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16/02/2006 | FRANCE | N°04/07864

France | France, Cour d'appel de Lyon, 16 février 2006, 04/07864


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 16 février 2006

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge commissaire du Tribunal de Commerce de LYON du 07 décembre 2004 - No rôle :

2004jc9886 No R.G. : 04/07864

Nature du recours : Appel

APPELANTE : La S.C.I. SAINT PIERRE -LYON 9ème, représentée par sa gérante la Société MARIGNAN PROMOTION, SA dont le siège social est sis 88, rue de Villiers - 92300 LEVALLOIS PERRET 100 A, cours Lafayette 69003 LYON représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de la SE

LARL ISEE, avocats au barreau de LYON

INTIMES : Maître Patrick-Paul DUBOIS, mandataire jud...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 16 février 2006

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du juge commissaire du Tribunal de Commerce de LYON du 07 décembre 2004 - No rôle :

2004jc9886 No R.G. : 04/07864

Nature du recours : Appel

APPELANTE : La S.C.I. SAINT PIERRE -LYON 9ème, représentée par sa gérante la Société MARIGNAN PROMOTION, SA dont le siège social est sis 88, rue de Villiers - 92300 LEVALLOIS PERRET 100 A, cours Lafayette 69003 LYON représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de la SELARL ISEE, avocats au barreau de LYON

INTIMES : Maître Patrick-Paul DUBOIS, mandataire judiciaire, agissant en qualité de liquidateur de la l'entreprise JACQUES, SA 32 rue Molière 69006 LYON représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de la SELARL CROSET-DE VILLARD-BROQUET, avocats au barreau de LYON MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel Palais de Justice Place Paul Duquaire 69005 LYON Instruction clôturée le 25 Novembre 2005 Audience publique du 07 Décembre 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 7 décembre 2005 GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle X..., Greffier, ARRET : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de

l'arrêt au greffe de la Cour le 16 février 2006, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle X..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

Par ordonnance du 7 décembre 2004, le juge-commissaire au redressement judiciaire, ouvert le 10 décembre 2002 à l'encontre de la société ENTREPRISE JACQUES a rejeté la créance de 531.320,34 euros déclarée à titre chirographaire par la SCI SAINT PIERRE sur divers chefs de demandes et a condamné la SCI SAINT PIERRE à payer à Maître DUBOIS ès qualités de représentant des créanciers de la société ENTREPRISE JACQUES la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par déclaration du 13 février 2004, la SCI SAINT PIERRE a relevé appel de cette ordonnance.

Vu l'article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la SCI SAINT PIERRE dans ses conclusions récapitulatives du 23 novembre 2005 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que, contrairement à l'appréciation du juge-commissaire, elle justifie de la réalité de sa créance sur la société ENTREPRISE JACQUES et de son exigibilité au titre de deux marchés : un lot de plomberie sanitaire et un lot de chauffage VMC conclus avec elle constituée de pénalités de retard dans l'exécution des travaux qui résultent du seul fait de non respect du délai contractuel en l'absence de la force majeure ou de la responsabilité du maître de l'ouvrage dans le retard - que le fait qu'elle n'ait pas fait appel à un maître d'oeuvre n'est pas critiquable, dès lors qu'elle ne s'est

pas immiscée dans ce rôle et dès lors que l'entrepreneur n'a pas jugé nécessaire l'intervention d'un maître d'oeuvre - qu'il ne peut être mis en cause d'autres entreprises pour justifier des retards, lesquels ne lui sont pas imputables - que la responsabilité de la société ENTREPRISE JACQUES est entière dans les retards constatés - que cette situation faisait menacer le maître de l'ouvrage d'avoir à indemniser les entreprises du retard pris du fait de sa carence à sanctionner le comportement de la société ENTREPRISE JACQUES - que les comptes rendus des chantiers qui font état de ces manquements n'ont pas été contestés par la société ENTREPRISE JACQUES, de sorte qu'ils lui sont opposables - qu'à titre subsidiaire, elle réclame, si la Cour ne peut statuer en l'état, qu'une expertise soit ordonnée - que l'entrepreneur n'a pas régularisé les travaux ayant fait l'objet de réserves - qu'une compensation était possible entre ce qui est dû à l'entrepreneur ayant effectué les travaux et la créance de son client du fait de l'obligation de l'entrepreneur de réparer - que c'est donc une créance d'un montant de 531.320 euros qui doit être admise - que le retard dans la commercialisation du programme du fait de ces retards lui cause un préjudice commercial de 4190 euros qu'il y a lieu d'admettre au titre de sa créance - qu'il convient de réformer ainsi l'ordonnance déférée.

