacques COUDURIER
avocat au barreau de NIMES
INTIMEE :
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT
AGRICOLE MUTUEL (CRCAM) DU CENTRE EST
1 rue Pierre de Truchis de Lays
69410 CHAMPAGNE-AU-MONT-D'OR
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA
avoués à la Cour
assistée de Me BERNASCONI
avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE
L'instruction a été clôturée le 27 juillet 2007
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 06 Novembre 2007
L'affaire a été mise en délibéré au 11 Décembre 2007, prorogée au 15 janvier 2008, les avoués dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du nouveau Code de procédure civile.
COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats :
Monsieur Dominique ROUX, conseiller, et Madame MORIN, conseiller, siégeant en rapporteur, les avocats ne s'y étant pas opposés, ont entendu le rapport de Madame MORIN et les plaidoiries, ils en ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré.
assistés de Madame WICKER, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Monsieur BAIZET, Président,
Monsieur ROUX, conseiller,
Madame MORIN, conseiller
ARRET : contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile,
signé par Monsieur BAIZET, président et par Madame WICKER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 23 octobre 1992, les époux A... ont obtenu de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Centre Est (CRCAM) un prêt de 156. 000 F, ayant pour objet le rachat du solde de différents prêts ayant servi au financement de l'acquisition d'un bien immobilier situé à Fos sur Mer, avec affectation hypothécaire de ce bien en garantie du prêt.
Pour réaliser l'acquisition des parts sociales de la société garage de Samiane exploitant un garage, la CRCAM a consenti le 2 novembre 1992 à la société A..., dont les époux A... sont cogérants, trois prêts pour un montant total de 903. 000 F, garantis par le nantissement du fonds de commerce de la société Garage de la Samiane, et l'affectation hypothécaire de la maison de Fos sur Mer.
La société Garage de la Samiane, a déposé le bilan le 26 avril 1996 et a été déclarée en liquidation judiciaire le 19 juillet 1996.
Le 14 novembre 1997, la CRCAM a délivré aux époux A... un commandement immobilier.
Se prétendant victime du montage financier organisé par la CRCAM, Lydie A... a saisi le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse, qui, dans sa décision rendue le 31 janvier 2006, a rejeté sa demande en annulation des prêts, a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels fixés pour les trois prêts souscrits le 2 novembre 1992, et a condamné la CRCAM à lui verser la somme de 1. 200 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Lydie A... a relevé appel.
Dans ses conclusions no2, elle maintient sa demande en annulation des prêts litigieux pour manoeuvres dolosives ; subsidiairement, elle soutient que la responsabilité contractuelle de la CRCAM est engagée et demande la réparation de son préjudice qui correspond à l'intégralité du capital emprunté, soit 137. 661. 46 euros, des intérêts ayant couru, des frais et pénalités mis à sa charge, et à la perte du fonds de commerce, soit 150. 000 euros. Elle demande en outre la réinstauration du prêt qui lui a été imposé pour le rachat du financement de sa résidence à Fos sur Mer. Elle sollicite, le cas échéant, l'organisation d'une mesure d'expertise. Elle réclame la somme de 10. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'appui de sa demande, elle reproche essentiellement à la banque de lui avoir imposé un montage financier établi sur la base de bilans faussés et d'études de faisabilité erronés, alors qu'elle ne pouvait ignorer que les bénéfices que pouvait dégager la société A... étaient manifestement insuffisants pour permettre le remboursement des prêts.
Dans ses conclusions responsives et récapitulatives, la CRCAM sollicite la confirmation du jugement sauf sur la condamnation prononcée à son encontre en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sur le rejet de ses demandes reconventionnelles. Elle réclame le paiement de la somme de 10. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, celle de 2. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure de première instance, ainsi que la même somme pour la procédure d'appel.
Elle invoque à titre principal la prescription de l'action en nullité des prêts pour dol. Elle conteste avoir commis des fautes engageant sa responsabilité et notamment avoir eu connaissance d'éléments d'information sur la situation du garage qu'elle aurait dissimulés aux époux A.... Elle fait observer que ces derniers étaient assistés de leurs propres conseils et que les garanties dont elle s'est entourée sont les garanties habituelles en la matière. Elle considère enfin que les allégations de soutien abusif sont également sans fondement.
DISCUSSION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité des prêts pour dol :
La CRCAM invoque la prescription quinquennale prévue par l'article 1304 du code civil.
Les prêts litigieux ont été accordés en octobre et novembre 1992, alors que le tribunal de grande instance de Bourg en Bresse n'a été saisi de la demande en nullité que le 23 octobre 2002.
L'appelante ne soutenant pas avoir eu connaissance du dol après le 23 octobre 1997, la fin de non recevoir tirée de la prescription doit être admise.
