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04/12/2007 | FRANCE | N°06/07293

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0063, 04 décembre 2007, 06/07293


R.G : 06/07293

décision du Tribunal de Grande Instance de LYONAu fond du31 octobre 2006

RG No2006/11088

CLINIQUE DU TONKIN

C/
X...
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE B
ARRET DU 04 DECEMBRE 2007
APPELANTE :
CLINIQUE DU TONKIN26 à 36 rue Tonkin69100 VILLEURBANNE

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour

assistée de Me MUSSET,avocat au barreau de Lyon

INTIME :

Monsieur Thierry X......83270 SAINT CYR SUR MER

représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté par Me

CHOULET avocat au Barreau de Lyon

L'instruction a été clôturée le 07 Septembre 2007
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 16 Octobre...

R.G : 06/07293

décision du Tribunal de Grande Instance de LYONAu fond du31 octobre 2006

RG No2006/11088

CLINIQUE DU TONKIN

C/
X...
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE B
ARRET DU 04 DECEMBRE 2007
APPELANTE :
CLINIQUE DU TONKIN26 à 36 rue Tonkin69100 VILLEURBANNE

représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour

assistée de Me MUSSET,avocat au barreau de Lyon

INTIME :

Monsieur Thierry X......83270 SAINT CYR SUR MER

représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté par Me CHOULET avocat au Barreau de Lyon

L'instruction a été clôturée le 07 Septembre 2007
L'audience de plaidoiries a eu lieu le 16 Octobre 2007
L'affaire a été mise en délibéré au 20 Novembre 2007, prorogée au 4 décembre 2007, les avoués dûment avisés conformément à l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur BAIZETConseiller : Monsieur ROUXConseiller : Madame MORINGreffier : Madame WICKER pendant les débats uniquement

A l'audience Monsieur ROUX, conseiller a fait son rapport conformément à l'article 785 du nouveau code de procédure civile.
ARRET : contradictoire

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile ;

signé par Monsieur BAIZET, président et par Madame WICKER greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. le Docteur Thierry X... a exercé une activité de médecin urgentiste à la clinique du Tonkin à Villeurbanne (Rhône) à partir du 1er avril 1995. Un contrat écrit d'exercice libéral a été conclu le 11 mars 2005.
Par une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er juin 2006, la clinique du Tonkin a notifié au Docteur X... la résiliation immédiate de son contrat d'exercice libéral. Elle lui reprochait de refuser la prise en charge des patients se présentant aux urgences et rappelait que ces manquements avaient donné lieu à deux mises en demeure des 7 novembre 2005 et 20 janvier 2006 restées sans effet. Elle précisait que cette défaillance s'était renouvelée le 26 mai 2006 pour le malade Patrick B... arrivé aux urgences à 20h15 et décédé à 23h, et lui reprochait d'avoir altéré physiquement le dossier médical de ce patient.
Le Docteur Thierry X... estimait cette résiliation abusive et fondée sur des motifs fallacieux. Il a en conséquence assigné la clinique du Tonkin devant le tribunal de grande instance de Lyon en sollicitant sa condamnation au paiement des sommes suivantes:- 262.086 euros au titre de non-respect du préavis, - 174.724 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, - 87.362 euros en réparation de son préjudice moral, - 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile .

La clinique du Tonkin résistait à la demande en soutenant que la rupture était intervenue en application de l'article 18 2o du contrat qui prévoit une rupture sans indemnité ni préavis pour : -"violation des normes réglementaires ou conventionnelles en vigueur- non respect par le praticien de l'une des clauses du présent contrat après deux mises en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de s'y conformer restées sans effet au-delà de dix jours, notamment ... de comportement par le praticien portant gravement préjudice directement ou indirectement à la clinique ... en violation de la bonne application du code de déontologie ou de ses obligations contractuelles"
Elle faisait valoir que deux mises en demeure avaient été adressées au Docteur X... en novembre 2005 pour non respect des modalités de permanence de service et le 20 janvier 2006 pour avoir refusé un patient et l'avoir orienté vers un autre établissement sans procéder aux examens d'usage et alors que des lits étaient disponibles dans le service.

