COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile SECTION B
ARRÊT DU 15 Novembre 2007
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 23 juin 2006-No rôle : 2005j2227
No R. G. : 06 / 04247
Nature du recours : Appel
APPELANT :
Maître Claude X..., administrateur judiciaire, agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Société BBR 1 Place Saint Nizier 69281 LYON CEDEX 01
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de la SCPA DEYGAS PERRACHON BES ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMEE :
Société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH, de droit allemand Postfach 209 26330 ZETEL-ALLEMAGNE
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour
assistée de la SCP LAMY ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, associé Maître Christoph Martin RADTKE Me Emmanuelle BRET, avocat au barreau de LYON
Instruction clôturée le 11 Septembre 2007
Audience publique du 15 Octobre 2007
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Laurence FLISE, Président Madame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 15 Octobre 2007 sur le rapport de Madame Laurence FLISE, Président
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 Novembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par jugement en date du 10 février 2000 le tribunal de commerce de Lyon a prononcé le redressement judiciaire de la société BBR et désigné Maître X... en qualité d'administrateur judiciaire.
Maître X..., en qualité d'administrateur judiciaire puis en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société BBR, a poursuivi en justice le paiement du reliquat du prix d'une ligne de production robotisée et automatisée d'une valeur de 209 689 € commandée le 21 décembre 1998 par la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH en vue de la manutention des briques cuites et séchées dont elle est un important fabricant.
Par jugement en date du 23 juin 2006 le tribunal de commerce de Lyon a :
-dit que la société BBR n'avait pas délivré une prestation conforme à ses engagements et constaté que les conditions contractuelles pour le paiement du prix n'étaient pas réunies,
-débouté Maître X..., ès qualités, de toutes ses demandes,
-fait application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de la défenderesse.
Maître X..., ès qualités, a interjeté appel de cette décision le 29 juin 2006.
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 14 mai 2007 et qui sont expressément visées par la Cour, il conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande que la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH soit condamnée à lui payer une somme principale de 836 921,40 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2000 ainsi qu'une somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il explique :
-que la société ROEBEN TONBAUSTOFE GMBH s'est plainte d'une absence de respect des prévisions contractuelles et a déclaré le 15 mai 2000 une créance indemnitaire d'un montant de 2 551 230,60 €,
-que la somme de 836 921,40 € réclamée par lui constitue la différence entre d'une part le prix initial diminué des versements effectués (1 042 571,46 €) et d'autre part le montant (205 650 €) auquel le juge commissaire puis la cour d'appel de Lyon (par un arrêt du 3 avril 2003 devenu définitif à la suite d'un rejet de pourvoi) ont fixé la créance indemnitaire de la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH.
Soutenant que la plupart des manquements contractuels allégués ont été examinés au cours de la procédure de vérification des créances, il oppose aux doléances actuelles de la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH l'autorité de chose jugée qui s'attacherait selon lui à l'arrêt du 3 avril 2003.
Il estime qu'à supposer même que d'autres manquements aient pu être invoqués la créance née de ces manquements, qui ne peut être qu'une créance indemnitaire, se trouve éteinte faute d'avoir été déclarée.
Il conteste à titre subsidiaire la pertinence des reproches formulés (à l'exception de celui relatif au non respect des délais de livraison) et stigmatise une carence dans l'administration de la preuve. Il rappelle :
-que le rapport de l'expert A... (qui concluait à une insuffisance de rendement de la ligne de production mais qui ne tenait pas compte de l'installation de machines fournies par un autre fournisseur) a été écarté par le juge-commissaire et par la Cour dans son arrêt du 3 avril 2003,
-que le premier rapport de l'expert B... a également été écarté par la Cour
-que le second rapport de l'expert B... (dont l'expert C... confirme le peu d'intérêt) a été établi très tardivement (en 2005) et de manière non contradictoire.
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 17 avril 2007 et qui sont expressément visées par la Cour, la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle explique :
-que la société BBR n'a pas respecté les délais de livraison, que l'installation livrée était affectée d'importants dysfonctionnements et désordres et que les robots fournis ne pouvaient atteindre ni les rendements garantis ni le degré de précision requis,
-qu'elle a du remédier elle-même à la situation en effectuant des achats très coûteux auprès d'un autre fournisseur pour remplacer l'installation livrée et qu'elle a subi une importante perte de production.
Elle soutient :
-que l'arrêt du 3 avril 2003 est sans incidence sur la présente instance,
-que les prétentions de Maître X..., ès qualités, sont injustifiées en l'absence de délivrance d'une installation conforme (ayant entraîné une rupture de contrat constatée par elle dans son courrier du 2 septembre 1999),
-que les factures dont Maître X..., ès qualités, réclame le paiement ne sont pas fondées au regard de dispositions contractuelles prévoyant notamment un paiement de prix pour partie différé jusqu'à la mise en service à 50 % du rendement nominal et jusqu'à la réception définitive.
Elle se prévaut notamment des conclusions de l'expert A....
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 septembre 2007.
SUR CE :
Attendu qu'en fixant la créance indemnitaire de la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH à une somme inférieure au montant de la réclamation formulée, l'arrêt du 3 avril 2003 a bien expressément rejeté la partie de la demande fondée sur d'autres reproches que celui concernant le retard de livraison ;
Attendu que se trouvent versés aux débats d'une part les écrituresdéposées par la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH au cours de l'instance en fixation de créance, d'autre part l'arrêt rendu par la Cour le 3 avril 2003 à l'issue de cette instance ;
Qu'à la lecture de ces documents, il apparaît clairement que l'ensemble des doléances actuelles de la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH, qui se plaignait déjà non seulement d'un retard de livraison mais également de dysfonctionnements et d'une absence de conformité aux prévisions contractuelles concernant les performances et les rendements et qui se prévalait déjà des rapports d'expertise actuellement produits, ont été examinées par la Cour qui a considéré que seule la pertinence du premier grief se trouvait établie ;
Attendu que l'arrêt du 3 avril 2003, qui a tranché entre les mêmes parties une demande ayant le même objet et la même cause que les prétentions actuelles de la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH, possède bien l'autorité de la chose jugée ;
Que la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH ne peut, dès lors, en réitérant les reproches écartés par l'arrêt du 3 avril 2003, opposer un refus de paiement qui, à s'en tenir même aux dispositions contractuelles, n'aurait pu trouver sa justification que dans des dysfonctionnements ou une absence de conformité dûment établis ;
Attendu que le jugement entrepris, qui a accueilli le moyen de défense tiré de la réitération des reproches écartés par l'arrêt du 3 avril 2003 et débouté Maître X..., ès qualités, de ses prétentions, doit être infirmé ;
Que la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH doit être condamnée au paiement du reliquat du prix prévu par un contrat dont la résiliation n'a pas pu résulter de la simple " constatation " effectuée unilatéralement par l'une des parties, en dehors de toute urgence démontrée ;
Attendu que la somme de 836 921,40 € sera majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2000 dont la réception effective se trouve confirmée par un courrier du conseil de la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH en date du 1er septembre 2000 ;
Attendu que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de l'appelant.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau ;
Condamne la société ROEBEN TONBAUSTOFFE GMBH à payer à Maître X..., ès qualités, une somme de 836 921,40 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2000 ;
La condamne en outre à payer à Maître X..., ès qualités, une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
La condamne aux dépens de première instance et aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet, avoué.