COUR D' APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION B
ARRÊT DU 29 Novembre 2007
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de VIENNE du 23 mai 2000- No rôle : 1999j75
No R. G. : 04 / 00791
Nature du recours : Appel
APPELANTS :
Monsieur Charles X.........
représenté par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour
assisté de la SELAFA DELSART- TESTON, avocats au barreau de LYON
Monsieur Vincent Y.........
représenté par la SCP AGUIRAUD- NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de Me Jacqueline AMIEL DONAT, avocat au barreau de PERPIGNAN
Société JF PARTICIPATIONS SARL ZAC Le Coin 42406 ST CHAMOND
non représentée
Monsieur Pierre A...... 69006 LYON
représenté par la SCP LAFFLY- WICKY, avoués à la Cour
assisté de Me Michel MOREAU, avocat au barreau de LYON
Madame Emmanuelle C... épouse Y.........
représentée par la SCP AGUIRAUD- NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Jacqueline AMIEL DONAT, avocat au barreau de PERPIGNAN
Société THE ODILE ET NICOLAS Y... 1989 TRUST C / o Attorney Marylin C. D.........
représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée de la SCP PIOT- MOUNY JEANTET LOYE et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Monsieur Guy Y.........
représenté par Me Christian MOREL, avoué à la Cour
assisté de la SCP PIOT- MOUNY JEANTET LOYE et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMES :
Monsieur Jacques Y... agissant tant en son nom personnel qu' en qualité de mandataire ad hoc de la succession de Madame Lazarette Y... veuve Maurice Y... née DE I............
représenté par la SCP BAUFUME- SOURBE, avoués à la Cour
assisté de Me Olivier GARDETTE, avocat au barreau de LYON
Madame Madeleine G... NEE Y.........
représentée par la SCP AGUIRAUD- NOUVELLET, avoués à la Cour
assistée de Me Sophie CAYZAC, avocat au barreau de LYON
Instruction clôturée le 16 Octobre 2007
Audience publique du 05 Novembre 2007 LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D' APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Laurence FLISE, Président Madame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DEBATS : à l' audience publique du 05 Novembre 2007 sur le rapport de Madame Laurence FLISE, Président
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 29 Novembre 2007, par mise à disposition de l' arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Laurence FLISE, Président et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****************
M. Jacques Y..., qui était propriétaire de 191 / 825 parts de la société JF PARTICIPATIONS (société holding) et de 16 000 actions (dont 10 500 en pleine propriété) de la société JF DEVELOPPEMENT (société industrielle) et sa mère, Mme Lazarette de I... veuve Y..., qui était usufruitière de 5 500 actions de la société JF DEVELOPPEMENT, se sont plaints d' avoir été empêchés par les autres associés et actionnaires (membres des familles Y... et X... à l' exception de Pierre A..., propriétaire d' une action de la société JF DEVELPPEMENT) de céder leurs droits à la société YVES ROCHER.
Par jugement en date du 23 mai 2000 le tribunal de commerce de Vienne a, dans sa disposition essentielle, condamné in solidum l' ensemble des autres associés et actionnaires personnes physiques à payer à Jacques et Lazarette Y..., à titre de dommages et intérêts une somme principale de 3 905 260 francs correspondant à la différence entre le montant de l' offre formulée par la société YVES ROCHER et la valeur réelle des droits des demandeurs telle qu' elle avait été acceptée par les parties (société JF DEVELOPPEMENT) ou déterminée par expert (société JF PARTICIPATIONS).
Par arrêt en date du 11 octobre 2001 la cour d' appel de Grenoble a :
- porté le montant des dommages intérêts alloués à la somme de 11 770 540 francs (montant de l' offre formulée par la société YVES ROCHER et se décomposant comme suit : 9 905 260 francs pour les parts de la société JF PARTICIPATIONS et 1 865 280 francs pour les actions de la société JF DEVELOPPEMENT),
- donné acte à Jacques et Lazarette Y... de ce qu' en contrepartie du paiement de cette somme ils étaient d' accord pour céder aux associés majoritaires pour 1 franc leur participation au capital des deux sociétés concernées.
