COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION A
ARRÊT DU 29 Novembre 2007
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 06 mars 2006-No rôle : 2003j2403
No R. G. : 06 / 02243
Nature du recours : Appel
APPELANT :
Monsieur Gilles X..., exerçant sous l'enseigne " INTERCOM DIFFUSION "... 69100 VILLEURBANNE
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de Me Dominique PEROL, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
La Banque du Bâtiment et des Travaux Publics, dite BTP BANQUE SA 33, rue des Trois Fontanot BP 211 92000 NANTERRE
représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour
assistée de la SCP BAULIEUX BOHE RINCK SERTELON, avocats au barreau de LYON
Instruction clôturée le 16 Octobre 2007
Audience publique du 26 Octobre 2007
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Bernard CHAUVET, Président Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 26 Octobre 2007 sur le rapport de Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Marie-Pierre BASTIDE, greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Novembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Bernard CHAUVET, Président, et par Melle Patricia LE FLOCH, Adjoint Administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE-PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES
La BANQUE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS-BTP BANQUE-a escompté les 3 janvier-14 et 19 février 2003 tirés par la société SIGESTRA quatre effets de commerce acceptés par M. Gilles X... pour un montant de 53 790 euros (effet de 9 360 euros à échéance du 13 mai 2003-effet de 9 360 euros à échéance du 14 mai 2003-effet de 18. 720 euros à échéance du 15 mai 2003 et effet de 16 350 euros à échéance du 20 mai 2003). Ces effets, après présentation, sont revenus impayés. C'est ainsi que la BTP BANQUE a mis en demeure en sa qualité de tiers porteur de bonne foi M. Gilles X... de respecter ses engagements au titre des effets acceptés par lui. M. Gilles X... n'a pas déféré à cette mise en demeure-la BTP BANQUE l'a ainsi fait assigner devant le Tribunal de Commerce de LYON par acte du 1er juillet 2003 aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 53 790 euros, outre celle de 1 100 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Par jugement du 6 mars 2006, le Tribunal de Commerce de LYON a condamné M. Gilles X... à payer à la société BTP BANQUE la somme de 53 790 euros avec capitalisation des intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance des effets ainsi que celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Par déclaration du 5 avril 2006, M. Gilles X... a relevé appel de ce jugement.
Dans ses conclusions récapitulatives du 7 septembre 2007, M. Gilles X... demande que la Cour sursoit à statuer dans l'attente de la décision du juge d'instruction chargé de la plainte avec constitution de partie civile qu'il a déposée à l'encontre de M. B... et M. C... le 6 avril 2005 faisant état des escroqueries dont il a été, selon lui, victime pour avoir signé des effets de commerce en paiement de parts sociales qu'il a acquises dans la société SIGESTRA auprès de Mme Madeleine A... et M. Serge C... et dont le bénéficiaire des effets était la société SIGESTRA. Il sollicite sur le fond la réformation du jugement déféré lequel a selon lui à tort considéré d'une part que la BTP BANQUE pouvait se prévaloir du principe de l'opposabilité des exceptions, alors que les lettres de change escomptées par elle étaient affectées de vices apparents et que la BTP BANQUE était donc porteur de mauvaise foi et d'autre part que la BTP BANQUE n'avait pas engagé sa responsabilité délictuelle envers M. Gilles X..., alors que la banque s'est à l'évidence rendue coupable d'une négligence fautive et qu'elle a gravement méconnu son devoir de vigilance. Il réclame donc que la BTP BANQUE soit déboutée de ses demandes et qu'il soit fait droit à sa demande reconventionnelle de 10 000 euros de dommages et intérêts pour agissements fautifs de la BTP BANQUE lui ayant causé un préjudice moral et à une somme au moins égale au montant des effets de commerce escomptés soit 53 790 euros de dommages et intérêts pour son préjudice financier.