Elle soutenait que le Docteur X... avait commis une faute hors du cadre contractuel en falsifiant le dossier de M. Patrick B... le 26 mai 2006 et en modifiant le score de Glasgow destiné à apprécier la profondeur d'un coma tel qu'il avait été mentionné par une infirmière.
Par jugement en date du 31 octobre 2006, le tribunal de grande instance de Lyon a relevé : - que la mise en demeure du 7 novembre 2005 rédigée en termes généraux ne démontrait aucune violation effective de ses obligations par le Docteur X...,

- que la mise en demeure du 20 janvier 2006 concernait un refus de prise en charge le 17 janvier 2006, mais que les documents versés au débat sur cet incident ne démontraient pas une violation par le Docteur X... de ses obligations contractuelles,
- que la clinique ne pouvait se prévaloir de ces deux mises en demeure,
- que la lettre de licenciement du 1er juin 2006 faisait état d'un "défaut grossier de prise en charge médicale, qui, par inaction confine à la non assistance à personne en danger",
- qu'un tel comportement ne pouvait, aux termes du contrat, justifier une résiliation immédiate que s'il avait été constaté par une décision devenue définitive, ce qui n'était pas le cas,
- que la modification du score de Glasgow estimé par une infirmière ne constituait pas une faute car il s'agissait d'un acte médical,
- qu'en outre, les deux infirmières interrogées se contredisaient sur ce fait, l'une affirmant que le score avait été maintenu à 5, l'autre déclarant qu'il avait été porté à 8,
- que la vidéo-surveillance n'apportait aucune preuve de ce fait mais montrait par contre que le Docteur X... travaillait avec toute l'équipe médicale, ce qui excluait une volonté de falsification,
- que la clinique ne pouvait se prévaloir de ces faits pour justifier une résiliation sans préavis en dehors de l'article 18 2o du contrat, alors surtout qu'elle n'avait pas entendu les explications du Docteur X....
Compte tenu de l'ancienneté du Docteur X... qui exerçait depuis le 1er avril 1995, la clinique du Tonkin était condamnée à lui payer 262.086 euros à titre d'indemnité de préavis. Il lui était par ailleurs alloué 2.000 euros à titre de dommages-intérêts et 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par acte en date du 21 novembre 2006, la clinique du Tonkin a relevé appel de cette décision.

Elle rappelle que le licenciement du Docteur X... est intervenu sur le fondement des mises en demeure des 7 novembre 2005 et 20 janvier 2006 et sur le comportement du Docteur X... le 26 mai 2006 : non prise en charge du patient et falsification de dossier.
Elle soutient que les mises en demeure des 7 novembre 2005 et 20 janvier 2006 reposent sur des faits précis et réels exclusivement imputables au Docteur X... caractérisant le non respect de l'une des clauses du contrat du 11 mars 2005, et que le comportement du Docteur X... dans la prise en charge du patient décédé le 26 mai 2006 est incompatible avec l'objet même du contrat.
Elle expose que depuis 1999, elle a reçu des doléances de la Police nationale, de le DDASS ou des patients pour des refus de prises en charge injustifiés, des débordements d'humeur de la part du Docteur X..., des refus d'ouvrir un dossier médical pour les patients en état d'ivresse publique et manifeste. Elle soutient que ces faits sont à l'origine de la mise en demeure du 7 novembre 2005.

Elle maintient que le 17 janvier 2006 le Docteur X... a refusé de prendre en charge M. Khalil C... alors que des lits portes étaient disponibles ou sur le point d'être libérés. Elle expose que ce fait est à l'origine de la mise en demeure du 20 janvier 2006.

