ARRÊT DU 08 Mars 2007
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 05 mai 1998 - No rôle : 199602658
No R.G. : 98/03563
Nature du recours : Appel
APPELANTE :
Société COMPAGNIE CEVENOLE, SAS ZI du Bas Rollet, Avenue Benoît Fourneyron42480 LA FOUILLOUSE
représentée par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour
assistée de Maître Bernard LACHAUX, avocat au barreau de ROANNE
INTIMÉE :
Société MAGLIERA GIPSY, SPA de droit italienVia Sottoprovinciale 2424021 ALBINO (ITALIE)
représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour
assistée de Maître Massimo ARGAN, avocat au barreau de PARIS
Instruction clôturée le 22 Décembre 2006
Audience publique du 05 Février 2007
LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Madame Laurence FLISE, PrésidentMadame Christine DEVALETTE, Conseiller Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller
DÉBATS : à l'audience publique du 05 février 2007sur le rapport de Madame Christine DEVALETTE, Conseiller
GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Marie-Pierre BASTIDE,Greffier
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 08 mars 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par acte du 11 novembre 1994, la société COMPAGNIE CEVENOLE, agent commercial de la société MAGLIERA GIPSY, a passé avec cette dernière un contrat de distribution exclusif portant sur des vêtements de sports et de loisirs de la marque SCORPION BAY. Ce contrat d'une durée de 10 mois, à l'essai, s'est trouvé tacitement reconduit à partir du 15 octobre 1995 pour une période de 3 ans. Le 8 janvier 1996, la société COMPAGNIE CEVENOLE a reçu une lettre de résiliation de la société MAGLIERA qui a cessé de lui livrer des produits SCORPION BAY. Par arrêt du 13 février 1996, la Cour d'Appel de GRENOBLE a interdit aux sociétés MAGLIERA GIPSY et COMMINANDO d'exposer ou de faire usage au SIG de GRENOBLE de la marque SCORPION BAY, sous astreinte de 100 000 frs par infraction constatée. Par jugement du 5 mai 1998, le Tribunal de Commerce de LYON, saisi par la société COMPAGNIE CEVENOLE, a débouté celle-ci de sa demande d'indemnisation pour rupture brutale des relations contractuelles et l'a condamnée à régler à la société MAGLIERA GIPSY la somme de 52 341 000 lires correspondant à un solde impayé de marchandises. Par arrêt du 31 mars 2000, la Cour d'Appel de LYON a confirmé le jugement entrepris sur la condamnation de la COMPAGNIE CEVENOLE au paiement des marchandises et la mise hors de cause de la société COMMINANDO mais l'a réformé pour le surplus, jugeant que les parties étaient liées par un contrat de distribution exclusive d'une durée de 3 ans à compter du 30 octobre 1995 dont l'exécution relevait de la loi italienne. L'affaire a été renvoyée à la mise en état sur l'imputabilité de la rupture au regard de cette loi.
Par arrêt du 13 novembre 2003, la Cour de Cassation a rejeté ce pourvoi.
Par arrêt du 31 juillet 2002, la Cour d'appel de LYON a :
- dit que la rupture du contrat de distribution exclusive conclu pour une durée de 3 ans àcompter du 30 octobre 1995 entre la COMPAGNIE CEVENOLE et la société MAGLIERA est imputable à cette dernière, laquelle en doit l'entière réparation,- avant-dire droit sur le préjudice de la COMPAGNIE CEVENOLE ordonné une expertise confiée à Monsieur A... aux frais avancé de la COMPAGNIE CEVENOLE,- débouté la société MAGLIERA GIPSY de sa demande reconventionnelle. Par ordonnance du 9 avril 2003, Monsieur B... a été nommé comme expert en remplacement de Monsieur A....
La société MAGLIERA GIPSY a dans un premier temps formé un pourvoi contre cet arrêt puis s'en est désistée, selon ordonnance de désistement du 15 avril 2004.
L'expert a déposé son rapport le 28 décembre 2005.
Aux termes de ses dernières écritures, déposées le 4 décembre 2006 et qui sont expressément visées par la Cour, la société COMPAGNIE CEVENOLE demande la condamnation de la société MAGLIERA GIPSY à lui verser les sommes suivantes :
- 307 498,39 € en indemnisation des préjudices subis, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le Tribunal de Commerce de LYON ;- 30 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile outre tous les dépens devant la Cour d'Appel de GRENOBLE et LYON et les frais d'expertise.
