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06/04/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949238

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 3, 06 avril 2006, JURITEXT000006949238


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 06 Avril 2006 Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 11 février 2005 - No rôle : 2003 010345 No R.G. :

05/01629

Nature du recours : Appel

APPELANTE : La Société FRANCE TRANSMISSION SERVICE, SARL dont le siège social est 31, rue Wilson Parc d'activités 69150 DECINES CHARPIEU avec établissement secondaire : 35 avenue de Marboz 01000 BOURG EN BRESSE représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour assistée de la SELAFA DELSART-TESTON, avocats au barreau

de LYON

INTIMEE : La Société ETABLISSEMENTS TROCCON, SARL 43 rue François Arago ZI...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 06 Avril 2006 Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de BOURG EN BRESSE du 11 février 2005 - No rôle : 2003 010345 No R.G. :

05/01629

Nature du recours : Appel

APPELANTE : La Société FRANCE TRANSMISSION SERVICE, SARL dont le siège social est 31, rue Wilson Parc d'activités 69150 DECINES CHARPIEU avec établissement secondaire : 35 avenue de Marboz 01000 BOURG EN BRESSE représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour assistée de la SELAFA DELSART-TESTON, avocats au barreau de LYON

INTIMEE : La Société ETABLISSEMENTS TROCCON, SARL 43 rue François Arago ZIN 01000 BOURG EN BRESSE représentée par Me Christian MOREL, avoué à la Cour assistée de Me Mustapha BAICHE, avocat au barreau de LYON Instruction clôturée le 17 Février 2006 Audience publique du 02 Mars 2006 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Madame MIRET, Conseiller Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 2 mars 2006 sur rapport de Monsieur ROBERT, Président GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle X..., Greffier, ARRET : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 6 avril 2006, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Monsieur ROBERT,

Président, et par Mademoiselle X..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE ANTÉRIEURE :

La SARL ETABLISSEMENTS TROCCON exploite à Bourg-en-Bresse depuis 1979 un fonds de commerce créé en 1951 ayant pour activité principale la fourniture pour minoteries et matériels industriels divers.

Gilles Y..., chef magasinier de la société ETABLISSEMENTS TROCCON, a donné sa démission par lettre du 4 octobre 2002 soit, compte-tenu du préavis de trois mois, à effet du 7 janvier 2003.

Le 8 janvier 2003, la SARL FRANCE TRANSMISSION SERVICE ayant son siège social dans le Rhône et exerçant une activité de négoce distribution de toutes pièces détachées, notamment dans le domaine du roulement et de la transmission, concurrente de celle de la société ETABLISSEMENTS TROCCON pour la fourniture de matériels industriels divers, a ouvert une succursale à Bourg-en-Bresse, dans la même zone industrielle que celle-ci. Gilles Y..., embauché par la la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE à la même date, a été nommé responsable de cette nouvelle agence.

La société ETABLISSEMENTS TROCCON, qui avait mis en garde la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE à propos du caractère déloyal que revêtait à ses yeux l'embauche de Gilles Y..., par un courrier du 19 décembre 2002 et qui avait délivré à ce dernier un avertissement le 24 décembre au motif de fautes commises durant son préavis, a obtenu l'autorisation du président du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse de faire constater par huissier l'existence d'un fichier clientèle identique au sien au sein de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE ; un constat d'huissier a été dressé à ce sujet le 24 juillet 2003.

Par acte du 9 octobre 2003, la société ETABLISSEMENTS TROCCON a alors assigné Gilles Y... et la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE devant

le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse pour les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 323

327 ç à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel et de celle de 150

000 ç en compensation de son préjudice moral, outre diverses mesures accessoires, en se prévalant d'actes de concurrence déloyale. Elle s'est toutefois désistée de ses demandes dirigées contre Gilles Y...

