R.G : 07 / 04900 07 / 05040
décision du Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE Ord. référé 2007 / 423 du 11 juillet 2007
COUR D'APPEL DE LYON
8ème Chambre Civile
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ARRÊT du 09 Août 2007
APPELANT :
COMITÉ CENTRAL D'ENTREPRISE DE LA SERCA représenté par Monsieur Jacques X... 24, rue de la Montat 42100 SAINT-ETIENNE
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me BILLET, avocat
INTIMEE :
SAS SERCA représentée par ses dirigeants légaux 24, rue de la Montat 42100 SAINT-ETIENNE
représentée par la SCP LAFFLY-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me CHANAL, avocat de la SCP AGUERA, avocat
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Audience de plaidoiries du 01 Août 2007
La huitième chambre de la COUR d'APPEL de LYON,
composée lors des débats et du délibéré de :
* Henry ROBERT, président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries, * Dominique DEFRASNE, conseiller, * Marie-Pierre GUIGUE, conseillère, désignés par ordonnance de Monsieur le premier président en date du 16 janvier 2007,
assistés lors des débats tenus en audience publique par Malika CHINOUNE, greffière,
a rendu l'ARRÊT contradictoire suivant :
EXPOSE DU LITIGE
La société SERCA, filiale du groupe CASINO spécialisée dans l'activité de service après-vente de l'électroménager exploite différents établissements dénommés centre techniques régionaux qui travaillent pour les magasins CASINO de leur zone.
Envisageant de fermer le centre technique régional d'Annecy-Seynod, où travaillaient 51 salariés dont 26 susceptibles de faire l'objet d'un licenciement collectif, la société SERCA a convoqué le comité central d'entreprise le 19 mars 2007 en vue de son information et de sa consultation sur les projets de fermeture du centre d'Annecy et de plan de sauvegarde pour l'emploi mis en place à cette occasion.
Le comité d'entreprise a ensuite été convoqué pour une réunion du 10 mai 2007, au cours de laquelle a été présenté le rapport rédigé par le cabinet SYNDEX puis pour une réunion du 24 mai, qui a ensuite été reprise le 1er juin 2007.
Au cours de cette dernière réunion, l'avis du comité d'entreprise a été recueilli alors qu'à la suite d'une demande de suspension de séance, n'y siégeait plus qu'un seul membre du personnel, M.Y... (dont la qualité est aujourd'hui contestée).
Par acte des 15 et 18 juin 2007, le comité central d'entreprise a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Étienne pour voir prononcer la suspension et la reprise à son début de la procédure d'information et de consultation engagée par la société SERCA.
Par une ordonnance du 11 juillet 2007, le président du tribunal de grande instance de Saint-Étienne a principalement :-déclaré irrecevables les demandes du comité relatives à la suspension de la totalité de la procédure comprenant les réunions des 27 mars,10 mai et 24 mai, en ce que le délai de 15 jours prévu par l'article L. 321-1-6 du code de travail était écoulé ;-déclaré recevable la demande de suspension de la procédure d'information et de consultation quant à la réunion de reprise du 1er juin 2007 ;-constaté que le comité central d'entreprise avait émis un avis régulier au cours de la réunion du 1er juin 2007, clôturant ainsi la procédure d'information et de consultation,-déclaré que cet avis n'avait pas pour effet de rendre irrecevables les demandes en justice tendant à la suspension de la procédure,-déclaré l'obligation de l'employeur de délivrer une information complète et loyale légalement exécutée,-déclaré que les consultations triennales et annuelles des articles L. 432-1-1 et L. 320-2 du code du travail étaient indépendantes de la consultation obligatoire dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif,-donné acte à la société SERCA de ce que les deux emplois du livreurs étaient exclus du cadre de la procédure de licenciement économique,-débouté le comité central d'entreprise de sa demande tendant à la suspension de la procédure d'information et de consultation et mis les dépens à sa charge.
