ARRÊT DU 14 Juin 2007
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 24 avril 2006-No rôle : 2004j3710
No R. G. : 06 / 03162
Nature du recours : Appel
APPELANTE :
Société FAMY SAS 415, rue de la Poste 01200 CHATILLON EN MICHAILLE
représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour
assistée de Me Olivier GONNET, avocat au barreau de LYON
INTIMES :
Société JB BENEDETTI SA 620, avenue du Mont Blanc Villa Corbin 74190 PASSY
représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour
assistée de la SCP BALLALOUD ALADEL, avocats à BONNEVILLE
Société GUINET DERRIAZ SA ayant fait l'objet dun plan de cession selon jugement du tribunal de commerce de LYON du 3 mai 2005, représentée par Maître X... ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan 100 rue des Fougères 69009 LYON
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON
Maître Bruno X..., mandataire judiciaire, pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cession de la Société GUINET DERRIAZ SA ... 69003 LYON
représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assisté de Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON
Instruction clôturée le 17 Avril 2007
Audience publique du 11 Mai 2007
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Monsieur Henry ROBERT, Président Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 11 Mai 2007 sur le rapport de Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Marie-Pierre BASTIDE, greffier
ARRET : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 14 Juin 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Monsieur Henry ROBERT, Président, et par Mademoiselle Marie-Pierre BASTIDE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LES FAITS ET LE JUGEMENT ENTREPRIS
La société GUINET-DERRIAZ spécialisée dans le domaine de la marbrerie et qui exploitait notamment une carrière à ciel ouvert sise sur les communes de DROM et RAMASSE dans l'AIN, a autorisé le 6 mai 1986 la société FAMY à utiliser ses déchets d'exploitation moyennant une redevance de 2,10 Francs (0,32 centimes d'euros) la tonne. La société FAMY est intervenue sur la carrière jusqu'en mars 1990. Par arrêté du 1er octobre 1992 la société GUINET DERRIAZ a été autorisée à se substituer l'entreprise nouvelle GUINET DERRIAZ pour l'exploitation de la carrière. Par arrêté du 4 mars 1998 Monsieur le Préfet de L'AIN a donné acte à la SA GUINET DERRIAZ de sa déclaration de fin de travaux d'exploitation de la carrière de DROM et RAMASSE.
Suivant facture du 31 octobre 2003 d'un montant de 334. 880 euros TTC la SA GUINET DERRIAZ a vendu à la société BENEDETTI divers matériaux qui étaient entreposés sur la carrière à savoir :-concassé : 30. 000 M3-enrochement : 24. 000 M3-stérile : 56. 000 M3 Par acte reçu le 29 avril 2004 la SA GUINET-DERRIAZ a cédé à la SCI BCMV diverses parcelles sises sur les communes de DROM et RAMASSE dont une parcelle cadastrée à DROM n o 1703. La SCI BCMV a alors loué ces terrains à la société JB BENEDETTI.
La SA GUINET DERRIAZ a été déclarée en redressement judiciaire le 27 juillet 2004. Le 10 septembre 2004 la société BENEDETTI a déposé plainte pour vol de matériaux.
Par courrier recommandé du 15 octobre 2004 la SAS FAMY qui se prévalait d'un accord intervenu prévoyant qu'elle serait rémunérée par la fourniture de déchets d'exploitation des travaux de découverte réalisés entre octobre 1989 et mars 1990 dans la carrière de DROM a informé la SA GUINET-DERRIAZ de ce qu'elle avait constaté que l'entreprise BENEDETTI avait puisé dans le stock lui appartenant et a donc demandé à la société GUINET DERRIAZ d'intervenir auprès de la société BENEDETTI. Par courrier du 20 octobre 2004 la société GUINET DERRIAZ a contesté l'existence d'un quelconque accord au sujet d'un éventuel stock de déchets sur la carrière de DROM.
