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20/09/2007 | FRANCE | N°06/04626

France | France, Cour d'appel de Lyon, Ct0289, 20 septembre 2007, 06/04626


R.G : 06 / 04626

décision du Tribunal de SAINT-ETIENNE au fond du 05 juillet 2006
RG No2004 / 3585

Société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE

C /
B...
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2007
APPELANTE :
Société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE 39, boulevard de la Palle 42000 SAINT-ETIENNE

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET avoués à la Cour

assistée de Me BOLLAND-BLANCHARD avocat au barreau de LYON

INTIME :

Monsieur Hani B...... 42270 SAINT-PRIEST-EN-JAREZ <

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représenté par Me BARRIQUAND avoué à la Cour

assisté de Me André BUFFARD avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

L'instr...

R.G : 06 / 04626

décision du Tribunal de SAINT-ETIENNE au fond du 05 juillet 2006
RG No2004 / 3585

Société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE

C /
B...
COUR D'APPEL DE LYON
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2007
APPELANTE :
Société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE 39, boulevard de la Palle 42000 SAINT-ETIENNE

représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET avoués à la Cour

assistée de Me BOLLAND-BLANCHARD avocat au barreau de LYON

INTIME :

Monsieur Hani B...... 42270 SAINT-PRIEST-EN-JAREZ

représenté par Me BARRIQUAND avoué à la Cour

assisté de Me André BUFFARD avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

L'instruction a été clôturée le 18 Mai 2007

L'audience de plaidoiries a eu lieu le 21 Juin 2007
L'affaire a été mise en délibéré au 20 Septembre 2007

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur VOUAUX-MASSEL, Conseiller : Monsieur ROUX, Conseiller : Madame BIOT

