ARRÊT DU 20 Septembre 2007
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 26 janvier 2006-No rôle : 2005F2307
No R.G. : 06 / 01123
Nature du recours : Appel
APPELANT :
Maître Bruno X..., mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE CONSTRUCTION ET COMMERCIALISATION (SICC) ... 69456 LYON CEDEX 06
représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour
assisté de la SCP DEYGAS PERRACHON BES et ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, Maître Marianne SAUVAIGO, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Monsieur Armand Z...... 69006 LYON
représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assisté de la SCP CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON, avocats au barreau de LYON, Maître Xavier VAHRAMIAN, avocat au barreau de LYON
Madame Caroline C... épouse Z...... 69006 LYON
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de la SCP CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON, avocats au barreau de LYON, Maître Xavier VAHRAMIAN, avocat au barreau de LYON
EN PRÉSENCE DE :
Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel 2 rue de la Bombarde 69321 LYON CEDEX 05
représenté lors des débats par Monsieur Michel GIRARD, avocat général
Instruction clôturée le 27 avril 2007
Audience publique du 21 juin 2007
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Laurence FLISE, Président Madame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DÉBATS : à l'audience publique du 21 juin 2007 sur le rapport de Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 20 septembre 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE DE CONSTRUCTION ET DE COMMERCIALISATION (SICC), s'est constituée sous forme de SARL en janvier 1999, avec pour objet social une activité de marchand de biens, achat et revente de biens immobiliers et prestations de services auprès de sociétés immobilières. En décembre 1999 elle s'est transformée en SA avec conseil d'administration au capital de 350 500 F, divisé en 3505 parts de 100 F chacune, dont 1750 détenues par Monsieur Armand Z..., et 1750 par son épouse Caroline C....
Ils ont été nommés administrateurs, ainsi que Monsieur D..., détenteur d'une action, et par ailleurs salarié de la société comme métreur et conducteur de travaux.
Monsieur Armand Z... a été désigné comme président du conseil d'administration et Madame Caroline Z... comme directeur général.
A la suite de la déclaration de cessation des paiements faite par Monsieur Z... le 18 février 2004, le tribunal de commerce de LYON par jugement du 26 février 2004 a ouvert la liquidation judiciaire de la Société SICC et désigné Maître X... comme mandataire liquidateur.
Par assignation délivrée le 4 juillet 2005, Maître X... ès qualités a saisi le tribunal de commerce de LYON d'une demande en condamnation des époux Z... et de Monsieur D... au paiement de l'insuffisance d'actif de la SICC telle qu'elle ressortira de la procédure, et à titre de provision au paiement de la somme de 1 300 000 €, outre intérêts avec capitalisation.
Par jugement du 26 janvier 2006, le tribunal de commerce a débouté Maître X... ès qualités de ses demandes à l'encontre de Monsieur D..., a condamné solidairement les époux Z... à payer à Maître X... la somme de 78 015,61 € au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif, outre intérêts au taux légal, et une indemnité pour frais d'instance.
Le 20 février 2006, Maître X... a interjeté appel des dispositions du jugement concernant les époux Z....
Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 5 avril 2007, et expressément visées par la Cour, il demande la réformation partielle du jugement et la condamnation des époux Z... solidairement ou d'entre eux qui mieux le devra, à supporter l'intégralité de l'insuffisance d'actif de la SICC telle qu'elle ressortira à l'issue de la procédure, et à payer entre ses mains la somme de 1 000 000 € à titre de provision, outre intérêts qui seront capitalisés. Il demande l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Maître X... expose que :-selon l'état des créances aujourd'hui définitif, et compte tenu notamment d'un dégrèvement fiscal de TVA, obtenu par la Société SICC le 9 mars 2007, d'un montant de 182 544 €, droits et pénalités ensemble, et d'un actif d'une valeur de 3 926 €, l'insuffisance d'actif s'élève à 1 032 931 €,-les dirigeants ont commis les fautes suivantes : ~ non respect des obligations fiscales, ~ absence de comptabilité régulière, fidèle et complète, ~ défaut de règlement des dettes sociales et retard général de paiement des dettes fiscales, ~ non respect des procédures afférentes aux conventions réglementées par le droit des sociétés, ~ actes de gestion anormaux, ~ poursuite d'une exploitation déficitaire et absence de déclaration de cessation des paiements dans les délais.