Le comité central d'entreprise de la société SERCA a relevé appel selon déclarations des 17 et 20 juillet 2007.
Sur sa requête aux fins d'assignation à jour fixe, la cause a été fixée à l'audience du premier août 2007.
Par ses conclusions du 24 juillet 2007, le comité central d'entreprise, représentée par Jacques X..., demande à la cour, après avoir jugé son action recevable, de réformer l'ordonnance du 11 juillet 2007 et de :-dire qu'aucun avis n'a pu être valablement rendu au cours de la réunion du 1er juin 2007 et ordonner la suspension de la procédure d'information et de consultation du comité central d'entreprise et sa reprise en son début,-dire que l'information communiquée était incomplète, déloyale et non conforme à la réalité et ordonner la suspension de la procédure et sa reprise en son début, ou tant que la société ne lui communiquera pas : les documents indispensables à son information loyale, notamment relatifs aux projets immobiliers prévus pour le site et à la recherche de nouveaux locaux les éléments de bilan et de prévision en matière de gestion des emplois et des compétences,-interdire toute poursuite de la procédure de licenciement collectif pour motif économique engagée et prononcer la nullité des licenciements déjà notifiés,-condamner la société SERCA à lui verser une indemnité de procédure de 4000 €.
Le comité central d'entreprise maintient être recevable à contester la régularité de l'ensemble de la procédure de consultation, dès lors qu'il a agi dans les 15 jours de la réunion du 1er juin 2007, ce qui exclut toute prescription en vertu de l'article L. 321-16 du code du travail.
Il soutient qu'aucun avis n'a été valablement rendu par le comité lors de la réunion du 1er juin 2007 puisque précisément il ne disposait pas de réponse aux 20 questions transmises par lui le 27 mars 2007 ce qui a conduit l'ensemble des membres du comité à l'exception d'un seul à quitter la salle de réunion. Il considère qu'après cette suspension la séance n'a jamais été valablement reprise ce qui aurait supposé de la part du président de procéder au remplacement des titulaires absents. Il affirme que M.Y..., resté seul comme membre du comité n'a en réalité jamais été valablement élu, en l'absence de toute opération électorale organisée au centre de Saint-Rémy, où il travaille.
L'appelant ajoute qu'aucun procès-verbal valable n'est produit pour confirmer l'avis qui aurait été émis le 1er juin 2007.
En second lieu, le comité central d'entreprise soutient que la société SERCA a étendu de manière unilatérale et tardive le champ d'application du licenciement collectif aux livreurs, qui ont été convoqués par la cellule de reclassement et ont reçu une proposition de mutation : elle en déduit que la consultation du comité d'entreprise ne peut donc être valable puisqu'elle a porté sur une restructuration et un plan de sauvegarde pour l'emploi différents de ceux effectivement mis en oeuvre. Elle ajoute que les postes de livreurs ont bien été supprimées et qu'il importe donc peu que la société SERCA ait demandé acte devant le premier juge de l'exclusion des livreurs du périmètre du licenciement.
En troisième lieu, le comité central d'entreprise fait valoir que l'information reçue n'a pas été complète, loyale et adaptée comme il est prescrit à l'article L. 431-5 du code du travail.
Il estime en particulier qu'il en est ainsi de la question du prix de l'immobilier, invoquée par la société SERCA et de l'utilisation envisagée des locaux dont a fait état la société SERCA ; il se réfère sur ce point à un avis du cabinet SYNDEX à propos des causes réelles de la restructuration et à l'appréciation de la direction du travail quant au caractère insuffisamment précis des explications fournies.
De façon plus générale, l'appelant indique qu'il n'a pas été répondu de manière claire et précise à ses demandes d'éclaircissement ou de documents justificatifs, faites notamment le 27 mars 2007.
En quatrième lieu, il fait grief à la société SERCA d'une absence d'information complète, adaptée et loyale en lien avec la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, dispositif institué à l'article L. 320-2 du code du travail par la loi du 18 janvier 2005 ; il relève que pas davantage il n'a été saisi en application de l'article L. 432-1-1 du code du travail prévoyant une information sur les prévisions annuelles et les actions de prévention et de formation de l'employeur.
