COUR D'APPEL DE LYON SIXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2007
Décision déférée : Décision du Tribunal d'Instance de TREVOUX du 07 juillet 2006-(R. G. : 05 / 431)
No R. G. : 06 / 05990
Nature du recours : APPEL Affaire : Demande en bornage ou en clôture
APPELANTE :
Mademoiselle Elizabeth X... Demeurant :... 01600 TREVOUX
représentée par la SCP DUTRIEVOZ, Avoués assistée de Maître FRANCOU, Avocat, (VILLEFRANCHE-SUR-SAONE)
INTIME :
Monsieur Louis Z... Demeurant : ... 01600 TREVOUX
représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, Avoués assisté par la SCP REFFAY et ASSOCIES, Avocats, (BOURG-EN-BRESSE et TOQUE 812)
Instruction clôturée le 26 Juin 2007
Audience de plaidoiries du 18 Octobre 2007
LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
composée lors des débats et du délibéré de :
. Monsieur MATHIEU, Président
. Madame DUMAS, Conseiller
. Madame de la LANCE, Conseiller, qui a fait le rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame CARRON, Greffier
a rendu le 29 NOVEMBRE 2007, l'ARRET contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Monsieur MATHIEU, Président, et par Madame CARRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 20 décembre 2000, Mademoiselle X... a acquis une propriété sise à Trévoux constituée d'une maison, garage et courette attenante d'une surface totale de 2 ares et 2 centiares qui jouxte la propriété de Monsieur Z....
Désirant clore sa propriété et se heurtant au refus de ce dernier, elle a intenté le 9 mars 2004 une action en bornage.
Une expertise a été ordonnée par jugement du 18 février 2005 et l'expert, Monsieur A..., a déposé son rapport le 19 septembre 2005.
Invoquant une contradiction entre son titre et l'arpentage quant à la contenance (limitée à 89 centiares au lieu de 1 a et 2 ca) et l'absence de proposition de répartition des manquants ou excédents proportionnellement aux contenances, conformément à la mission de l'expert, Monsieur Z... a sollicité un complément d'expertise qui lui a été accordé par nouveau jugement avant dire droit du 10 février 2006.
Monsieur A... a déposé son rapport complémentaire le 31 mars 2006 et établi un plan no 1 (application cadastrale) un plan no 2 (répartition de contenances sans passage) et un plan no 3 (répartition de contenances avec passage).
Par jugement sur le fond du 7 juillet 2006, le tribunal d'instance de Trévoux a homologué le rapport d'expertise et le bornage matérialisé par un plan no 3 matérialisant un passage et partagé par moitié les frais et dépens.
Appelante de cette décision, Mademoiselle X... demande à la Cour de :
annuler le jugement du 7 juillet 2006 ;
constater la nullité de la contre expertise pour violation de l'article 276 du nouveau Code de procédure civile ;
dire que le bornage se fera conformément à la limite cadastrale tel que le rapport A... l'a établi le 19 septembre 2005 et d'homologuer ce rapport ;
nommer tel géomètre-expert aux fins de procéder au bornage de la limite de propriété X... / Z... aux frais communs des deux propriétaires selon le plan annexé au rapport A... ;
dire que Mademoiselle X... peut clôturer sa propriété ;
dire que Monsieur Z... devra supporter par moitié les frais de clôture conformément à l'article 662 du Code civil ;
condamner Monsieur Z... à lui payer la somme de 1 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 2 500 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Essentiellement, l'appelante soutient que le jugement déféré ne contient aucune motivation, que le plan de l'expert consistant en une répartition proportionnelle purement virtuelle est contraire à l'article 646 du Code civil, que la solution du " passage " est inepte en fait puisqu'elle pérennise un passage inutile qui ne conduit qu'à une grille cadenassé puis à un mur en parpaing après fontaine et muret, que de fortes présomptions confortent la limite cadastrale coïncidant à la contenance de sa parcelle dans son titre et que l'expertise complémentaire est nulle pour non réponse au dire.
* * *
Monsieur Z... conclut à l'irrecevabilité des prétentions en appel non soulevées en limine litis au visa des articles 74 et 175 du nouveau Code de procédure civile et non fondées. Il réplique que l'expert a répondu aux missions imparties par le tribunal, le complément d'expertise s'expliquant par l'existence de la contradiction entre son titre et l'arpentage et l'absence de répartition des excédents ou manquants proportionnellement aux contenances. Il relève que le plan no 1 dont Mademoiselle X... sollicite l'homologation ne peut être retenu et que s'agissant du cadastre, des titres et des possessions outre leur caractère inopérant, aucun plan n'a été dressé par l'expert. Il conclut donc à la confirmation du jugement ayant homologué le rapport d'expertise et le bornage matérialisé par un plan no 3 matérialisant un passage. En outre, il sollicite la somme de 1 300 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les entiers dépens et honoraires de géomètre étant à la charge de Mademoiselle X... en raison de sa " mauvaise " contestation.