Dans ses conclusions du 18 juillet 2007, la BTP BANQUE affirme que la demande de sursis à statuer de M. Gilles X... est irrecevable, dés lors qu'elle constitue une exception de procédure et qu'à ce titre, elle devait être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non recevoir, alors qu'elle n'a été formée que la première fois en appel par conclusions déposées à la mise en état du 17 avril 2007. Elle ajoute que l'information ouverte contre Messieurs B... et C... sera sans incidence sur la procédure d'appel du fait de l'argumentation de M. Gilles X..., de sorte que la Cour devra rejeter cette demande si elle l'estime recevable. Elle sollicite de voir constater :-que les effets de commerce tirés sur M. Gilles X... par la société SIGESTRA et escomptés par la BTP BANQUE sont réguliers-que les faits dénoncés par M. Gilles X... sont tous postérieurs à l'opération d'escompte des effets de commerce litigieux-que M. Gilles X... ne démontre pas que ces faits auraient été portés à la connaissance de la BTP BANQUE et ainsi de voir dire :-que la BTP BANQUE est porteur de bonne foi-que M. Gilles X... n'est pas recevable à opposer à la BTP BANQUE les exceptions tirées de ses rapports avec la société SIGESTRA-que la BTP BANQUE n'a commis aucune faute à l'encontre de M. Gilles X.... En conséquence elle réclame que M. Gilles X... soit débouté de son appel et qu'il soit condamné à lui payer la somme de 53 790 euros, outre intérêts au taux légal.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 octobre 2007.
MOTIFS ET DÉCISION
I Sur la demande de M. Gilles X... de surseoir à statuer.
Attendu que la BTP BANQUE oppose à la demande que fait M. Gilles X... de surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance que devra rendre le juge d'instruction sur la plainte qu'il a déposé à l'encontre de Messieurs B... et C... soupçonnés d'escroquerie, l'article 74 du nouveau Code de procédure civile qui dispose que les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non recevoir et que pour avoir été formée pour la première fois en appel aux termes de ses conclusions du 17 avril 2007, cette demande est irrecevable ;
Attendu qu'aux termes de l'article 73 du nouveau Code de procédure civile constitue une exception de procédure tout moyen qui tend à suspendre le cours de la procédure-que la demande de sursis à statuer qui répond à cette définition est donc une exception de procédure-qu'ainsi pour n'avoir pas été soulevée avant qu'il n'ait conclu au fond devant le premier juge, la demande de sursis à statuer que fait actuellement M. Gilles X... est effectivement irrecevable ;
II Sur l'existence de vices apparents affectant les lettres de change escomptées par la BTP BANQUE et ses conséquences sur leur validité.
Attendu que les effets de commerce dont la BTP BANQUE réclame le paiement portent la mention " INTERCOM DIFFUSION "-qu'il s'agit de l'enseigne commerciale sous laquelle M. Gilles X... exerçait son activité-que le tiré se trouve ainsi parfaitement désigné par son nom commercial, sans qu'il y ait une possibilité quelconque de confusion ou d'erreur-que par conséquent les effets sont régulièrement établis-que leur validité ne peut être remise en cause-que dans ces conditions il ne peut en être réclamé la nullité ;
Attendu que le fait que la mention du tiré ait pu être ajouté après coup sur les effets-outre qu'il n'est prouvé-est sans incidence sur l'engagement de M. Gilles X... qui ne conteste pas les avoir signés et avoir remis au tireur le RIB de son compte personnel ;
III Sur l'inopposabilité des exceptions.
Attendu que les personnes actionnées en vertu d'une lettre de charge ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur en acquérant la lettre n'ait agi sciemment au détriment du débiteur ;
Attendu que M. Gilles X... ne s'explique pas sur le bien fondé des exceptions qu'il aurait pu opposer à la société SIGESTRA pour ne pas régler les effets litigieux ;
Attendu que les règles du droit cambiaire interdisent à M. Gilles X... de prétendre que les effets escomptés seraient sans cause et donc nuls du fait que les parts qu'il a acquises dans la société SIGESTRA dont l'opération a fait l'objet de l'établissement de ces effets avaient déjà été vendues, puisqu'il ne peut opposer à la BTP BANQUE ses rapports avec les porteurs précédents ;
Attendu que M. Gilles X... ne prouve pas avoir déclaré sa créance dans la procédure collective de la société SIGESTRA-qu'il n'est donc pas fondé à opposer à la BTP BANQUE une quelconque exception tirée de ses rapports avec cette société ni prétendre que la BTP BANQUE n'était pas de bonne foi ;
Attendu que M. Gilles X... affirme, sans en rapporter la moindre preuve, que la BTP BANQUE était au courant des pratiques constitutives de cavalerie que commettait la société SIGESTRA et qu'elle en était même complice de sorte qu'elle a agi sciemment au détriment du débiteur-qu'il résulte cependant de pièces du dossier que les manoeuvres frauduleuses de la société SIGESTRA ont toutes leur existence à une date postérieure à l'acceptation des effets escomptés pour la BTP BANQUE-que la pièce produite par M. Gilles X... dont il entend se prévaloir est un mot que M. D... aurait adressé à la mi-janvier 2003 à la banque pour l'informer de ces pratiques-que cette pièce n'est cependant pas datée et ne peut donc être retenue comme preuve-qu'il n'est par conséquent établi aucune faute de la BTP BANQUE qui permettrait à M. Gilles X... de se désengager de ses obligations cambiaires à l'égard de la banque qui doit être ainsi considéré comme porteur de bonne foi des effets au jour où ils ont été escomptés ;
Attendu que M. Gilles X... ne démontre pas non plus que la BTP BANQUE en acquérant les effets avait connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société
SIGESTRA-que l'existence des difficultés financières du tireur ne suffit pas prouver que la banque escompteur a agi sciemment en privant M. Gilles X..., en tant que tiré, de se prévaloir des exceptions à l'égard de la société SIGESTRA, tireur des effets ;
Attendu que M. Gilles X... est dans l'impossibilité de prouver la mauvaise foi de la banque, aucun fait antérieur à l'escompte des effets n'étant établi et qu'en consentant à l'endossement des effets à son profit la BTP BANQUE avait conscience de lui causer un dommage en l'empêchant de se prévaloir à l'égard de la société SIGESTRA d'un moyen de défense issu de ses relations avec elle ;
IV Sur la demande de la BTP BANQUE en paiement des effets.