Il se réfère à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 mars 2007 qui, selon lui, justifie la suspension de la procédure d'information et de consultation des livres III et IV tant que l'entreprise n'a pas respecté ses obligations d'information de l'article L. 432-1-1 et de négociation de l'article L. 320-2 du code de travail ; il considère plus précisément que la fourniture des informations et la consultation prévue par ces textes étaient nécessaires à l'appréciation par le comité d'entreprise de tout projet de réorganisation ayant une incidence sur l'emploi.
Le comité central d'entreprise affirme que la mise en oeuvre d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences était d'autant plus nécessaire de la part de la société SERCA qu'elle évolue sur un marché sujet à des mutations technologiques constantes de nature à bouleverser les métiers du secteur ; il rappelle avoir lui-même fréquemment interrogé l'entreprise à propos de sa stratégie et de sa place au sein du groupe CASINO et avoir attiré son attention sur l'intérêt de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Il en déduit que l'absence de négociation sur ce thème a rendu son information nécessairement incomplète et inadaptée, voire déloyale, l'ensemble caractérisant un trouble manifestement illicite qui doit être sanctionné par la suspension de la procédure de consultation.
De son côté, la SAS SERCA demande à la cour, à titre principal, de rejeter comme irrecevables les prétentions du comité central d'entreprise après avoir constaté qu'il a exprimé son avis lors de la réunion du 1er juin 2007 et que la procédure de consultation a été achevée par la notification régulière des licenciements.
À titre subsidiaire, elle conclut au rejet des demandes tendant à la critique de l'ordre du jour de la réunion du 27 mars 2007 et à la tenue des réunions des 27 mars et 12 mai 2007 et, plus subsidiairement au rejet comme mal fondé de l'ensemble des demandes du comité d'entreprise.
Elle entend voir constater que les livreurs du centre de traitement régional d'Annecy ne sont pas intégrés dans le plan de restructuration.
L'intimée soutient en premier lieu que la demande est irrecevable en raison de son défaut d'objet puisque la procédure de consultation est achevée et les licenciements régulièrement notifiés, ce qui exclut toute notion de suspension.
La société SERCA considère en effet que le comité central d'entreprise a valablement donné un avis lors de la réunion du 1er juin 2007, même si un seul élu est resté en séance, les autres ayant souhaité quitter la réunion ; elle fait valoir que la composition du comité central d'entreprise ne saurait aujourd'hui être contestée en ce qui concerne M.Y..., alors qu'en l'absence de contestation de sa désignation dans les délais légaux, cette opération est définitivement purgée de tout vice ; elle ajoute que M.Y... se trouvait élu titulaire de plein droit comme seul membre relevant de l'encadrement affilié à l'organisation syndicale représentant l'encadrement au sein de l'établissement de Saint-Rémy, choisi par le directeur départemental du travail pour désigner le représentant de l'encadrement.
La société SERCA fait observer pour mémoire que la demande est également irrecevable en ce qu'elle tend à la reprise de la procédure depuis son origine ; elle se fonde à cet égard sur les dispositions de l'article L. 321-16 du code du travail.
Elle conclut encore, subsidiairement à l'irrecevabilité des prétentions relatives à la nullité des licenciements qu'elle estime nouvelles en cause d'appel et distinctes de la demande initiale de suspension de la procédure de consultation. Elle ajoute que le juge des référés est dépourvu du pouvoir de réparer un dommage et donc de prononcer l'annulation de la rupture déjà consommée d'un contrat de travail.