Par arrêt en date du 7 janvier 2004 la cour de cassation a :
- donné acte à Vincent et Emmanuelle Y... de leur désistement de pourvoi,
- constaté la déchéance du pourvoi principal de Pierre A..., de la société JF PARTICIPATIONS, du trust Odile et Nicolas Y... et de Guy Y...,
- rejeté dans les termes suivants le premier moyen du pourvoi principal de Charles X... " attendu que l' arrêt, qui ne s' est pas fondé sur le caractère illégitime du refus d' agrément mais sur l' ensemble des décisions prises par les associés majoritaires des sociétés, retient que ceux- ci n' ont eu de cesse de prendre des dispositions de principe entraînant de fait une division de l' offre globale d' acquisition et donc l' impossibilité pour la société YVES ROCHER de maintenir cette offre ; qu' il relève à cet égard que cette position a consisté, dans un premier temps à accepter l' offre la plus faible et à demander une expertise pour le prix le plus fort ; qu' il retient encore qu' après avoir finalement accepté la cession ils ont refusé l' audit auquel celle- ci était subordonnée et qu' ils avaient implicitement accepté ; qu' en l' état de ces constatations, dont elle a déduit l' existence de manoeuvres fautives destinées à faire échouer le projet de cession, la cour d' appel, qui a répondu, en les écartant, aux conclusions, a légalement justifié sa décision,
- accueilli dans les termes suivants la première et la seconde branche du second moyen du même pourvoi " attendu qu' en (allouant une somme de 9 905 260 francs) alors qu' elle constatait que le prix de 6 000 000 francs fixé par l' expert pour les parts de la société JF PARTICIPATIONS s' imposait désormais aux parties, ce dont il résultait que Jacques et Lazarette Y... ne pouvaient espérer retirer de la cession de ces parts un avantage supérieur à ce prix, la cour d' appel a violé l' article 1382 du code civil " et " attendu qu' en (allouant en réparation du préjudice consistant dans la perte de chance de céder des titres et participations une somme représentant le montant total du prix offert par la société YVES ROCHER) alors que la valeur de la chance de céder des titres et participations ne peut être égale au prix attendu de la cession projetée, la cour d' appel a violé l' article 1382 du code civil ",
- cassé et annulé en toutes ses dispositions l' arrêt du 11 octobre 2001, remis, en conséquence la cause et les parties dans l' état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et ordonné leur renvoi devant la cour de céans.
La Cour de renvoi a été saisie par Jacques et Lazarette Y... (contre Charles X..., Guy Y... et le trust Odile et Nicolas Y...), par Pierre A... (contre tous) et par Emmanuelle et Vincent Y... (contre tous).
Les procédures ont été jointes par le conseiller de la mise en état.
Lazarette Y... est décédée en cours d' instance en laissant pour lui succéder ses fils Jacques et Guy ainsi que ses deux petits- enfants, Vincent et Madeleine, issus de son fils prédécédé Alain (qui ont tous les deux renoncé à la succession).
Par ordonnance en date du 13 juin 2006 le conseiller de la mise en état a, malgré le désaccord de Guy Y... (conclusions de rapport à justice), désigné à sa demande Jacques Y... en qualité " de mandataire ad hoc aux fins de représenter la succession de Lazarette Y... dans la présente procédure ".
