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01/06/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006951153

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 3, 01 juin 2006, JURITEXT000006951153


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 01 Juin 2006

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 21 septembre 2004 - No rôle : 2001j2536 No R.G. : 04/07283

Nature du recours : Appel

APPELANTS : Monsieur Armand X..., né le 12 octobre 1972 à Casablanca (Maroc) 14, Boulevard Exelmans 75116 PARIS représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me Laurence BORNHAUSER-MITRANI, avocat au barreau de PARIS Monsieur Simon X..., né le 25 décembre 1954 à Colomb Bechard (Algérie) 24 rue Edouard Aynard 69

100 VILLEURBANNE représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté ...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 01 Juin 2006

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 21 septembre 2004 - No rôle : 2001j2536 No R.G. : 04/07283

Nature du recours : Appel

APPELANTS : Monsieur Armand X..., né le 12 octobre 1972 à Casablanca (Maroc) 14, Boulevard Exelmans 75116 PARIS représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me Laurence BORNHAUSER-MITRANI, avocat au barreau de PARIS Monsieur Simon X..., né le 25 décembre 1954 à Colomb Bechard (Algérie) 24 rue Edouard Aynard 69100 VILLEURBANNE représenté par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assisté de la SCP LAMY etamp; ASSOCIES, avocats au barreau de LYON Monsieur David X..., né le 2 juin 1972 à Casablanca (Maroc) 220, Park Avenue South, Apt 7B NEW YORK, NY 10003 (ETATS UNIS) représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me Laurence BORNHAUSER-MITRANI, avocat au barreau de PARIS Madame Annette Y... 47, boulevard Mohamed V CASABLANCA (MAROC) représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me Laurence BORNHAUSER-MITRANI, avocat au barreau de PARIS La société BORNORD, SCI 21, chemin des Petites Brosses 69300 CALUIRE ET CUIRE représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me Laurence BORNHAUSER-MITRANI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE : La SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT (SMC), SA 75, rue Paradis 13006 MARSEILLE représentée par Me BARRIQUAND, avoué à la Cour assistée de Me Dominique FORGE, avocat au barreau de PARIS Instruction clôturée le 31 Mars 2006 Audience publique du 13 Avril

2006 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame FLISE, Président Monsieur SANTELLI, Conseiller Madame MIRET, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 13 avril 2006 sur le rapport de Madame FLISE, Président GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Z..., Greffier ARRET :

CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 1er juin 2006, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Madame FLISE, Président, et par Mademoiselle Z..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par courrier recommandé en date du 27 décembre 2000 la Société Marseillaise de Crédit (dite SMC) a :

-informé la société Tête d'Or Diffusion, titulaire d'un compte courant depuis 1999, de la cessation des crédits à durée indéterminée qui avaient pu auparavant être consentis

- précisé la durée des préavis applicables à chaque catégorie d'opérations (60 jours pour les crédits par caisse et 30 jours pour les crédits de mobilisation et engagements par signature) .

Elle a par la suite réclamé le paiement d'une somme de 7 125 029,74 francs tant à sa cliente qu'aux personnes qui garantissaient l'exécution des engagements pris par cette cliente.

La liquidation judiciaire de la société Tête d'Or Diffusion a été prononcée le 23 octobre 2001.

Par jugement en date du 21 septembre 2004 le Tribunal de Commerce de Lyon a :

-fixé la créance de la SMC à 1 071 218 euros majorée des intérêts au

taux légal à compter du 6 avril 2004

-condamné solidairement MM. Simon X..., Armand X..., et David X... ainsi que la SCI BORNORD à payer à la SMC, chacun dans la limite de son engagement, la somme de 1 071 218 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2004

-refusé d'ordonner la capitalisation des intérêts de retard.

-attribué en paiement à la SMC des titres SICAV donnés en garantie

-rejeté les demandes reconventionnelles présentées par MM Armand et David X... ainsi que par Mme A... et la SCI BORNORD .

M. Simon X..., M. Armand X..., M. David X..., Mme A... et la SCI BORNORD ont interjeté appel de cette décision, le premier le 14 février 2006, les autres le 16 novembre 2004 .

Dans leurs dernières écritures, qui ont été déposées le 16 mars 2005 et qui sont expressément visées par la Cour, M. Armand X..., M. David X..., Mme A... et la SCI BORNORD concluent à l'infirmation du jugement entrepris et demandent que :

-la SCM soit condamnée à leur verser une somme de 1 018 949,91 euros ou, à tout le moins, une somme de 867 464,01 euros en réparation du préjudice consécutif à un octroi abusif de crédit

-la SCM soit condamnée à verser à MM Armand et David X... une somme de 150 000 euros chacun en réparation du préjudice consécutif à la prise de garanties disproportionnées

-que leur dette soit fixée à la somme de 59 903,71 euros (montant du découvert à la date du 27 décembre 2000) et qu'elle n'excède pas en tout cas la somme de 211 389,61 euros (montant du découvert à la date du 27 janvier 2001)

-qu'une compensation entre les créances réciproques soit ordonnée .

