COUR D'APPEL DE LYONTroisième Chambre Civile SECTION AARRÊT DU 19 Octobre 2006
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 05 avril 2005 - No rôle : 2003j3468No R.G. : 05/03922
Nature du recours : Appel
APPELANTE :Société RHONE DAUPHINE Y..., SA exerçant sous l'enseigne "69 FRANCE Y..." Rue Francine FromontZAC EST BP 2556912 VAULX EN VELIN représentée par Me Annick DE FOURCROY, avoué à la Courassistée de Me Béatrice X..., avocat au barreau de LYON
INTIMEE :Société MAN Y..., SNC5 impasse des TilleulsLot Champ du Mont01480 CHALEINSreprésentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Courassistée de Me Michel Z..., avocat au barreau de LYONInstruction clôturée le 16 Mai 2006Audience publique du 22 Septembre 2006LA TROISIÈME CHAMBRE SECTION A DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :Monsieur Henry ROBERT, Président de chambreMonsieur Bernard SANTELLI, Conseiller Madame Marie-Françoise CLOZEL-TRUCHE, Conseiller
DEBATS : à l'audience publique du 22 Septembre 2006sur le rapport de Monsieur Bernard SANTELLI, Conseiller GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Marie-Pierre BASTIDE, GreffierARRÊT : CONTRADICTOIREPrononcé publiquement le 19 Octobre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Monsieur Henry ROBERT, Président de chambre, et par Mademoiselle Marie-Pierre BASTIDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Aux termes d'un contrat du 1er décembre 2001, la société RHONE DAUPHINE EXPRESS a confié en sous-traitance à la société MAN Y... des prestations de transport à réaliser pour son compte et notamment une des six tournées au profit de son client REXEL.
Par courrier du 14 mars 2003, au motif que l'organisation des tournées de livraison n'était plus rentable, et qu'il convenait de restructurer ces tournées, la société RHONE DAUPHINE EXPRESS a résilié ce contrat avec effet à l'issue d'une période de préavis de trois mois à compter de sa date. Elle demandait que lui soit restituée la licence de transport.
Considérant que cette résiliation n'était pas conforme au contrat, la société MAN Y... a fait citer la société RHONE DAUPHINE EXPRESS devant le Tribunal de commerce de Lyon, lequel par jugement du 5 avril 2005 a condamné la société RHONE DAUPHINE EXPRESS à payer à la requérante la somme de 26 674,74 euros correspondant à l'exécution du contrat jusqu'à son terme du 30 novembre 2003 -a débouté les parties de leurs demandes en dommages et intérêts- a dit que la société MAN Y... devra restituer à la société RHONE DAUPHINE EXPRESS la licence sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la
signification.
Par déclaration du 6 février 2005, la société RHONE DAUPHINE EXPRESS a relevé appel de ce jugement.
Dans ses conclusions du 3 novembre 2005, la société RHONE DAUPHINE EXPRESS rappelle que l'article 9 du contrat prévoit que le contrat est conclu à compter du 1er décembre 2001 pour une durée de 12 mois -qu'il se reconduit tacitement pour des périodes successives de même durée, sauf dénonciation par l'une des parties par courrier recommandé au moins un mois avant la date d'échéance ( trois mois si le contrat excède un an)- qu'en cas de manquement grave ou répété d'une des parties à ses obligations, le contrat pourra être dénoncé à tout moment et sans préavis.
Elle relève que le contrat ne dispose pas que les parties ne pourront pas résilier le contrat avant son terme annuel au premier décembre de chaque année, dés lors que la période initiale est expirée et qu'il y eu une tacite reconduction.
Elle prétend que le contrat était à durée indéterminée, dés lors qu'il avait été reconduit par tacite reconduction.
Elle affirme que les clauses du contrat type se rapportant aux transports publics routiers de marchandises sont applicables.
Elle indique que le contrat s'est ainsi terminé le 17 juin 2003.
Elle souligne que les parties n'ont pas à invoquer de motif pour résilier le contrat pour lequel, selon l'article 1134 du Code Civil, aucun terme n'a été prévu- que ce n'est qu'en cas de brusquerie de la rupture ou d'abus de droit de rompre le contrat que des dommages et intérêts sont dûs par l'auteur de la rupture.