Vu les prétentions et les moyens développés par Maître DUBOIS ès qualités de mandataire liquidateur de la société ENTREPRISE JACQUES dans ses conclusions du 4 novembre 2005 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger qu'il n'a pu clôturer les comptes à raison de la carence de la SCI SAINT PIERRE de rapporter la preuve qu'elle détient une créance certaine, liquide et exigible - que la SCI SAINT PIERRE devait lui donner la garantie de paiement, faute de quoi l'entreprise était en droit de suspendre l'exécution des travaux - que la société ENTREPRISE JACQUES a bien

mis en demeure les 16 mars 2001, 26 février 2002, 25 mars 2002, 17 avril 2002 et 17 juin 2002 la SCI SAINT PIERRE de fournir cette garantie - que les courriers adressés constituent une interpellation suffisante - que la fourniture de la garantie postérieurement à la réception ne peut légitimer rétroactivement l'imputation de pénalités de retard pour la période où la garantie n'était pas fournie - qu'à la date du 16 mars 2001, la SCI SAINT PIERRE était redevable de sommes importantes à l'égard de l'entreprise - que la garantie n'a pas été donnée - que donc la demande de pénalités de retard est irrecevable - que sur le fond cette demande n'est pas fondée puisqu'il est constant que les retards sont dus à des causes étrangères à l'entreprise dont la responsabilité incombe à la SCI SAINT PIERRE, laquelle a modifié le projet de travaux initialement prévu et est à l'origine de la désorganisation de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, sans compter que l'exécution des lots en amont et notamment celui de gros oeuvre a été réalisé avec retard, ce qui ne peut être imputable à l'entreprise - que l'entreprise était en droit d'invoquer l'exception d'inexécution, dès lors que la SCI SAINT PIERRE ne réglait pas en temps utile les situations de travaux et ne fournissait pas la garantie de paiement de l'article 1799-1 du Code Civil - qu'au surplus, la SCI SAINT PIERRE a violé la loi de 1971, qui limite à 5 % du montant du marché la retenue de garantie, en pratiquant une retenue de plus de 20 % du marché (116.849,91 euros pour un marché de 574.958,41 euros TTC), alors même qu'en remplacement de la retenue de garantie, elle avait fourni à la SCI SAINT PIERRE une caution bancaire qu'elle n'a pas mise en oeuvre - qu'à titre subsidiaire, la SCI SAINT PIERRE ne peut réclamer une créance au titre de réserves non levées, alors que l'entreprise est exonérée pour les désordres et non conformités apparents lors de la réception et non réservés - que la SCI SAINT PIERRE ne peut

solliciter une indemnité pour un préjudice commercial qui fait double emploi avec la demande au titre de pénalités de retard et qu'elle ne justifie d'aucun préjudice - qu'il convient de rejeter la créance alléguée par la SCI SAINT PIERRE et de confirmer ainsi l'ordonnance déférée.

Le Procureur Général près cette Cour a visé la procédure le 29 novembre 2005 et s'en est rapporté à justice. MOTIFS DE LA DÉCISION

I/ Sur les pénalités de retard :

Attendu qu'en vertu des dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du Code Civil, le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privés doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues, lorsqu'elles dépassent un certain seuil - que tant que la dette du maître de l'ouvrage n'est pas éteinte, l'entrepreneur est en droit de surseoir à l'exécution de ses travaux, si la garantie n'est pas fournie après une mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours ; que toutefois dès lors qu'elle n'a pas usé de la faculté qui lui était ainsi offerte de suspendre l'exécution des travaux, la société ENTREPRISE JACQUES était tenue d'exécuter les travaux en vertu du contrat ;

Attendu que la société ENTREPRISE JACQUES ne peut se défendre de n'avoir pas réalisé les travaux qui lui étaient confiés dans le délai contractuellement prévu dont le terme était le 31 décembre 2001 sans établir que les retards sont imputables, comme elle le prétend, à la modification du projet de travaux par la SCI SAINT PIERRE ou aux propres retards des autres entreprises intervenues sur le chantier ; Attendu que la SCI SAINT PIERRE démontre par les débats que la société ENTREPRISE JACQUES tenue d'une obligation de résultat d'exécuter les travaux dans les délais convenus n'a pas respecté ses engagements, les courriers que lui a adressés le Cabinet DUMEZ,

chargé de la coordination des travaux, attestant des rappels qu'il lui a fait à raison des retards renouvelés constatés sur le chantier (pièces no44-45-46-47-48-51-52-53 ainsi que 15-16-17 du dossier de la SCI SAINT PIERRE) ;

Attendu que Maître DUBOIS ès qualités ne peut incriminer la SCI SAINT PIERRE d'être la cause des retards, dès lors que la société ENTREPRISE JACQUES n'a jamais fait de réserves sur des défaillances quant à la maîtrise d'oeuvre que n'assurait pas le maître de l'ouvrage ;