Par jugement du 11 février 2005 le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, qui a retenu sa compétence, a constaté l'existence d'actes de concurrence déloyale et a condamné la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE à verser à la société ETABLISSEMENTS TROCCON les sommes respectives de 77

598 ç et 3000 ç en compensation de ses préjudices matériel et moral, outre une indemnité de procédure de 2500 ç.

La SARL FRANCE TRANSMISSION SERVICE a relevé appel le 7 mars 2005. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses conclusions récapitulatives numéro 2 du 23 décembre 2005, la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE demande à la cour, réformant le jugement, de dire qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale au préjudice de la société ETABLISSEMENTS TROCCON et de condamner celle-ci au paiement d'une somme de 7

500 ç à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que d'une indemnité de procédure de 5

000 ç.

Elle soutient d'abord que son embauche de Gilles Y... ne constitue pas un débauchage déloyal dès lors que : - l'intéressé n'a pas été débauché mais a souhaité quitter la société ETABLISSEMENTS TROCCON en raison de la grave dégradation des conditions et de l'ambiance de travail et, ayant donc recherché un nouvel emploi dans le secteur d'activité qui était le sien depuis 26 ans, a été mis en contact avec elle par l'intermédiaire d'un employé de la société NTN, fournisseur

commun aux deux parties, - Gilles Y... qui n'était tenu par aucune clause de non-concurrence était donc libre de chercher du travail dans une entreprise concurrente, alors surtout que son départ n'a entraîné aucune désorganisation de son ancien employeur, - l'offre de rémunération qui lui a été faite n'a eu aucun caractère anormal, puisqu'en définitive il a bénéficié d'un salaire supérieur de 4 % seulement en 2004 par rapport à 2002, sans disposer d'avantages en nature particuliers, - il n'a pas été embauché pour détourner la clientèle de la société ETABLISSEMENTS TROCCON, alors que l'identité de celle-ci était facilement accessible grâce à différentes bases de données et, déjà largement connue par ses commerciaux, sans le concours de Gilles Y... qui, au surplus, étant chef magasinier, n'avait pas un rôle commercial prépondérant, - Gilles Y... n'a commis aucune manoeuvre frauduleuse à l'occasion ou à la suite de cette démission, aucune faute ne pouvant lui être reprochée à propos des contacts pris avec elle après sa démission et les griefs articulés par l'intimée au sujet des affaires Optibelt et Lemoulin n'étant pas établis.

La société FRANCE TRANSMISSION SERVICE contestant ensuite la réalité d'un quelconque détournement de clientèle.

En premier lieu, à propos de la concomitance prétendue entre le départ d'une partie des clients de la société ETABLISSEMENTS TROCCON et la réalisation par elle-même de ses premières affaires avec ces mêmes clients, l'appelante fait observer que : - d'importantes pertes de chiffre d'affaires ont été subies par la société ETABLISSEMENTS TROCCON au premier semestre 2003 ou en 2004 par rapport à 2002 pour des clients auxquels elle-même n'a pas facturé, ou seulement de manière non significative, - le nombre des clients communs entre les deux entreprises (63 selon l'huissier qui a consulté l'intégralité des du fichier informatique FRANCE TRANSMISSION SERVICE) est

dérisoire par rapport à celui de l'ensemble des clients de la société ETABLISSEMENTS TROCCON, au moins de l'ordre d'un millier, - certaines des comparaisons effectuées par la société ETABLISSEMENTS TROCCON ne prouvent rien, notamment celles fondées sur le seul premier trimestre 2005 ou afférentes au secteur industrie dont on ignore la définition précise, - la baisse de chiffre d'affaires de la société ETABLISSEMENTS TROCCON peut résulter de nombreux autres facteurs, - elle-même n'a réalisé en 2003 un chiffres d'affaires comparable à celui de 2001, l'année 2002 ayant été particulièrement mauvaise.