Greffier : Madame JANKOV pendant les débats uniquement.
A l'audience Monsieur VOUAUX-MASSEL a fait le rapport conformément à l'article 785 du NCPC.
ARRET : contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile,
signé par Monsieur VOUAUX-MASSEL, président et par Madame JANKOV, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur B... exerçait une activité de chirurgien orthopédiste au sein de la Clinique de la Jomayère. La Clinique de la Jomayère et la Polyclinique de Beaulieu ont fusionné le 23 juin 1999. La fusion, par absorption de la Polyclinique de Beaulieu, a donné lieu à une nouvelle entité dénommée le CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE. Monsieur B... a maintenu une activité de chirurgien orthopédiste au sein du CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE. Postérieurement à la fusion et sans l'accord de Monsieur B..., Monsieur C...a été nommé en qualité de chirurgien orthopédiste au société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE.
Estimant que cette nomination constitue une violation de son contrat d'exclusivité, Monsieur B... a, suivant acte d'huissier du 1er décembre 2004, fait assigner la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE aux fins de voir cette dernière condamnée à réparer le préjudice économique et le préjudice moral qu'il estime avoir subis.
Après avoir analysé les clauses du contrat conclu le 10 septembre 1986 entre le Docteur D..., chirurgien orthopédiste, et la SA Clinique de la Jomayère, lequel contrat a été repris par le Docteur B... (d'abord associé, puis cessionnaire de la clientèle du Docteur D...), le Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE en a déduit, dans son jugement du 5 juillet 2006, d'une part, que c'est uniquement lorsque le médecin ne satisfait pas au seuil d'activité fixé par le contrat (en l'occurrence 60 %) que la clinique est en droit de faire appel à un autre praticien exerçant dans la même spécialité et, d'autre part, que, dans les autres cas, c'est au médecin de décider de l'arrivée ou non d'un confrère exerçant dans sa spécialité (comme associé ou successeur), dont il soumet la candidature à la clinique (avec faculté pour la clinique de refuser jusqu'à deux candidats successifs, sauf si elle préfère indemniser le praticien moyennant une somme fixée forfaitairement à 50 % des honoraires perçus par lui au cours des 12 mois précédents). Le Tribunal a considéré qu'en intégrant le Docteur C...sans l'accord du Docteur B... et alors qu'il n'est nullement démontré que l'activité de ce dernier était en dessous du seuil d'activité prévu au contrat, la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE avait engagé sa responsabilité contractuelle, ce qui l'obligeait à réparer le préjudice économique nécessairement subi par Monsieur B..., dès lors que l'arrivée de Monsieur C...entraîne un partage de clientèle. Le Tribunal de Grande Instance a évalué le préjudice économique à 450. 000 € (soit l'équivalent de 50 % des honoraires perçus par le médecin au cours des 12 mois précédents). Le Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE a en conséquence condamné la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE à payer ladite somme à Monsieur B..., ainsi qu'une somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, tout en le déboutant de sa demande formé au titre d'un préjudice moral.
La société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE a relevé appel de cette décision suivant acte du 11 juillet 2006.
La société appelante excipe, en premier lieu, de la nullité du jugement, en faisant valoir que le Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE n'avait pas respecté le principe du contradictoire, en relevant d'office la responsabilité contractuelle du Centre hospitalier, alors qu'au cours des débats, Monsieur B... n'avait invoqué que la responsabilité quasi-délictuelle, laquelle seule avait fait l'objet d'une discussion entre les parties.
Compte tenu toutefois de l'effet dévolutif de l'appel, la société appelante se prévaut ensuite de l'irrecevabilité de la demande présentée par Monsieur B... pour défaut d'intérêt à agir, dès lors que celui-ci après avoir engagé son action par acte d'huissier du 1er décembre 2004, a cessé toute activité professionnelle au sein du CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE depuis le 22 août 2005 et qu'il ne peut dès lors se plaindre d'une prétendue violation d'exclusivité, au titre d'une activité qu'il a désormais cessé d'exercer.
Au fond, la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE conclut au débouté de Monsieur B.... Elle soutient qu'il n'y a jamais eu de contrat écrit entre elle-même et Monsieur B... ; que le contrat initialement conclu entre la Clinique de la Jomayère et le Docteur D..., s'est nové en un contrat d'exercice conjoint (régularisé le 1er octobre 1998), lorsque le Docteur B... s'est associé au Docteur D.... Il n'y a jamais été question d'une quelconque exclusivité, et pas davantage lorsque le Docteur D...quittant la clinique a été remplacé par le Docteur B.... En outre lorsque la fusion devint effective, Monsieur B... se trouva de fait dans une situation qui excluait toute exclusivité, puisque trois chirurgiens orthopédistes du membre supérieur, provenant de la Polyclinique de Beaulieu exerçaient dans sa spécialité. La société appelante fait encore valoir que la contrat dont bénéficiait le Docteur D...lui conférait une activité privilégiée qui n'a pas les effets d'un activité exclusive, de sorte que le praticien ne peut s'opposer, dans le cadre du développement de la clinique, à l'embauche d'un praticien dans une spécialité similaire. Elle soutient enfin que Monsieur B... n'établit nullement que l'arrivée de Monsieur C...constituerait une rupture d'exclusivité, dès lors que ce dernier prendrait la succession d'un praticien en palce. Enfin, selon la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE, Monsieur B... ne justifierait ni de la réalité, ni du montant de son préjudice.
La société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE sollicite la condamnation de Monsieur B... à lui verser une indemnité de 5. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Dans des écritures auxquelles la Cour se réfère expressément, Monsieur B... conclut à l'absence de nullité du jugement. Il conclut également au rejet de l'exception tirée du défaut d'intérêt à agir, dès lors qu'il avait bien un intérêt né et actuel, même si par la suite il a été contraint de quitter l'établissement. Sur le fond, Monsieur B... demande la confirmation du jugement à intervenir, sauf à se voir allouer une somme supplémentaire de 100. 000 € en réparation de son préjudice moral, outre 10. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande tendant à l'annulation du jugement
Le société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE a soutenu que le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE encourait la nullité, dans la mesure où cette juridiction n'aurait pas respecté le principe du contradictoire, en relevant d'office la responsabilité contractuelle du Centre hospitalier.
S'il est exact que Monsieur B... avait déclaré agir en responsabilité contre la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, il visait expressément et presque exclusivement le non respect par cette société du contrat que le Docteur D..., auquel il avait été associé, avant de lui succéder, avait signé avec la SA Clinique de la Jomayère, société aux droits de laquelle vient actuellement, à la suite d'une opération de fusion par absorption, la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE. Monsieur B... versait le dit contrat aux débats, et la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE, comme le faisait observer à juste raison le premier juge, se défendait alors sur les deux terrains de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité contractuelle, de telle qu'il a pu, sans violer le principe du contradictoire, considérer que la question de la responsabilité contractuelle était dans les débats.
Le moyen tendant à voir prononcer la nullité du jugement sera dès lors rejeté.
Sur l'exception tirée de l'irrecevabilité de la demande pour défaut d'intérêt à agir
La société appelante se prévaut ensuite de l'irrecevabilité de la demande présentée par Monsieur B... pour défaut d'intérêt à agir, dès lors que celui-ci après avoir engagé son action par acte d'huissier du 1er décembre 2004, a cessé toute activité professionnelle au sein du CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE depuis le 22 août 2005.
Or Monsieur B... avait bien un intérêt né et actuel à agir, pour voir réparer le préjudice financier et moral qu'il estimait avoir subi du fait de la nomination par la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE d'un nouveau chirurgien dans sa spécialité, sans que la rupture ultérieure des relations entre cette société et Monsieur B..., dont les circonstances, totalement indépendantes, font l'objet d'une nouvelle instance entre les parties, ait une quelconque incidence sur l'appréciation de la faute éventuellement commise par la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE du fait de l'introduction de ce nouveau chirurgien et sur l'appréciation du préjudice qui a pu en résulter pour Monsieur B....

