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25/01/2007 | FRANCE | N°02/05449

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 3, 25 janvier 2007, 02/05449


COUR D'APPEL DE LYON

Troisième Chambre Civile

SECTION B

ARRÊT DU 25 Janvier 2007

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 24 mai 2002 -

No rôle : 2002/352

No R.G. : 02/05449

Nature du recours : Appel

APPELANTS :

Monsieur Yves X...

158-160 boulevard Emile Delmas

17000 LA ROCHELLE

représenté par Maître André BARRIQUAND, avoué à la Cour

assisté de Maître Fabien-Jean GARRIGUES, avocat au barreau de ROCHELLE

INTIMES :

Maître Claude Z...

, mandataire judiciaire, ès qualités de Commissaire à l'exécution du plan des Etablissements LELEU ET CIE SA Zone Industrielle Lyon-Nord, rue de la Champagne 69...

COUR D'APPEL DE LYON

Troisième Chambre Civile

SECTION B

ARRÊT DU 25 Janvier 2007

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 24 mai 2002 -

No rôle : 2002/352

No R.G. : 02/05449

Nature du recours : Appel

APPELANTS :

Monsieur Yves X...

158-160 boulevard Emile Delmas

17000 LA ROCHELLE

représenté par Maître André BARRIQUAND, avoué à la Cour

assisté de Maître Fabien-Jean GARRIGUES, avocat au barreau de ROCHELLE

INTIMES :

Maître Claude Z..., mandataire judiciaire, ès qualités de Commissaire à l'exécution du plan des Etablissements LELEU ET CIE SA Zone Industrielle Lyon-Nord, rue de la Champagne 69730 GENAY.

1 place St Nizier

69001 LYON

représenté par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour

assisté de Maître Sylvain A..., avocat au barreau de LYON

S.A. ETABLISSEMENTS LELEU et CIE

ZI Lyon Nord

Rue de la Champagne

69730 GENAY

représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour

assistée de Maître Sylvain A..., avocat au barreau de LYON

Instruction clôturée le 12 Septembre 2006

Audience publique du 14 Décembre 2006

LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION B DE LA COUR D'APPEL DE LYON,

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Madame Laurence FLISE, Président

Madame Christine DEVALETTE, Conseiller

Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller

DÉBATS : à l'audience publique du 14 Décembre 2006

sur le rapport de Monsieur Alain MAUNIER, Conseiller

GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Madame Joëlle POITOUX, Greffier

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 25 janvier 2007, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Signé par Madame Laurence FLISE, Président, et par Madame Joëlle POITOUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****************

Le 1er août 2001, Monsieur X..., courtier maritime juré, à LA ROCHELLE, a remis à l'encaissement un chèque d'un montant de 2 299 550 F (350 564,14 €), tiré le 24 juillet 2001 sur la BANQUE RHÔNE ALPES par la Société LELEU et Compagnie, dont le siège est à LYON, libellé à l'ordre de "Monsieur X... Yves B...".

Le 14 novembre 2001, la Société LELEU et Compagnie a porté plainte pour falsification de chèques, et par exploit du 27 décembre 2001 a assigné Monsieur X... devant le juge des référés du tribunal de commerce de LYON aux fins de paiement de la somme de 350 564,14 € en restitution de la provision du chèque émis par elle le 24 juillet 2001 à l'ordre de la Société HELLER, en paiement du solde du prix d'un centre d'usinage, et qui n'est pas parvenu à son destinataire.

Par ordonnance du 17 janvier 2002, le juge des référés a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par le défendeur, et l'exception de nullité de l'assignation, mais a déclaré que le litige excédait la compétence du juge des référés, et a autorisé la Société LELEU et Compagnie à assigner Monsieur X... selon le principe de la passerelle.

Le tribunal de commerce s'est déclaré compétent le 24 mai 2002, et après avoir rejeté les demandes de sursis à statuer et de connexité, a renvoyé les parties à conclure au fond.

Le 25 octobre 2002, Monsieur X... a porté plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction de LYON pour voir éclaircir les conditions d'établissement du chèque.