Le 28 octobre 2004 la société FAMY a saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce de LYON pour être autorisée à prendre des mesures conservatoires pour éviter tout prélèvement sur le stock entreposé sur les parcelles cadastrées 1695 et 1703 de la carrière de DROM. Par ordonnance en date du 16 novembre 2004 le juge des référés a désigné Eric A... en qualité d'expert avec mission de déterminer le volume du stock de matériaux situé sur les parcelles cadastrées 1695 et 1703 de la carrière de DROM. L'expert a déposé le 17 mars 2005 un rapport dans lequel il a estimé que le volume de ce stock au 10 décembre 2004 était de 10. 695 m3.
Par exploits des 15,16 et 17 décembre 2004 la SAS FAMY a assigné devant le Tribunal de Commerce de LYON :-la SA BENEDETTI-la SA GUINET DERRIAZ, et Maître X... et Maître B... en leurs qualités respectives d'administrateur et de représentant des créanciers de la SA GUINET DERRIAZ pour voir dire qu'elle était propriétaire des matériaux stockés sur les parcelles cadastrées 1695 et 1703 de la carrière de DROM et que la vente intervenue entre les sociétés GUINET DERRIAZ et BENEDETTI lui était inopposable.
Par acte notarié du 31 mars 2005 les consorts C... ont vendu à une SCI FAMY au prix de 726 euros la parcelle cadastrée 1695 à DROM. Il était précisé à l'acte que " l'acquéreur ayant exploité depuis 17 ans la carrière sans avoir réglé de loyers, il s'engageait à régler hors la comptabilité du notaire la somme de 60 euros par année de retard soit 17 ans X 30 euros = 1. 020 euros en complément de prix ".
Le 3 mai 2005 le plan de cession de la SA GUINET DERRIAZ a été adopté et Maître X... désigné en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan.
Par un premier jugement du 19 septembre 2005 le Tribunal a rejeté la demande d'audition de Monsieur D... en qualité de témoin, mesure sollicitée par la société FAMY.
Par un second jugement du 24 avril 2006 le Tribunal a :-déclaré recevables mais mal fondées les demandes de la société FAMY-débouté la société FAMY de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à chacun des défendeurs une indemnité de procédure de 1. 000 euros et à supporter les dépens incluant les frais d'expertise et de référé. Le Tribunal a considéré que le caractère fongible du stock litigieux ne pouvait permettre à la société FAMY de démontrer que les 10. 695 M3 de matériaux inventoriés par l'expert contenaient précisément les 10. 417 M3 dont elle revendiquait la propriété.
Par déclaration remise au greffe le 15 mai 2006 la SAS FAMY a interjeté appel de ce jugement en intimant la SA JB BENEDETTI, la SA GUINET DERRIAZ et Maître X... és-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SA GUINET DERRIAZ.
LES PRÉTENTIONS ET LES MOYENS DES PARTIES
Par conclusions récapitulatives et en réponse No2 signifiées le 8 mars 2007 la SAS FAMY demande à la Cour au visa des articles 544 et 1165 du Code Civil :-de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré son action recevable-d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré comme mal fondées ses demandes-statuant à nouveau de dire qu'elle est propriétaire des matériaux stockés sur les parcelles cadastrées 1695 et 1703 de la carrière de DROM, et cubés par l'expert A..., et que la vente intervenue entre les sociétés GUINET DERRIAZ et BENEDETTI lui est inopposable-condamner les sociétés JB BENEDETTI et GUINET DERRIAZ, et Maître X... és-qualités à lui payer chacune une indemnité de procédure de 2. 500 euros.
D'abord la SAS FAMY soutient que :-les dispositions de l'article 2279 du Code Civil ne sont pas applicables aux biens fongibles qui ne sont pas individualisés-aucune action en revendication ne pouvait être entreprise dans le cadre de la procédure collective de la SA GUINET DERRIAZ, au demeurant régie par les dispositions antérieures à la loi du 26 juillet 2005, alors que le stock litigieux a fait l'objet d'une cession avant l'ouverture de la procédure et que le prix a alors été payé. Elle soutient donc que son action est recevable et qu'aucune forclusion ne peut lui être opposée.