L'appelante fait valoir en second lieu qu'aucun élément de preuve d'un détournement du fichier clientèle de la société ETABLISSEMENTS TROCCON par Gilles Y... n'est apporté alors qu'il n'est pas surprenant que certains clients soient communs aux deux entreprises, qu'aucune corrélation réelle entre les deux fichiers clientèle n'est démontrée et qu'aucune conséquence ne peut être sérieusement tirée de l'utilisation du même logiciel.

Elle considère que pas davantage l'intimée ne prouve un prétendu démarchage déloyal et systématique de sa clientèle en relevant qu'il lui était parfaitement loisible de s'intéresser à celle-ci dès lors qu'elle n'accompagnait son démarchage d'aucune manoeuvre ni d'aucun dénigrement. Elle dénie toute réalité à la politique de prix anormalement bas que lui impute la société ETABLISSEMENTS TROCCON d'une part en analysant deux affaires particulières et d'autre part en relevant qu'elle applique une marge commerciale confortable lui permettant de réaliser des bénéfices (42

492 ç en 2004). Selon elle, le tribunal n'a pas caractérisé l'existence de procédés déloyaux de démarchage en se bornant à indiquer que la clientèle a "vraisemblablement été invitée par M. Y... à se servir chez un nouveau prestataire".

La société FRANCE TRANSMISSION SERVICE soutient enfin que son

adversaire ne justifie pas d'un préjudice matériel réel, le calcul de la perte de chiffre d'affaires ou de résultat apparaissant critiquable ; elle estime qu'il n'existe aucun élément de préjudice moral, en l'absence de toute preuve de dénigrement ou de désorganisation de l'entreprise.

De son côté, par des conclusions du 9 février 2006, la SARL ETABLISSEMENTS TROCCON demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'actes de concurrence déloyale de la part de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE mais de le réformer sur le préjudice en condamnant cette dernière à lui payer la somme de 522

160 ç en réparation de son préjudice matériel en relation de causalité directe avec la concurrence déloyale ainsi qu'une somme de 150

000 ç au titre du préjudice moral. Elle sollicite également la publication de la décision à intervenir aux frais de son adversaire dans trois parutions locales, et l'allocation d'une indemnité de procédure de 15

000 ç.

Elle soutient d'abord que la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE a déloyalement débauché Gilles Y... dans le but d'opérer avec son concours le détournement de sa clientèle.

En premier lieu, elle affirme qu'ont été mises en place les manoeuvres déloyales suivantes pour inciter son salarié à la quitter:

- l'existence de contacts rapprochés entre la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE et Gilles Y... avant même la fin de son préavis, - la création d'un établissement secondaire de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE à proximité immédiate du sien et du domicile de Gilles Y..., confié exclusivement à ce dernier et ceci concomitamment à son départ, le bail de la nouvelle agence ayant été signé le 21 octobre 2002, - la promesse d'une rémunération importante, qui lui a été effectivement assurée par une augmentation de 30 % par rapport à son salaire antérieur.

Elle considère que ce n'est nullement par hasard que Gilles Y... a pris le risque de démissionner alors que le changement d'actionnaire dont il fait état était intervenu depuis 1997 et qu'il disposait d'un salaire confortable et d'une résidence proche de son travail : selon elle c'est bien dans la perspective de créer l'établissement secondaire de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE qu'il a décidé de rejoindre celle-ci. Elle ajoute que l'intéressé n'ayant chez elle la responsabilité de tout le secteur commercial sédentaire, détenant des informations d'une extrême confidentialité et ayant établi de très fortes relations humaines avec les clients, son départ a nécessairement entraîné pour elle une désorganisation commerciale d'autant plus sensible sur le marché étroit de la minoterie ; elle rappelle toutefois que son action n'est pas fondée sur l'existence d'une désorganisation structurelle de ses services mais seulement sur le détournement déloyal de clientèle.

