AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE R.G : 04/03085 X... C/ SA ACCESS COMMERCE APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes de LYON du 22 avril 2004 RG :
03/02444 COUR D'APPEL DE LYON CHAMBRE SOCIALE ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2006 APPELANT : Monsieur Jean Philippe X... 151 chemin de la Rivoire 69210 LENTILLY comparant en personne, assisté de Me Julie MATRICON, avocat au barreau de LYON INTIMÉE : SA ACCESS COMMERCE Rue Galilée BP 555 31674 LABEGE CEDEX représentée par Me Jean Louis MOYET, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me LACHASSAGNE, avocat au barreau de LYON
PARTIES CONVOQUÉES LE : 24 mars 2005 DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 02 novembre 2005 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DELIBERE : M. Didier JOLY, président M. Dominique DEFRASNE, conseiller Madame Aude LEFEBVRE, conseiller Assistés pendant les débats de Madame Yolène Y..., greffier. ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement le 07 février 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par M. Didier JOLY, président, et par M. Julien MIGNOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *************
Statuant sur l'appel formé par Monsieur Jean-Philippe X... d'un jugement du Conseil de Prud'Hommes de LYON, en date du 22 avril 2004, qui a : - dit que Monsieur Jean-Philippe X... avait été bien licencié pour un motif économique - condamné la société ACCESS COMMERCE à lui payer la somme de 580 euros à titre de rappel de prime de vacances - débouté Monsieur Jean-Philippe X... de ses autres demandes et la société ACCESS COMMERCE de sa demande reconventionnelle - condamné la société ACCESS COMMERCE à verser à Monsieur Jean-Philippe X... la somme de 150 euros en application de
l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile - mis les dépens à la charge de Monsieur Jean-Philippe X... pour 3/4 et à la charge de la société ACCESS COMMERCE pour 1/4 ;
Vu les écritures et observations orales à la barre, le 2 novembre 2005, de Monsieur Jean-Philippe X..., appelant, qui demande à la Cour : - de dire que son licenciement a été prononcé sans cause réelle et sérieuse - de condamner la société ACCESS COMMERCE à lui payer la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts à titre subsidiaire : - de constater qu'il n'a pas bénéficié des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements - de condamner la société ACCESS COMMERCE à lui payer la somme de 65 000 euros en réparation du préjudice subi de ce chef - de dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'Hommes avec capitalisation desdits intérêts - de confirmer pour le surplus les dispositions du jugement
Vu les écritures et observations orales à la barre, le 2 novembre 2005, de la SA ACCESS COMMERCE, intimée, qui demande de son côté à la Cour : - de confirmer le jugement entrepris et de débouter Monsieur X... de l'intégralité de ses prétentions - de condamner Monsieur X... au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens MOTIFS DE LA COUR :
Attendu que Monsieur Jean-Philippe X... a été embauché par la société CIG, suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1989, en qualité d'ingénieur application avec le statut cadre ; que suite au rachat de la société CIG par la société ACCESS PRODUCTIQUE, aujourd'hui ACCESS COMMERCE, son contrat de travail a été repris par cette dernière le 2 octobre 1996 ; qu'il a été affecté au poste d'architecte système et réseaux moyennant un salaire de base
fixé en dernier lieu à 3 353,88 euros, outre primes et commissions ; Qu'au début de l'année 2002, la société ACCESS COMMERCE a mis en oeuvre un projet de restructuration et de licenciement collectif concernant 9 personnes ; que par courrier du 5 avril 2002 elle lui a proposé un reclassement dans un poste de développeur d'adaptation basé au siège social de l'entreprise à LABEGE (Haute-Garonne) moyennant une rémunération annuelle brute de 22 000 euros; qu'il n'a pas donné suite à cette proposition et que la société ACCESS COMMERCE l'a convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif économique puis l'a licencié pour ce motif par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 avril 2002 ;
Que les explications figurant dans cette lettre de licenciement étaient les suivantes : "Ces deux dernières années ont connu une augmentation significative des coûts de recherche et développement pour accroître la compétitivité de l'offre Caméléon associée à un ralentissement fort et brutal de la croissance, avec même un recul pour 2001. La conséquence en a été deux exercices fortement déficitaires qui ont fragilisé la structure financière du groupe. Cette situation est rendue encore plus difficile par des perspectives 2002 qui restent incertaines pour notre secteur d'activité et des plans de charges à faible visibilité. Nous avons de ce fait pris de nombreuses mesures pour faire face à cette situation : nous avons fortement réduit les coûts non salariaux depuis plusieurs mois, après avoir renforcé les efforts de formation, après avoir sensiblement diminué les effectifs, soit par des suppressions de postes dans la filiale américaine, soit par le non-remplacement des personnels démissionnaires, soit encore pour avoir fortement favorisé le temps partiel. Cependant des licenciements à caractère économique sont aujourd'hui indispensables. La réorganisation nécessitée par cette
situation entraîne la suppression de votre poste de travail."
