COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 14 Septembre 2006
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 06 décembre 2004 - No rôle : 2003j2615 No R.G. : 04/07935
Nature du recours : Appel
APPELANTE : La Société SNPS, SARL 10 rue Charles Cros Plateau de Lautagne 26000 VALENCE représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de la SCP FAYOL, VAILLIER & ASSOCIES, avocats au barreau de VALENCE
INTIMEE : La Société SERF, SAS 85 Avenue des Bruyères 69150 DECINES CEDEX représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de la SCP DUFOUR-HARTEMANN- MARTIN- PALAZZOLO, avocats au barreau de LYON Instruction clôturée le 04 Avril 2006 Audience publique du 23 Juin 2006 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame FLISE, Président Monsieur SANTELLI, Conseiller Madame MIRET, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 23 juin 2006 sur le rapport de Madame FLISE, Président GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle BASTIDE, Greffier ARRET :
CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 14 septembre 2006, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Madame FLISE, Président, et par Mademoiselle BASTIDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le
magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 1er septembre 1998 la société SERF, qui est spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente en hôpitaux et cliniques d'implants orthopédiques et d'implants dentaires, a concédé à son ancien directeur commercial, M. Yves X..., la distribution exclusive de ses produits sur un territoire d'abord limité au Sud-Ouest et à l'Ile de France puis étendu d'autres départements ainsi qu'à la Belgique .
Ce contrat a ensuite été repris par la société SNPS que M.Yves X... avait constituée.
La société SERF s'est plainte de ce que le chiffre d'affaires fixé par le contrat initial et son avenant no1 n'avait pas été réalisé et de ce que la société PROTHESIO, constituée par M. Yves X... le 28 janvier 2002, commercialisait, sur le secteur géographique concédé et auprès de ses clients, des produits concurrents .
Après avoir privé au mois de janvier 2003 la société SNPS de son exclusivité, elle a rompu au mois de mai 2003 le contrat de distribution (dont le terme avait été fixé au 31 décembre 2003) et introduit au mois de juillet 2003 une action en Justice.
La société SNPS a conclu au rejet des demandes principales et réclamé reconventionnellement le remboursement de la valeur de ses stocks .
Par jugement en date du 6 décembre 2004 le Tribunal de Commerce de Lyon a :
-débouté la société SNPS de l'ensemble de ses demandes
-condamné la société SNPS à payer à la société SERF une somme de 562 182 euros en réparation du préjudice consécutif au fait que les objectifs 2000 à 2003 n'avaient pas été tenus
-débouté la société SERF de sa demande de dommages et intérêts
-fait application des dispositions de l'article 700 NCPC en faveur de la société SERF .
La société SNPS a interjeté appel de cette décision le 15 décembre 2004 .
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 24 janvier 2006 et qui sont expressément visées par la Cour, elle conclut à l'infirmation des dispositions principales du jugement entrepris et au rejet des prétentions de la société SERF. Elle demande que la société SERF soit condamnée à lui payer une somme de 178 275 euros HT correspondant à la valeur des stocks que la société SERF a refusé de reprendre ainsi qu'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 NCPC .
Elle soutient :
-qu'après avoir contraint M. Yves X... à démissionner et à constituer, en réalisant des investissements importants, sa propre société, la société SERF lui a peu à peu imposé des objectifs irréalisables (notamment sur 7 départements et le territoire belge qui n'avaient pas encore été prospectés) tout en lui enlevant un client important et en démarchant directement d'autres clients
-que, pour anticiper la fin du contrat de distribution exclusive, elle a du créer la société PROTHESIO et prévoir un approvisionnement auprès d'un autre fournisseur .
Elle trouve dans le comportement de la société SERF, à laquelle elle reproche d'avoir de manière brutale et anticipée mis un terme à son exclusivité puis rompu le contrat de distribution, la justification des craintes qu'elle éprouvait pour l'avenir .
Elle conteste la réalité d'un préjudice subi par la société SERF à la suite de la création de la société PROTHESIO .
Elle estime que ne peut justifier une indemnisation, au demeurant non prévue par la convention des parties, le simple fait de ne pas avoir
atteint des objectifs qui n'avaient pas été librement consentis .
Elle considère que la société SERF, en ayant immédiatement averti la clientèle de ce qu'elle reprenait la gestion directe de ses produits et en n'ayant pas accordé de délai de préavis, l'a privée de la possibilité d'écouler les stocks, d'une importance normale selon elle, existant au moment de la rupture du contrat de distribution.
Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 10 novembre 2005 et qui sont expressément visées par la Cour, la société SERF conclut à la confirmation des dispositions principales du jugement entrepris et demande en outre que la société SNPS soit condamnée à lui verser une somme de 350 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice commercial ainsi qu'une somme supplémentaire de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 NCPC .
Elle conteste la pertinence des reproches qui lui sont adressés par la société SNPS, qu'elle considère comme de particulière mauvaise foi .
Elle se prévaut des connaissances dont disposait, pour les avoir acquises dans son ancien emploi, M. Yves X... au moment où il s'est engagé et conteste d'une part toute évolution des objectifs fixés autre que celle dictée par l'extension géographique de l'exclusivité, d'autre part tout démarchage direct effectué par elle dans le périmètre concédé .