Sur les fautes fiscales, il énonce que :-un contrôle fiscal en matière exclusivement en matière de TVA commencé en avril 2004 s'est soldé en mars 2007 par un rappel de droits de 288 327 €, outre 49 999 € de majoration de mauvaise foi ;-par jugement du 3 novembre 2006, le tribunal correctionnel de LYON a condamné Monsieur Z... pour fraude fiscale sur l'action publique à une peine de 8 mois d'emprisonnement avec sursis, et à une amende de 6 000 €, avec publication du jugement, et sur l'action civile au paiement de l'impôt fraudé et des pénalités afférentes solidairement avec la SICC. ; Monsieur Z... et le Ministère Public ont interjeté appel de ce jugement.
Sur l'absence de comptabilité régulière, fidèle et complète, il indique que :-le commissaire aux comptes, Monsieur E..., a refusé de certifier les comptes de l'exercice 2002, en raison notamment : ~ du maintien non justifié d'une créance client, d'un montant de 445 937 €, correspondant à un actif fictif ; ~ de l'appréhension de la marge sur les chantiers en fonction de la méthode dite de l'avancement, au lieu de celle de l'achèvement, dérogatoire au guide professionnel des promoteurs immobiliers, conduisant à une surestimation de la marge de 150 000 € ;-l'impossibilité pour les dirigeants de produire les relevés bancaires pour la période vérifiée, une partie des actes de vente passés par la Société et les pièces comptables et extra-comptables des mois de janvier et février 2004 ;-la communication des livres journaux pour les exercices 2002 et 2003 le 8 octobre 2004, trois mois après que la demande en ait été faite.
Sur le défaut de règlement des dettes sociales, Maître X... mentionne que :-les déclarations de créance de la CAPICAF (caisse de retraite des cadres) et de PREMALLIANCE incluent des arriérés remontant au 4ème trimestre 2002 ;-l'ORGANIC a déclaré la contribution sociale de solidarité pour l'année 2003 ;-l'URSSAF a déclaré une créance supérieure à 10 000 € au titre des cotisations des 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2003 ;-ces déclarations n'ont pas été contestées.
Sur le retard de paiement des dettes fiscales, il indique que :-aucun reversement de TVA n'a été effectué à compter du mois de juin 2003,-la taxe professionnelle pour 2002 n'a pas été réglée,-la COURLY a déclaré des taxes d'urbanisme pour des affaires traitées pour certaines en 2000 et 2001, pour un montant de 82 000 €.
Sur le non respect du droit des sociétés, il expose que deux conventions n'ont pas été soumises à l'autorisation préalable du conseil d'administration, en violation des dispositions des articles L 225-38 et suivants du code de commerce :-l'acquisition par Monsieur D... d'une villa en juin 2002 ;-les prestations et les frais de commercialisation facturés le 31 décembre 2002 pour plus de 348 000 € par la SICC à la S.C.I. NACRE, dont les époux Z... sont associés et co-garants, sans qu'aucune justification économique ait été apportée concernant leur réalité et leur montant, ce qui a conduit au refus du commissaire aux comptes de certifier les comptes de l'exercice (cf supra).
Comme actes anormaux de gestion, Maître X... signale :-des avoirs établis au profit de la S.C.I. NACRE pour un montant supérieur à 165 000 € au 30 juin 2003,-la passation en décembre 2003 d'écritures de ré-affectation diverses ayant soldé le compte de la S.C.I. NACRE,-le transfert sans contrepartie au profit de la S.C.I. NACRE d'un permis de construire obtenu par la SICC auprès de la Mairie de BRON, et sans autorisation du conseil d'administration,-l'existence et le fonctionnement du compte courant d'une SCI ALLENDE, dont les époux Z... sont également co-gérants et associés,-les étrangetés du fonctionnement du compte de Monsieur Z..., qui fait apparaître trois virements inexpliqués de 45 735 € chacun le 10 janvier 2002, et en décembre 2003 trois opérations de ré-affectation, l'une au débit, deux autres au crédit, également inexpliquées.