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 16 janvier 2007, Jacques Y..., agissant tant en son nom personnel qu' ès qualités, demande à la Cour :
- de déclarer irrecevables la déclaration de saisine et l' appel provoqué de Pierre A... (dont un deuxième pourvoi a été déclaré irrecevable) et de constater, par voie de conséquence, le caractère définitif à son égard de l' arrêt cassé,
- de déclarer irrecevable, en raison de la transaction intervenue entre les parties, la déclaration de saisine d' Emmanuelle et de Vincent Y... et de constater, par voie de conséquence, le caractère définitif à leur égard de l' arrêt cassé,
- de condamner in solidum Charles X..., Guy Y... et le trust Odile et Nicolas Y... (ainsi que, le cas échéant, les autres appelants) à payer à la succession de Lazarette Y... et à Jacques Y... conjointement :
§ à titre principal une somme de 11 770 540 francs (1 794 407, 26 euros) à titre de dommages et intérêts outre intérêts de retard et capitalisation de certains de ces intérêts,
§ à titre subsidiaire une somme de 11 770 000 francs (1 794 324, 93 euros) en réparation d' une perte de chance,
§ en toute hypothèse une somme de 30 000 euros sur le fondement de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures, qui ont été déposées le 13 février 2007, Emmanuelle et Vincent Y... demandent à la Cour :
- de déclarer recevable leur intervention,
- de débouter Jacques Y... des demandes qu' il dirige contre eux en son nom personnel et ès qualités,
- d' appliquer en leur faveur les dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 6 février 2007, Pierre A... demande à la Cour :
- de déclarer recevables son intervention et son appel provoqué,
- de débouter Jacques et Lazarette Y... des demandes qu' ils dirigent contre lui,
- de condamner in solidum Jacques et Lazarette Y... à lui restituer la somme de 979 000 euros (majorée d' intérêts de retard) versée en exécution de l' arrêt cassé,
- d' appliquer en leur faveur les dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 23 novembre 2006, Charles X... demande à la Cour :
- à titre principal de débouter Jacques Y... des demandes qu' il dirige contre lui ès qualités et en son nom personnel
- à titre subsidiaire de constater que le préjudice subi ne peut être que symbolique,
- à titre très subsidiaire de dire que ses co- défendeurs ne peuvent bénéficier des effets de l' arrêt de cassation et que leurs règlements doivent être déduits de la condamnation prononcée et de dire que cette condamnation ne peut être prononcée in solidum,
- en toute hypothèse d' appliquer en sa faveur les dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures, qui ont été déposées le 8 avril 2005, Guy Y... et le trust Odile et Nicolas Y... demandent à la Cour :
- à titre principal de débouter Jacques et Lazarette Y... des demandes qu' ils dirigent contre eux,
- à titre subsidiaire de réduire notablement le montant des dommages et intérêts initialement alloués,
- en toute hypothèse d' appliquer en leur faveur les dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile..
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 16 janvier 2007, Madeleine Y..., qui a été appelée dans la cause à la suite du décès de Lazarette Y..., sa grand- mère, sollicite sa mise en hors de cause en se prévalant du fait qu' elle a renoncé à la succession concernée.
L' ordonnance de clôture est intervenue le 16 février 2007.
Par arrêt en date du 29 mars 2007 la Cour a ordonné la réouverture des débats pour permettre :
- à Jacques Y... de s' expliquer sur la recevabilité des demandes présentées au nom de la " succession de Lazarette Y... " et de chiffrer de manière distincte les demandes qu' il présente à ce titre et les demandes qu' il présente à titre personnel,
- à toutes les parties de formuler leurs observations éventuelles à propos de la fin de non recevoir soulevée d' office par la Cour et tirée du fait que l' auteur des demandes principales serait au moins partiellement dépourvu de qualité pour agir.
Jacques Y..., aux termes d' écritures déposées le 25 septembre 2007, fait observer qu' il a acquis au décès de sa mère la pleine propriété des 5 500 actions de la société JF DEVELOPPEMENT dont il était nu- propriétaire et soutient qu' il est de ce fait recevable à agir en son nom personnel pour obtenir réparation de l' intégralité du préjudice subi.
Il se prévaut à titre subsidiaire du fait qu' il a été désigné par le conseiller de la mise en état en qualité de mandataire ad hoc de la succession.
Il soutient à titre très subsidiaire qu' il a incontestablement qualité pour agir à hauteur de la moitié de la valorisation de l' usufruit et propose deux évaluations de cet usufruit (9 774, 88 € selon la méthode dite économique et 19 549, 76 € selon la méthode dite fiscale).
Il s' estime en toute hypothèse recevable à agir en réparation du préjudice qu' il a personnellement subi.
Guy Y... et le trust Odile et Nicolas Y..., aux termes d' écritures déposées le 16 août 2007, confirment l' existence d' un conflit d' intérêts et soutiennent que seul un mandataire ad hoc indépendant et impartial pourrait représenter la succession.