Le jugement du 24 mai 2002 a fait l'objet d'un contredit, et par arrêt du 6 février 2003 la Cour de céans a confirmé le jugement déféré et a évoqué l'affaire.

Monsieur X... a appelé en cause la Compagnie AGF, son assureur, et la BANQUE RHÔNE ALPES.

Par arrêt du 22 avril 2004, la Cour a sursis à statuer sur les demandes de la Société LELEU et Compagnie, dans l'attente de l'issue de l'information judiciaire, et déclaré irrecevables les appels en intervention forcée de la Société AGF et de la BANQUE RHÔNE ALPES.

Par jugement du 31 mars 2005, le tribunal de commerce de LYON a ouvert le redressement judiciaire de la Société LELEU et Compagnie et désigné Maître Z... comme administrateur, et le 6 juillet 2005 a adopté le plan de cession de la Société LELEU et COMPAGNIE, Maître Z... étant désigné comme commissaire à l'exécution du plan.

A la suite du non lieu prononcé le 22 décembre 2005 sur la plainte de Monsieur X..., l'instance a été reprise, et dans ses dernières écritures déposées au greffe le 17 janvier 2001, et expressément visées par la Cour, Maître Z... intervenant à l'instance comme commissaire à l'exécution du plan de la Société LELEU et COMPAGNIE demande à la Cour de:

- condamner Monsieur X... à payer à Maître Z... ès qualités la somme de 350 564,14 €, outre intérêts au taux de 5 % l'an,

- le condamner au paiement de la somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- Monsieur X... a commis une faute grave en présentant à l'encaissement le chèque de 2 299 550 F, donc d'un montant important, sans interroger la "Banque émettrice", ni s'assurer qu'il en était le réel bénéficiaire, alors qu'il n'avait jamais entretenu de rapports avec la Société LELEU et Compagnie, et que le chèque lui a été remis, non par la concluante, mais par une personne de nationalité étrangère ;

- selon les explications de Monsieur X..., le chèque lui a été remis à titre d'acompte, par l'intermédiaire d'un dénommé C..., qui le tenait d'un dénommé D..., ressortissant sénégalais, représentant une société sénégalaise, intéressée par l'achat d'un chalutier,

- la promesse de vente du navire, nommé "Emma", porte la date raturée du 10 août 2001 et ne comporte aucun paraphe émanant de la Société bénéficiaire, et la signature de son représentant déclaré, Monsieur D..., diffère sensiblement de celle figurant sur le passeport diplomatique, du reste périmé, établi à son nom ; la désignation du navire est imprécise ; l'examen tant de la forme que du fond de ce document laisse planer un doute quant à la réalité du compromis de vente qui aurait été signé, modifié et résilié en même temps.

Elle ajoute que Monsieur X... a encore commis une faute en acceptant de remette le 14 août 2001 à Monsieur D... à sa demande, consécutivement à l'annulation de la vente, la somme de 1 500 000 F, non par chèque ou virement, mais en espèces au motif avancé par l'intéressé qu'il n'avait pas de compte bancaire ouvert en FRANCE, ce qui ne pouvait constituer un obstacle à la remise d'un chèque. En outre la signature figurant sur le reçu diffère elle aussi de celle figurant sur la promesse de vente et de celle figurant sur le passeport diplomatique périmé. Elle relève encore que le reçu ne fait pas état de la résiliation de la vente du bateau Emma. Elle relève enfin que l'essentiel du solde de la somme encaissée a été versé par Monsieur X... à Monsieur C... qui a reçu 12 versements en espèces, d'un montant variant de 130 000 F à 35 000 F entre le 3 août et le 30 septembre 2001, d'un montant global de 614 658 F, le surplus, soit la somme de 91 982 F étant conservé par lui à titre de rémunération.

Elle conteste toute anomalie dans ses rapports avec la Société HELLER, dont la totalité de la facture était exigible au plus tard le 11 août 2001.