À ce propos, elle fait valoir en second lieu que le détournement résulte suffisamment des principaux éléments suivants : a) La concomitance entre la démission de Gilles Y... et le départ d'une partie importante de sa clientèle : ainsi :

- le constat aurait permis d'établir la présence dans le fichier informatique de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE de nombreux dossiers d'importants clients, qui ne faisaient l'objet d'aucune facturation de la part de l'appelante avant janvier 2003 et pour lesquelles elle-même a enregistré une baisse du chiffre d'affaires considérable entre janvier et août 2003,

- de manière plus générale, son chiffre d'affaires a subi une baisse de 41,19 % en 2004 par rapport à 2002 tandis que parallèlement le chiffre d'affaires de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE augmentait considérablement après qu'elle ait réalisé ses premières affaires à Bourg-en-Bresse, exclusivement avec des anciens clients de

la société TROCCON,

- le fichier clientèle de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE n'est autre que celui de la société ETABLISSEMENTS TROCCON puisqu'on y trouve précisément plusieurs entreprises que la première admet n'avoir pas encore facturées, b) L'utilisation par la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE de procédés déloyaux contraires aux usages commerciaux : elle serait révélée par :

- le détournement du fichier clientèle,

- la lettre de demande de prix et de délai adressée le 20 février 2003 à un de ses fournisseurs exclusifs en matière de meunerie , la société GUERY, par Gilles Y..., seul à même de connaître l'identité de ce fournisseur,

- l'utilisation du logiciel SAGE,

- la prospection systématique des clients de la société ETABLISSEMENTS TROCCON à l'aide du fichier apporté par Gilles Y..., confirmée par le témoignage de Michel DEZEMPTE, le bon de livraison transmis par un de ses clients habituels du Jura la société MONNARD JURA, et le cas de la société GAIC, un de ses plus importants clients pour les produits de minoterie,

- la pratique de prix anormalement bas (notamment affaire Z... Jean-Paul) confirmée par l'attestation de Michel DEZEMPTE et la fiche d'information comptable de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE, qui n'a dégagé aucun bénéfice en 2004.

L'intimée explique que son préjudice matériel est caractérisé par la perte de clientèle constatée dans son activité industrie qui a subi une diminution de son chiffre d'affaires pouvant être estimée à 920

755 ç entre le 1er janvier 2003 et le 31 mars 2005 ; selon elle, la perte de clientèle a été massive durant les premiers mois de l'année 2003 et correspond parfaitement à l'augmentation du volume d'affaires réalisé par l'établissement de Bourg-en-Bresse de la

société FRANCE TRANSMISSION SERVICE ; elle relève que son chiffre d'affaires a toujours été en progression depuis 1969 et qu'il n'existait donc aucune raison autre que la concurrence déloyale pour expliquer le transfert de clientèle constatée.

Elle considère son préjudice équivalent à la perte de marge brute qui représente en moyenne 56,71 % du chiffre d'affaires : elle évalue ainsi à 522

160 ç son dommage matériel.

La société ETABLISSEMENTS TROCCON soutient avoir subi par ailleurs un trouble commercial du fait des procédés utilisés par la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE et notamment la pratique de prix anormalement bas entraînant dans l'esprit sa clientèle le développement d'une image négative ; elle fait également état de la privation d'un interlocuteur sédentaire et compétent en son sein du fait du débauchage déloyal de l'unique cadre commercial qu'était M. Y...

Elle relève enfin que la publication de la décision intervenir est nécessaire pour éviter le maintien des agissements déloyaux et réparer complètement son préjudice.

Il convient de préciser que par une ordonnance du 25 octobre 2005, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'exécution provisoire qui avait été formée devant lui par la société ETABLISSEMENTS TROCCON.

