ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2007
Décision déférée : Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON du 25 juillet 2006-(R. G. : 2006 / 2020)
No R. G. : 06 / 05501
Nature du recours : APPEL Affaire : Demande en nullité et / ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d'une saisie mobilière
APPELANTS :
SOCIETE CABINET DU DOCTEUR X... Siège social : ... 69006 LYON
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, Avoués assistée par Maître LETANG, Avocat, (TOQUE 772)
Monsieur Marc X... Demeurant :... 69006 LYON
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, Avoués assisté par Maître LETANG, Avocat, (TOQUE 772)
Madame Hélène Z..., épouse X... Demeurant :... 69006 LYON
représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, Avoués assistée par Maître LETANG, Avocat, (TOQUE 772)
INTIMEE :
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LYON GAMBETTA Siège social : 52 Cours Gambetta 69007 LYON
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, Avoués assistée par Maître REBOTIER, Avocat, (TOQUE 538)
Instruction clôturée le 18 Septembre 2007
Audience de plaidoiries du 23 Octobre 2007
LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
composée lors des débats et du délibéré de :
. Monsieur MATHIEU, Président, qui a fait le rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
. Madame DUMAS, Conseiller
. Madame de la LANCE, Conseiller
assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame CARRON, Greffier
a rendu le 29 NOVEMBRE 2007, l'ARRET contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile, signé par Monsieur MATHIEU, Président, et par Madame CARRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 24 octobre 2001, le tribunal de commerce de Lyon a condamné Monsieur Marc X... à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LYON GAMBETTA la somme de 104 464,79 F (15 925,55 €) en principal et celle de 3 000 F (457,35 €) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ce jugement n'a pas été frappé d'appel.
Par acte du 22 novembre 2004, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL a fait procéder à une saisie attribution entre les mains de la Société CABINET DU DOCTEUR X... pour paiement de la somme de 22 941,42 €, cette saisie étant dénoncée à Monsieur Marc X... le 23 novembre 2004. La Société CABINET DU DOCTEUR X... a répondu n'être redevable d'aucune somme envers Monsieur Marc X....
Par acte du 3 janvier 2005, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL a fait procéder à une seconde saisie attribution entre les mains de la Société CABINET DU DOCTEUR X... pour paiement de la somme de 23 199,71 €, cette saisie étant dénoncée à Monsieur Marc X... le 5 janvier 2005. La Société CABINET DU DOCTEUR X... a répondu à nouveau n'être redevable d'aucune somme envers Monsieur Marc X....
Par acte du 30 janvier 2006, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL a fait assigner la Société CABINET DU DOCTEUR X... et Monsieur Marc X... devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon pour voir condamner la Société CABINET DU DOCTEUR X... à lui payer la somme due par Monsieur Marc X... et des dommages et intérêts, pour voir déclarer la décision opposable à Monsieur Marc X... et les voir condamner in solidum à lui payer une somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Madame Hélène Z..., épouse X..., est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement du 25 juillet 2006, le juge de l'exécution, retenant que les époux X... étaient forclos et donc irrecevables pour contester la régularité des procédures d'exécution et qu'aucun des renseignements requis n'avait été fourni par la Société CABINET DU DOCTEUR X..., tiers saisi, a donné acte à Madame X... de son intervention volontaire, a déclaré régulières et bien fondées les procédures de saisie attribution pratiquées par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL, a déclaré recevable et bien fondée la demande de cette dernière, a condamné la Société CABINET DU DOCTEUR X... à lui payer la somme de 23 199,71 € en principal outre intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision, la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour comportement fautif, a déclaré la décision opposable aux époux X..., a condamné in solidum la Société CABINET DU DOCTEUR X... et Monsieur Marc X... à lui payer la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a débouté la Société CABINET DU DOCTEUR X..., Monsieur Marc X... et son épouse de leurs demandes reconventionnelles.
