R.G : 06/02995
décision du Tribunal de Grande Instance de MONTBRISONService du contrôledes expertisesdu 21 avril 2006
COUR D'APPEL DE LYON
8ème Chambre Civile
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ARRÊT du 13 Novembre 2007
APPELANTE :
SA LAMBERET CONSTRUCTIONS ISOTHERMES représentée par ses dirigeants légauxBP 4301380 SAINT CYR SUR MENTHON
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Courassistée de Me DEZ, substitué par Me VICARI, avocat
INTIMEES :
SAS GROUPE MOUSSET représentée par ses dirigeants légauxRoute Nationale 16085140 SAINTE FLORENCE
représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Courassistée de Me LE MOULEC, avocat
Compagnie AVIVA ASSURANCES SAreprésentée par ses dirigeants légaux13 rue du Moulin Bailly92271 BOIS COLOMBES CEDEX
représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Courassistée de Me LE MOULEC, avocat
SARL DAF TRUCKS FRANCEreprésentée par ses dirigeants légaux64-66, rue des VanessesBP 5239693420 VILLEPINTE
représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoué à la Courassistée de Me SCHILLINGS, avocat
SAS CARRIER TRANSICOLD EUROPEreprésentée par ses dirigeants légaux10, Boulevard de l'Oise95031 CERGY PONTOISE CEDEX
représentée par Me RAHON, avoué à la Courassistée de Me PREEL, avocat
*****Instruction clôturée le 05 Mars 2007Audience de plaidoiries du 09 Octobre 2007*****
La huitième chambre de la COUR D'APPEL de LYON,
composée de :
* Martine BAYLE, conseillère, faisant fonction de présidente, * Jean DENIZON, conseiller,qui ont tenu à deux l'audience sans opposition des parties dûment avisés, et en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré,Martine BAYLE, conseillère faisant fonction de présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries,
* Elisabeth DE LA LANCE, conseillère désignée par ordonnance du premier président en date du 4 octobre 2007, magistrats ayant tous les trois participé au délibéré,
en présence, lors des débats en audience publique, de Nicole MONTAGNE, Greffière,
a rendu l'arrêt contradictoire suivant :
FAITS et PROCÉDURE
Le 10 février 2004 la Société GROUPE MOUSSET a acquis une camion de marque DAF sur lequel elle a fait installer une caisse isotherme par la Société LAMBERET CONSTRUCTIONS ISOTHERMES, ci-après dénommée LCI, laquelle a sous-traité l'installation du groupe frigorifique à la Société CARRIER TRANSICOLD EUROPE ;
Le 9 mars 2004 ce véhicule a été détruit par un incendie et par acte du 30 août 2004 la Société MOUSSET et son assureur la Société AVIVA ASSURANCES ont assigné en référé expertise la Société DAF TRUCKS FRANCE ;
- Par ordonnance du 14 septembre 2004 le juge des référés du tribunal de grande instance de Montbrison a confié à l'expert C... une mission d'expertise à l'effet notamment de rechercher les causes du sinistre et d'évaluer les préjudices ;
- Par décision du 3 janvier 2005 l'expertise a été étendue à la Société LCI et à la Société CARRIER ;
- L'expert C... a adressé son pré-rapport le 5 septembre 2005 et déposé son rapport le 30 novembre 2005 ;
- Par requête en date du 30 novembre 2005, reçue au greffe du tribunal de grande instance le 2 décembre 2005 la Société LCI a saisi le juge chargé du contrôle des expertises afin qu'il ordonne à l'expert C... de réaliser personnellement le test de percement volontaire température du " tuyau d'échappement ", de prendre connaissance de tous les autres sinistres " incendie " ayant affecté des camions " DAF TRUCKS " et d'établir un pré-rapport intégrant les éléments de préjudice ;
- Dans le cadre de cet incident les parties ont été entendues à l'audience du 17 février 2006 au cours de laquelle un procès- verbal a été établi ;
- Par une deuxième requête en date du 6 mars 2006 la Société LCI a demandé le remplacement de l'expert pour violations graves et répétées du principe du contradictoire et partialité ;
- Par ordonnance du 17 mars 2006 le juge chargé du contrôle des expertises a joint les requêtes et ordonné la réouverture des débats afin que les parties fassent parvenir leurs observations avant le 31 mars 2006 ;
- Par ordonnance du 21 avril 2006 ce même magistrat a :
* dit n'y avoir lieu à remplacement de Monsieur C... ;
* dit n'y avoir lieu à réouverture des opérations d'expertise sur les chefs de demande suivants :
- l'intégration des données techniques des sinistres ayant impliqué des camions DAF TRUCKS étrangers à la Société MOUISSET .