Maître X... dénonce des flux financiers anormaux utilisés pour se procurer du crédit artificiellement, et l'utilisation par les dirigeants de leur compte courant comme un compte bancaire sur lequel ils se faisaient payer par priorité ce qu'ils estimaient leur être dû sans égard pour les autres créanciers, et il mentionne l'usage de deux véhicules de marque portés par la SICC, et l'état des inscriptions des privilèges mobiliers.
Sur la déclaration tardive de la cessation des paiements, il rappelle l'obligation faite par l'article L 621-1, al. 2, ancien, applicable en l'espèce, aux dirigeants de déposer le bilan dans les 15 jours suivant la cessation des paiements.
Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe le 13 avril 2007, et expressément visées par la Cour, les époux Z... faisant appel incident demandent à la Cour de réformer le jugement du tribunal de commerce, de dire qu'ils n'ont commis aucune faute de gestion, et de rejeter l'ensemble des prétentions de Maître X... ès qualités. Ils demandent l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en leur faveur.
Ils rappellent que l'activité de la société, qui consistait à acquérir des parcelles de terrain pour y construire des habitations et à les vendre en l'état futur d'achèvement, a prospéré jusqu'en 2002, mais que le POS de la COURLY adopté le 26 février 2001 a été annulé une première fois le 4 février 2002, puis, après infirmation du jugement d'annulation par la Cour d'appel administrative de LYON, à nouveau annulé le 18 février 2003, ce qui a affecté l'activité de la SICC, comme celle de l'ensemble des sociétés du secteur.
Sur les fautes qui leur sont reprochées, ils exposent que :-le contrôle fiscal de TVA est entaché d'erreurs ;-les déclarations de TVA pour la période de juillet 2003 à février 2004 ont été faites ;-le règlement de la TVA a été empêché par la " gestion indépendante par les banques de chacune des opérations immobilières ", qui se remboursaient ainsi en priorité ;-les éléments comptables nécessaires à la vérification fiscale ont été adressés à Maître X... le 24 juin 2004, et les livres journaux et les factures fournisseurs le 25 août 2004, de même que certains actes de vente ;-la créance sur la S.C.I. NACRE figurant à l'actif du bilan de l'exercice 2002, pour un montant respectivement de 445 937 € correspondait à des opérations économiques réelles : ~ la sous-traitance d'un dossier de construction à BRON par la S.C.I. NACRE qui n'avait pas la logistique nécessaire pour assurer le suivi ; ~ l'extension du partenariat des deux sociétés à d'autres projets en cours ;-les avoirs consentis à la S.C.I. NACRE en juin 2003, d'un montant de 150 733 € s'expliquent par le fait que la SICC n'a pu achever l'ensemble de sa mission, et correspondent aux prestations non réalisées ; la S.C.I. NACRE s'est acquittée du solde de sa dette, d'un montant de 183 293 € en réglant directement les fournisseurs de la SICC ;-le calcul de la marge par la méthode dite de l'avancement présente l'avantage de refléter l'activité de la société, mais il peut exister un écart avec la marge définitive compte tenu des aléas d'un chantier ;-la créance de la COURLY au titre des taxes d'urbanisme concerne principalement la taxe d'équipement, à la charge des acquéreurs selon les contrats de la SICC, qui n'a pas été payée par certains d'entre eux, et qui est réclamée à la SICC ;-la créance de l'URSSAF est erronée : les cotisations ont été en tout ou partie réglées ;-les conventions passées par la SICC avec d'une part Monsieur D..., et d'autre part avec la S.C.I. NACRE ne présentaient aucun caractère anormal et n'ont pas porté préjudice à la Société, et lui ont même profité ;
-les opérations avec la S.C.I. ALLENDE, dont ils sont les gérants, n'ont rien de suspect : cette dernière a apporté à la SICC la somme de 58 511 €, pour partie en réglant certains fournisseurs de la SICC ; la S.C.I. ALLENDE a par ailleurs réglé le solde de la créance de la S.C.I.. NACRE sur la SICC d'un montant de 14 221,42 € ; les écritures passées le 31 décembre 2003 régularisent ces opérations en procédant à des ré-affectations sur les différents comptes concernés ;-les trois versements de 45 735 € chacun sur le compte de Monsieur Z... le 10 janvier 2002 correspondent aux sommes prélevées sur la ligne de crédit que leur a consentie la CAISSE D'EPARGNE le 5 novembre 2001, et affectées aux opérations immobilières conduites par la SICC ; elles correspondent donc à des apports.
