R.G : 05/00898 décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Ord. référé 2005/130 du 24 janvier 2005 Association LE COFFAD C/ SCP CHENU JEAN-SCRIVE BENOIT-BERARD ANTOINE SARL CHENU SCRIVE BERARD COUR D'APPEL DE LYON 8ème Chambre Civile * ARRET du 18 AVRIL 2006 APPELANTE :
Association LE COFFAD
Le Collectif des Filles et Fils d'Africains Déportés
représentée par son président en exercice,
Monsieur Assani X...
39, route de Champigny
94350 VILLIERS SUR MARNE représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me Philippe MISSAMOU, avocat INTIMEES :
SCP CHENU SCRIVE BERARD
commissaires priseurs associés
6, rue Marcel Rivière
69002 LYON 02 représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me GENIN, avocat
SARL CHENU SCRIVE BERARD
6, rue Marcel Rivière
69002 LYON 02 représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me GENIN, avocat ***** Instruction clôturée le 05 Décembre 2005 Audience de plaidoiries du 07 Mars 2006 R.G.05/898 La huitième chambre de la COUR d'APPEL de LYON, composée lors des débats et du délibéré de : * Jeanne Y..., présidente de la huitième chambre qui a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries, * Martine BAYLE, conseillère, * Jean DENIZON, conseiller, assistés lors des débats tenus en audience publique par Nicole Z..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant : FAITS et PROCEDURE
Par acte du 12 janvier 2005, l'Association du Collectif des filles et fils d'africains déportés (COFFAD) a assigné la SCP CHENU, SCRIVE et BERARD, commissaires priseurs, aux fins de voir ordonner la suspension de la vente aux enchères fixée au 12 janvier 2005 et portant sur des objets, manuscrits et documents historiques ayant appartenu à des esclavagistes, qui sont indispensables à la connaissance de l'histoire empreinte de la tragédie du peuple noir, ainsi que leur mise sous séquestre.
Suivant ordonnance du 24 janvier 2005, le juge des référés du tribunal de grande instance de LYON, considérant qu'en l'absence de tout élément susceptible de caractériser une inaliénabilité, la vente ne pouvait constituer un trouble manifestement illicite qu'à l'encontre des propriétaires, a débouté le COFFAD de l'ensemble de ses demandes.
Ayant relevé appel de cette décision le 8 février 2005, le COFFAD demande la mise sous séquestre et la remise de la copie des documents litigieux ainsi que le paiement de la somme de 10.000 euros sur le
fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. R.G. 05/898
Au soutien de son recours il expose qu'il n'a pas fondé son action sur la loi du 29 juillet 1881 relative à la presse et à la communication mais sur les articles 2 et 3 de la loi du 21 mai 2001 qui consacrent le caractère inaliénable, imprescriptible et indisponible des documents et objets se rapportant à la traite ;
Qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 10 juillet 2000 relative à la vente volontaire des meubles aux enchères, les commissaires priseurs sont les mandataires des propriétaires des objets à eux confiés ;
Que ces documents qui sont l'expression de la douleur et de l'héro'sme du peuple noir ne sauraient être aliénés pour quelque raison que ce soit. [*****]
La SCP et la SARL CHENU, SCRIVE et BERARD concluent à la confirmation et demandent 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elles soutiennent que les documents litigieux ont été retirés de la vente pour prévenir tout dommage immininent ;
Que si la loi du 21 mai 2001 tend à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité, elle ne confère cependant aucun caractère inaliénable aux documents ou objets relatifs à l'esclavage ;
Que ces documents peuvent seulement être soumis à un éventuel droit de préemption de l'Etat ;
Qu'ils ne peuvent être caractérisés comme des souvenirs de famille et n'ont pas un caractère historique pour la connaissance de l'histoire de l'esclavage puisqu'il s'agit de lettres sans détails ; R.G. 05/898 Qu'enfin le séquestre ou la restitution ne peuvent être demandés
qu'aux propriétaires qui ne sont pas dans la cause. MOTIFS
Attendu qu'il est constant que sur les cinq cent trois lots de la vente aux enchères du 12 janvier 2005 les six lots litigieux faisant référence à la traite et à l'esclavage ont été retirés ;
Que la Cour n'est saisie d'un recours que sur la demande de séquestre et de remise de copie de ces six lots ;
Attendu que la loi du 20 mai 2001 qui consacre la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité a prévu le développement de l'enseignement sur l'événement historique ainsi que de la recherche permettant de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques et aux Cara'bes ;
Que cette loi qui tend à accorder à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent dans l'histoire ne confère toutefois aucun caractère inaliénable aux documents et objets se rapportant à l'esclavage ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que l'Etat a manifesté son intention de préempter les documents litigieux relatifs au commerce colonial et à la traite des esclaves et qui avaient été retirés de la vente ;
Que ce retrait écartant tout risque de dispersion est exclusif de la notion de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent ; R.G. 05/898
Attendu que la demande de mise sous séquestre et de remise de copie, qui ne pourrait se concevoir qu'en cas de nécessité de suspendre la vente, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, se heurte en outre aux droits des propriétaires des documents retirés qui ne sont pas dans la cause ;
Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté le COFFAD de ses demandes de mise sous séquestre
et de remise de copie ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Que l'association appelante qui succombe devra supporter les dépens ; PAR CES MOTIFS La Cour,
Confirme la décision entreprise en ses dispositions critiquées,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne l'Association du Collectif des filles et fils d'africains déportés aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de la SCP d'avoués AGUIRAUD-NOUVELLET, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. R.G 05/898
Cet arrêt a été prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile et signé par Jeanne Y..., présidente de la huitième chambre et par Nicole Z..., greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
Mme Z...
Mme Y...