En se référant à la législation italienne, la société COMPAGNIE CEVENOLE demande l'indemnisation de ses différents postes de préjudice soit :- d'une part, un manque à gagner du fait de l'arrêt de la commercialisation des produits SCORPION BAY qu'elle chiffre, en adoptant l'avis de l'expert à une perte de marge pour la saison été 1996 de 89 844 €sur les commandes non livrées ;- d'autre part, un manque à gagner sur les saisons ultérieures, soit, jusqu'à la date d'expiration normale du contrat de distribution exclusive au 30 octobre 1998 représentant cinq collections, une perte de marge retenue par l'expert de 131 144 €. - enfin, des dépenses de promotion engagées inutilement du fait de la rupture et s'élevant à 86 510,39 €, point sur lequel l'expert a omis de répondre.
La société COMPAGNIE CEVENOLE s'oppose à la compensation de ces sommes - avec la condamnation prononcée contre elle à hauteur de 27 031,87 € pour marchandises livrées impayées,- avec une autre condamnation prononcée à son profit par la Cour d'Appel de BRESCIA qui est sans rapport avec le présent litige.
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Aux termes de ses dernières écritures, déposées le 28 novembre 2006 et qui sont expressément visées par la Cour, la société MAGLIERA GIPSY demande le rejet de toutes les prétentions de la société COMPAGNIE CEVENOLE et, subsidiairement, demande la déduction sur la condamnation qui serait prononcée contre elle :
- de la somme de 27 031,87 € qui lui est due par celle-ci au titre de l'arrêt de la Cour d'Appel de LYON du 31 mars 2000,- de la somme de 98 060 €qu'elle doit verser à la société COMPAGNIE CEVENOLE pour des causes identiques à celles de la présente procédure. La société intimée demande une indemnité de procédure de 20 000 €.
Sur le préjudice allégué par la société COMPAGNIE CEVENOLE, la société intimée relève :-que, comme l'a mentionné l'expert dans son rapport, la société COMPAGNIE CEVENOLE est dans l'incapacité de justifier de l'existence de son préjudice sur la base d'éléments objectifs tels que des chiffres d'affaires provisionnels,- qu'aucune perte ne peut être retenue au titre des dépenses de promotion, l'expert ayant noté que la société COMPAGNIE CEVENOLE n'avait pas mis en place une structure commerciale spécifique pour la commercialisation de l'activité marginale sur SCORPION BAY, - que le manque à gagner sur la saison d'été 1996 et sur les cinq saisons suivantes a été évalué par l'expert, sans éléments objectifs et sans tenir compte du risque industriel et des frais (communication, transports, personnel, impôts, invendus, intérêts passifs...), aucune perte de profit n'ayant en fait été subie à la suite de la résiliation du contrat de distribution.
Sur les sommes à déduire, la société intimée indique que la condamnation prononcée contre elle par la Cour d'Appel de BRESCHIA et qu'elle s'apprête à régler dans le cadre d'un commandement de payer concerne également le préjudice subi par la société COMPAGNIE CEVENOLE suite à la résiliation du contrat et doit être déduite de toute condamnation dans la présente instance. Elle précise que la somme de 27 031,87 € qui lui est due par la société COMPAGNIE CEVENOLE n'a pas été déduite du commandement de payer.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 décembre 2006.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le préjudice subi par la société COMPAGNIE CEVENOLE
Aux termes de l'article 1453 du Code Civil italien et de la jurisprudence rapportée par la COMPAGNIE CEVENOLE et non contestée par la société MAGLIERA GIPSY, la résiliation fautive du contrat comporte "l'obligation de la part du défaillant de dédommager l'autre partie, à titre de paiement, y compris les gains qu'elle a perdus en conséquence de la non exécution de la prestation".
Comme l'indique l'expert dans son rapport, la société COMPAGNIE CEVENOLE qui était engagée, après une période dite "d'essai" d'un an, avec la société MAGLIERA GIPSY dans le cadre d'un contrat de distribution commerciale exclusive d'une durée déterminée, cette fois, de trois ans portant sur 6 collections et devant se terminer en octobre 1998, a, du fait de la rupture fautive du contrat par la société MAGLIERA GIPSY en janvier 1996, subi un préjudice direct tant sur la commercialisation de la collection été 1996, en cours au moment de la rupture, et pour laquelle elle n'a pas reçu les produits commandés, que sur les 5 collections ultérieures durant lesquelles elle était contractuellement en droit de réaliser des ventes et de dégager, en conséquence, un résultat d'exploitation. Concernant la saison été 1996, le préjudice évalué par l'expert à la somme 89 844 € a été exactement calculé, sur la base de la confirmation de commande de la société MAGLIERA GIPSY et en fonction de la marge nette attendue de 22,24 %, qui est d'ailleurs inférieure à la marge constante réalisée par la société COMPAGNIE CEVENOLE sur le produit VOODOO et qui tient bien compte des frais de distribution, de promotion et d'échantillonnage.
