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23/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006950281

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 3, 23 mars 2006, JURITEXT000006950281


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 23 Mars 2006

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 27 mai 2004 - No rôle : 1509 de 2003 No R.G. :

04/06405

Nature du recours : Appel

APPELANTE : La Société ADSI, SARL 6, rue Portail d'Avignon 43000 LE PUY EN VELAY représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me Olivier BOST, avocat au barreau de ST ETIENNE

INTIMEE : La Société DAVIDISQUES, SARL, dont le siège est 7, Av de la Libération - 42000 SAINT-ETIENNE, prise

en son établissement secondaire sis : Enseigne FARANDOLE 28, SCP Brouard-Daube Fayolle 43000 LE...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 23 Mars 2006

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 27 mai 2004 - No rôle : 1509 de 2003 No R.G. :

04/06405

Nature du recours : Appel

APPELANTE : La Société ADSI, SARL 6, rue Portail d'Avignon 43000 LE PUY EN VELAY représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de Me Olivier BOST, avocat au barreau de ST ETIENNE

INTIMEE : La Société DAVIDISQUES, SARL, dont le siège est 7, Av de la Libération - 42000 SAINT-ETIENNE, prise en son établissement secondaire sis : Enseigne FARANDOLE 28, SCP Brouard-Daube Fayolle 43000 LE PUY EN VELAY représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me Jean-Pierre STOULS, avocat au barreau de LYON Instruction clôturée le 08 Novembre 2005 Audience publique du 16 Février 2006 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Madame MIRET, Conseiller Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 16 février 2006 GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle X..., Greffier, ARRET : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 mars 2006, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle X..., Greffier, auquel la minute de la décision a été

remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE ANTÉRIEURE :

la SARL ADSI, dont le gérant est David ABDALLAH, exploite sous l'enseigne SCUD IMPORTS un magasin de négoce de disques, CD, cassettes, radio vidéo Rue Portail d'Avignon au Puy-en-Velay.

La SARL DAVIDISQUES, dont le siège social est à Saint-Étienne, exploite elle-même dans un établissement secondaire un commerce de même nature 28, boulevard Fayolle au Puy-en-Velay, sous l'enseigne FARANDOLE.

Après qu'en mars 2003, la presse locale ait évoqué une affaire d'escroquerie commise selon la technique de la démarque par un gérant de magasin de disques du Puy-en-Velay au préjudice d'un supermarché de la Loire, le gérant de la société DAVIDISQUES, David FRULEUX a : - d'une part adressé aux discothèques de la Haute-Loire une lettre indiquant notamment :

... Un gérant de magasins de disques a été interpellé et mis en garde à vue, pour trafic d'appareils musicaux et informatiques. Pour éviter toute confusion inutile, sachez que ces faits ne concernent pas FARANDOLE, mais le gérant d'un autre magasin situé

rue du Portail d'Avignon au Puy.

En effet le contact avec ce genre de personnes peu scrupuleuses pourrait vous apporter des problèmes (recel, fraude) inutiles en cette période de crise économique... , - d'autre part placardé sur la vitrine de son magasin une affichette d'environ 30 cm comportant en particulier les mentions suivantes :

Les faits rédigés ci-dessous ne concernent aucunement les magasins FARANDOLE. Le week-end dernier, un disquaire du Puy-en-Velay a été interpellé et mis en garde à vue pour trafic d'appareils informatiques.

Ce fait divers concerne un magasin de disques situés :

Rue du Portail d'Avignon.

Cette affiche a été retirée sur la sommation délivrée à la société DAVIDISQUES le 17 avril 2003 par l'huissier mandaté par la société ADSI.

Par acte du 11 août 2003, la société ADSI a assigné la société DAVIDISQUES devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 15

000 ç en réparation de son préjudice financier consécutif aux faits de concurrence déloyale par dénigrement et celle de 5

000 ç en réparation en compensation de son préjudice moral outre une indemnité de procédure.

Par jugement du 27 mai 2004, le tribunal a condamné la SARL DAVIDISQUES à payer à la demanderesse la somme de un euro en réparation de son préjudice moral et a rejeté les autres demandes.

