COUR D'APPEL DE LYON
Troisième Chambre Civile
SECTION B
ARRÊT DU 20 Septembre 2007
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 07 juillet 2006-
No rôle : 2005 / 3548
No R.G. : 06 / 05166
Nature du recours : Appel
APPELANT :
Monsieur Bernard X...
...
01400 CHATILLON SUR CHALARONNE
représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assisté de Maître Eric DEZ, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE substitué par Maître Michel VICARI, avocat au barreau de BOURG-EN-BRESSE
INTIMES :
SCP BELAT-DESPRAT, mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la SARL X... MATÉRIAUX nommé à cette fonction suivant jugement du Tribunal de commerce de BOURG EN BRESSE du 14 mai 2004
22 rue du Cordier
01000 BOURG EN BRESSE
représentée par Maître Christian MOREL, avoué à la Cour
assistée de la SELARL BERNASCONI, ROZET, MONNET-SUETY, FOREST, avocats au barreau de BOURG-EN-BRESSE
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL
Près la Cour d'Appel de Lyon
2 rue de la Bombarde
69231 LYON CEDEX 05
représenté lors des débats par Monsieur Michel GIRARD, avocat général
Instruction clôturée le 01 Juin 2007
Audience publique du 21 Juin 2007
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Laurence FLISE, Président
Madame Christine DEVALETTE, Conseiller
Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DÉBATS : à l'audience publique du 21 Juin 2007
sur le rapport de Madame Christine DEVALETTE, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 20 septembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
****************
La société X... MATÉRIAUX, qui exerçait une activité de négoce de matériaux de construction a, par jugement du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE, été placée après désignation d'un mandataire ad hoc, en redressement judiciaire, régime simplifié, le 12 septembre 2003, puis en liquidation judiciaire le 10 septembre 2004, avec une date de cessation des paiements fixée au 11 septembre 2003, un passif déclaré de 800 000 € et un actif de 8 000 € outre les produits de la vente de tènements immobiliers d'une valeur de 100 000 € environ.
Considérant que cette situation était consécutive à un comportement fautif du gérant, la SCP BELAT-DESPRAT, ès qualités de liquidateur de la société X... MATÉRIAUX, a déposé une plainte auprès du Procureur de la République du chef de délit de banqueroute et, par exploit du 18 avril 2005, a assigné Monsieur Bernard X... en comblement du passif sur le fondement de l'article L624-3 du Code de Commerce.
Par jugement du 3 novembre 2005, le Tribunal Correctionnel a relaxé Monsieur X... du chef de banqueroute pour continuation d'activité après la liquidation et détournement ou dissimulation d'actif.
Par jugement du 7 juillet 2006, le Tribunal de Commerce :
-a constaté l'existence d'une faute de gestion et d'un lien de causalité avec l'insuffisance d'actif,
-a condamné Monsieur Bernard X... à verser à la SCP BELAT-DESPRAT, ès qualités, la somme de 150 000 € outre intérêts au taux légal à compter du jugement.
Par déclaration en date du 27 juillet 2006, Monsieur X... a interjeté appel du jugement.
****************
Aux termes de ses dernières écritures, déposées le 13 mars 2007 et qui sont expressément visées par la Cour, Monsieur X... demande la réformation du jugement.
Il demande qu'il soit ordonné à la SCP BELAT DESPRAT de produire tous les justificatifs des actifs réalisés ou à réaliser dépendant de la liquidation judiciaire et que celui-ci soit débouté de toutes ses demandes et soit condamné à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Monsieur X... considère tout d'abord, au visa de l'article L651-2 du Code de Commerce, que la preuve n'est pas rapportée d'une insuffisance d'actif :
-alors que les biens immobiliers de la société, à l'exception de deux parcelles, non encore cédées, ont fait l'objet d'une cession et d'une préemption à hauteur de 130 000 €,
-alors que la valeur d'exploitation des biens mobiliers s'établit à 12 440 € et la valeur du stock à 125 866,74 € selon PV de recollement réalisé le 8 juin 2004,
-alors que le compte client à encaisser était évalué à 48 864,17 €.
Il indique par ailleurs avoir cautionné, avec affectation hypothécaire de ses biens personnels les créances suivantes qu'il a partiellement remboursées :
* la société PROMATER 430 396,82 €
* Banque Populaire 162 646,96 €
outre plusieurs autres créances pour un montant total de 655 047,53 € et qu'il n'a pas réclamé le paiement de loyers sur les locaux lui appartenant, donnés à bail à hauteur de 40 910,12 €.
Il fait état d'un passif de 214 044,12 € qui doit être mis en rapport avec les éléments d'actifs précités.
Subsidiairement, sur l'existence d'une faute de gestion, il rappelle qu'il a été définitivement relaxé des fins de la poursuite engagée par le liquidateur.
Sur le grief de déclaration très tardive de la cessation des paiements, il observe :
-que c'est lui-même qui a déposé la déclaration de cessation des paiements après l'échec de la médiation par le mandataire ad hoc,
-que la société PROMATER qui avait une créance exigible de 365 984,57 € depuis 1998, avait été accusée de soutien abusif par le liquidateur dans le cadre d'une autre procédure,
-que c'est lui-même qui a supporté la créance PROMATER sur ses biens.
Il fait valoir qu'aucun lien n'est établi entre cette prétendue faute et une insuffisance d'actif.
Sur le grief de poursuite d'une exploitation déficitaire, il considère que le liquidateur n'en apporte pas la preuve qui lui incombe.