- le test de température du tuyau d'échappement en phase de roulage ;
* dit y avoir lieu à réouverture des opérations d'expertise sur les chefs de demande suivants :
1) le chiffrage des différents chefs de préjudice subis par la Société MOUSSET pour lequel l'expert est autorisé à s'entourer de l'avis d'un expert comptable avec élaboration d'un pré-rapport ;
2) la présentation dans le cadre de ce pré-rapport pour être soumis au principe de la contradiction :
- des opérations d'entretien dont a fait l'objet le camion en cause ;
- des conditions de réalisation et les résultats du test de température mené par Monsieur C... et évoqué dans le rapport définitif ;
3) la réponse de l'expert au dire No 5 déposé le 14 novembre 2005 par la Société CARRIER TRANSICOLD EUROPE ;
- Ayant relevé appel de cette décision le 5 mai 2006, la Société LCI demande le remplacement de l'expert en application de l'article 235 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile et expose :
* que l'expert a procédé à des relevés de température sans qu'aucune contradiction ne soit possible ;
* qu'il a pris des indications par téléphone auprès de la Société DAF et a joint à son rapport une facture d'entretien du camion, non mentionnée dans le pré-rapport ;
* que le technicien a reproché par écrit à un auxiliaire de justice d'avoir commis un faux (requête antidatée car faisant suite au dépôt du rapport définitif) puis a réitéré de manière orale sa mise en cause, quelques minutes avant l'audience, pour reconnaître devant le juge que ses écrits avaient dépassé sa pensée ;
* que dans le cadre d'un sinistre survenu sur un autre camion DAF le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire a désigné l'expert D... qui a convoqué l'expert C... à un accedit du 14 avril 2005 ;
* que l'expert C... a retenu les conclusions de l'expert D..., correspondant à la thèse de la Société DAF, selon laquelle l'incendie résulterait de l'apport d'un carburant provenant d'une fuite de fuel sur l'alimentation du groupe froid ;
* qu'il a soutenu qu'un relevé de température du pot d'échappement dans des conditions identiques à celles du sinistre était impossible, alors qu'un tel test a pu être réalisé ;
* qu'en conclusion l'expert a manqué à son obligation de dignité du débat judiciaire et a gravement failli à celle d'objectivité et d'impartialité ;
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- La Société CARRIER TRANSICOLD EUROPE, demande également le remplacement de l'expert ;
- Elle soutient que l'expert a déposé son rapport sans répondre au dire qu'elle avait élaboré le 14 novembre 2005 notamment quant à la nécessité de vérifier les opérations d'entretien effectuées sur le véhicule sinistré, ainsi que la température du pot d'échappement ;
- Qu'il a procédé non contradictoirement à des tests de température et des mesures ont été effectuées par la Société DAF, partie à l'instance ;
- Qu'il n'a d'ailleurs pas déféré à l'injonction faite dans l'ordonnance, dont appel, puisque les parties sont toujours sans nouvelles depuis le 21 avril 2006 ;
- Qu'il en a été de même pour l'appréciation des préjudices subis ;
- Que Monsieur C... a cru bon de mener ses investigations en commun avec un autre expert désigné dans une autre procédure, hors la présence des parties ;
- Qu'il a fait montre d'une suspicion malveillante à l'encontre d'un avocat ;
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- La Société DAF TRUCKS FRANCE conclut à la confirmationet demande 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- Elle fait valoir que l'expert a pu apprécier les opérations à conduire tout en motivant sa décision auprès des parties ;
- Que la Société LCI cherche, en multipliant les incidents à discréditer les opérations d'expertise ;
- Que Monsieur C... n'avait pas l'obligation de convoquer les parties à l'effet d'entendre un sachant et n'avait pas reçu les éléments du préjudice invoqué par la Société GROUPE MOUSSET, lors du dépôt de son rapport ;
- Que la question de savoir si la Société LCI avait antidaté sa requête le même jour que le dépôt du rapport, et qui pouvait se poser, est sans portée ;
- Qu'enfin le magistrat a réouvert les opérations d'expertise pour les tests sur le pot d'échappement et la facture d'entretien ;
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La Société GROUPE MOUSSET et la Compagnie AVIVA ASSURANCES concluent à la confirmation et demandent 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- Elles précisent que la Société LCI se saisit de propos sans importance mentionnés entre parenthèses dans un courrier ;
- Que l'expert a expliqué l'origine de l'ensemble des données recueillies ;
- Que les incidents et recours formés par LCI et CARRIER sont dilatoires, les causes du sinistre sont bien établies et le préjudice s'aggrave du fait de la durée de la procédure ;
- Qu'il ne peut-être tiré de conclusions à partir de tests effectués non contradictoirement à la demande des parties adverses ;
MOTIFS
- Attendu que les Sociétés LCI et CARRIER reprochent à l'expert d'avoir failli à ses obligations de " dignité du débat judiciaire " , d'objectivité et d'impartialité selon leurs propres termes pour fonder la demande en remplacement d'expert qui n'a été présentée que dans la deuxième requête présentée au juge chargé du contrôle des expertises le 6 mars 2006 ;