Elle maintient que le 26 mai 2006 le Docteur X... a sous estimé l'état de santé du patient Patrick B... amené avec un taux d'alcoolémie très élevé, a altéré le dossier médical et a falsifié les mentions portées par les infirmières en transformant un 5 en 8 dans le dessein de faire croire que ce patient ne nécessitait pas une intervention médicale plus importante que celle qu'il lui avait apportée et permettant ainsi de rendre inexplicable et soudain le décès probable qui est effectivement survenu à 23h30.
Elle conclut à la réformation de la décision déférée dans le sens d'un rejet des demandes du Docteur X... et subsidiairement soutient qu'en application de l'article 18 1o du contrat, le Docteur X... ne peut prétendre qu'à un préavis de six mois correspondant à moins de cinq ans d'ancienneté puisque le contrat du 11 mars 2005 n'a prévu aucune reprise d'ancienneté.
Elle expose enfin que le Docteur X... a perçu en 2005 en moyenne 16.000 euros par mois, qu'il exerce depuis juillet 2006 la médecine dans un cabinet à Bandol (Var) et au centre hospitalier de Toulon, qu'il emploie son épouse comme secrétaire et dispose d'un patrimoine important.
Elle conclut donc à la réduction de l'indemnité de préavis à 87.362 euros et au rejet de toute autre demande d'indemnité.
M. le Docteur X... réfute les moyens et arguments de la clinique du Tonkin et sollicite la confirmation de la décision déférée, sauf à ce qu'il lui soit alloué 174.724 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier, familial et moral outre intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2006.
DISCUSSION
Attendu que la clinique du Tonkin fonde la résiliation du contrat sur un non respect des obligations contractuelles après deux mises en demeure restées sans effet dans un délai de dix jours, et sur des agissements de nature à porter atteinte au malade et à la réparation de l'établissement imputables au médecin et ayant un caractère grave ou répété, ces derniers agissements ayant été commis le 26 mai 2006 ;
Attendu qu'il convient d'analyser comme l'ont fait les premiers juges la pertinence des griefs exprimés dans les deux mises en demeure des 7 novembre 2005 et 20 janvier 2006, afin d'apprécier si elles pouvaient servir de base à une résiliation du contrat ;
Attendu que la mise en demeure du 7 novembre 2005 évoque des dysfonctionnements du service des urgences : l'absence d'ouverture de dossiers notamment dans le cadre d'urgences obstétricales, l'attribution de patients à des médecins spécialistes sans l'accord de ces derniers, l'insuffisance de la présence médicale au service des urgences (un médecin 24 heures/24), la mauvaise tenue des dossiers médicaux ;
Attendu que cette lettre ne vise aucun fait précis à la charge du Docteur X... personnellement, mais concerne le fonctionnement du service des urgences dans son ensemble, comme l'indique du reste l'objet figurant en entête, à savoir : "Dysfonctionnement service des urgences" ; qu'elle ne peut donc être retenue comme une mise en demeure reprochant au Docteur X... le non respect des clauses du contrat et pouvant servir de base à une résiliation ;
Attendu que la lettre de mise en demeure du 20 janvier 2006 concerne le refus de prise en charge d'un patient, amené vers 20h par les pompiers le 17 janvier 2006, présentant une douleur thoracique alors que le service n'était pas en forte activité et qu'un lit de porte était disponible ;
Attendu que par un courrier du 5 février 2006 le Docteur X... a répondu qu'il n'avait fait que réorienter vers un autre établissement plus proche de son domicile une malade amenée par les pompiers qui souffrait d'une gastro-entérite évoluant depuis plusieurs jours ; que ce transfert avait été autorisé par le médecin régulateur du centre 15, et qu'au surplus il ne disposait d'aucun lit de porte à l'arrivée de cette patiente qu'il a examinée sur le brancard des pompiers ;
Attendu qu'aucun élément précis ne vient démentir les explications du Docteur X... desquelles il ressort que la patiente avait été amenée à la clinique du Tonkin par suite d'une erreur de la permanencière du centre 15 qui aurait dû orienter la malade vers l'hôpital Edouard Herriot ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que la seconde mise en demeure du 20 janvier 2006 repose sur des faits qui ne sont pas établis ;
Attendu que dans sa lettre de résiliation, la clinique du Tonkin reproche au Docteur X... d'avoir refusé la prise en charge le 26 mai 2006 du malade Patrick B... et d'avoir ainsi compromis la santé ou la vie des patients et accessoirement la réputation de l'établissement ;