Elle soutient que les motifs de la rupture sont fondés et que ce sont les exigences de son client REXEL qui ont imposé la rupture du contrat -qu'il n'est pas vrai qu'elle a remplacé la société MAN
Y... par un autre sous-traitant.
Elle sollicite le débouté de la demande en dommages et intérêts de la société MAN Y... qui ne justifie en rien que la rupture est abusive.
A titre subsidiaire, si la thèse de la société MAN Y... devait être retenue, elle réclame que l'indemnisation soit calculée sur la perte de marge, et non sur le prix TTC du forfait de journée de tournée qui ne peut excéder 4 779 euros.
Elle demande reconventionnellement la restitution de la licence de transport intérieur ainsi que la condamnation de la société MAN Y... à lui payer une somme de 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive.oo o
Dans ses conclusions du 22 mars 2006, la société MAN Y... sollicite la confirmation du jugement déféré estimant que la société RHONE DAUPHINE EXPRESS était tenue d'exécuter le contrat jusqu'à son terme le 30 novembre 2003.
Elle relève la confusion qu'entretient l'appelante entre le contrat à durée indéterminée et le contrat à durée déterminée et qu'il est clair que le contrat conclu entre les parties est à durée déterminée ce qui excluait de le dénoncer par anticipation.
Elle souligne qu'elle a contracté des charges pour la durée annuelle du contrat, de sorte que ce sont les dispositions du contrat qui s'appliquent, ce qui ne permet pas de retenir la référence à la marge brute, ni s'en tenir au seul manque à gagner.
Elle s'oppose à l'application du contrat type dont le texte qui le régit n'est pas d'ordre public et auquel il a été dérogé par le contrat conclu.
Elle réclame donc la somme de 26 674,74 euros TTC retenue par le Tribunal correspondant aux sommes dues jusqu'au terme convenu.
Elle forme en outre appel incident tendant à voir condamner la
société appelante à lui payer une indemnité de 50 000 euros pour la rupture abusive de ce contrat qui lui a causé un préjudice ainsi qu'à raison de l'état de dépendance économique dans lequel elle l'a mise pour en profiter pour lui imposer des prix qu'elle ne pouvait accepter et se servir ensuite de ce prétexte pour rompre le contrat. Elle fixe cette indemnité à l'équivalent d'une année de contrat, soit le chiffre d'affaires réalisé en 2002, l'année précédent la rupture.
Elle affirme qu'elle a justifié avoir restitué la licence de transport à la société RHONE DAUPHINE EXPRESS, de sorte que cette demande n'a plus lieu d'être.MOTIFS DE LA DÉCISION :I Sur les conditions de la rupture du contrat liant la société RHONE DAUPHINE EXPRESS à la société MAN Y... et ses conséquences.
Attendu que la tacite reconduction n'entraîne pas la prorogation du contrat primitif, mais donne naissance à une convention nouvelle -qu'il en résulte que le contrat conclu le 1er décembre 2001 pour une durée de 12 mois par lequel la société RHONE DAUPHINE EXPRESS confiait à la société MAN Y..., la sous-traitance de transport routier de marchandises s'est reconduit, pour une même période de 12 mois à chacune des échéances et que par conséquent s'agissant d'un contrat à durée déterminée, il ne pouvait être dénoncé par l'une ou l'autre partie que dans les conditions du contrat, c'est-à-dire en respectant un délai de préavis de trois mois avant le terme de l'échéance annuelle - que c'est donc à tort que la société RHONE DAUPHINE EXPRESS, considérant que le contrat avait été renouvelé pour une durée indéterminée, s'est estimée en droit de le dénoncer à tout moment au cours de la période de renouvellement sans être soumise à par un préavis de trois mois.
Attendu que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que le contrat ne pouvait être dénoncé prématurément par la société RHONE DAUPHINE EXPRESS le 14 mars 2003 et l'a condamnée à payer à la
société MAN Y... la somme de 26 674,74 euros TTC correspondant à l'exécution du contrat jusqu'à son terme du 30 novembre 2003 -que le jugement déféré doit en conséquence être confirmé de ce chef, sauf à y ajouter les intérêts au taux légal à compter de la demande du 14 octobre 2003.
II Sur la demande de la société MAN Y... en dommages et intérêts.