La Société LELEU et COMPAGNIE précise quant à son préjudice qu'elle a dû emprunter la somme au taux de 5 % l'an auprès de la BANQUE RHÔNE ALPES pour régler la facture de la Société HELLER.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 27 juin 2006, expressément visées par la Cour, Monsieur Yves X... demande le débouté des prétentions adverses, et reconventionnellement la condamnation de Maître Z... ès qualités à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages intérêts pour atteinte à son crédit social, outre une indemnité pour frais d'instance de 20 000 €.

Il explique qu'en juillet 2001 il proposait à la vente un chalutier stationné à DAKAR pour le prix de 5 000 000 F, que Monsieur C..., qu'il connaît depuis 15 années, s'est présenté comme mandataire d'une société sénégalaise qui cherchait à acquérir un chalutier, qu'un compromis a été établi le 1er août 2001 pour le prix de 5 000 000 F, avec la mention "sous réserves que le financement soit assuré et délivré", que Monsieur C... a porté à son bureau le chèque de 2 299 550 F tiré sur une société LELEU et COMPAGNIE émis à l'ordre de "Monsieur X... Yves B..." en date du 24 juillet 2001, qu'il a personnellement reçu Monsieur D..., titulaire d'un passeport diplomatique pour la signature du protocole, lequel prévoyait qu'en cas d'échec du financement la somme serait restituée sous réserves des frais et commissions à régler, que la transaction n'ayant pu aboutir, il a restitué les sommes, sur lesquelles il n'a conservé que la somme de 91 982 F correspondant à ses déplacements à DAKAR.

Il conteste la fictivité de l'opération alléguée par la Société LELEU et Compagnie, qui a été annulée du fait que le financement n'apparaissait pas assuré, et que l'acquéreur lui demandait d'assurer une assistance technique à DAKAR, qu'il ne pouvait assurer.

Il dit que sa banque, la BNP, questionnée, a répondu que la Société LELEU et COMPAGNIE était une société apparemment saine et que de ce fait elle ne pouvait elle-même interroger la BANQUE RHÔNE ALPES, et explique avoir encaissé le chèque sur son compte personnel à la Banque TARNEAUD, parce qu'elle était la banque correspondante de cette dernière, mais avoir ensuite viré la somme à son compte professionnel à la BNP.

Il affirme que la restitution de la somme de 1 500 000 F en espèces à Monsieur D... a été faite après que la BNP eût demandé son accord à la BANQUE DE FRANCE, et que les banques, tenues selon l'article L 563-3 à une déclaration et à un examen particulier pour les opérations importantes se présentant dans des conditions inhabituelles (pas de justification économique ou objet illicite) n'ont pas émis de réserves.

Il s'interroge sur les relations de la Société HELLER et de la Société LELEU et COMPAGNIE, qui avec le chèque litigieux aurait réglé l'intégralité du prix par anticipation au regard des conditions de paiement contractuelles, alors que dans le même temps elle applique des pénalités de retard et une déduction pour non fourniture de caution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2006.

SUR CE

La falsification et le détournement du chèque ressortent de ce qu'il n'a pas été émis par la Société des Ets LELEU au profit de Monsieur X... pour paiement d'un acompte sur le prix de vente d'un bateau, mais a été employé à cette fin avec l'indication de ce dernier comme bénéficiaire. Du reste, l'ordonnance de non lieu rendue le 22 décembre 2005 ne les met pas en doute, et dit qu'aucune information n'a été obtenue quant aux conditions dans lesquelles ils ont été réalisés.

Quant à la remise et à l'encaissement du chèque, constituaient à tout le moins des singularités :

- l'établissement du chèque d'acompte par une Société qui n'était pas l'acquéreur du navire, et avec laquelle le bénéficiaire n'a jamais eu de relations, ni même de contacts,

- la remise du chèque par un individu de nationalité étrangère, à qui aucune explication n'a été demandée sur ses relations avec la Société émettrice du chèque dont le siège social est à LYON,

- l'émission du chèque le 24 juillet 2001, quinze jours avant la signature du compromis de vente le 10 août 2001,

- la remise du chèque au bénéficiaire le 1er août 2001, avant la signature du compromis,

- le paiement d'un acompte, qui n'a pas été expressément demandé, d'un montant inexpliqué de 2 299 550 F, représentant à peu près à 46 % du prix de vente, ne correspondant à aucune stipulation contractuelle,

- l'abandon ensuite par Monsieur D... de la somme de 800 000 F, soit plus du tiers du prix par la prétendue rémunération des intervenants, alors que le projet a rapidement avorté.