Sur le fond

Si aucun écrit n'est intervenu entre la SA Clinique de la Jomayère et Monsieur B... pour régler leurs relations, il est constant que le Docteur D...auquel Monsieur B... fut associé avant de lui succéder dans l'exercice de sa profession de chirurgien au sein de l'établissement hospitalier, avait conclu avec la dite société un contrat les réglementant avec précision.
Or ce contrat prévoyait expressément la faculté pour le Docteur D...de rechercher un associé ou un successeur, d'arrêter avec eux les conditions de l'association ou de la succession, puis de les présenter à la clinique.C'est précisément en vertu de ces dispositions qu'aux termes d'une délibération du Conseil d'administration du 13 mai 1998, Monsieur B... fut agréé par la Clinique de la Jomayère en qualité de chirurgien orthopédique du membre supérieur.A défaut de tout nouvel écrit, les relations de Monsieur B..., en sa qualité d'associé, puis a fortiori en sa qualité de successeur se sont nécessairement poursuivies avec la SA Clinique de la Jomayère dans les termes prescrits au contrat liant cette dernière au Docteur D..., chirurgien auquel le Docteur B... succédait officiellement.
Par ailleurs, la fusion entraînant, en application de l'article L 236-3 du Code de commerce, la transmission universelle du patrimoine des sociétés fusionnées à la société créée, le contrat qui liait ainsi la SA Clinique de la Jomayère à Monsieur B..., s'est trouvé régir, après la fusion absorption, ses relations avec la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE.
Or ce contrat prévoyait expressément que le bénéfice de cette activité exercée par le praticien au sein de l'établissement était liée à la réalisation d'un seuil minimum d'activité, la définition de se seuil se situant à 60 % sur trois mois de l'activité antérieure dans l'établissement. Ce n'est, selon les mêmes dispositions, que pour le cas où ce seuil ne serait pas atteint pendant deux mois consécutifs, que le bénéfice de cette activité tomberait de plein droit et que le praticien, après décision du Conseil d'administration, ne pourrait faire obstacle à l'activité d'un autre praticien de sa spécialité. Dans tous les autres cas, c'est au médecin de décider de l'arrivée ou non d'un confrère exerçant dans sa spécialité (comme associé ou successeur).
En l'espèce, la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE ne prouve nullement que l'activité du Docteur B... était en dessous du seuil d'activité prévu au contrat. Elle ne pouvait dès lors, sans l'accord de Monsieur B..., intégrer dans l'établissement hospitalier un autre chirurgien de sa spécialité (chirurgie orthopédique du membre supérieur)
Cette violation du dispositions contractuelles par la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE a nécessairement occasionné un préjudice économique à Monsieur B..., dès lors que l'arrivée du Docteur C...entraînait un partage de clientèle. Il n'y a pas lieu pour autant d'appliquer de manière automatique la pénalité (de 50 % des honoraires prévus au cours des 12 mois précédents), laquelle n'est du reste prévue, au contrat, que dans l'hypothèse où le conseil d'administration refuse plus de deux candidats successifs présentés par le praticien comme associé ou successeur. Le préjudice effectivement subi par Monsieur B..., eu égard aux éléments chiffrés produits aux débats, se limite en fait à la somme de 130. 000 €. Il convient de réformer en ce sens le jugement.C'est par ailleurs à bon droit que le premier juge a rejeté la demande en réparation d'un préjudice moral allégué par Monsieur B..., mais non établi.
Il est équitable d'allouer à Monsieur B..., en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une indemnité au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'il a dû exposer pour assurer sa défense en première instance et en cause d'appel.
DECISION
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rejette la demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement rendu le 5 juillet 2006 par le Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE ;
Rejette l'exception tirée du défaut d'intérêt à agir ;
Au fond, confirme le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de SAINT-ETIENNE en ce qu'il a dit que la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE avait engagé sa responsabilité à l'égard de Monsieur Hani B... ;
Le réforme sur le montant des dommages-intérêts alloués et statuant à nouveau,
Condamne la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE à payer à Monsieur Hani B... la somme de 130. 000 € à titre de dommages-intérêts et celle de 4. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, tant pour les frais exposés en première instance que pour ceux qui l'ont été en cause d'appel ;
Condamne la société CENTRE HOSPITALIER PRIVE DE LA LOIRE aux dépens de première instance et d'appel et autorise l'avoué de son adversaire à recouvrer directement contre elle les sommes dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Ct0289
Numéro d'arrêt : 06/04626
Date de la décision : 20/09/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Etienne, 05 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2007-09-20;06.04626 ?
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