En second lieu, et toujours à titre subsidiaire, la société SERCA fait valoir que la procédure de négociation triennale instituée par la loi du 18 janvier 2005 en matière de gestion prévisionnelle des emplois des compétences (article L. 320-2 du code du travail) et parfaitement indépendante de la mise en oeuvre des procédures d'information et de consultation au titre des livres III et IV du code du travail en cas de projet de réorganisation et de licenciement économique collectif ; elle fait état à ce propos d'une jurisprudence qu'elle estime largement dominante, ayant considéré, à l'inverse de la décision de la cour d'appel de Paris dont se prévaut l'appelant, que la gestion prévisionnelle de l'emploi des compétences ne constitue pas un préalable obligé à la mise en oeuvre d'un licenciement collectif pour motif économique. Elle ne se réfère également à des opinions doctrinales allant dans le même sens et elle relève que le même avis a été constamment émis en ce qui concerne la procédure d'information prévue à l'article L. 432-1-1 du code du travail (information et consultation annuelle du comité d'entreprise sur les prévisions sur l'évolution de l'emploi et des qualifications et les prévisions de l'employeur).
Elle souligne qu'en fait le groupe CASINO a bien engagé dans le délai légal les négociations sur la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences.
Plus subsidiairement et en troisième lieu, l'intimée affirme avoir satisfait à ses obligations résultant des articles L. 432-1 et L. 431-5 du code du travail c'est à dire la fourniture d'une information précise et écrite, l'aménagement d'un délai d'examen suffisant pour le comité d'entreprise et la réponse aux observations de celui-ci. Elle rappelle que dès lors que l'employeur a respecté ses obligations, le comité central d'entreprise ne peut entraver la procédure en refusant de tenir une réunion régulièrement convoquée ou d'exprimer son avis. Elle observe que le chef d'entreprise n'est pas davantage tenu de déférer à toutes les demandes du comité d'entreprise.
La société SERCA fait valoir qu'en fait pour exprimer leur avis lors de la réunion du 1er juin 2007, les élus du comité central d'entreprise disposaient de la note économique d'origine, du projet de plan de sauvegarde de l'emploi, du rapport du cabinet SYNDEX et d'un document d'information complémentaire comportant une liste de réponses à ses questions c'est-à-dire d'éléments d'information complets ; elle relève que les questions évoquées dans l'assignation du comité central d'entreprise n'ont pas trait à l'information elle-même mais portent sur la contestation de la décision de gestion de l'entreprise et la preuve des projets évoqués par le groupe CASINO. Elle fournit néanmoins différentes explications sur ces questions, et notamment sur le motif économique et les éléments immobiliers ; elle indique ainsi justifier du congé donné par l'immobilière CASINO et de la réalité du projet d'agrandissement du Géant CASINO d'Annecy.
Enfin, quant à la situation des livreurs, elle indique que le projet présenté aux élus les exclut expressément des conséquences de la restructuration et que les débats intervenus à propos de deux livreurs du centre d'Annecy ne peuvent donc vicier l'information et la consultation du comité d'entreprise mais pourraient seulement donner lieu à une interdiction de mise en oeuvre à l'égard des salariés concernés ; elle rappelle toutefois qu'elle a demandé acte au premier juge de ce qu'elle cesserait pour l'avenir toute démarche à l'égard des deux livreurs concernés, engagement qu'elle a respecté puisqu'ils ne figurent nullement parmi les salariés licenciés. Elle réitère en tant que de besoin cet engagement.