Enfin, ils contestent avoir poursuivi une activité déficitaire.
Par conclusions du 27 avril 2007, et expressément visées par la Cour, le Ministère Public, faisant siennes en large part les conclusions du mandataire liquidateur, sollicite l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation des époux Z... au versement d'une somme de 1 million d'euros à titre provisionnel en couverture de l'insuffisance d'actif de la SICC. Il ajoute que le tribunal de commerce ne pouvait s'approprier un pouvoir de contrôle de la régularité des procédures de contrôle fiscal.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2007.
SUR CE
Il résulte de l'article 191, 5o, de la loi no2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que les dispositions nouvelles du chapitre 1er du titre V du livre VI du code de commerce, relatives aux responsabilités et aux sanctions, s'appliquent aux procédures en cours au 1er janvier 2006, à l'exception de l'article L. 651-2 relatif à la responsabilité des dirigeants pour insuffisance d'actif. Il s'ensuit que l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi précitée, demeure applicable aux dirigeants d'une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective ouverte antérieurement au 1er janvier 2006. En application de l'alinéa 1 du dit article : " Lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ou par certain d'entre eux ".
En l'espèce, selon les éléments au dossier, compte tenu du dégrèvement consenti par l'administration fiscale le 9 mars 2007 d'une part, et de la fixation définitive de la créance de la Société ALANGE à la somme de 35 800 € d'autre part, le passif définitif de la société SICC s'élève à 1 036 857 €, alors que l'actif disponible retrouvé a une valeur de 3 926 €.
Dans leurs écritures, les époux Z... disent qu'il s'agit d'un montant maximum " si tant est que toutes les créances soient fondées, ce qui n'est pas le cas ", mais ne s'expliquent pas sur la réserve ainsi formulée, et en tout cas ne contestent pas le caractère définitif de l'état des créances versé aux débats et signé le 22 février 2005 par le juge commissaire.
L'insuffisance d'actif à hauteur de plus d'un million d'euros est donc établie.
Sur les obligations fiscales
Les réclamations des époux Z... concernant le montant de la TVA ont été acceptées partiellement par l'administration fiscale qui a consenti un dégrèvement de 182 544 €, mais il n'en demeure pas moins une créance fiscale définitive de 288 327 € au titre du rappel de droits, outre 49 999 € de majorations de mauvaise foi, consécutive selon la proposition de rectification de l'inspecteur des impôts du 4 novembre 2004 à :-la non déclaration de la TVA pour la période du 1er juillet 2003 au 26 février 2004, qui précise par ailleurs que les déclarations ont été présentées le 30 juin 2004 lors de la première intervention, mais qu'elles n'ont pas été déposées auprès de la recette des impôts compétente ; la production dans la présente instance par les époux Z... de la copie des déclarations litigieuses ne constitue pas la preuve de leur envoi à l'administration fiscale en temps utile ;-des déductions de TVA anticipées, c'est à dire que la Société a déduit de la TVA versée au fisc la TVA de factures de fournisseurs qu'elle n'avait pas encore payées, ce qui n'est pas contesté ;-à partir du mois de juin 2003 le non paiement de la TVA collectée, ce qui est reconnu par les époux Z..., qui ne peuvent se retrancher derrière les agissements des banques pour s'exonérer de leur responsabilité de dirigeants.
Sur la comptabilité
Il est constant que le commissaire aux comptes de la société a refusé de certifier les comptes de l'exercice 2002 au motif de l'inscription à l'actif de deux créances clients :-la première sur la S.C.I. NACRE, d'un montant de 348 248,43 €-la seconde sur un dénommé PORO, d'un montant de 97 689,02 € soit d'un montant global de 445 937,45 €, pour un chiffre d'affaires global de la Société de 3 385 973 € en 2002.