Ils reprochent plus particulièrement à la SCM :

-d'avoir continué à accorder des crédits à partir du mois de juin 2000 alors que la société Tête d'Or Diffusion se trouvait dans une

situation difficile caractérisée par le dépassement du découvert autorisé et n'avait pas pu produire le bilan de l'exercice clos au 30 juin 2000

-d'avoir de surcroît, au mois de décembre 2000, fait bénéficier la société Tête d'Or Diffusion d'un préavis dont elle aurait du être privée en application de l'article L 313-12 alinéa 2 du Code Monétaire et Financier et au cours duquel des prêts par avance en devises ont été renouvelés

-d'avoir obtenu, à une époque où ils étaient très jeunes et ne disposaient d'aucun revenu, le cautionnement de MM Armand et David X... ainsi que le nantissement de titres leur appartenant.

Ils sollicitent l'application en leur faveur des dispositions de l'article 700 NCPC.

Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 17 mars 2006 et qui sont expressément visées par la Cour, M. Simon X..., qui est l'ancien dirigeant de la société Tête d'Or Diffusion, conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande que la SCM soit déboutée des demandes qu'elle dirige contre lui .

Il reproche plus particulièrement à la SCM :

-de se prévaloir, en ce qui concerne les intérêts de retard, d'une convention de compte courant qui ne fixe pas le taux effectif global -de ne pas lui avoir fourni l'information prescrite par l'article L 313-22 du Code Monétaire et Financier .

Il sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 NCPC.

Aux termes de ses dernières écritures, qui ont été déposées le 23 mars 2006 et qui sont expressément visées par la Cour, la SMC conclut à la confirmation de toutes les dispositions du jugement entrepris à l'exception de celle refusant d'ordonner la capitalisation des

intérêts de retard.

Elle sollicite l'application en sa faveur des dispositions de l'article 700 NCPC

Elle soutient :

-qu'elle a toujours fait preuve de vigilance et que, sans toutefois s'immiscer dans la gestion de la société Tête d'Or Diffusion, elle a adressé à plusieurs reprises des demandes de communication de bilan et des avertissements à sa cliente qui lui annonçait constamment une imminente amélioration de sa trésorerie

-qu'elle ne disposait pas d'informations que le gérant de la la société Tête d'Or Diffusion aurait ignorées

-qu'il n'est nullement établi que la situation de la société Tête d'Or Diffusion, dont la cessation des paiements a été fixée au 3 mars 2001, se trouvait irrémédiablement compromise au cours du 2ème semestre de l'année 2000

-que, pendant la durée du préavis, elle n'a pas consenti de nouvelles avances en devises ou accepté de nouvelles ventes à terme et que tous les reports d'échéance ont eu lieu à l'intérieur du délai de préavis -que l'engagement pris par MM Armand et David en qualité de cautions n'était nullement disproportionné aux biens qui leur appartenaient et qu'ils ont pu nantir

-que le taux des intérêts s'appliquant au compte courant était mentionné sur les relevés et n'a pas été critiqué

-que, les intérêts s'étant trouvés incorporés au solde du compte courant, seul ce dernier montant avait à être porté à la connaissance des cautions .

Elle précise qu'à la suite de ses erreurs de gestion M.Simon X... a été condamné, par une décision frappée d'appel, à combler une partie du passif de la société Tête d'Or Diffusion .

SUR CE, LA COUR :

Attendu que des extraits de compte versés aux débats par la SMC il ressort que le taux effectif global pratiqué pour les agios a été clairement mentionné depuis 1993 sur les relevés qui ont été adressés à la société Tête d'Or Diffusion et à la réception desquels aucune protestation n'a été formulée ;

Que, cependant, les lettres d'information dont M. Simon X... a été, à partir du mois de mars 1997, destinataire en sa qualité de caution ne contiennent aucune mention relative au montant des agios alors même que l'obligation légale d'information s'applique aussi aux intérêts inscrits en compte courant ;

Attendu que la SMC se trouve, du fait de son omission, déchue de ces intérêts ;

Que le montant de la condamnation prononcée contre M. Simon X... doit être ramené à 791 618 euros, déduction faite du montant des agios (279 600 euros) tel qu'il peut être évalué à la lecture de la pièce 30 (non critiquée) de l'intimée ;

Attendu qu'à s'en tenir à ses propres explications la SMC éprouvait, au moins depuis le mois de janvier 2000, époque à laquelle a été prise la décision de réduire le montant des concours, de vives inquiétudes à propos de l'évolution de la situation financière de la société Tête d'Or Diffusion ;