Une ordonnance du 17 février 2006 clôture la procédure. SUR CE, LA COUR:

Attendu, sur les actes de concurrence déloyale liés au départ de Gilles Y... de l'entreprise TROCCON, qu'il convient d'abord d'observer que l'intéressé n'était tenu par aucune clause de non-concurrence et qu'il devait donc seulement respecter l'obligation de loyauté à laquelle est tenu tout salarié durant l'exécution de son

contrat de travail ;

Que sur ce point, l'intimée n'établit pas que durant son préavis, Gilles Y... ait brusquement cessé de passer des commandes auprès de certains fournisseurs puisqu'elle communique seulement un courrier d'un représentant commercial de la société Optibelt qui apparaît d'une faible portée probatoire pour avoir été rédigé en septembre 2003 à la suite de "différentes conversations avec le dirigeant de la société TROCCON" afin de se plaindre d'un comportement subi en 2002, et qui, au surplus, fait seulement état d'un refus d'engager des relations commerciales et nullement d'une interruption dans la passation de commandes ;

Que de même, la réalité de la vente à perte de 10 courroies qu'aurait effectuée Gilles Y... au client martiniquais Le Moulin en décembre 2002 n'est pas démontrée dans la mesure où le libellé des factures d'achat et de vente est trop imprécis pour permettre de retenir en toute certitude un prix d'acquisition unitaire de 262,70 ç et non de 87,60 ç; qu'en toute hypothèse aucun élément du dossier ne prouve que cette éventuelle sous-facturation imputable à Gilles Y... ait été volontaire de sa part ; qu'elle est en outre restée unique ;

Qu'ainsi, n'est pas caractérisée de la part de Gilles Y... une intention de nuire à son employeur qui se soit manifestée par une tentative de mécontenter la clientèle pour préparer son détournement futur ;

Attendu qu'il n'était pas en soi illicite pour la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE d'approcher Gilles Y... dans la perspective de l'ouverture d'une agence à Bourg-en-Bresse afin de profiter de son expérience dans le domaine d'activité considéré et de lui confier lae l'ouverture d'une agence à Bourg-en-Bresse afin de profiter de son expérience dans le domaine d'activité considéré et de lui confier la responsabilité du nouvel espace commercial ; qu'il est indifférent à

ce propos de s'attacher aux motifs personnels de la décision prise par le salarié de quitter la société TROCCON;

Que le fait pour l'appelante d'avoir eu des contacts avec Gilles Y... durant son préavis n'est pas davantage critiquable, de même qu'il lui était loisible de lui proposer un salaire supérieur à celui perçu dans l'entreprise TROCCON ; que c'est seulement si le débauchage s'était accompagné de la promesse d'avantages financiers anormaux en raison de leur caractère exceptionnellement élevé qu'il aurait pu être fautif ; que tel n'est pas le cas, puisque le salaire net imposable de Gilles Y... s'est établi en 2003 à 37

169 ç pour 36

326 ç en 2002, ce qui représente une augmentation modeste ;

Attendu que l'ouverture par la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE d'un établissement à Bourg-en-Bresse, dirigé par Gilles Y..., dès l'embauche de ce dernier, à l'expiration de son préavis au sein de la société TROCCON, est conforme à ce qu'autorise le principe de liberté du commerce et de l'industrie ; qu'un tel acte ne pourrait être sanctionné que s'il s'était accompagné de manoeuvres ou comportements déloyaux tels que dénigrement ou publicité illicite ; qu'en aucun cas ne peut leur être assimilée l'installation du nouveau magasin dans la même zone d'activité, fût-ce à proximité immédiate de l'entreprise TROCCON et non loin du domicile personnel de Gilles Y... ;

Attendu que si le départ de ce dernier a sans nul doute causé une certaine perturbation au sein de la société TROCCON, dans laquelle il travaillait depuis 26 ans avec une compétence reconnue et en ayant noué des relations personnelles avec la clientèle, il ne constitue pas de la part de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE une désorganisation fautive de sa concurrente ; que celle-ci ne pourrait résulter que de circonstances particulières, comme, par exemple le débauchage concerté de salariés difficiles à remplacer ou celui intervenant à une époque spécialement préjudiciable ; qu'en revanche

n'est pas déloyale l'embauche d'un unique salarié même expérimenté, non lié par une clause de non-concurrence, intervenue au terme de sa période normale de préavis ;