Ensuite elle fait valoir que :-elle est la seule entreprise à être intervenue sur la carrière de DROM pour procéder au concassage, au traitement et à la valorisation des matériaux extraits par la SA GUINET DERRIAZ-il résulte des attestations établies par Emile D... et André E... anciens responsables d'exploitation de la société GUINET DERRIAZ pour la carrière de DROM, et par son ancien salarié Robert F..., que la redevance initialement fixée a été supprimée et qu'elle est devenue propriétaire des stocks qu'elle avait valorisés et que la société GUINET DERRIAZ n'avait pas vocation à utiliser-il résulte de l'attestation établie par Robert C... propriétaire originaire de la parcelle 1695 qu'il l'avait autorisée à entreposer du concassé sur cette parcelle-elle établit que le stock s'élevait en 1990 à l'issue de ses interventions à 25. 000 M3,-elle a laissé ce stock entreposé sur les lieux, en procédant à des prélèvements pour les besoins de ses chantiers de sorte qu'elle connaissait parfaitement son importance, ses chiffres ayant été corroborés par les constatations de l'expert-elle s'est toujours comportée comme propriétaire de ces stocks, la société GUINET DERRIAZ cessant l'exploitation de la carrière en 1998.
Par conclusions signifiées le 17 octobre 2006 Maître X... és-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SA GUINET DERRIAZ demande à la Cour au visa des articles 1134 et 2279 du Code Civil, de :-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la SAS FAMY et déclarer cette action irrecevable comme forclose-subsidiairement confirmer sur le fond le jugement entrepris-condamner la SAS FAMY à lui payer la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de procédure de 2. 500 euros.
D'abord Maître X... se prévaut des dispositions de l'article 2279 du Code Civil en observant que la SAS FAMY qui a cessé de travailler sur la carrière de DROM en 1990, ne démontre pas avoir utilisé entre 1990 et 2004 le concassé qui y était stocké. Il conteste que la prescription triennale soit exclue pour les choses fongibles, l'exclusion étant limitée aux biens incorporels non individualisables.
Ensuite Maître X... expose que la SAS FAMY ne justifie pas de sa qualité de propriétaire du stock de concassé. Il observe que la société GUINET DERRIAZ a continué à exploiter la carrière de DROM jusqu'au 4 mars 1998 et que la SAS FAMY disposait en contrepartie des travaux de découverte d'une autorisation limitée de disposer du stock de concassé, autorisation spéciale donnée seulement pour la campagne 1986. Il soutient que les pièces produites par la SAS FAMY n'établissent pas sa qualité de propriétaire du stock présent sur la carrière sur laquelle elle a cessé d'intervenir en 1990, alors que la SA GUINET DERRIAZ a exercé sur ce stock une possession continue, publique non équivoque et paisible. Il souligne que la SAS FAMY ne justifie pas d'une telle possession.
Par conclusions récapitulatives No2 signifiées le 29 mars 2007 la SA JB BENEDETTI demande à la Cour au visa des articles 2279 du Code Civil, L 624-9 et L 621-115 du Code de Commerce de :-dire et juger irrecevable la demande formée à son encontre par la SAS FAMY-confirmer pour le surplus le jugement entrepris-condamner la SAS FAMY à lui payer la somme de 2. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité de procédure de 3. 000 euros.