Que ces inquiétudes n'ont pu que croître lorsqu'elle a constaté d'une part que la société Tête d'Or Diffusion ne lui adressait pas spontanément son bilan pour l'exercice clos au 30 juin 2000 et ne donnait aucune suite à son rappel du 20 septembre 2000, d'autre part que le montant du découvert excédait la somme autorisée (600 000 francs et continuait à croître (667 000 francs en juin, 817 000

francs en septembre et 927 000 francs en octobre) ;

Que les importants versements qu'aurait, selon la SMC, effectués courant septembre et octobre 2000 la société Tête d'Or Diffusion sur son compte, ne sont pas établis par les pièces versées aux débats et, à les supposer même établis, ne constitueraient pas un élément totalement rassurant tant que ne seraient pas connues l'origine et les circonstances exactes de ces versements sur lesquelles la SMC, avant de s'engager plus avant, avait le devoir d'interroger sa cliente, dont elle connaissait les importantes difficultés, pour exclure l'hypothèse d'une trésorerie procurée par des moyens ruineux ou hasardeux et confirmer au contraire l'hypothèse d'un redressement et d'un assainissement véritables de la situation financière de l'entreprise ;

Que la simple promesse qu'aurait faite le gérant de la société Tête d'Or Diffusion, sans l'étayer par aucun élément matériel, d'effectuer "des remises très importantes pour la fin de l'année 2000" était manifestement insuffisante pour dissiper des inquiétudes qui perduraient depuis près d'un an ;

Attendu que, dans un tel contexte, il appartenait à un professionnel de la banque, s'il n'entendait pas courir les risques inhérents (même en présence d'une possibilité conventionnelle de rupture) à la rupture immédiate de l'ensemble des concours accordés, de limiter au moins le montant de ces concours ;

Qu'en acceptant d'accorder, au cours du second semestre de l'année 2000 et plus particulièrement au mois d'octobre, des crédits d'un volume trop important qui se trouvent à l'origine d'une aggravation considérable du solde débiteur du compte courant de la société Tête d'Or Diffusion (multiplié par 17 en l'espace de quelques mois) et qui ont seulement contribué à retarder légèrement la cessation des paiements (fixée judiciairement au 3 mars 2001) d'une société dont la

situation était gravement compromise, la SMC a commis une faute qui engage sa responsabilité à l'égard des cautions étrangères à la gestion de la société ;

Que le préjudice subi par ces cautions peut être évalué à 400 000 euros ;

Attendu que MM Armand et David X..., à la date à laquelle ils se sont portés cautions solidaires de la société Tête d'Or Diffusion, n'avaient pas encore nanti les titres qui leur appartenaient;

Qu'ils sont, par conséquent, mal fondés à prétendre que le montant de leur engagement n'était pas proportionné à l'importance de leur patrimoine ;

Attendu que M Armand X..., M. David X..., Mme A... et la SCI BORNORD ne contestent pas l'exactitude du décompte produit par la SMC ;

Que la demande principale sera, par conséquent, accueillie à concurrence de la somme de 1 071 218 euros ;

Attendu qu'après compensation entre les créances respectives des parties M. Armand X..., M. David X..., Mme A... et la SCI BORNORD seront condamnés solidairement à payer à la SMC,dans la limite de leurs engagements respectifs, une somme de 671 218 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2004 ;

Attendu que la capitalisation des intérêts de retard doit être ordonnée ;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 NCPC pour la procédure d'appel ; PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Infirme le

Infirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux demandes reconventionnelles (dommages et intérêts et déchéance d'intérêts), au montant des condamnations prononcées et à la

capitalisation des intérêts,

Statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne solidairement M. Armand X..., M. David X..., Mme A... et la SCI BORNORD à payer à la SMC, dans la limite de leurs engagements respectifs, une somme de 671 218 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2004,

Condamne M. Simon X... à payer à la SMC, dans la limite de son engagement et solidairement avec M. Armand X..., M. David X..., Mme A... et la SCI BORNORD jusqu'à concurrence du montant de leur condamnation, une somme de 791 618 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2004,

Ordonne la capitalisation des intérêts de retard,

Confirme en toutes ses autres dispositions le jugement entrepris,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 NCPC pour la procédure d'appel,

Condamne la SMC aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de la SCP Brondel et Tudela, et de la SCP Aguiraud-Nouvellet, avoués.

Le Greffier,

Le Président,

M.P. Z...

L. FLISE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006951153
Date de la décision : 01/06/2006
Type d'affaire : Civile

Analyses

BANQUE

Le professionnel de la banque qui éprouve de vives inquiétudes à l'égard de son débiteur qui se trouve dans une situation difficile caractérisée par le dépassement du découvert autorisé ainsi que par l'impossibilité de produire son bilan doit, à défaut de rompre l'ensemble des concours accordés, limiter au moins le montant des concours. Il commet ainsi une faute engageant sa responsabilité à l'égard des cautions étarngères à la société s'il accèpte d'accorder dans cette situation des crédits importants ayant pour conséquence d'aggraver le solde débiteur du compte courant du débiteur.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2006-06-01;juritext000006951153 ?
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