Attendu, sur le détournement déloyal de clientèle, qu'en premier lieu le constat d'huissier établi le 24 juillet 2000 a permis de constater la présence dans le fichier informatique clients de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE de 63 entreprises figurant également dans celui de la société TROCCON ; que parmi elles, une quinzaine n'avait fait l'objet d'aucune facturation par l'appelante au cours du premier semestre 2003 ; que toutefois la société TROCCON admet commercer elle-même avec un millier de clients, ce qui apparaît vraisemblable en raison de l'objet de son négoce portant sur une large gamme de matériels et pièces détachées, susceptibles d'être diffusés non seulement dans le secteur particulier de la minoterie dont elle dit s'être fait une spécialité, mais aussi auprès de toutes les entreprises industrielles ; que le fait pour la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE d'être entré en relations avec les quelques dizaines d'établissements recensés par l'huissier ne suffit nullement à démontrer l'existence d'un détournement du fichier clientèle de la société TROCCON par Gilles Y... alors surtout que: - la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE justifie avoir été abonnée de longue date à une banque de données lui permettant de sélectionner les entreprises de chaque secteur industriel de manière plus précise que sur celles librement accessibles au public, notamment par Internet, -la liste des clients communs comporte quasi exclusivement des entreprises de l'Ain dont l'existence et les coordonnées pouvaient facilement être trouvées par l'intermédiaire des services publics ou des chambres consulaires départementales ;

Qu'ainsi il n'est pas démontré que Gilles Y... ait fait bénéficier son employeur du contenu du fichier clientèle de la société TROCCON,

ni d'informations privilégiées et confidentielles dont il aurait eu connaissance dans son précédent emploi ; que l'utilisation par la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE du logiciel de gestion (SAGE) installé au sein de l'entreprise TROCCON est évidemment indifférente à cet égard, alors qu'il s'agit d'un logiciel de diffusion courante, et que la première justifie l'avoir mis en place dans son établissement du Rhône depuis 2001 ;

Attendu en second lieu qu'aucune conséquence utile ne peut être tirée de la demande de prix et de délais adressée le 20 février 2003 par Gilles Y..., pour le compte de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE à un fournisseur de la société TROCCON, la société GUERY, qui vendrait essentiellement du matériel de meunerie ; qu'en effet, il ne s'agit pas d'un client de l'intimée et que celle-ci n'établit, ni même ne prétend que l'identité de ses fournisseurs ait été susceptible de protection à son profit ; que la volonté de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE d'intervenir auprès d'une clientèle de minotiers n'était même pas fautive, eu égard à son objet social qui ne lui interdit pas de faire commerce avec cette catégorie particulière d'industriels ;

Attendu en troisième lieu sur la pratique de prix anormalement bas, que celle-ci ne peut être prouvée par l'attestation de Michel DEZEMPTE, nouveau responsable de secteur de la société TROCCON, qui n'assortit d'aucun n'exemple précis ni d'aucune pièce son allégation d'offres de prix extrêmement attractifs de la part de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE, qui lui auraient été rapportées par les clients visités ; que l'unique document versé au débat par la société TROCCON, à savoir un fax de protestation de M. Jean-Paul Z..., un de ses clients, au sujet des prix pratiqués par elle par rapport à ceux de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE n'apporte sur ce point aucune démonstration déterminante, puisque l'appelante justifie

n'avoir pas vendu à perte les matériels en cause, mais s'être réservée une marge commerciale réelle (achat à 11,34 ç et revente à 17,01 ç pour la chaîne PAS 25.4 ; achat 6,74 ç et revente 10,11 ç pour le pignon 19 dents) ;