SUR CE, LA COUR :
Attendu, sur la recevabilité, que contrairement à ce que soutient la société SERCA, les demandes du comité central d'entreprise ne sont pas dépourvues d'objet puisque l'ensemble des licenciements n'a pas été notifié, le processus se trouvant encore en cours pour les salariés protégés ; que l'expression d'un avis par le comité central d'entreprise, s'il clôt la procédure de consultation, ne saurait priver la juridiction des référés du pouvoir d'ordonner la suspension de la poursuite des licenciements, si les conditions d'application de l'article 809 alinéa premier du nouveau code de procédure civile étaient réunies ; qu'ainsi le comité central d'entreprise dispose d'un intérêt à agir, de sorte que la fin de non-recevoir invoquée ne peut être admise ;
Qu'en revanche, il n'est pas contesté que la demande tendant au prononcé de la nullité des licenciements déjà notifiés est nouvelle en cause d'appel ; qu'elle est distincte par son objet des prétentions exprimées en première instance, et par suite irrecevable en vertu de l'article 564 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu enfin que si le comité central d'entreprise ne reprend pas l'argumentation développée en première instance pour contester la régularité de la première réunion de consultation du 27 mars 2007, il sollicite toujours que soient ordonnées, avec la suspension de la procédure d'information et consultation, la reprise de celle-ci à son début ;
Que le premier juge a justement déclaré irrecevable une telle prétention, en application de l'article L. 321-16 du code du travail, selon lequel toute action en référé portant sur la régularité de la procédure de consultation doit, à peine d'irrecevabilité, être introduite dans un délai de 15 jours suivant chacune des réunions du comité d'entreprise ; qu'en fonction de la date des assignations, il a estimé à bon droit que la demande était seulement recevable en ce qu'elle tendait à la suspension de la procédure à compter de la réunion de reprise du 1er juin 2007 ;
Attendu, sur le fond, quant à l'existence et la validité de l'avis émis lors de cette réunion du 1er juin 2007, il ressort du compte-rendu qui en a été établi que la plupart des membres du comité central d'entreprise, à l'exception de l'un d'entre eux, Daniel Y..., ont refusé de reprendre la séance comme ils y avaient été invités par le président du comité, après qu'il ait accordé une courte suspension de séance ; que dès lors que demeurait en séance un membre du comité, l'absence volontaire des autres ne pouvait entacher d'irrégularité les délibérations suivantes du comité dans la même séance, et n'imposait pas au chef d'entreprise de procéder à une nouvelle convocation du comité et notamment de ses membres suppléants ;
Attendu que la qualité de membre du comité central d'entreprise de Daniel Y... n'est pas utilement discutée par l'appelant ; qu'en effet, il ressort du procès-verbal de la réunion du comité d'établissement de Saint-Rémy du 19 janvier 2007 que Daniel Y... a été élu titulaire pour le collège encadrement ; que cette désignation n'aurait pu être contestée, notamment en raison d'éventuelles irrégularités des modalités de vote, que dans le délai de quinzaine prévue à l'article R. 433-4 du code du travail, applicable aux opérations de désignation des membres du comité central d'entreprise en vertu de l'article R. 435-1 du même code ; qu'aucune contestation de cette sorte n'a été introduite en temps utile, alors que Daniel Y... a constamment siégé comme membre du comité central d'entreprise depuis mars 2007 au moins ;
Qu'il en résulte que l'avis du comité central d'entreprise a été valablement exprimé au cours de la réunion du 1er juin 2007 comme l'a retenu le premier juge ;
Attendu, sur le défaut d'information complète, loyale et adaptée, allégué par le comité central d'entreprise, qu'en premier lieu, le comité central d'entreprise ne tient d'aucune disposition légale le droit d'exiger que la négociation triennale sur la gestion prévisionnelle de l'emploi des compétences (article L. 320-2 du code du travail) et la consultation annuelle obligatoire relative à la fourniture d'éléments de bilan et de prévision en matière de gestion de l'emploi instituée par l'article L. 432-1-1 du même code aient été mises en oeuvre avec succès avant tout engagement d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique ; que ces processus de négociation et de consultation, s'ils visent notamment pour le premier à prévenir des licenciements économiques, comportent pour l'employeur des obligations distinctes et autonomes par rapport à la consultation du comité d'entreprise prévue en cas de projet de licenciement, dont ils ne constituent pas un préalable nécessaire ;