****************
Aux termes de ses dernières écritures, déposées le 19 février 2007 et qui sont expressément visées par la Cour, la SCP BELAT-DESPRAT demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur X... à verser la somme de 150 000 € en comblement de passif et en paiement d'une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Il fait valoir que la relaxe du chef de banqueroute au motif qu'il n'était pas démontré que Monsieur X... ait poursuivi l'exploitation postérieurement à la liquidation, est sans incidence sur l'action en comblement de passif concernant des faits antérieurs à cette liquidation.
Concernant l'insuffisance d'actif, la SCP BELAT-DESPRAT indique qu'il produit l'état des créances vérifiées de la SARL X... MATÉRIAUX à hauteur de 909 962,46 €, somme sur laquelle Monsieur X... prétend avoir réglé 655 047,53 € alors qu'il n'apporte de justificatifs que pour la société PROMATER.
Concernant les actifs immobiliers, leur vente pour un montant de 130 000 € est nettement insuffisant pour régler le passif, ainsi que la somme encaissée au titre du compte clients,
11 288,52 €, au titre du matériel pour 47 121,47 €, ou la valeur du stock réalisé, bien moindre que celle annoncée.
Les dettes d'exploitation s'élèvent par ailleurs à 39 348,57 €.
Sur les fautes de gestion, il considère qu'elles sont établies, telle la déclaration très tardive de cessation des paiements dans un intérêt personnel puisqu'il était caution personnelle vis à vis du groupe PROMATER ayant une créance exigible depuis 1998, ayant atteint la somme de
365 984,57 €, ou vis à vis de la BANQUE POPULAIRE au titre d'un découvert autorisé.
****************
Monsieur l'avocat général auquel la procédure a été communiquée a conclu, le 5 avril 2007, à la confirmation du jugement, constatant que Monsieur X... n'apporte aucun justificatif de son allégation selon laquelle il aurait soldé le passif.
S'agissant des fautes de gestion, il relève que Monsieur X... a été condamné par le Tribunal Correctionnel de BOURG en BRESSE le 3 novembre 2005, pour des faits de faux et usage de faux portant sur deux traites tirées sur une société en mai et juin 2004, ce qui est éclairant sur la volonté de celui-ci de poursuivre coûte que coûte une activité déficitaire.
L'ordonnance de clôture a été finalement prononcée le 1er juin 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L624-3 de la loi du 25 janvier 1985, lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certains d'entre eux.L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
En l'espèce, concernant la preuve de l'insuffisance d'actif qui peut n'être pas précisément fixée mais dont l'existence certaine doit s ‘ apprécier au moment où la juridiction statue, le montant du passif déclaré et non contesté est bien de 909 962,46 € auquel se sont ajoutés des frais d'exploitation postérieurs à la liquidation judiciaire, qui ne peuvent toutefois être pris en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif pouvant être mise à la charge du dirigeant social.
Depuis l'ouverture de la procédure, ce passif a été réduit, de manière certaine, par la cession d'actifs immobiliers préemptés à hauteur de 130 000 €, par l'encaissement de la somme de
47 121,47 € au titre du compte clients, par le règlement opéré en sa qualité de caution par Monsieur X... au groupe PROMATER, qui avait produit à hauteur de 420 396,82 €, dans le cadre d'une transaction.
Si la créance déclarée, à titre principal, par la BANQUE POPULAIRE à hauteur de 162 646,96 € n'est pas encore soldée, contrairement à ce qu'affirme Monsieur X..., mais simplement en cours de transaction, Monsieur X... justifie en revanche avoir réglé, à titre personnel, certains créanciers pour un montant correspondant à leurs déclarations au passif, en produisant les justificatifs de règlement ou des attestations des intéressés. Ces règlements, de nature à réduire l'insuffisance d'actif de la société X... MATÉRIAUX à hauteur de 72 153,75 € environ, ne sont pas vérifiés ni pris en compte par la SCP BELAT-DESPRAT, ès qualités non plus que l'extinction de la créance la plus importante du groupe PROMATER.
Par ailleurs il est impossible, à partir de l'attestation imprécise de la SCP BELAT-DESPRAT, mentionnant, sans indication sur le stock, une " vente du matériel " pour 47 121,47 €, sans production des factures correspondantes, de considérer, avec certitude, que ce matériel correspond en réalité au matériel et au stock de marchandise décrit, dans le PV de recollement du 8 juin 2004, comme correspondant à celui établi le 14 mai 2004 et évalué dans ce même PV à 90 000 € pour le seul stock, ou de considérer, sans élément en ce sens, que le stock a disparu, la procédure pénale engagée contre Monsieur X... n'ayant, au demeurant pas permis de retenir à l'encontre de celui-ci, un détournement d'actif.
Enfin, il n'est fourni aucune indication sur la réalité et la valeur de l'actif immobilier qui resterait à réaliser selon Monsieur X..., non contredit, sur ce point, par la SCP BELAT-DESPRAT.
Dans ces conditions, il n'est pas possible d'apprécier de manière certaine l'existence et le montant de l'insuffisance d'actif, conditionnant la poursuite du dirigeant sur le fondement de l'article L624-3 du Code de Commerce.
Indépendamment de toutes considérations sur les fautes de gestion de Monsieur X... et sur leur incidence, la SCP BELAT-DESPRAT, ès qualités, doit être déboutée de son action en comblement de passif contre celui-ci.
Le jugement doit être infirmé.
L'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau :
Déboute la SCP BELAT-DESPRAT, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL X... MATÉRIAUX de son action en comblement de passif engagée contre son gérant, Monsieur Bernard X... ;
Déboute les parties du surplus de leur demande ;
Dit que les dépens de 1ère instance et d'appel seront tirés en frais privilégiés de liquidation judiciaire et, pour les derniers, distraits au profit de la SCP BRONDEL-TUDELA, avoué.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
J. POITOUX L. FLISE