Ces singularités réunies constituaient de sérieuses irrégularités, qui auraient conduit un individu normalement prudent et diligent, et à fortiori un commerçant normalement avisé, à prendre un minimum de renseignements, avant de s'engager plus avant dans l'opération envisagée, ce que n'a pas fait Monsieur X.... Elles constituent une faute.

Constitue encore une faute, de la part de Monsieur X..., la remise dès le 14 août au prétendu acquéreur du navire, Monsieur D..., qui n'était pas l'émetteur du chèque, de la somme 1 500 000 F en argent liquide, au motif extravagant que ce dernier n'avait pas de compte bancaire en FRANCE. Pour expliquer sa conduite, Monsieur X... n'est pas fondé à s'abriter derrière l'accord pour la remise des fonds qui aurait été donné par la BANQUE DE FRANCE, alors que l'on ignore ce qui lui a été précisément donné comme renseignement et ce qui lui a été précisément demandé, ce qui fait que l'objet et l'étendue de l'autorisation qui aurait été donnée ne sont pas connus. Aucune pièce n'est versée au dossier à cet égard.

Constitue par ailleurs une curiosité, le versement par Monsieur X... à Monsieur E..., "sans doute pour le dédommager" selon ses déclarations faites au juge d'instruction, de la somme de 614 658 F, en 12 versements variant de 10 000 F à 130 000 F, entre le 3 août 2001 et 30 septembre 2001, cela afin d'éviter, toujours selon la même déposition, "une déclaration spécifique" en cas de versement d'un montant plus important.

Ce faisceau d'éléments permet de dire que Monsieur X... a commis une faute qui a causé à la Société des Ets LELEU un préjudice représenté par la perte de la somme de 2 299 550 F, qu'il devra réparer.

La prétendue défaillance de la BANQUE RHÔNE-ALPES dans la vérification du chèque litigieux avant paiement ne saurait l'exonérer de sa responsabilité envers la Société des Ets LELEU.

Enfin, la Société des Ets LELEU apporte des explications satisfaisantes sur la cause de l'émission du chèque dont s'agit au profit de la Société HELLER, et produit les justificatifs correspondants : facture du 26 avril 2001, et correspondances des 4 janvier et 24 juillet 2002 notamment, ce que le juge d'instruction relève dans l'ordonnance de non lieu. Par ailleurs, la preuve de sa faute dans la falsification du chèque et son emploi n'est pas rapportée. Les "incohérences" que croit pouvoir relever l'appelant concernant la date d'émission du chèque et son montant, ne sont pas à l'origine du préjudice de la Société des Ets LELEU, qui en l'état du dossier ne peut être imputé qu'aux agissements de Monsieur X....

Celui-ci sera donc condamné à payer à Maître Z... ès qualités la somme de 350 564,14 €, outre intérêts au taux de 5 % l'an, correspondant au coût du financement demandé par la Société des Ets LELEU et Cie à sa Banque pour régler la facture de la Société HELLER, suivant les pièces au dossier, et à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2001.

Monsieur X... sera débouté de sa demande reconventionnelle.

Il sera alloué à Maître Z... ès qualités la somme de 9 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur X... sera débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour ;

Vu l'arrêt du 22 avril 2004 ;

Condamne Monsieur Yves X... à payer à Maître Z... en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Société des Etablissements LELEU et Compagnie la somme de 350 564,14 €, outre intérêts au taux de 5 % l'an à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2001 ;

Le déboute de sa demande reconventionnelle de dommages intérêts ;

Le condamne à payer à Maître Z... ès qualités la somme de 9 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Le déboute de sa demande à ce titre ;

Le condamne aux dépens, qui seront distraits au profit de la SCP JUNILLON-WICKY, avoués, sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

J. F... L. G...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 02/05449
Date de la décision : 25/01/2007
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Lyon, 24 mai 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2007-01-25;02.05449 ?
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