Sur la responsabilité contractuelle de la CRCAM :
En sa qualité de caution hypothécaire des prêts accordés à la société A... par la CRCA pour financer l'acquisition des parts sociales de la société Garage de la Samiane, Lydie A... invoque le manquement de la banque à son obligation d'information et de conseil.
Elle lui reproche notamment d'avoir eu connaissance de la situation financière incertaine de la société Garage de la Samiane, d'avoir imposé un montage financier complexe avec création d'une holding, dépourvue des fonds propres suffisants pour faire face au remboursement des prêts.
Aucun élément ne démontre que le remboursement des prêts ayant financé l'acquisition des parts sociales par une société holding ait contribué à aggraver les difficultés financières de la filiale exploitant le garage, si celle-ci avait remboursé directement les prêts. En outre, l'appelante bénéficiait de l'assistance de ses propres conseils (notaires et conseil juridique et fiscal) qui, a priori, lui ont aussi conseillé ce montage juridique et financier pour des raisons fiscales.
Lydie A... soutient que le CREDIT AGRICOLE a dissimulé des informations sur la réalité de la situation financière de la société reprise, et, notamment sur les points suivants :
-le financement de la construction du garage par la société Garage de Samiane, alors que celle-ci n'était pas propriétaire du sol : si les bilans faisaient apparaître des amortissements sur sol propre, ayant pu laisser croire que la société était propriétaire de la construction, seule la responsabilité du comptable ayant établi le bilan ou celle des anciens dirigeants de la société peut être recherchée ; aucune faute ne peut être reprochée à la CRCAM, au seul motif qu'elle avait financé la construction du garage et pris une hypothèque sur le terrain ; en tout état de cause, la conclusion d'un bail commercial impliquait, même pour une personne non avertie que la société n'était pas propriétaire du bâtiment à usage de garage.
-l'intégration à l'actif des stocks de carburants n'appartenant pas à la société Garage
de Samiane : la cour ne peut que reprendre l'observation faite ci-dessus ;
-le financement du portique de lavage par la CRCAM : encore une fois, c'est au cédant des parts sociales de la société qu'incombait l'obligation de remettre au cessionnaire une situation comptable exacte et non à la banque qui n'est pas chargée de procéder à une véritable expertise des comptes de l'entreprise dont elle finance le rachat.
La dissimulation par la banque d'informations, ignorées de l'appelante, ayant conduit à une surévaluation des parts sociales n'est donc pas démontrée. Les époux A... ont d'ailleurs eu recours au compromis d'arbitrage prévu dans l'acte de cession des parts sociales qui leur a permis d'obtenir des cédants une indemnité de 80. 000 francs.
Lydie A... reproche particulièrement à la CRCAM de ne pas l'avoir avertie que l'exploitation du fonds de commerce ne permettrait pas de supporter la charge de remboursement des prêts par l'intermédiaire de la société holding. Tout d'abord, elle ne peut revendiquer la qualité d'emprunteur non averti, alors qu'elle était déjà précédemment cogérante avec son époux de la société A..., immatriculée en 1988, qui exploitait une station-service. Elle était donc en mesure d'apprécier les risques engendrés par l'acquisition des parts sociales de la société garage de la Samiane. De plus, l'endettement ayant permis cette opération n'est pas à lui seul à l'origine de la détérioration de la situation financière de la société Garage de la Samiane, puisque son chiffre d'affaires a diminué dès l'exercice 1993 et a considérablement chuté en 1995. L'appelante a elle-même indiqué dans le cadre du redressement judiciaire que les difficultés de l'entreprise résultaient d'une diminution générale du volume de l'activité de vente de véhicule et réparations, ainsi que de la chute de plus de 50 % de la vente de carburant depuis 1992 en raison de l'ouverture d'un supermarché.
Enfin, le grief consistant dans le soutien abusif de la CRCAM n'est étayé par aucun élément sérieux, la banque ayant au contraire alerté les dirigeants de la société Garage de la Samiane du déséquilibre de la trésorerie dès le mois de juillet 1994.
La Cour ne peut donc qu'approuver le premier juge d'avoir rejeté comme mal fondée l'action en responsabilité engagée par Lydie A..., qui doit être déboutée de toutes ses demandes.
Cette procédure ne peut, cependant, être considérée comme ayant eu pour seul objet de différer la vente du bien immobilier constituant le gage de son créancier. Le rejet de la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la CRCAM à l'encontre de Lydie A... doit donc être aussi confirmé, de même que le rejet de sa demande en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il y lieu, en outre, de confirmer également la condamnation de la CRCAM au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que le premier juge avait prononcé la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels afférents aux trois prêts.
L'équité ne commande pas en cause d'appel de faire droit à la demande de la CRCAM en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement critiqué,
Déboute Lydie A... de toutes ses demandes,
Déboute la CRCAM de sa demande en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Lydie A... aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Société Civile Professionnelle (SCP) BRONDEL-TUDELA, société d'avoués.