Emmanuelle et Vincent Y..., aux termes d' écritures déposées le 31 juillet 2007, contestent l' existence d' un conflit d' intérêts et estiment qu' aucune fin de non recevoir ne doit être retenue, Jacques Y... ayant acquis la pleine propriété des 5 500 actions de la société JF DEVELOPPEMENT.
Charles X..., aux termes d' écritures déposées le 31 juillet 2007, soutient que les demandes de réparation du préjudice purement personnel allégué par Jacques et Lazarette Y... sont irrecevables pour ne pas avoir été chiffrées de manière distincte.
Pierre A..., aux termes d' écritures déposées le 18 septembre 2007, conclut dans le même sens.
SUR CE :
Attendu que la cassation d' un arrêt prononçant une condamnation solidaire profite à tous les co- débiteurs solidaires ;
Qu' en l' espèce le mécanisme de la solidarité n' a été rompu :
- ni par Pierre A..., qui s' est associé au pourvoi principal formé par les autres appelants et dont le second pourvoi a été simplement déclaré irrecevable en raison de l' existence du pourvoi principal,
- ni par Emmanuelle et Vincent Y... qui ont conclu avec Jacques Y... au mois de janvier 2002 une transaction (paiement de leur part de condamnation en contrepartie de leur désolidarisation sous réserve du cas d' insolvabilité prévu par l' article 1215 du code civil) qui ne faisait pas disparaître tous les effets de la solidarité ;
Attendu que les appelants apparaissent, dès lors, tous recevables à se prévaloir de la cassation prononcée et à intervenir devant la Cour de céans ;
Attendu que Lazarette Y... avait subi avant son décès le préjudice de nature personnelle qu' elle imputait au comportement des appelants ;
Que la créance indemnitaire dont elle se prétendait titulaire a été, du fait de son décès, divisée par moitié entre ses deux fils, Jacques et Guy Y... ;
Attendu que Jacques Y... a, dès lors, qualité pour réclamer réparation de son propre préjudice ainsi que de la moitié du préjudice subi par sa mère ; Qu' en tenant compte de la valeur très réduite de l' usufruit concerné (que Jacques Y... propose, sans être contredit, d' estimer au maximum à 19 549, 76 €) ses prétentions doivent être considérées comme recevables dans la proportion de 99 % et irrecevables pour le surplus ;
Attendu que, l' arrêt du 11 octobre 2001 ayant été cassé en toutes ses dispositions, la Cour de céans se trouve investie de la connaissance du litige dans l' ensemble de ses éléments de fait et de droit ;
Attendu qu' en 1998 la société JF PARTICIPATIONS était une société holding qui détenait 60 % du capital de la société JF DEVELOPPEMENT qui détenait elle- même la totalité du capital de l' EURL MIKAVA et de l' EUTL L' OISEAU DES MERS ;
Que la famille Y... et la famille X... détenaient le capital de la société JF PARTICIPATIONS, qui était co- gérée par Guy Y... et Charles X..., ainsi qu' une partie du capital de la société JF DEVELOPPEMENT, dont le président directeur général était Charles X... ;
Que Pierre A... détenait une action de la société JF DEVELOPPEMENT ;
Attendu que la chronologie des événements se trouvant à l' origine du litige soumis à la Cour est la suivante :
le 5 mars 1998, Jacques Y... reçoit de la société YVES ROCHER une offre d' achat de ses191 parts de la société JF PARTICIPATIONS au prix de 9 905 260 francs et de ses 16 000 actions de la société JF DEVELOPPEMENT au prix de 1 865 280 francs. Cette offre est formulée sous réserve de l' obtention des agréments prévus par les statuts des sociétés concernées et il est précisé par le candidat acquéreur " que les prix d' achat ont été calculés en fonction de la situation nette consolidée du groupe MIKAVA (38 858 KF) " et " qu' il lui apparaît indispensable que les agréments prévoient que la situation nette consolidée au 31 décembre 1997 puisse faire l' objet d' une vérification par un auditeur de son choix " et " qu' au cas où la situation consolidée serait inférieure à 38 858 KF les prix seraient ajustés, au franc le franc, de la différence, proportionnellement aux titre cédés ".
le 14 mars 1998, Jacques Y... notifie cette offre aux dirigeants de la société JF PARTICIPATIONS et de la société JF DEVELOPPEMENT.
le 18 mars 1998, Charles X... ès qualités répond que, pour différentes raisons (prix susceptible de révision, offre potestative et atteinte à l' égalité entre associés ou actionnaires...), il ne peut pas mettre en oeuvre la procédure d' agrément
le 19 mars 1998, Jacques Y... adresse des courriers de protestation.
le 20 mars 1998, Charles X... organise les consultations requises.
