AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALE SECTION B R.G : 04/02042 X... Gilles C/ Société RAVE RHONE ALPES APPEL D'UNE DECISION DU : Conseil de Prud'hommes de GIVORS du 02 Décembre 2003 RG : 2003/65 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 18 MAI 2006 APPELANT : Monsieur GILLES X... 103 rue Jean Jaurès 42800 RIVE DE GIER Comparant en personne, Assisté de Me MASANOVIC, Avocat au barreau de LYON Substitué par Me HOCH INTIMEE :
Société RAVE RHONE ALPES Les Etaings 42800 CHATEAUNEUF M Y..., Directeur Général assisté de Me MONDAN, Avocat au barreau de LYON,
PARTIES CONVOQUEES LE : 01.04.2005 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU :
30 Mars 2006 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président Monsieur Daniel GERVESIE, Conseiller Madame Nelly VILDE, Conseiller Assistés pendant les débats de Madame Myriam Z..., Adjoint administratif faisant fonction de greffier. ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 18 Mai 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, et par Madame Myriam Z..., Adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. [*************] EXPOSE DU LITIGE
Monsieur X... a été embauché par la société RAVE RHONE ALPES à effet du 28 mars 1989 en qualité de conducteur routier, coefficient
150, groupe 7 de l'annexe 1 de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport. Monsieur X... est délégué du personnel CGT depuis le21 mars 1998 et délégué syndical depuis le 19 mars 2002. A... a ensuite été réélu le 7 mai 2003 et le 17 juin 2005, délégué du personnel à la Délégation unique du Personnel et secrétaire du Comité d'entreprise le 2 juin 2003 et le 13 juillet 2005. Au mois de juin 2002, Monsieur X... a saisi le Conseil des Prud'hommes de SAINT CHAMOND de diverses demandes de rappel de salaire à l'encontre de son employeur, ainsi que d'une demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale. Monsieur X... ayant été élu Conseiller prud'homme au sein du Conseil des Prud'hommes de SAINT CHAMOND ensuite des élections du 11 décembre 2002, l'affaire a été renvoyée devant le Conseil des Prud'hommes de GIVORS. Suivant jugement en date du 2 décembre 2003 (rectifié par jugement du 16 mars 2004), le Conseil des Prud'hommes de GIVORS a donné acte à la société RAVE RHONE ALPES d'être à l'avenir très attentive quant aux termes employés lors de la rédaction des comptes rendus de réunion, a condamné la société RAVE RHONE ALPES à payer à Monsieur X... les sommes de 1.000 ç à titre de dommages-intérêts "pour emploi de terme blessant et non conforme à l'éthique" et de 500 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et enfin a débouté Monsieur X... de toutes ses autres demandes. Monsieur X... a régulièrement interjeté appel de cette décision dont il demande la réformation. Dans des écritures auxquelles la Cour fait expressément référence et que son conseil a développées oralement à l'audience, Monsieur X... sollicite désormais le paiement des sommes suivantes : - 447,97 eu à titre de rappel d'heures de nuit ; - 45 eu au titre des congés payés y afférents ; - 631,96 eu à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions relatives à la bonification ; - 852,20 eu à titre de
rappel d heures supplémentaires ; - 85,22 eu au titre des congés payés y afférents ; - 1.910,39 eu à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions relatives au repos compensateur. Monsieur X... estime par ailleurs qu'il a été victime de discrimination syndicale et d'une exécution fautive de son contrat de travail et sollicite à ce titre la condamnation de la société RAVE RHONE ALPES à lui verser la somme de 15.000 ç de dommages-intérêts. Monsieur X... demande enfin que lui soit alloué une indemnité de 1.500 eu sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Dans des écritures auxquelles la Cour se réfère expressément, la société RAVE RHONE ALPES conclut au débouté de Monsieur X... de toutes ses prétentions en matière de rappel de salaire et de dommages-intérêts pour non respect de la législation sur les bonifications et le repos compensateur, estimant que ce dernier a été intégralement rempli de ses droits. La société RAVE RHONE ALPES conteste par ailleurs l'existence d'une quelconque discrimination syndicale et demande que Monsieur X... soit débouté de toutes prétentions de ce chef. La société RAVE RHONE ALPES sollicite enfin la condamnation de Monsieur