MOTIFS DE LA DECISION
I-Sur la nullité du jugement-
Attendu que le jugement déféré se borne à homologuer le rapport d'expertise et le bornage matérialisé par un plan no 3 matérialisant au passage annexé audit rapport ; qu'il ne contient aucune motivation quant au choix de la solution retenue ni la moindre réponse aux moyens de Madame X... au demeurant non exposés ;
Attendu qu'une telle décision, qui ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, doit être annulée ;
Qu'il appartient à la Cour de statuer en application de l'article 542 du nouveau Code de procédure civile ;
II-Sur l'exception de nullité du complément d'expertise-
Attendu qu'aux termes des articles 175 et 74 du nouveau Code de procédure civile, la nullité de l'expertise invoquée par l'appelante seulement en cause d'appel pour non respect du principe du contradictoire constitue une exception de procédure qui doit être soulevée, à peine d'irrecevabilité, avant toute défense au fond ;
Que l'exception de nullité de l'expertise est donc irrecevable pour avoir été tardivement soulevée ;
III-Sur le bornage et les demandes accessoires-
Attendu que le juge peut faire usage de tous moyens appropriés pour parvenir à la détermination de la ligne séparative ; que si les titres ne contiennent aucune indication précise, il peut notamment prendre en compte le plan cadastral ou encore la configuration des lieux ; qu'il peut aussi, lorsqu'il est démontré que les indications de contenance sont inexactes, répartir l'excédent ou le déficit entre les parties proportionnellement à la contenance des fonds ;
Attendu, en l'espèce, que l'analyse des titres fait apparaître que les propriétés X... et Z... sont distinctes depuis au moins 1861 (dernier acte cité) et que les confins sont cités de la façon suivante :
pour la propriété X... : en 1920 à l'Est par un " passage public " et aucune mention dans les actes suivants ;
pour la propriété Z... : en 1955 " à l'Ouest par une impasse ", en 1922 : " à l'Ouest par place et puits commun ", en 1929 : " à l'Ouest par un passage dit Impasse des Granges " ;
Que les titres sont ainsi très imprécis quant à l'emplacement exact de la limite séparative entre les deux fonds ;
Attendu que l'existence d'un passage " public " entre les deux fonds mentionné sur certains des titres, non défini dans ses dimensions, a été démentie par la commune de Trévoux appelée un temps dans la cause ; que surtout, la configuration des lieux faisant apparaître une grille cadenassée depuis soixante ans condamnant l'accès à cet espace selon les attestations de témoins, ainsi qu'une fontaine et muret existant sur cette portion de terrain, exclut l'existence d'une servitude de passage ou d'une servitude de puisage, étant précisé que Mademoiselle X..., comme les précédents propriétaires, a toujours occupé de façon continue et paisible la totalité de sa parcelle comportant la fontaine (hors d'usage), ainsi que cela ressort des attestations produites ;
Attendu que rien n'établit que le déficit de la contenance de la parcelle Z... par rapport à ses titres mentionnant 66 ca pour la partie Nord (en 1922) et 38 m ² pour la partie Sud (en 1929) soit un total de 1a 04 ca au lieu de 89 ca selon le cadastre et après arpentage résulte d'un excédent ou d'un empiétement de la parcelle X... qui comporte une contenance constante de 2a 2ca depuis 1920 dans tous les actes successifs alors que la parcelle Z... avait fait l'objet de divisions anciennes et est bordée par l'Impasse des Granges ;
Attendu qu'au vu des éléments du dossier, particulièrement des présomptions fortes sur le terrain, le plan no 3 dressé dans l'expertise complémentaire matérialisant un " passage " avec une répartition proportionnelle du manquant de superficie de Monsieur Z... ne pouvait être valablement retenu par le tribunal ;
Attendu que la Cour est conduite à privilégier la solution de bornage du plan no 1 de l'expert qui fixe la limite séparative conformément au plan cadastral de la commune de Trévoux, cette limite étant confortée par la contenance invariable de la parcelle X... correspondant à son titre et par les éléments de possession sur le terrain ;
Attendu qu'il convient de faire droit aux demandes de l'appelante aux fins de bornage conformément à la limite cadastrale et d'autorisation de se clôturer aux frais partagés avec Monsieur Z... en application des dispositions de l'article 663 du Code civil ;
Attendu que l'attitude de Monsieur Z..., eu égard à la solution du litige, ne dégénère pas en abus de droit susceptible de donner lieu à des dommages et intérêts ;
Attendu que l'équité conduit à allouer à Madame X... la somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que les entiers dépens de l'instance, y compris les frais des expertises, seront supportés par Monsieur Z... qui succombe et qui, par son refus initial, a provoqué le procès ; que les frais de bornage s'effectueront à frais communs comme demandé par l'appelante ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Annule le jugement déféré pour défaut de motivation,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable l'exception de nullité du complément d'expertise non soulevée avant toute défense au fond,
Dit que le bornage entre les propriétés Z... et X... sera effectué conformément à la limite cadastrale et selon le plan no 1 établi par l'expert, Monsieur A..., annexé à son rapport d'expertise complémentaire,
Désigne Monsieur A... aux fins de procéder au bornage de la limite de la propriété X... / Z... aux frais communs des deux propriétaires, selon le plan no 1,
Dit que Mademoiselle X... peut clôturer sa propriété et que Monsieur Z... devra supporter pour moitié les frais de clôture,
Condamne Monsieur Z... à payer à Mademoiselle X... la somme de 700 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Déboute chacune des parties de leurs autres demandes contraires ou plus amples,
Condamne Monsieur Z... aux entiers dépens de première instance y compris le coût des expertises et d'appel, ceux-ci distraits au profit de la SCP DUTRIEVOZ, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.