Selon les explications des époux Z..., courant 2002 la SICC, du fait qu'elle n'a pas pu obtenir de ses banques le financement de l'opération, a transféré à la S.C.I. NACRE le bénéfice de deux compromis de vente de parcelles situées sur la Commune de BRON et les permis de construire afférents, et s'est vue confier par cette dernière des études et travaux en sous-traitance, qui ont fait l'objet de marchés et de factures qui fondent sa créance.L'inscription en créances clients à la fin de l'exercice 2002 de l'intégralité du montant des marchés sur la base de factures toutes datées, du no 81 au no 89, du 31 décembre 2002 est critiquable, comme l'a relevé le commissaire aux comptes, d'autant plus que selon les marchés de travaux, versés aux débats par les époux Z..., non datés mais afférents aux factures no 81 à 89, l'ensemble des contrats étaient soumis à au moins deux conditions suspensives :-que la S.C.I. NACRE soit propriétaire des lots,-que l'arrêté de permis de construire soit notifié et purgé du recours des tiers, ce qui constituait un facteur d'incertitude.. Ensuite, il convient de relever que deux marchés seulement concernent des parcelles situées à BRON, et que l'explication donnée par les époux Z..., concernant le montage réalisé, ne vaut pas pour les autres marchés.
De plus le commissaire aux comptes dans son rapport sur les comptes de l'exercice 2002 a contesté l'appréhension de la marge sur ces marchés selon la méthode dite de l'avancement, au lieu de celle de l'achèvement, qui a conduit à une surestimation de 150 000 €, montant qui correspond du reste à peu près au montant des avoirs qui seront consentis courant 2003 à la S.C.I. NACRE sur certains de ces marchés, comme exposé infra.
Ces éléments, qui ont conduit à une surestimation du chiffre d'affaires, et permis d'afficher en 2002 un résultat positif de 5 592 € au lieu d'une perte d'au moins 100 000 €, établissent une faute de gestion.
Enfin les documents comptables afférents aux deux premiers mois de 2004 n'ont pas été produits.
Sur le non paiement des dettes fiscales et sociales
Il a été indiqué supra que la TVA n'a plus été payée après le mois de juin 2003.
Un certain nombre de taxes d'urbanisme dues à la COURLY n'ont pas été payées, et ont été déclarées au passif privilégié. Le fait que les contrats de vente de la SICC mettaient les taxes d'équipement à la charge des acquéreurs n'est pas de nature à exonérer les dirigeants de leur responsabilité dans le non paiement à la collectivité territoriale des sommes dues par la Société.
Les époux Z... ne s'expliquent pas sur le non paiement, des créances de la CAPICAF et de PREMALLIANCE, incluant des arriérés remontant au 4o trimestre 2002 pour la première, et au début de l'année 2003 pour la seconde, ni sur le non paiement à l'ORGANIC de la contribution sociale de solidarité pour l'année 2003, ni sur le non paiement de la taxe professionnelle 2002, selon les déclarations de créances versées aux débats.
Enfin, la créance déclarée par l'URSSAF d'un montant de 10 078 € au titre des 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2003 et du 1er trimestre 2004, n'a pas été contestée dans le cadre de la vérification des créances, et a été définitivement admise. Dans la présente instance, les époux Z... se limitent à mentionner un paiement de 4 000 € en août 2003 sans en justifier.
Sur les conventions réglementées
Les accords et marchés conclus courant 2002 entre la SICC d'une part et la S.C.I. NACRE d'autre part, dont les époux Z... étaient également associés et co-gérants, qui ont justifié l'inscription au compte client de l'exercice 2002 d'une créance de la première sur la seconde de plus de 348 000 €, dans les conditions rappelées ci-dessus, n'ont pas été autorisées dans les conditions prévues par les articles L. 225-38 et suivants du code de commerce, relatifs aux conventions entre la société et une entreprise dont ses dirigeants sont les administrateurs, les directeurs généraux ou les gérants. Les conditions dans lesquelles ces marchés ont été conclues, telles qu'exposées supra, en établissent le caractère anormal.