X... à lui verser une indemnité de 1.500 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION Sur le rappel d'heures de nuit Monsieur X... estime que la société RAVE RHONE ALPES n'a pas pris en compte, ni rémunéré l'intégralité des heures de nuit qu'il a effectuées (la période nocturne étant la période comprise entre 21 heures et 6 heures) et sollicite à ce titre, pour la période allant du mois de juillet 2002 au mois de mars 2006, un rappel de 449,97 ç (en ce compris les majorations résultant du protocole relatif au travail de nuit dans le transport routier de marchandises signé le 14 novembre 2001, à savoir : la prime horaire de 20% pour tout travail effectif en période nocturne et la
compensation pécuniaire au repos compensateur de 5% du temps de travail, pour le personnel effectuant au cours du même mois au moins 50 heures de travail effectif en période nocturne). Toutefois la réclamation de Monsieur X... résulte, en premier lieu, de la réintégration dans temps de travail effectif de la pause de 0,33 heure de travail par nuit travaillée que la société RAVE RHONE ALPES, quant à elle, déduit du décompte des heures accomplies et rémunérées. Or c'est à bon droit que la société RAVE RHONE ALPES considère que ce temps de repos ne peut être assimilé à du temps de travail effectif. En effet, alors qu'il existe un local réservé au repos et un coin repas, Monsieur X... ne peut soutenir qu'il devrait néanmoins rester en permanence à la disposition de l'employeur, ce dernier ayant par ailleurs établi que le taux d'utilisation de l'engin de type "automoteur" que Monsieur X... a mission de conduire à l'intérieur du site industriel, permet largement à celui-ci de prendre des pauses effectives, et ce d'autant plus que Monsieur X... prend également sur ses heures de travail des heures de délégation sans pour autant être remplacé dans son poste de travail. La société RAVE RHONE ALPES a établi, en deuxième lieu, que le décompte que produit Monsieur X... à l'appui de sa réclamation, comporte de nombreuses erreurs et qu'en particulier celui-ci compte en heures de nuit, des heures de délégation qu'il a prises en dehors de la période nocturne. A... résulte dans ces conditions du décompte produit par l'employeur que Monsieur X... a été entièrement rempli de ses droits au titres des heures de nuit et primes afférentes. A... convient de le débouter de ce chef de demande.
Sur la bonification d'août 2002 à octobre 2003 Se fondant sur les dispositions de l'article L 212-5 du Code du travail tel qu'issu de la loi du 19 janvier 2000, prévoyant une bonification sous forme de
repos de 25% pour les quatre premières heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires, Monsieur B... sous forme de repos de 25% pour les quatre premières heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires, Monsieur X... sollicite la somme de 631,96 ç à titre de dommages-intérêts correspondant au montant de 61 heures de bonification dont il estime avoir été privé. Toutefois la société RAVE RHONE ALPES fait valoir à juste titre que les bonifications se calculent sur le travail effectif, dont sont donc exclus, comme indiqué plus haut, les temps de pause. A... s'ensuit que Monsieur X... réclame indûment des bonifications pour des semaines où la durée de travail effectif était inférieure à 35 heures, soit 10 heures au titre de 2002 et 21,08 heures au titre de 2003. A... convient également de déduire de sa réclamation 4 heures de bonification au titre du mois d'octobre 2003, dans la mesure où c'est à compter du 1er octobre 2003 que la loi du 17 janvier 2003 a supprimé ce droit à bonification sous forme de repos pour le remplacer par une majoration de salaire. Le montant des dommages-intérêts auxquels a droit Monsieur X... à ce titre sera en conséquence ramené à la somme de 268,53 ç. Sur les heures supplémentaires Monsieur X... sollicite en outre, au vu d'un décompte produit aux débats, un rappel de salaire d'un montant de 852,20 ç , au titre des heures supplémentaires, avec majoration de salaire, pour les heures effectuées au-delà de la 40ème heure pour la période allant du mois de juillet 2002 au mois de septembre 2003 et dès la 36ème heure à compter du mois d'octobre 2003. Toutefois la société RAVE RHONE ALPES a établi que, dans ce décompte, Monsieur X... calcule des heures supplémentaires alors que la durée de travail effectif est inférieur à 40 heures, soit parce qu'il y a un jour férié chômé, soit parce qu'il a été remplacé certains jours par un autre salarié. A... résulte en fait de la