Que de manière plus générale, il est loisible à toute entreprise de fixer librement ses prix sans avoir à s'aligner sur la concurrence et notamment de choisir de réduire sa marge afin de conquérir de nouveaux marchés ; qu'à ce sujet, l'attestation de l'expert-comptable de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE révèle que son taux de marge commerciale pour l'établissement de Bourg-en-Bresse, ressort à 42 % pour chacun des exercices2003 et 2004, ce qui, quoique légèrement inférieur au taux de marge de la société TROCCON, est supérieur à celui constaté dans l'établissement principal de l'appelante et ne caractérise de sa part aucune pratique assimilable à du dumping ;

Attendu qu'en quatrième lieu, ne se trouve pas non plus démontrée la réalité d'un démarchage déloyal et systématique de la clientèle des établissements TROCCON par la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE, grâce aux renseignements fournis par Gilles Y...; qu'en effet la demande de devis émanant de la société Guadeloupéenne Grands Moulins des Antilles date du mois d'août 2004 soit plus de 18 mois après le départ du salarié de sorte que pour le moins elle ne révèle aucune prospection systématique de ce client, qui pendant un tel laps de temps, a pu apprendre par lui-même l'existence du concurrent de l'intimée ; que s'agissant de la société GAIC, la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE justifie avoir déjà avoir déjà répondu à des demandes de prix de sa part en 1997 et 1998, ce qui démontre qu'elle n'a pas eu besoin de l'intervention de Gilles Y... pour la traiter en client potentiel ; qu'enfin la société TROCCON ne précise pas en quoi une manoeuvre déloyale ou illicite aurait été nécessaire à la

société FRANCE TRANSMISSION SERVICE pour entrer en relations avec un client domicilié dans le département du Jura, à Saint-Amour, c'est-à-dire dans un secteur géographique proche, où il était naturel pour elle de chercher à se constituer une clientèle à partir de son nouvel établissement de Bourg-en-Bresse ;

Attendu qu'ainsi aucun comportement fautif de nature à caractériser une concurrence déloyale n'est démontré à la charge de la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE ; qu'il ne suffit pas à cet égard pour la société TROCCON de faire état d'une baisse de son chiffre d'affaires concomitante avec le développement de celui de son adversaire ; qu'une telle constatation peut aussi bien résulter du jeu normal de la concurrence, et en l'espèce de la création par la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE d'un établissement intervenant dans une zone où la société TROCCON avait bénéficié longtemps d'une situation de relatif monopole ;

Attendu qu'ainsi il y a lieu de rejeter comme mal fondé l'ensemble des demandes de la SARL TROCCON en réformant le jugement du 11 février 2005 en toutes ses dispositions ; que toutefois la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE ne sera pas admise, faute pour celle-ci de démontrer le caractère abusif de la procédure mise en oeuvre à son encontre ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Réforme le jugement du 11 février 2005 sauf en ce que le tribunal a dit être compétent pour connaître des demandes de la société TROCCON ;

Statuant à nouveau, rejette comme mal fondé l'ensemble des demandes de la société TROCCON ;

Rejette la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société FRANCE TRANSMISSION SERVICE ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société TROCCON à payer à la SARL FRANCE TRANSMISSION SERVICE une indemnité de procédure de 3000 ç;

Condamne la société TROCCON aux dépens de première instance et d'appel et accorde contre elle à Me BARRIQUAND, avoué, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. X...

H. ROBERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949238
Date de la décision : 06/04/2006
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Concurrence déloyale - Faute - Embauchage de l'employé d'un concurrent

Une société ne commet aucun acte de concurrence déloyale en embauchant un salarié non lié par une clause de non concurrence au terme de son préavis ni en l'employant dans un magasin nouvellement crée dans la zone où son ancien employeur bénéficie d'une situation de relatif monopole


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2006-04-06;juritext000006949238 ?
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