Attendu que ces deux mises en demeure étant injustifiées, ces griefs relèvent de l'article 18 2o 4ème alinéa du contrat du 11 mars 2005, lequel prévoit la résiliation "en cas d'agissements de nature à porter atteinte au malade, et à la réputation de l'établissement, imputables au médecin et ayant un caractère grave ou répété et qualifiés comme tels par la juridiction compétente, ces cas devant être constatés par une décision devenue définitive" ;
Attendu qu'en application de cette clause, la résiliation ne peut intervenir qu'après que les faits sur lesquels elle se fonde aient été définitivement qualifiés par la juridiction compétente comme portant atteinte au malade et à la réputation de l'établissement et ayant un caractère grave ou répété ;
Or, attendu qu'aucune juridiction n'ayant été amenée à se prononcer sur les faits du 26 mai 2006 la clinique du Tonkin ne peut les invoquer à l'appui de la résiliation ; Attendu qu'à propos de ce même malade, la clinique reproche au Docteur X... "au-delà de toute notion contractuelle" d'avoir procédé à une altération physique du dossier médical, et d'avoir corrigé l'appréciation de l'infirmière en modifiant le score de Glasgow pour le porter de 5 à 8 et diminuer ainsi l'importance du coma ;
Attendu que sur ce point, la Cour adopte intégralement les motifs des premiers juges selon lesquels la rectification du score de Glasgow de la part du médecin relève de l'exercice normal de son art, tandis que la falsification des données médicales du dossier n'est pas avérée ;

Attendu que la résiliation du contrat d'exercice du Docteur X... présente un caractère abusif et injustifié comme l'ont pertinemment jugé les premiers juges ;
Attendu que le contrat prévoit un préavis de six mois jusqu'à cinq ans d'ancienneté, de douze mois jusqu'à dix ans d'ancienneté et de dix huit mois au-delà ;
Attendu que l'article17 du contrat précise que les parties conviennent que le Docteur X... n'a pas à exercer une période d'essai dès lors qu'il exerce depuis le 1er avril 1995; que cette clause constitue une reconnaissance de son ancienneté antérieure à la signature du contrat ; que dès lors l'indemnité pour défaut de préavis doit correspondre à dix huit mois d'exercice soit 262.086 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 2006 ;

Attendu que le caractère abusif de la rupture a entraîné pour le Docteur X... un préjudice moral constitué notamment par l'atteinte à sa réputation, ainsi qu'un préjudice matériel dû à la nécessité de se réinstaller, qu'il y a lieu d'élever à 30.000 euros le montant des dommages-intérêts alloués par le tribunal ; que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement déféré ;

Attendu que l'équité commande par ailleurs d'allouer au Docteur X... 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, sauf à élever à TRENTE MILLE EUROS (30.000 euros) le montant des dommages et intérêts alloués au Docteur X... outre intérêts au taux légal à compter de la date du jugement déféré et à CINQ MILLE EUROS (5.000 euros) le montant de l'indemnité qui lui a été accordée au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la clinique du Tonkin aux dépens de l'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Société Civile Professionnelle Aguiraud-Nouvellet, avoués.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0063
Numéro d'arrêt : 06/07293
Date de la décision : 04/12/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lyon, 31 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2007-12-04;06.07293 ?
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