Attendu que trois types de pénalités étaient prévus dans la CCAP, celles de l'article 3-3 alinéa 1 qui concernent les retards de livraison de 77 logements à raison de 2286,74 euros par logement pour chaque lot - celles de l'article 3-3 alinéa 2 calculés (chauffage et plomberie) soit 210.590,48 euros par jour calendaire de retard, 31 jours, la réception des travaux étant intervenue le 11 juillet 2002, ce qui conduit à calculer pour chacun des lots au prix de 457,35 euros par jour la somme de 71.655,76 euros - celles de l'article 3-3 alinéa 3 pour absence à 9 réunions de chantier : 152,45 euros Î 9 =

1372,05 euros HT ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que si le principe du retard dans l'exécution des travaux n'est pas discutable, le montant des pénalités réclamé par la SCI SAINT PIERRE n'est pas établi en l'absence d'un décompte que les parties auraient arrêté contradictoirement, l'expertise diligentée n'ayant pas porté sur le point des retards ;

Attendu que la Cour dispose cependant d'éléments suffisants tirés des dossiers pour fixer les pénalités dues par la société ENTREPRISE JACQUES à la SCI SAINT PIERRE à la somme de 100.000 euros pour l'ensemble des retards allégués - qu'il y a lieu de fixer la créance de la SCI SAINT PIERRE au passif de la société ENTREPRISE JACQUES à

ce montant, réformant de ce chef le jugement déféré ;

II/ Sur les réserves non levées :

Attendu qu'il résulte du dossier que la société ENTREPRISE JACQUES a notifié par divers courriers adressés à la SCI SAINT PIERRE en recommandé avec accusé de réception des mises en demeure de payer - que la SCI SAINT PIERRE n'a réglé que partiellement les situations de travaux et avec retard - qu'elle n'a pas fourni la garantie de paiement à laquelle elle était tenue;

Attendu qu'en conséquence la société ENTREPRISE JACQUES était fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution - que la SCI SAINT PIERRE ne justifie donc pas d'une créance au titre de réserves non levées - que sa demande doit être ainsi rejetée, confirmant l'ordonnance déférée sur ce point ;

III/ Sur les désordres invoqués par la SCI SAINT PIERRE :

Attendu qu'il incombe à la SCI SAINT PIERRE, qui allègue des désordres sur les travaux exécutés par la société ENTREPRISE JACQUES, d'en établir l'existence et le montant - que l'expert désigné par le Juge des Référés fait état de désordres et les décrit dans son rapport du 29 décembre 2003 comme des faits dont l'origine se trouve dans les travaux de la société ENTREPRISE JACQUES qu'il en fixe le montant à la somme de 14.127,18 euros (page 22 de son rapport) - que par conséquent la SCI SAINT PIERRE est bien fondée dans sa demande à ce titre - qu'il convient de fixer à cette somme sa créance à porter au passif de la société ENTREPRISE JACQUES, réformant ainsi le jugement déféré de ce chef ;

IV/ Sur le préjudice commercial invoqué par la SCI SAINT PIERRE :

Attendu que la SCI SAINT PIERRE ne peut réclamer l'indemnisation d'un préjudice commercial qui ne peut résulter que du retard dans l'exécution des travaux imputable à la société ENTREPRISE JACQUES ; que faute pour elle de justifier d'un préjudice non déjà compensé par

l'allocation de pénalités de retard, elle doit être déboutée de sa demande ;

PAR CES MOTIFS LA COUR,

Réforme l'ordonnance déférée en ses dispositions relatives aux demandes au titre de retards sur le chantier et au titre de désordres affectant les travaux de la société ENTREPRISE JACQUES, à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens;

Et statuant à nouveau,

Déclare la SCI SAINT PIERRE bien fondée à réclamer des pénalités de retard au titre du chantier confié à la société ENTREPRISE JACQUES et l'indemnisation de son préjudice résultant de désordres affectant les travaux réalisés par cette société,

Fixe en conséquence la créance de la SCI SAINT PIERRE au passif de la liquidation judiciaire de la société ENTREPRISE JACQUES à la somme de 100.000 euros au titre des pénalités de retard et à celle de 14.127,18 euros au titre des désordres qui seront portées à la diligence de Maître DUBOIS ès qualités de mandataire liquidateur de la société ENTREPRISE JACQUES sur l'état des créances au Greffe du Tribunal de Commerce de LYON,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Confirme pour le surplus l'ordonnance entreprise ;

Fait masse des dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ;

Accorde aux avoués de la cause, dans cette limite, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. X...

H. ROBERT

M.P. X...

H. ROBERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 04/07864
Date de la décision : 16/02/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-02-16;04.07864 ?
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