Attendu que Monsieur X... conteste le motif économique de son licenciement en faisant valoir que les difficultés économiques invoquées par l'employeur s'expliquent principalement par les investissements réalisés pour accroître la compétitivité du produit Caméléon et que lui-même travaillait exclusivement dans la branche d'activité traditionnelle de la société, de sorte qu'il n'est pas justifié de l'incidence de ces difficultés économiques sur son propre poste de travail ; qu'il conteste également le motif économique en indiquant que l'offre de reclassement de la société ACCESS COMMERCE avec une rémunération inférieure au minimum conventionnel n'était pas sérieuse et que cette société par ailleurs ne démontre pas l'impossibilité de le reclasser dans une autre entreprise du groupe, notamment dans l'une de ses filiales étrangères ; qu'il soutient aussi que l'employeur a méconnu l'ordre des licenciements en confondant les notions de catégorie professionnelle et de poste de travail pour affirmer qu'il constituait à lui seul une catégorie professionnelle ;
Que la société ACCESS COMMERCE fait valoir de son côté que la suppression du poste de Monsieur X... résulte bien des difficultés économiques de l'entreprise ; qu'elle a parfaitement rempli son obligation de reclassement interne et que le salarié qui ne maîtrisait pas suffisamment les langues allemande et anglaise ne pouvaient envisager de travailler avec des partenaires étrangers ; qu'elle soutient que les catégories professionnelles ont été fixées en accord avec le comité d'entreprise, que les architectes système réseaux constituaient ainsi une catégorie professionnelle à part entière dont Monsieur X... se trouvait être le seul représentant ; 1 - Sur la cause économique du licenciement
Attendu qu'en application de l'article L321-1 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, des changements technologiques, la cessation d'activité de l'entreprise ou sa réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité ;
Qu'en l'espèce, au vu des explications fournies par l'employeur tant devant les représentants du personnel que devant la Cour, le groupe ACCESS COMMERCE qui avait développé considérablement en 1999 et 2000 ses moyens en marketing et en recherche et en développement sous la pression concurrentielle et accru dans le même temps le niveau de ses coûts opérationnels a été confronté à partir de l'année 2001 à un ralentissement fort et brutal de la croissance avec un décalage de certaines affaires significatives (vente de logiciel de la gamme Caméléon) qui ont eu un impact direct sur le niveau du résultat d'exploitation ; que le constat s'est imposé d'un déséquilibre d'exploitation et financier ;
Que la société ACCESS COMMERCE verse aux débats ses bilans et comptes de résultat des exercices 2001 et 2002 qui révèlent une baisse constante et notable du chiffre d'affaires depuis l'année 2000, un résultat d'exploitation négatif depuis l'année 2001 et une perte de 4 465 237 euros en 2001 puis de 5 908 010 euros en 2002 ;
Que les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement ne sont pas sérieusement contestables ;
Que la société ACCESS COMMERCE justifie par ces difficultés la suppression de l'emploi de Monsieur X... et d'autres emplois de commerciaux ou de consultants, que si le juge doit vérifier la réalité de la suppression de l'emploi dans l'entreprise il ne lui
appartient pas en revanche d'apprécier le choix de gestion fait par l'employeur quant au nombre et quant à la nature des emplois pouvant être supprimés ; que dans ces conditions l'argumentation développée par Monsieur X... sur la rentabilité élevée de son poste de travail ne peut être prise en considération et que l'élément matériel du licenciement économique ne fait nullement défaut en l'espèce ;
Attendu que l'article L321-1 précité du Code du travail fait obligation à l'employeur en cas de suppression d'emploi consécutive à des difficultés économiques de justifier de ses tentatives de reclassement du salarié avant la notification du licenciement pour motif économique ; que le reclassement interne doit être recherché dans les emplois disponibles de la même catégorie que celui occupé par le salarié et à défaut dans des emplois de catégorie inférieure, fut-ce par modification du contrat de travail et lorsqu'il s'agit d'un groupe dans l'ensemble formé par les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permet la permutation de tout ou partie de leur personnel ;
Qu'il est constant en l'espèce que la société ACCESS COMMERCE a fait à Monsieur X... une offre de reclassement à laquelle il n'a pas répondu ; que l'emploi proposé apparaît conforme aux prescriptions légales dès lors que l'employeur explique sans être formellement contesté sur ce point que compte tenu du nombre des licenciements il ne disposait que de postes de catégorie inférieure sur le territoire national ; que le salarié évoque la possibilité de son reclassement dans une filiale américaine mais que l'employeur indique sans être davantage contesté sur ce point que l'intéressé ne maîtrisait pas suffisamment la langue anglaise pour travailler aux Etats-Unis ou au Canada ; qu'en conséquence Monsieur X... ne peut faire grief à la société ACCESS COMMERCE de ne pas lui avoir proposé un tel poste et que cette société n'a pas méconnu son obligation de reclassement ;
Que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse et que la décision des premiers juges doit être confirmée de ce chef ;
2 - Sur l'ordre des licenciements
Attendu que la notion de catégories professionnelles qui sert de base à l'établissement de l'ordre des licenciements concerne l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune ;
Que la société ACCESS COMMERCE a classé les salariés à licencier en différentes catégories professionnelles parmi lesquelles figure la catégorie des architectes système et réseaux ; que Monsieur X... soutient qu'il exerçait en réalité les fonctions de support technique système et réseaux avec deux autres salariés Messieurs Z... et JACQUES et que l'intitulé "architecte système et réseaux" n'était qu'un poste de travail ; que si les pièces produites révèlent que le salarié exerçait en 2001 l'emploi de support technique système et réseaux comme les deux salariés précités rien ne démontre que son emploi d'architecte système et réseaux au moment du licenciement comportait des fonctions de même nature ; qu'il y a lieu à cet égard de constater que sa dernière fiche d'évaluation fait mention de l'activité première de conseiller en architecture et ensuite d'activité de support technique ; qu'en conséquence il n'existe pas d'élément pouvant remettre en cause la classification opérée par l'employeur ;
Que Monsieur X... étant le seul salarié de sa catégorie professionnelle, la société ACCESS COMMERCE ne pouvait lui appliquer l'ordre des licenciements ;
Que la décision des premiers juges sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté la contestation sur ce point du salarié ;
Attendu que
Attendu que Monsieur X... qui succombe devant la Cour supportera les dépens d'appel ; qu'il n'y a pas lieu toutefois de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS
Dit l'appel recevable ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Condamne Monsieur Jean-Philippe X... aux dépens d'appel.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT
J. MIGNOT
D. JOLY