Que pas davantage l'appelant n'est fondé à prétendre que la fourniture des informations susceptibles d'être recueillies dans le cadre des procédures des articles L. 320-2 et L. 432-1-1 du code du travail soit indispensable à son appréciation du projet de réorganisation impliquant des licenciements, dès lors que celle-ci peut être portée sur la base d'éléments spécifiquement rassemblés à l'occasion du projet soumis à consultation, en l'espèce la fermeture du centre technique régional d'Annecy Seynod ; que tel a d'ailleurs été l'un des objets du rapport d'expertise Syndex que de fournir au comité d'entreprise une vision globale et élargie des perspectives de la société SERCA ;
Attendu en second lieu, quant à l'incidence du sort des livreurs, que la note économique initiale indiquait qu'ils ne feraient pas l'objet d'un licenciement, leur poste étant conservé ; que sans doute, par la suite, deux livreurs ont-ils reçu des courriers de proposition de mutation faisant apparaître leur intégration dans le plan social ; que toutefois la société SERCA a indiqué en première instance, ce dont il lui a été donné acte, que les deux emplois de livreurs étaient exclus du cadre de la procédure de licenciement économique ; que cet engagement a bien été respecté puisque les salariés concernés n'ont pas été licenciés ; qu'ainsi, la volte-face un temps effectuée par la société SERCA n'a pas eu d'incidence sur le respect définitif des prévisions de la note économique sur la base de laquelle a été opérée la consultation ; que celle-ci n'a donc pas été rendue incomplète ou déloyale, étant observé que c'est seulement après la clôture de la procédure de consultation que la société SERCA a envoyé le courrier de proposition de mutation à deux livreurs du centre d'Annecy ;
Attendu en troisième lieu, de manière plus générale, qu'il ressort de l'examen des compte-rendus de réunions du comité central d'entreprise et des réponses faites soit par écrit soit verbalement lors de ces réunions par les responsables de la société SERCA, que celle-ci a fourni une information complète et adaptée aux membres du comité ; que la cour ne peut sur ce point que reprendre les motifs de l'ordonnance entreprise en relevant que l'employeur, s'il ne doit rien dissimuler parmi les éléments nécessaires au comité pour porter une appréciation éclairée n'est pas tenu de déférer à l'intégralité des demandes de celui-ci, notamment quant aux pièces justificatives des situations juridiques ou économiques invoquées ;
Que l'on peut observer qu'en ce qui concerne les paramètres d'ordre immobilier, le comité et l'expert ont disposé de renseignements suffisants pour se forger un avis sur la pertinence du choix de l'entreprise de supprimer le centre d'Annecy au lieu de le déplacer ; que de même, ils ont été mis en mesure de discuter utilement des éléments d'ordre économique ayant présidé aux choix stratégiques effectués par le groupe CASINO et par sa filiale SERCA, y compris, au vu du rapport Syndex, pour en contester la légitimité ;
Qu'en définitive l'information dispensée répondait aux exigences de l'article L. 431-5 alinéa 2 du code du travail de sorte qu'en l'absence, par ailleurs, de toute preuve du caractère déloyal des éléments fournis par la société SERCA, il n'y a pas lieu d'accueillir les prétentions de l'appelant ;
Que l'ordonnance de référé du 11 juillet 2007 sera confirmée en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS La Cour,
Prononce la jonction des procédures R.G. 07 / 4900 et R.G. 07 / 5040 et dit qu'elles restent enrôlées sous le no 07 / 4900,
Rejette le moyen d'irrecevabilité tiré par la société SERCA du défaut d'objet prétendu des demandes du comité central d'entreprise ;
Rejette comme irrecevable en cause d'appel la demande du comité central d'entreprise tendant au prononcé de la nullité des licenciements déjà notifiés ;
Déclare en conséquence recevable le surplus de ses prétentions ;
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du 11 juillet 2007 ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne le comité central d'entreprise de la société SERCA à supporter les dépens d'appel et accorde contre lui à la SCP LAFFLY-WICKY, avoués, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Cet arrêt a été prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile et signé par Henry ROBERT, président de chambre et par Martine SAUVAGE, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
M. SAUVAGE H. ROBERT