Attendu qu'à la date d'échéance des effets de commerce, postérieurement à la date de la liquidation judiciaire de la société SIGESTRA prononcée le 22 avril 2003, aucune contrepassation d'écritures par la BTP BANQUE dans le compte de cette société ne lui a retiré son recours cambiaire ;
Attendu que la BTP BANQUE est donc fondée à solliciter de M. Gilles X... le paiement des effets ; qu'en conséquence M. Gilles X... doit être condamné à payer à la BTP BANQUE la somme de 53 790 euros, majorée de l'intérêt au taux légal à compter de la date d'échéance chacun des effets soit depuis :-le 13 mai 2003 sur l'effet de 9 360 euros-le 14 mai 2003 sur l'effet de 9 360 euros-le 15 mai 2003 sur l'effet de 18 720 euros-le 20 mai 2003 sur l'effet de 16 350 euros ;
Attendu qu'il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts par année entière à compter de la demande ;
Attendu que le jugement déféré doit être de la sorte confirmé de ce chef ;
V Sur les demandes reconventionnelles de M. Gilles X....
Attendu que M. Gilles X... réclame à titre reconventionnel la condamnation de la BTP BANQUE à lui payer une somme égale au montant des effets de commerce escomptés à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'il a subis du fait du comportement fautif de la banque-que la BTP BANQUE n'avait aucune obligation de vérifier lors de l'ouverture du compte la qualité des personnes qui étaient associées dans la société SIGESTRA-qu'il n'est pas démontré que cette société était fictive, comme le soutient M. Gilles X..., alors qu'elle était immatriculée depuis le 6 août 2002 au registre du commerce et des sociétés-que la société SIGESTRA n'ayant pas d'existence au jour de l'ouverture du compte, on voit mal comment la BTP BANQUE aurait pu avoir connaissance à cette date des pratiques d'escroquerie dont il l'incrimine,-que M. Gilles X... n'établit pas en quoi les lettres de change qui étaient remises à l'escompte aient eu une apparence douteuse-que par conséquent M. Gilles X... ne peut reprocher à la BTP BANQUE un manquement à son devoir de vigilance ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que M. Gilles X... n'établit pas la responsabilité délictuelle de la BTP BANQUE-qu'en conséquence il n'est pas fondé dans sa demande en dommages et intérêts faite à son encontre et qu'il doit en être débouté ;
Attendu que le jugement déféré doit être confirmé de ce chef ;
Attendu qu'il s'ensuit que M. Gilles X... n'est pas fondé à se plaindre d'un préjudice moral-que par conséquent il doit être débouté de sa demande de 10 000 euros de dommages et intérêts ;
VI Sur les autres demandes.
Attendu qu'il serait inéquitable que la BTP BANQUE supporte la charge de ses frais irrépétibles et qu'il convient de lui allouer une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge ;
Attendu que M. Gilles X... doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Dit la demande de M. Gilles X... de surseoir à statuer irrecevable ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Déclare M. Gilles X... mal fondé dans sa demande en dommages et intérêts pour préjudice moral et l'en déboute ;
Condamne M. Gilles X... à payer à la BTP BANQUE la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel par Maître BARRIQUAND, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.