D'abord la SA JB BENEDETTI fait valoir que la demande de la SAS FAMY est doublement irrecevable :-comme prescrite pour avoir été intentée à son encontre le 15 décembre 2004 alors qu'était expiré le délai de trois ans de l'article 2279 du Code Civil applicable aussi aux biens fongibles. Sur ce point elle observe que le stock litigieux est parfaitement individualisé par sa localisation et qu'elle peut donc opposer à l'appelante ses droits de possesseur de bonne foi.-comme forclose alors que la SAS FAMY n'a pas mis en oeuvre une procédure de revendication dans le délai de trois mois de la publication du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société GUINET DERRIAZ. Elle se prévaut finalement des dispositions de l'article L 621-115 du Code de Commerce et soutient que la SAS FAMY qui veut se voir déclarer propriétaire d'un stock de concassé resté entre les mains de la société GUINET DERRIAZ devait agir en revendication nonobstant la vente intervenue avant l'ouverture de la procédure.
Sur le fond elle expose qu'elle justifie avoir acquis les matériaux entreposés sur un terrain qu'elle loue à la SCI BCMV et que la SAS FAMY n'a agi après qu'elle ait elle-même déposé plainte pour vol ; qu'elle a acquis les matériaux de leur propriétaire apparent alors que la SAS FAMY ne justifie pas de ses droits.
Une ordonnance en date du 17 avril 2007 clôture la procédure.
SUR CE, LA COUR
Attendu en droit que l'article 2279 du Code Civil dispose dans son premier alinéa qu'en fait de meubles possession vaut titre ; Que le second alinéa de l'article 2279 prévoit une exception à la maxime posée par le premier alinéa, en autorisant en cas de perte ou vol, le propriétaire à agir pendant un délai préfixe de trois ans à compter du jour de la perte ou du vol contre le possesseur de bonne foi qui a acquis les meubles en cause ; Que l'exception du second alinéa de l'article 2279 a pour seul effet de paralyser pendant trois années l'application de la règle édicté par l'alinéa 1 ; Que l'article 2279 du Code Civil est applicable aux meubles corporels individualisés ;
Attendu en l'espèce que la SAS FAMY revendique les matériaux stockés sur les parcelles cadastrées 1695 et 1703 de la carrière de DROM, et qui ont été cubés par l'expert A... ; Qu'il s'ensuit que les matériaux revendiqués sont individualisés ; Qu'aux termes du courrier adressé le 15 octobre 2004 par la SAS FAMY à la société GUINET DERRIAZ les matériaux revendiqués correspondent à des déchets d'exploitation qu'elle a concassés sur la carrière entre octobre 1989 et mars 1990 et qu'elle a alors laissé entreposés sur place ; Que la SAS FAMY n'établit pas avoir continué à se rendre pour prélever des matériaux après mars 1990 à la carrière de DROM que la société GUINET DERRIAZ a pour sa part continué à exploiter jusqu'en 1998 ; Qu'ainsi la SAS FAMY ne démontre pas avoir subi la perte ou le vol des matériaux revendiqués moins de trois ans avant l'introduction de l'action en revendication ; Que ses demandes sont donc irrecevables comme prescrites ; Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris qui a déclaré recevables mais mal fondées les demandes de la SAS FAMY mais de le confirmer dans ses autres dispositions ;
Attendu que les intimés ne démontrent pas le préjudice susceptible de leur avoir été occasionné par l'exercice du droit d'appel ; Qu'il y a donc lieu de les débouter de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Que les dépens de la procédure d'appel seront mis à la charge de la SAS FAMY ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement rendu le 24 avril 2006 par le Tribunal de Commerce de LYON mais seulement en ce qu'il a déclaré recevables et mal fondées les demandes de la SAS FAMY ;
Statuant à nouveau, sur ce point, déclare irrecevables les demandes de la SAS FAMY ;
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant :
Vu les dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile condamne la SAS FAMY à payer à une indemnité de procédure complémentaire de 1. 000 euros d'une part à Maître X..., és-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SA GUINET DERRIAZ et d'autre part à la SA JB BENEDETTI ;
Déboute Maître X..., és-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la SA GUINET DERRIAZ et la SA JB BENEDETTI du surplus de leurs demandes ;
Condamne la SAS FAMY aux dépens, et autorise contre elle à la SCP BRONDEL TUDELA et à la SCP DUTRIEVOZ Avoués le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.