Elle se plaint non seulement du préjudice consécutif au fait que les objectifs fixés n'ont pas été tenus mais également d'un préjudice commercial résultant du comportement de la société SNPS après la rupture du contrat de distribution (dénigrement, confusion volontaire entre produits...).
Elle soutient qu'elle s'est contentée, en ce qui concerne les stocks en possession de la société SNPS, d'appliquer les prévisions
contractuelles et reproche à la société SNPS d'avoir constitué des stocks trop importants en passant des commandes destinées seulement à masquer le début des activités de la société PROTHESIO .
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que les premiers juges ont estimé à juste titre que ne se trouvait pas rapportée la preuve d'une contrainte économique exercée sur M. Yves X... pour qu'il accepte des objectifs surévalués ;
Que d'une part, en effet, l'expérience professionnelle antérieure de M. Yves X... lui permettait de mesurer la portée exacte de ses engagements ;
Que d'autre part, contrairement à ce qu'insinuent ses écritures, les objectifs contractuellement fixés dans le contrat initial pour le Sud-Ouest et l'île de France puis dans l'avenant no1 pour le reste du territoire concédé n'ont pas été ultérieurement alourdis mais seulement cumulés pour faire apparaître un chiffre global dans l'avenant no2 ;
Qu'enfin les courriers adressés au cours des années 2001 et 2002 par M. Yves X... lui-même à la société SERF, s'ils contiennent un certain nombre de griefs, ne décrivent pas comme irréalisables les résultats attendus ;
Attendu que ne se trouve pas non plus rapportée la preuve de comportements déloyaux de la société SERF qui auraient rendu plus difficile la réalisation de ces résultats ;
Qu'en effet, s'il ressort bien de plusieurs attestations versées aux débats que la société SERF a continué à visiter certains clients du territoire concédé, il n'est nullement établi que, loin de se contenter de faire connaître ses produits, elle ait également procédé à des ventes venant en diminution du chiffre d'affaires de son distributeur ;
Que le cas du client Y..., avec lequel la société SERF entretenait une relation directe, a été clairement abordé dans l'avenant no 3 signé par les parties ;
Attendu que, même pertinents, les reproches qu'il adressait à la société SERF n'auraient pas autorisé M. Yves X... à se faire justice à lui-même ;
Que, dénués de fondement, ils ne rendent que plus grave le comportement ayant consisté pour un distributeur exclusif à créer et à faire fonctionner de manière effective une société dont le seul objet était la commercialisation, notamment sur le territoire concédé, de produits concurrents ;
Attendu que l'importance de la faute commise par M. Yves X... justifiait la rupture du contrat de distribution sans préavis ;
Attendu que les premiers juges ont tiré les conséquences de leurs constatations en retenant l'entière responsabilité de M. Yves X... et en appliquant, pour chiffrer le montant des dommages et intérêts à allouer, les dispositions précises du contrat de distribution et de ses annexes ;
Qu'ils ont estimé à juste titre :
-que la sanction prévue par l'article 12.2 du contrat n'était pas exclusive de la réparation du préjudice consécutif à l'insuffisance des résultats obtenus
- que l'article 16 VI du contrat ne prohibait pas l'indemnisation d'un préjudice qui, comme en l'espèce, était différent de celui résultant simplement de l'expiration ou de la résiliation du contrat ;
Attendu que la société SNPS apparaît mal fondée à se plaindre des difficultés rencontrées pour procéder à l'écoulement des produits commandés avant la cessation des relations contractuelles ;
que la société SERF s'est, en effet, contentée d'utiliser l'une des
options offerte par l'article 16 V du contrat qui permettait à la société SNPS de continuer à vendre des produits SERF pendant un certain temps sans toutefois interdire à la société SERF d'annoncer, au cours du même laps de temps, à ses clients son retour sur le territoire concédé et de procéder elle-même à des opérations commerciales ;
Que le délai accordé pour l'écoulement de ces produits (n'ayant pas vocation à être stockés en grande quantité par le distributeur en cours d'exécution de contrat) relevait conventionnellement de la seule appréciation de la société SERF qui, en le fixant à deux mois à compter de la rupture immédiate du contrat de distribution, n'a commis aucun abus manifeste ;
Attendu que le jugement entrepris doit, par conséquent, être confirmé sur ces différents points ;
Attendu que le contenu des pièces versées aux débats par la société SERF est trop imprécis pour permettre de considérer comme établie avec certitude l'existence de comportements délibérément déloyaux de la société SNPS postérieurement à la rupture des relations contractuelles ;
Que le jugement entrepris doit, par conséquent, être également confirmé en ce qu'il a débouté la société SERF de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires ;
Attendu que les premiers juges ont fait une application équitable des dispositions de l'article 700 NCPC ;
Que l'équité commande aussi de faire application de ces dispositions pour la procédure d'appel ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la société SNPS à payer à la société SERF une somme supplémentaire de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 NCPC, Condamne la société SNPS aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de la SCP Aguiraud-Nouvellet, avoués.
Le Greffier,
Le Président,
M.P. BASTIDE
L. FLISE