Sur les actes de gestion anormaux
Ils concernent d'abord la S.C.I. NACRE, qui :-en décembre 2002, s'est trouvée débitrice de la SICC de la somme de 348 248 € dans les conditions rappelées ci-dessus,-entre avril et juin 2003, s'est retrouvée bénéficiaire d'avoirs sur les marchés no81,85,86,87,88 et 89, d'un montant global de 150 733 € selon les époux Z..., de 165 000 € selon Maître X..., en raison, selon les premiers, de la non réalisation des travaux, ou de leur exécution partielle, mais sans qu'aucun justificatif, situation ou état détaillé des travaux effectués, ne soit versé aux débats ;-aurait, selon les époux Z..., réglé le solde de sa dette, en payant directement les fournisseurs de la SICC à hauteur de 183 293,65 €, mais aucun justificatif n'est produit, hormis le relevé de compte de la S.C.I. NACRE dans les livres de la SICC ;-a vu son compte qui présentait un solde débiteur de 14 221,42 € au 31 décembre 2003 soldé par une écriture de " ré-affectation ", qui s'est traduite selon les époux Z... par l'inscription de la somme au crédit de leur compte courant.
Il en résulte en tout cas que dans des conditions discutables et non justifiées, la S.C.I. NACRE, qui se trouvait débitrice de sommes importantes envers la SICC encore en juin 2003, sans que leur réalité économique ait été justifiée, s'est retrouvée ne plus rien lui devoir à la veille du dépôt de bilan. Par ailleurs, il convient de rappeler la cession des compromis de vente des parcelles de BRON sans contrepartie.
Ensuite en ce qui concerne la S.C.I. ALLENDE, dont les époux Z... sont associés et gérants, les écritures comptables mentionnent l'inscription au crédit du compte de cette société d'une somme globale de 58 511 €, afférente à un apport en compte courant d'une part et au règlement de fournisseurs de la SICC d'autre part. Le compte a été soldé par un jeu d'écritures de ré-affectation, exposées par les époux Z... dans leurs écritures, mais qui ne sont justifiées par aucune pièce au dossier, hormis les extraits du compte de la S.C.I. ALLENDE dans les livres de la SICC. En tout cas, elles ont abouti là encore à ce qu'aucune somme ne soit due par la première à la seconde à la veille du dépôt de bilan.
Enfin en tout cas à compter du mois de juin 2003, la SICC, qui a cessé de payer de nombreuses et importantes dettes fiscales et sociales et de son propre aveu a perdu des marchés, a poursuivi une exploitation déficitaire.
En conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs formulés, il résulte des éléments ci-dessus des manquements graves des époux Z... à leurs obligations de dirigeants, et la preuve de la poursuite après 2002 d'une activité largement déficitaire. Il sera donc fait droit à la demande de Maître X... ès qualités.
Le jugement sera donc confirmé en son principe.
En revanche, il convient de fixer l'obligation des époux Z... au comblement du passif à une somme supérieure à celle fixée par le tribunal, qui, il faut le relever, est sorti de son domaine de compétence quand il a porté des appréciations sur le caractère prétendument non contradictoire du contrôle fiscal, appréciations de surcroît inexactes à la lecture du rappel de la procédure de vérification fait dans la lettre de redressement.
Au vu des éléments ci-dessus, la Cour condamnera solidairement les époux Z... à supporter l'insuffisance d'actif, mais à hauteur de 600 000 € seulement, pour tenir compte des quelques abandons de créances qu'ils ont consentis. La somme portera intérêt au taux légal à compter de la présente décision et les intérêts seront capitalisés dès lors qu'ils seront dus pour une année entière.
Il sera fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en faveur de Maître X... ès qualités. Les époux Z... seront déboutés de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La Cour ;
Infirme le jugement déféré quant au montant de la somme à laquelle les époux Z... ont été condamnés ;
Condamne les époux Z... solidairement à payer à Maître X... ès qualités la somme de 600 000 €, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
Dit que les intérêts seront capitalisés dès lors qu'ils seront dus pour une année entière ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Condamne les époux Z... à payer à Maître X... ès qualités la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Les déboute de leur demande à ce titre ;
Les condamne aux dépens, qui seront distraits au profit de la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués sur son affirmation de droit.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT J. POITOUX L. FLISE