La Société CABINET DU DOCTEUR X..., Monsieur Marc X... et Madame Hélène X... ont interjeté appel de ce jugement et, leurs moyens et prétentions étant développés dans leurs conclusions déposées le 25 juin 2007, soutiennent que les deux saisies pratiquées sont entachées d'irrégularités, qu'elles portent sur des créances éventuelles, les comptes de la société n'étant pas encore arrêtés ou venant juste de l'être, l'existence de bénéfices n'étant pas établie et aucune décision d'attribution n'étant intervenue, qu'en outre, une éventuelle créance relèverait de la communauté de biens des époux X..., que la Société CABINET DU DOCTEUR X... peut se prévaloir du caractère irrégulier des saisies par voie d'exception, qu'en outre, la société a respecté son devoir d'information du créancier saisissant, que les renseignements donnés au moment des saisies étaient exacts, Monsieur Marc X... n'étant alors titulaire d'aucune créance sur la société, et que la société ayant fourni des renseignements à l'huissier, elle ne peut être condamnée à payer les causes de la saisie.
Les appelants demandent à la Cour de réformer le jugement entrepris, à titre principal, de dire irrégulières les deux saisies pratiquées comme portant sur des créances insaisissables, de déclarer la CAISSE DE CREDIT MUTUEL irrecevable et mal fondée, à titre subsidiaire, de dire que la Société CABINET DU DOCTEUR X... n'a pas fourni de faux renseignements ensuite des procès-verbaux de saisie, de débouter la CAISSE DE CREDIT MUTUEL de l'ensemble de ses demandes, et, en tout état de cause, de condamner la CAISSE DE CREDIT MUTUEL à leur payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL, ses moyens et prétentions étant exposés dans ses conclusions déposées le 12 juin 2007, fait valoir que les revenus de Monsieur Marc X... proviennent exclusivement de la Société CABINET DU DOCTEUR X... dont il est l'associé unique, que la société ne peut se prévaloir du fait que la créance relèverait de la communauté de biens des époux X..., cet argument étant personnel à ces derniers, que la créance était bien certaine, la réalisation de bénéfices par la société n'ayant rien d'hypothétique, Monsieur Marc X... étant l'unique bénéficiaire économique et les distributions de la société constituant les revenus de celui-ci, et que la société n'a pas fourni les renseignements prévus par la loi, sans motif légitime.
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris, à titre subsidiaire, de condamner la Société CABINET DU DOCTEUR X... à lui payer la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts et, en tout état de cause, de condamner in solidum les appelants à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la régularité des saisies attributions pratiquées les 22 novembre 2004 et 3 janvier 2005 :
Attendu que si les contestations des époux X... concernant la régularité des saisies sont irrecevables comme n'ayant pas été soulevées dans le délai d'un mois prévu à l'article 66 du décret du 31 juillet 1992, ce délai ne court pas à l'encontre du tiers saisi ;
Que la Société CABINET DU DOCTEUR X... est donc recevable à soulever les irrégularités que peuvent présenter les saisies litigieuses et à se prévaloir des causes d'inefficacité de ces saisies ;
Attendu que la Société CABINET DU DOCTEUR X... soutient que les saisies pratiquées portaient sur des créances insaisissables comme étant éventuelles ou relevant de la communauté de biens des époux X... et n'étaient donc pas valables ;
Que, comme l'a retenu le premier juge, les revenus de Monsieur Marc X... proviennent exclusivement de la Société CABINET DU DOCTEUR X..., dont il est l'associé unique et qui facture ses interventions ; que les bilans pour les exercices clos en 2000 et 2001, seuls en possession de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL, démontrent que la société réalise des bénéfices importants ayant vocation à constituer, pour une bonne part, les revenus de Monsieur Marc X..., unique bénéficiaire économique de la société ;
Que la créance de Monsieur Marc X... à l'égard de la société présente ainsi un caractère suffisamment certain ; qu'il n'a pas été produit de bilan pour l'exercice 2004 justifiant d'un déficit ; que les articles 42 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 n'exigent pas la disponibilité de la créance, objet de la saisie attribution, au jour de l'acte ; que le fait que l'associé unique n'ait pas encore pris la décision de distribuer tout ou partie des bénéfices réalisés au cours de l'exercice ne suffit pas à donner un caractère éventuel ou hypothétique à la créance ; que l'irrégularité alléguée en raison de l'inexistence de la créance n'est pas fondée ;