La SARL ADSI a relevé appel le 6 octobre 2004.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par ses conclusions du 7 février 2005, la société ADSI sollicite la réformation du jugement et l'allocation des sommes de 15

000 et 5

000 ç à titre de dommages-intérêts, avec intérêts à compter de l'assignation du 11 août 2003, capitalisés, ainsi que la publication de l'arrêt à intervenir dans un journal régional aux frais de l'intimée. Elle demande également une somme de 2500 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle soutient d'abord que la réalité de la concurrence déloyale est établie puisqu'il existe bien en l'espèce un élément concurrentiel, les deux sociétés exploitant les deux seuls magasins de disques du Puy-en-Velay, mais aussi un élément de déloyauté. Elle considère que la réalité du dénigrement est certaine en ce qu'on a mis en cause

l'honorabilité de son gérant, en particulier en s'adressant aux discothèques qui étaient ses clientes.

La société ADSI considère que son préjudice matériel est avéré, même s'il est difficile à évaluer mais elle rappelle à ce propos que la condamnation à dommages-intérêts a en la matière une fonction autant disciplinaire qu'indemnitaire. Elle indique justifier de ce que les disc-jockeys qui travaillaient régulièrement avec elle ne le font plus de sorte que la baisse de son chiffre d'affaires de mars sur avril 2003 aurait atteint 30 % ; elle ajoute qu'elle a ensuite éprouvé des difficultés financières graves.

Elle souligne enfin l'importance de son préjudice moral.

De son côté, par des écritures du 7 juin 2005, la SARL DAVIDISQUES demande à la cour, à titre principal, de débouter la société ADSI de l'ensemble de ses prétentions ou subsidiairement, de ramener à de plus justes proportions le montant de toute éventuelle condamnation. Requérant l'allocation d'une indemnité de procédure de 2000 ç, elle fait d'abord valoir qu'elle n'a pas commis de faute, dès lors que c'était seulement dans un souci légitime de sauvegarde de son commerce, par une réaction de prévention et de défense dépourvue d'attention déloyale, que son gérant, David FRULEUX a voulu se prémunir contre toute confusion entre lui-même et le commerçant ponot indélicat mentionné dans la presse locale.

La société DAVIDISQUES considère que l'appelante n'établit par la réalité de son préjudice puisque la dégradation de sa situation est antérieure de plusieurs mois aux faits litigieux et qu'elle -même n'a pu profiter de cette situation puisqu'elle a vendu son magasin du Puy-en-Velay dès le 31 mai 2003.

Elle conteste l'existence d'un préjudice moral qui, selon elle, ne saurait résulter de la seule constatation d'une faute.

À titre très subsidiaire, la société DAVIDISQUES relève que les lettres n'ont été diffusées qu'à quelques professionnels et que l'affiche placardée sur la vitrine du magasin FARANDOLE a été rapidement retirée, de sorte que l'éventuel préjudice de l'appelante serait très limité. SUR CE, LA COUR:

Attendu, sur l'existence d'une faute, que l'affichette apposée sur la vitrine du magasin FARANDOLE et le courrier adressé par David FRULEUX aux tenanciers de discothèques, également clients de la société ADSI, ne se bornait pas à informer ces derniers et le public de l'absence d'implication de leur auteur dans les faits révélés par les journaux locaux le 24 mars 2003 ; qu'en effet, allant bien au-delà de ce qui était nécessaire pour dissiper les soupçons qu'aurait pu susciter la lecture des articles de presse, David FRULEUX y indiquait précisément l'adresse du commerce dont le gérant était impliqué dans les faits délictueux rapportés, en permettant ainsi une identification aisée ; que dans le courrier, il mettait très directement en cause l'honnêteté de son concurrent en évoquant que les problèmes de type recel ou fraude que pourrait apporter sa fréquentation ;