Attendu que la société MAN Y... -estimant que le contrat a été dénoncé abusivement par la société RHONE DAUPHINE EXPRESS, qui a invoqué un motif de dénonciation- la suppression de la tournée REXEL 6 -qui s'est révélé erroné puisque cette tournée a été maintenue après la dénonciation en vertu d'un accord conclu avec une autre entreprise- réclame l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait des conditions de cette dénonciation.
Attendu que dés lors que chacune des parties, s'agissant d'un contrat à durée déterminée, en connaissait le terme ou du moins pouvait s'attendre à ce que l'autre y mette fin à chaque échéance annuelle, la dénonciation du contrat par la société RHONE DAUPHINE EXPRESS ne pouvait en conséquence être qualifiée d'absive, sauf à démontrer, ce que la société MAN Y... ne fait pas, que la société RHONE DAUPHINE EXPRESS a dénoncé le contrat par anticipation en lui reprochant une faute grave qu'elle n'avait pas commise ou avait eu l'intention de lui nuire en portant atteinte à ses intérêts -que la société MAN Y... créancière de la société RHONE DAUPHINE EXPRESS en exécution du contrat devrait alors prouver qu'elle a subi un préjudice en indiquant ce qui lui est dû en exécution du contrat- que faute d'établir l'intention de nuire et le préjudice qui en résulterait la société MAN Y... n'est pas fondée dans sa demande à ce titre et doit donc en être déboutée.
Attendu que la société MAN Y... invoque l'état de dépendance économique dans laquelle elle s'est trouvée du fait de la société
RHONE DAUPHINE EXPRESS et la pression qu'elle lui a fait subir pour lui imposer des prix qu'elle ne pouvait accepter, la mettant en situation de ne pouvoir exécuter le contrat -que le fait que la société MAN Y... consacrait la quasi totalité de son activité (60 heures minimum par semaine) pour le compte de la société RHONE DAUPHINE EXPRESS ne peut être reproché à celle-ci, la société MAN Y... assumant seule la conduite de sa gestion -qu'elle ne démontre pas que la société RHONE DAUPHINE EXPRESS lui a imposé à telles conditions, ni que la société RHONE DAUPHINE EXPRESS ait usé de moyens de pression pour l'amener à contracter à des conditions qu'elle ne pouvait tenir et qui ont conduit à la rupture- qu'elle ne prouve pas qu'il y ait eu un abus de dépendance économique dont elle aurait été victime de la part de la société RHONE DAUPHINE EXPRESS -que ce moyen doit être écarté et la société MAN Y... déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.
Attendu que le jugement déféré, qui a rejeté ces demandes en dommages et intérêts, doit être de la sorte confirmé.III Sur les demandes reconventionnelles de la société RHONE DAUPHINE EXPRESS.1) Sur la licence de transport.
Attendu que la société MAN Y... fait état de la restitution de la licence de transport en copie -qu'elle doit par conséquent être condamnée à restituer l'original et en sa possession sous astreinte de 20 euros par jour de retard- que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point, sauf à dire que cette astreinte s'applique à compter du 16ème jour à compter de la signification du présent arrêt.
2) Sur les dommages et intérêts.
Attendu que la société MAN Y... n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi en engageant cette procédure à l'encontre de la société RHONE DAUPHINE EXPRESS ni n'a commis un quelconque abus -que la société
RHONE DAUPHINE Y... n'est donc pas fondée dans sa demande en dommages et intérêts et doit en être déboutée.
IV Sur les autres demandes.
Attendu qu'il serait inéquitable que la société MAN Y... supporte la charge de ses frais irrépétibles et qu'il convient ainsi de lui allouer une somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge.
Attendu que la société RHONE DAUPHINE EXPRESS, qui succombe dans son appel, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFSLA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à dire que l'astreinte fixée commencera à courir en cas de non restitution de la licence de transport en original, le 16ème jour à compter de la signification du présent arrêt.
Y ajoutant :
Dit que les intérêts au taux légal s'appliqueront sur le montant de la condamnation prononcée à l'encontre de la société RHONE DAUPHINE EXPRESS en faveur de la société MAN Y... à compter du 14 octobre 2003.
Condamne la société RHONE DAUPHINE EXPRESS à payer à la société MAN Y... la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens qui seront recouvrés pour ceux d'appel par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,
Marie-Pierre BASTIDE
Henry ROBERT