Que, comme le fait valoir la CAISSE DE CREDIT MUTUEL, l'argumentation tirée de l'article 1415 du Code civil est personnelle aux époux X... et ne peut être reprise à son compte par la Société CABINET DU DOCTEUR X... ; qu'en outre, les bénéfices réalisés par cette société distribués à l'associé unique constituent les revenus parfaitement identifiables de Monsieur Marc X... et sont donc saisissables à ce titre ;
Attendu que les deux saisies attributions critiquées portent ainsi sur des créances saisissables et sont donc régulières ; que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point ;
-Sur la demande de condamnation du tiers saisi :
Attendu qu'en application de l'article 60 du décret du 31 juillet 1992, « Le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier, sans préjudice de son recours contre le débiteur. Il peut aussi être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère. » ; que les renseignements à fournir sont ceux prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 selon lequel « Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. » ;
Qu'en l'espèce, lors des deux saisies pratiquées, la Société CABINET DU DOCTEUR X... a répondu à l'huissier de justice mais en indiquant seulement qu'elle ne devait rien au débiteur ;
Que les deux alinéas de l'article 60 précité ne sont pas interdépendants ; que le tiers saisi qui a procédé à la déclaration requise mais qui a fourni des renseignements inexacts ou mensongers encourt non la condamnation aux sommes dues au créancier, mais une condamnation au paiement de dommages et intérêts ;
Que la réponse de la Société CABINET DU DOCTEUR X... indiquant l'absence de créance de Monsieur Marc X... à son encontre sans autres précisions, si elle ne peut être assimilée à une absence de réponse, constitue, à tout le moins, une réponse inexacte ; que l'absence de créance disponible ne correspond pas à une absence de créance ; qu'il appartenait à la Société CABINET DU DOCTEUR X... de renseigner l'huissier sur les droits de l'associé unique sur les bénéfices de la société et les modalités de distribution de ces bénéfices, même si au jour de la saisie, aucune décision n'avait été prise sur l'attribution de ces derniers ;
Qu'en conséquence, l'insuffisance des renseignements donnés ayant empêché la CAISSE DE CREDIT MUTUEL de mener les procédures de saisie attribution à leur terme, justifie la condamnation de la Société CABINET DU DOCTEUR X... au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 23 000 € ;
Attendu que le jugement sera réformé sur ce point, la Société CABINET DU DOCTEUR X... devant être condamnée non au montant dû par Monsieur Marc X... mais à des dommages et intérêts ;
-Sur les autres demandes :
Attendu que la Société CABINET DU DOCTEUR X..., Monsieur Marc X... et Madame Hélène X... ne peuvent être que déboutés de l'ensemble de leurs demandes ;
Attendu qu'il ne paraît pas équitable de laisser à la charge de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL l'ensemble des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il lui sera alloué une somme complémentaire de 1 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions ayant déclaré régulières et bien fondées les procédures de saisie attribution pratiquées par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL LYON GAMBETTA auprès de la Société CABINET DU DOCTEUR X... les 22 novembre 2004 et 3 janvier 2005 et ayant accordé à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Le réforme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamne la Société CABINET DU DOCTEUR X... à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL la somme de 23 000 € à titre de dommages et intérêts,
Déboute la Société CABINET DU DOCTEUR X..., Monsieur Marc X... et Madame Hélène Z..., épouse X..., de l'ensemble de leurs demandes,
Condamne in solidum la Société CABINET DU DOCTEUR X..., Monsieur Marc X... et Madame Hélène Z..., épouse X..., à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en sus de celle déjà accordée par le premier juge,
Condamne la Société CABINET DU DOCTEUR X..., Monsieur Marc X... et Madame Hélène Z..., épouse X..., aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de la SCP BRONDEL et TUDELA, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.