- Que, comme l'a relevé très exactement le premier juge, les griefs fondés sur le non-respect du principe du contradictoire, contenus dans la deuxième requête sont identiques à ceux de la première requête du 30 novembre 2005 dans laquelle il était seulement demandé d'ordonner à l'expert de procéder à des mesures contradictoires sans pour autant solliciter son remplacement ;
- Que de façon inopérante la Société LCI affirme que les griefs ne seraient pas identiques au motif que seul le dépôt du rapport lui a permis de prendre connaissance de l'étendue des manquements ;
- Qu'en particulier il était très précisément reproché à l'expert de ne pas mener sa mission contradictoirement et personnellement en laissant à une partie (DAF) le soin de faire réaliser des tests ;
- Attendu, s'agissant de l'obligation à la " dignité du débat " judiciaire, telle que la définit la Société LCI, que la remarque de l'expert C... contenue dans un courrier adressé au juge, sur une éventuelle anti-datation de la première requête, doit être replacée dans le contexte d'un simple incident de procédure et ne saurait ainsi s'analyser en une marque de partialité ;
- Qu'aucune preuve n'est rapportée sur les propos qu'aurait tenu Monsieur C... avant l'audience aux dires de la Société LCI ;
- Attendu que les Sociétés LCI et CARRIER prétendent que le déroulement des opérations d'expertise confirmerait le grief de partialité notamment en ce que Monsieur C... aurait adopté la thèse soutenue par la Société DAF sans respecter le principe du contradictoire ;
- Attendu, pour reprendre chaque manquement au principe du contradictoire invoqué par les Sociétés LCI et CARRIER, que l'expert C... a procédé personnellement au test de température du tuyau d'échappement à partir notamment d'informations qu'il a pu obtenir dans des conditions régulières de la Société DAF, constructeur du camion, s'agissant des relevés effectués lors des tests de puissance des moteurs neufs sur le banc ;
- Que le premier juge retenant la régularité de cette opération a seulement réouvert l'expertise à juste titre afin que le résultat du test qui n'était pas contenu dans le pré-rapport soit soumis au principe du contradictoire ;
- Attendu, s'agissant du chiffrage du préjudice que dans son rapport définitif, l'expert a prudemment précisé qu'en l'état des documents produits il lui était quasiment impossible de l'évaluer ;
- Que pour cette raison le premier juge a réouvert les opérations d'expertise afin notamment que Monsieur C... s'entoure de l'avis d'un expert comptable et que ses évaluations soient discutées ;
- Attendu, s'agissant de la facture d'entretien du véhicule sinistré, que l'expert a recueilli ce document pour les besoins de son rapport sans que soit démontrées des conditions irrégulières de son obtention ;
- Que très justement le premier juge a réouvert les opérations d'expertise au seul motif que cette facture ne figurait pas dans le pré-rapport et devait donc être discutée ;
- Attendu qu'il est vainement reproché à l'expert C... d'avoir mené ses opérations en commun avec l'expert D... désigné dans le cadre de sinistres distincts mais similaires ayant endommagé des camions DAF équipés d'une caisse isotherme ;
- Qu'en effet, comme l'a relevé le premier juge l'expert s'est associé en qualité de sachant l'expert D... en vue d'une approche sérielle du sinistre ;
- Qu'il est dès lors totalement inopérant d'affirmer de façon réductrice que Monsieur C... aurait tout simplement adopté les conclusions de Monsieur D... en dehors des parties ;
- Que de même il ne pouvait être sérieusement demandé à l'expert, sous couvert de la nécessité d'une approche sérielle du dossier, de procéder à des investigations pour des sinistres affectant des véhicules ne présentant pas des caractéristiques communes à celui objet de la présente procédure ;
- Attendu enfin qu'aucune carence ne peut-être reproché à Monsieur C... auquel le juge a demandé de suspendre ses opérations dans l'attente de l'arrêt de la cour ;
- Attendu en conclusion qu'en l'absence de manquement à ses devoirs par l'expert C... tant au regard du principe du contradictoire que de ses obligations d'objectivité et d'impartialité, l'ordonnance entreprise qui a rejeté la demande de remplacement présentée sur le fondement de l'article 235 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile sera confirmée ;
- Attendu que l'équité commande d'allouer à la Société DAF TRUCKS FRANCE d'une part et à la Société GROUPE MOUSSET avec son assureur la Compagnie AVIVA ASSURANCES d'autre part, la somme de 1.000 €, à chacune, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- Que la SA LCI et la SA CARRIER TRANSICOLD EUROPE, qui succombent dans leurs prétentions, devront supporter les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFSLa Cour,
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant :
- Condamne in solidum la Société LAMBERET CONSTRUCTION ISOTHERMES (LCI) et la Société CARRIER TRANSICOLD EUROPE à payer 1.000 € à la Société DAF TRUCKS FRANCE et 1.000 € à la Société GROUPE MOUSSET avec son assureur la Compagnie AVIVA ASSURANCES sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
- Les condamne sous la même solidarité aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit des SCP d'avoués DUTRIEVOZ et BAUFUME-SOURBE, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;
Cet arrêt a été prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile et signé par Madame BAYLE, conseillère en remplacement de la présidente de la huitième chambre légitimement empêchée, et par Nicole MONTAGNE, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LA CONSEILLERE
Mme MONTAGNE Mme BAYLE