confrontation des tableaux d'heures produits par le salarié et par l'employeur qu'il est dû à Monsieur X... au titre des heures supplémentaires (majorées à 25 et à 50%) les sommes de 88,82 ç en 2002 (août à décembre 2002), de 200,52 ç en 2003 (aucune somme au titre de 2004), 55,16 ç en 2005 et 114,91 ç en 2006 ( mois de janvier et février), soit un montant total de 459,40 ç, outre les congés payés y afférents (45,94 ç). Sur le repos compensateur Monsieur X... se fonde sur les dispositions de l'article L 212-5-1 du Code du travail, aussi bien dans sa rédaction antérieure à la Loi du 17 janvier 2003 que dans celle issue de cette dernière, pour solliciter un rappel de repos compensateur, l'article L 212-5-1 énonçant depuis la loi précitée que les heures supplémentaires de travail effectuées à l'intérieur du contingent conventionnel ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au 1er alinéa de l'article L 212-16 ouvre droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50% du temps de travail accompli en heures supplémentaires, au-delà de 41 heures, dans les entreprise de plus de 20 salariés. La société RAVE RHONE ALPES soutient par contre qu'en application du décret du 25 avril 2002, relatif à la durée du travail dans les entreprises de transports routiers de marchandises, Monsieur X..., jusqu'à l'atteinte du contingent fixé par ce décret à 180 heures par an, ne peut prétendre à un repos compensateur de 50% des heures supplémentaires effectuées qu'au-delà de 45 heures, et non point de 41 heures comme le prévoit la Loi du 17 janvier 2003. Toutefois, il résulte du décret du 25 avril 2002 que son champ d'application est limité au personnel roulant marchandises "grands routiers" ou "longue distance", ainsi que les autres personnels roulants marchandises, à l'exception des conducteurs de messageries et des convoyeurs de fonds. Or Monsieur X... dont l'emploi consiste à conduire une engin de transport de palettes dit "automoteur" à l'intérieur d'un site
industriel, fait partie du personnel non conducteur, relevant du service intérieur. A... résulte des pièces produites (pièce 13 : réponse faite au tract CGT par l'entreprise et pièce 8 : accord portant sur la réduction du temps de travail des salariés non conducteurs de la société RAVE RHONE ALPES) qu'il rentre à ce titre dans le cadre de l'accord RTT précité. A... est constant également que Monsieur X... ne bénéficie pas de la formation continue obligatoire de sécurité des conducteurs routiers prévue à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport. Dans ces conditions, Monsieur X..., qui n'était pas assimilable au personnel roulant marchandises, ne pouvait se voir appliquer les dispositions du décret précité du 25 avril 2002. C'est dès lors à bon droit que Monsieur X... sollicite, au titre des droits à repos compensateur, l'application de l'article L 212-5-1 du Code du travail. Monsieur X... que l'employeur a omis d'informer de ses droits acquis en la matière, est fondé à solliciter, au vu du décompte produit, la somme de 1.910,39 ç à titre de dommages-intérêts. Sur la demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale L'article L 412-2 du Code du travail énonce : "A... est interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne notamment l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, l'avancement, la rémunération et l'octroi d'avantages sociaux, les mesures de discipline et de congédiement". S'il appartient au salarié syndicaliste qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de soumettre au juge les éléments susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement, il n'incombe pas à celui-ci de rapporter la preuve d'une discrimination syndicale, mais à l'employeur d'établir que cette disparité est
justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance syndicale. A... est constant que Monsieur X... est délégué du personnel CGT depuis le21 mars 1998 et délégué syndical depuis le 19 mars 2002 ; qu'il a ensuite été réélu le 7 mai 2003 et le 17 juin 2005, délégué du personnel à la Délégation unique du Personnel et secrétaire du Comité d'entreprise le 2 juin 2003 et le 13 juillet 2005. Or dans une décision de rejet (d'une demande d'autorisation de transfert de Monsieur X... vers la société RAVE TRANSILOG) en date du 10 juin 2002, l'Inspection du Travail relève l'existence de relations difficiles entre les représentants du personnel, principalement Monsieur X..., et la Direction de la société, liées aux négociations sur la réduction du temps de travail. L'Inspection du travail se réfère plus particulièrement à une note , également produite aux débats dans la présente instance, que la Direction de la société RAVE RHONE ALPES a émise et affichée dans les locaux de l'entreprise comparant le rédacteur du tract CGT relatif à la réduction du temps de travail à un "Pinocchio". L'Inspection du travail indique enfin que les difficultés de fonctionnement des délégués du personnel ont nécessité l'intervention du contrôleur du travail à deux reprises en un an, afin que l'employeur remette les réponses aux questions des délégués du personnel. Monsieur X... qui s'estime victime de discrimination, fait valoir qu'il est actuellement le seul salarié de la société titulaire d'un CAP de conducteur routier et de la FIMO, ainsi que des permis C, D et E (sans restriction de poids) à être affecté au service intérieur. A... est effectivement justifié par les pièces produites que, depuis septembre 2001, Monsieur X... a sollicité son affectation sur un poste de conducteur "grand routier" à de nombreuses reprises et en particulier chaque fois qu'un tel poste s'est trouvé vacant, alors qu'il est attesté, et non contesté par l'employeur, que des
recrutements extérieurs sont intervenus.(A... n'est pas contesté que l'entreprise comportait 30 conducteurs en 2002 et qu'elle en a 70 aujourd'hui). Or il n'a jamais été satisfait à sa demande alors même qu'il a été embauché dans l'entreprise en 1989 en qualité de conducteur poids lourd , qu'il a la formation et les permis idoines et surtout qu'il a effectivement exercé au sein de l'entreprise un emploi de conducteur Zone Longue International de septembre 1991 à septembre 1997. Monsieur X... a par ailleurs produit aux débats un tableau comparatif de l'évolution de ses revenus au sein de la société RAVE RHONE ALPES, et de ceux de Monsieur C... qui a occupé auparavant les mêmes fonctions que lui, qui dispose des diplômes identiques et qui bénéficie d'une ancienneté équivalente. A... en résulte pour les années 2001 à 2004 une différence de rémunération en faveur de Monsieur C... de 5.398,60 ç. La société RAVE RHONE ALPES se borne à justifier cette différence par le passage de Monsieur C... à un emploi de conducteur routier. A... résulte de tout ce qui précède l'existence d'éléments de nature à caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement, sans que l'employeur établisse que cette disparité est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur l'appartenance syndicale. La Cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à la somme de 8.000 ç la réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale dont est victime Monsieur X...
A... est équitable d'allouer à Monsieur X..., en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, une indemnité au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'il a dû exposer pour assurer sa défense en première instance et en cause d'appel. La société RAVE RHONE ALPES qui succombe sur les principaux chefs de demande présentés par Monsieur X... , sera déboutée de la demande d'indemnité qu'elle a présentée sur le même fondement et tenue aux
dépens.
DECISION PAR CES MOTIFS La Cour, Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 2 décembre 2003 par le Conseil des Prud'hommes de GIVORS ; Et statuant à nouveau, Condamne la société RAVE RHONE ALPES à verser à Monsieur Gilles X... les sommes suivantes : - 268,53 ç à titre de dommages-intérêts pour non respect entre août 2002 et septembre 2003 des dispositions relatives aux bonifications ; - 459,40 ç à titre de rappel d'heures supplémentaires d'août 2002 à février 2006 ; - 45,94 ç au titre des congés payés y afférents ; - 1.910,39 ç à titre de dommages-intérêts pour non respect des dispositions relatives au repos compensateur ; - 8.000 ç à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ; - 1.500 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Déboute Monsieur X... de ses demandes plus amples ou contraires et la société RAVE RHONE ALPES de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la société RAVE RHONE ALPES aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
M. Z... R. VOUAUX D...