Concernant la période ultérieure, jusqu'au terme normal du contrat, le préjudice subi par la COMPAGNIE CEVENOLE a été exactement calculé par l'expert, en l'absence, comme le note celui-ci, de plan marketing précis, à partir des documents comptables produits faisant apparaître un taux moyen de résultats d'exploitation de 9,25 % et un chiffre d'affaire constant faisant apparaître une perte de résultat prévisionnel de 131 144 € sur 5 saisons. S'agissant toutefois de données comptables qui n'intègrent pas les facteurs de risques sur la commercialisation d'une nouvelle gamme de produits, l'indemnité allouée doit être ramenée à la somme de 100 000 € sur ce poste de préjudice.
Concernant enfin le troisième poste de préjudice invoqué qui est la perte réalisée au titre des dépenses de promotion, et comme le note l'expert, qui a bien émis un avis sur ce point, il n'y a pas lieu d'accorder une quelconque indemnisation de ce chef, dans la mesure où la société COMPAGNIE CEVENOLE n'établit pas avoir engagé des dépenses spécifiques pour la promotion des produits SCORPION BAY, s'étant en fait, en raison du caractère marginal de son activité sur cette nouvelle marque, bornée à utiliser l'organisation commerciale existante sur la marque VOODOO. En fonction de tous ces éléments, la société MAGLIERA GIPSY doit être condamnée à verser à la COMPAGNIE CEVENOLE la somme de 189 844 € en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2005, date du dépôt d'expertise qui lui a servi de base pour l'évaluation de son préjudice.
Sur les autres demandes
Par arrêt devenu définitif du 31 mars 2000, la Cour d'Appel a confirmé la condamnation de la société COMPAGNIE CEVENOLE à payer à la société MAGLIERA GIPSY la contre-valeur en francs français de la somme de 52 341 000 lires italiennes, au titre des marchandises livrées. Cette somme qui s'élève à un montant non contesté de 27 031,87 €, doit venir en compensation, en principal et intérêts, de la somme due par la société MAGLIERA GIPSY au titre de la rupture, la société COMPAGNIE CEVENOLE précisant elle-même dans ses écritures que ce montant n'a pas été déduit par son conseil italien, dans le cadre de l'exécution de la décision rendue à son profit par la Cour d'Appel de BRESCHIA. En revanche, la société MAGLIERA GIPSY, qui utilise improprement le terme de "compensation" entre deux condamnations prononcées à son encontre, doit être déboutée de sa demande tendant en fait à juger que ces deux condamnations indemnisent le même préjudice, moyen qui n'a été soulevé, sur les 10 ans de procédure, ni devant les juridictions italiennes ni devant les juridictions françaises.
La société MAGLIERA GIPSY doit être condamnée à verser à la COMPAGNIE CEVENOLE la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à assumer tous les dépens d'appel devant la Cour de LYON comprenant les frais d'expertise, à l'exclusion de ceux devant la Cour d'Appel de GRENOBLE, dont l'arrêt n'est pas produit aux débats et qui a statué dans le cadre d'une instance conservatoire diligentée dans l'intérêt de la société COMPAGNIE CEVENOLE.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Vu les arrêts des 31 mars 2000 et 31 juillet 2002,
Condamne la société MAGLIERA GIPSY à verser à la société COMPAGNIE CEVENOLE la somme de 189 844 € en réparation de son préjudice pour rupture fautive du contrat de distribution exclusive, outre intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2005 ;
Dit que la condamnation de la COMPAGNIE CEVENOLE à payer à la société MAGLIERA GIPSY la somme de 27 031,87 €, devra venir en compensation, en principal et intérêts, avec la condamnation prononcée ci -dessus à l'encontre de la société MAGLIERA GIPSY ;
Condamne la société MAGLIERA GIPSY à verser à la société COMPAGNIE CEVENOLE la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la société MAGLIERA GIPSY aux dépens d'appel de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise, et avec distraction au profit de la SCP DUTRIEVOZ, avoué.