Entre le 24 et le 31 mars 1998, Charles X..., qui réclame des précisions (tout en proposant que la société JF PARTICIPATIONS achète, au prix offert par la société YVES ROCHER, les actions de la société JF DEVELOPPEMENT) et Jacques Y..., qui exprime des inquiétudes, échangent des correspondances.
le 7 avril 1998, Charles X... informe Jacques Y... :
- de ce que les associés de la société JF PARTICIPATIONS ont refusé leur agrément et exprimé leur désaccord sur le prix proposé,
- de ce que les actionnaires de la société JF DEVELOPPEMENT ont refusé leur agrément.
le 21 juillet 1998, M. K..., expert désigné en application des statuts de la société JF PARTICIPATIONS, dépose un rapport évaluant à 6 000 000 francs la valeur des parts de Jacques Y....
le 8 août 1998, Jacques Y... met en demeure la société JFPARTICIPATIONS et la société JF DEVELOPPEMENT d' agréer l' offre de la société YVES ROCHER ou de préempter sur les mêmes bases.
les 3 et 8 septembre 1998, Charles X..., ès qualités, fait connaître à Jacques Y... qu' il peut céder à la société YVES ROCHER, aux conditions notifiées le 14 mars 1998, ses actions de la société JF DEVELOPPEMENT (le conseil d' administration n' ayant pas satisfait à son obligation d' achat à la suite de son refus d' agrément) ainsi que ses parts de la société JF PARTICIPATIONS (aucun des associés n' étant intéressé par leur achat au prix évalué par M. K...).
du 22 septembre 1998 au 4 décembre 1998, Jacques Y... adresse des courriers à la société YVES ROCHER pour l' informer de l' obtention des agréments et à Charles X... ès qualités pour le mettre en demeure d' accepter un audit.
le 17 novembre 1998, Charles X..., ès qualités, refuse que soient communiqués à un tiers, concurrent des sociétés qu' il dirige, des documents autres que ceux devant être mis à la disposition des actionnaires et du public.
le 14 décembre 1998, la société YVES ROCHER fait part de son étonnement à la réception des courriers de Jacques Y... et précise qu' elle avait abandonné son projet, n' ayant pu faire vérifier les comptes par un auditeur de son choix et ayant reçu de Jacques Y... une copie des courriers de Charles X... en date du 7 avril 1998 ainsi qu' un courrier du 21 avril 1998 " constatant l' impossibilité de réaliser l' opération " ;
Attendu que, pour éviter qu' un associé minoritaire ne reste prisonnier de ses parts, les statuts de la société JF PARTICIPATIONS, en harmonie avec les textes légaux en vigueur, contenaient les prescriptions suivantes : " en cas de refus d' agrément et à défaut de retrait du projet de cession la gérance prend immédiatement les dispositions nécessaires pour faire acquérir... les parts par des personnes associées ou non... ou pour faire décider... le rachat des parts par la société.. " " si, dans les trois mois du refus d' agrément, l' accord n' a pu être réalisé pour l' acquisition des parts, la cession initialement prévue peut être réalisée " ;
Attendu que les associés majoritaires, après avoir formulé, à la fin du mois de mars 1998, une proposition d' achat des actions de la société JF DEVELOPPEMENT ont, au début du mois d' avril 1998, fait connaître d' une part leurs refus d' agrément, d' autre part leur désaccord sur le prix proposé par la société YVES ROCHER pour les parts de la société JF PARTICIPATIONS ;
Attendu que leur comportement a entraîné non seulement une division de fait de l' offre globale formulée par la société YVES ROCHER mais également une prorogation de fait (compte tenu du déroulement des opérations d' expertise) du délai au terme duquel la cession projetée pouvait être réalisée ;
Qu' un tel comportement apparaît incontestablement dilatoire et fautif dès lors notamment que les appelants ne démontrent pas (et n' allèguent d' ailleurs même pas) qu' ils ont bien eu, à moment donné, l' intention d' acquérir ou de faire acquérir les parts de la société JF PARTICIPATIONS et qu' ils ont, comme les statuts leur en faisaient obligation, immédiatement pris les dispositions nécessaires pour parvenir à cette acquisition ;