Attendu que de telles imputations constituent un dénigrement particulièrement caractérisé dont l'objet visait à dissuader les lecteurs de l'affichette et du courrier de maintenir des relations avec l'autre disquaire du Puy-en-Velay ; qu'elles excèdent largement l'information qu'il était nécessaire à David Fruleux de donner à sa clientèle pour éviter tout doute sur sa probité ; que le caractère fautif des annonces litigieuses est d'autant plus net qu'à l'époque des faits, aucune condamnation pénale n'avait été prononcée à l'encontre du gérant de la société ADSI;

Attendu que l'existence d'un acte de concurrence déloyale est donc établie ; que celle d'un préjudice n'apparaît pas davantage douteuse, essentiellement en raison de la diffusion du courrier; que celui-ci a

en effet atteint une clientèle limitée en nombre mais importante pour les commerçants en cause qui se trouvaient en situation de concurrence directe sur le marché local où il est constant qu'ils étaient les seuls de même nature ;

Que la circonstance que la société DAVIDISQUES ait vendu son établissement du Puy-en-Velay deux mois environ après les faits est indifférente puisqu'il importe peu que le détournement de clientèle consécutif à la concurrence déloyale par dénigrement ait par la suite bénéficié à un autre que l'auteur des actes illicites ; que celui-ci, en l'espèce la société DAVIDISQUES est tenue de réparer l'intégralité des dommages consécutifs à sa faute, qui trouvent leur mesure dans la perte de clientèle et le trouble commercial subis par l'appelante;

Que ses dommages doivent s'apprécier en fonction de la situation antérieure de la société ADSI et de son évolution ; qu'à cet égard elle ne fournit d'indication sur son chiffre d'affaires que pour l'exercice clos au 30 juin 2003, et pour chacun des mois de septembre 2002 à avril 2003; que si l'on observe une baisse significative de ce chiffre d'affaires pour les mois de mars et avril 2003, il n'est pas possible d'attribuer la totalité de cette réduction au dénigrement commis par l'intimée dès lors, d'une part qu'il n'a pu avoir de répercussion directs sur l'activité de la société ADSI qu'en avril et que d'autre part, l'écho donné par la presse locale aux agissements frauduleux de son gérant a nécessairement causé une désaffection de la clientèle, dont une partie a pu identifier le commerce en cause, même sans y être aidée par l'intimée;

Qu'il est en revanche impossible de retenir l'existence d'un lien de causalité direct entre la faute de la société DAVIDISQUES et l'interdiction bancaire intervenue en juillet 2003, en raison de difficultés persistantes de trésorerie pouvant également s'expliquer par la modicité du chiffre d'affaires de la société ADSI et la

faiblesse de ses capitaux propres ;

Attendu qu'en fonction de l'ensemble de ces éléments, et en tenant compte du résultat déficitaire du déficit présenté par l'exploitation de l'appelante au 30 juin 2003, il convient d'évaluer à 2000 ç le préjudice directement causé par l'acte de déloyauté de la SARL DAVIDISQUES sans qu'il y ait lieu de distinguer entre un préjudice financier et un préjudice moral se confondant dans le cas de la personne morale qui les a subis ; qu'il n'apparaît pas nécessaire à une complète réparation du préjudice d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir;

Attendu que la SARL DAVIDISQUES supportera les dépens de première instance et d'appel; qu'il apparaît équitable de mettre à sa charge une indemnité de procédure de 1000 ç ;

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Réforme le jugement du 27 mai 2004 et, statuant à nouveau :

Condamne la SARL DAVIDISQUES à payer à la SARL ADSI à la somme de 2000 ç à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une somme de 1000 ç à titre d'indemnité de procédure, par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette comme mal fondées les autres demandes ;

Dit que la SARL DAVIDISQUES supportera les dépens de première instance et l'appel et accorde contre elle à la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. X...

H. ROBERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006950281
Date de la décision : 23/03/2006
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Concurrence déloyale - Faute - Détournement de clientèle - /JDF

Dès lors que l'existence d'un acte de concurrence déloyale est établie, l'auteur de cet acte ne peut invoquer la cessation de son activité et la circonstance que le détournement de clientèle a bénéficié à un autre que lui pour se soustraire à son obligation de réparer l'intégralité des dommages consécutifs à sa faute


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2006-03-23;juritext000006950281 ?
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