Attendu qu' est également fautif le fait pour les associés majoritaires d' avoir au mois de septembre 1998 annoncé à Jacques Y... qu' il pouvait procéder à la cession aux conditions notifiées le 14 mars 1998 puis de s' être au mois de novembre 1998 opposés à la réalisation de l' audit expressément prévu par l' offre notifiée le 14 mars 1998 ;
Attendu que l' ensemble de ces manoeuvres, destinées à faire échouer un projet auquel s' opposaient unanimement les associés et actionnaires majoritaires, ont privé Jacques Y... d' une possibilité de sortir du capital de la société JF PARTICIPATIONS et du capital de la société JF DEVELOPPEMENT en cédant ses titres à la société YVES ROCHER ;
Qu' en effet cette possibilité, si elle a perduré au delà du mois d' avril 1998, s' est amenuisée au fil du temps jusqu' à disparaître complètement à la fin de l' année 1998 ;
Attendu que le préjudice (seul susceptible de réparation) consécutif aux manoeuvres des appelants ne se confond pas avec le préjudice causé par un refus d' agrément qui, comme le rappelle Jacques Y... dans ses écritures, n' était pas en lui- même répréhensible ;
qu' il résulte non de l' absence de concrétisation de l' offre initiale de la société YVES ROCHER mais de la réduction de la probabilité d' un renouvellement de cette offre par un candidat acquéreur que la perspective d' une longue attente à l' issue incertaine ne pouvait que décourager ;
Attendu que cette chance de renouvellement de l' offre après le refus d' agrément demeurait assez sérieuse ainsi que le confirme le maintien au cours de l' été 1998 de contacts (rappelés par Charles X... dans ses écritures) entre la société YVES ROCHER et les associés et actionnaires des sociétés JF PARTICIPATIONS et JF DEVELOPPEMENT, tandis que le risque d' annulation ultérieure de la cession (pour défaut de notification de l' offre initiale à chacun des associés de la société JF PARTICIPATIONS) demeurait très faible, tous les associés s' étant prononcés sur la demande d' agrément ;
que sa perte sera réparée par l' allocation d' une somme de 500 000 € ;
Attendu qu' il reviendra à Jacques Y... une somme de 495 000 € qui portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Attendu que les associés et actionnaires majoritaires, qui ont agi de concert, doivent être condamnés in solidum au paiement de cette somme ;
Attendu que l' arrêt de la Cour de Cassation constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution de la décision rendue par la Cour d' Appel de Grenoble ;
Que les sommes devant être restituées porteront intérêts au taux légal a compter de la notification de cet arrêt ;
Attendu que l' équité commande de faire application des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de Jacques Y....
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Constate qu' il n' est pas justifié d' une assignation régulière de la société JF PARTICIPATIONS ;
Donne acte à Madeleine Y... de ce qu' elle a renoncé à la succession de Lazarette Y... ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu' il a retenu la responsabilité des appelants ;
L' infirme en ses autres dispositions et statuant à nouveau ;
Déclare tous les appelants recevables en leur intervention ;
Déclare les demandes de Jacques Y... partiellement recevables ;
Condamne in solidum les appelants, à l' exception de la société JF PARTICIPATIONS, à payer à Jacques Y..., à titre de dommages et intérêts, une somme de 495 000 € qui portera intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Les condamne en outre in solidum à payer à Jacques Y... une somme de 20 000 € sur le fondement de l' article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Dit qu' il n' y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes versées en exécution de l' arrêt rendu par la Cour de Grenoble ;
Condamne in solidum les appelants, à l' exception de la société JF PARTICIPATIONS, aux dépens de première instance et à tous les dépens d' appel qui seront distraits au profit de la SCP Baufumé Sourbé et de la SCP Aguiraud Nouvellet (pour Madeleine Y...).