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19/01/2006 | FRANCE | N°05/05190

France | France, Cour d'appel de Lyon, 19 janvier 2006, 05/05190


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 19 Janvier 2006

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE du 07 juillet 2005 - No rôle : 2004j206 No R.G. :

05/05190

Nature du recours : Contredit de compétence

DEMANDERESSE : La Société EXEL LOGISTIQUE, SA 245, rue du Nizerand BP 414, Arnas 69652 VILLEFRANCHE SUR SAONE assistée de Me Axel ENGELSEN, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEURS : La Société HI-TEC ELECTRONICS A/S, de droit danois Hellerup Businesss Centre A/S, Suite n 5 Steandvejen

100, 2900 Hellerup COPENHAGUE DANEMARK assistée de Me Carole BOY, avocat au barreau de PARI...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 19 Janvier 2006

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de VILLEFRANCHE-TARARE du 07 juillet 2005 - No rôle : 2004j206 No R.G. :

05/05190

Nature du recours : Contredit de compétence

DEMANDERESSE : La Société EXEL LOGISTIQUE, SA 245, rue du Nizerand BP 414, Arnas 69652 VILLEFRANCHE SUR SAONE assistée de Me Axel ENGELSEN, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEURS : La Société HI-TEC ELECTRONICS A/S, de droit danois Hellerup Businesss Centre A/S, Suite n 5 Steandvejen 100, 2900 Hellerup COPENHAGUE DANEMARK assistée de Me Carole BOY, avocat au barreau de PARIS La Société UNIVERS LINES, SARL 12 bis, rue Soyer Chez Buroservices 92200 NEUILLY SUR SEINE La Société HELVETIA, Compagnie suisse d'assurances 2, rue Sainte-Marie 92400 COURBEVOIE représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de Me Xavier RODAMEL, avocat au barreau de LYON La Société AMS, SARL 5, passage Piver 75011 PARIS Monsieur Jean-Claude X... 1, rue Jean Rameau "Centre d'affaires" 18000 BOURGES Audience publique du 01 Décembre 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Madame MIRET, Conseiller Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 1er décembre 2005 GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Y..., Greffier, ARRET REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 janvier 2006, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle Y..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE ANTÉRIEURE :

Début novembre 2004, la société EXEL LOGISTIQUE a été chargée par la société de droit danois HI-TEC ELECTRONICS d'effectuer ou d'organiser le transport d'un lot de 18

000 téléphones mobiles de marque Nokia vers une adresse de livraison qui est aujourd'hui contestée: la société INTERKEN à Southall (Middlesex) au Royaume-Uni selon la première, ou la société NUOVO SONO à Trafoi en Italie selon la seconde.

C'est ainsi que la société EXEL LOGISTIQUE a fait appel à l'un de ses sous-traitants habituels, la société UNIVERS LINES, qui, faute de véhicules disponibles, a proposé elle-même la sous-traitance du transport à une société AMS. Une lettre de voiture internationale (CMR) a été établie le 4 novembre 2004 en fonction de l'acheminement de la marchandise en Angleterre.

À cette fin, la société EXEL LOGISTIQUE a également mandaté Jean-Claude X... pour escorter le véhicule transporteur de l'aéroport de Roissy, où la marchandise devait être prise en charge jusqu'aux locaux de la société INTERKEN.

Le transport a été entrepris dans l'après-midi du 4 novembre 2004 et, lors d'une pause sur une aire d'autoroute, les deux chauffeurs du camion ont disparu avec celui-ci et la marchandise, après que le véhicule de M. X... ait été immobilisé ; celui-ci n'a pu obtenir l'arrêt ni l'interception du camion chargé.

Autorisé à assigner à bref délai, la société HI-TEC ELECTRONICS a, par acte du 2 décembre 2004, saisi le tribunal de commerce de

Villefranche d'une action en responsabilité contre la société EXEL LOGISTIQUE, tendant à sa condamnation au paiement de l'équivalent en euros de 3

319

500 livres sterling, outre 200

000 ç à titre de dommages-intérêts complémentaires, en compensation du préjudice subi par elle du fait du vol du lot de téléphones portables.

Par acte du 10 décembre 2004, la société EXEL LOGISTIQUE a appelé en intervention et en garantie la société UNIVERS LINES, son assureur la société d'assurance suisse HELVETIA, la société AMS et Jean-Claude X...

Parallèlement, la société EXEL LOGISTIQUE et son assureur de responsabilité civile la Compagnie Royal et Sun Alliance ont saisi la High Court of Justice de Londres, selon elles par une requête du 11 novembre 2004, pour voir à titre principal exclure leur responsabilité dans la perte des marchandises litigieuses à la suite du vol du 4 novembre 2004, subsidiairement pour voir leur responsabilité limitée dans les termes de la convention dite CMR et, en tout état de cause, obtenir la condamnation des sociétés UNIVERS LINES et AMS a ainsi que de M. X... à les indemniser de tout éventuel préjudice.

Sur la contestation introduite par la société HI-TEC ELECTRONICS au sujet de la compétence de la juridiction de Londres, compte tenu de la saisine concurrente du tribunal de commerce de Villefranche, cette juridiction a, par décision du 21 juin 2005, débouté la société HI-TEC ELECTRONICS de sa demande en considérant que la société EXEL LOGISTIQUE et son assureur étaient en mesure de se prévaloir d'éléments probants suffisants pour considérer que la Haute Cour de Londres avait été la juridiction première saisie au sens de l'article 27 du Règlement CE 44/ 2001 du 22 décembre 2000 et qu'elle avait compétence pour trancher le litige.

Un appel a été interjeté de cette décision par la société HI-TEC

ELECTRONICS le 5 juillet 2005.

De son côté, par un jugement du 7 juillet 2005, le tribunal de commerce de Villefranche Tarare a, après avoir écarté les notes en délibéré transmises après son audience du 21 avril 2005 et ordonné la jonction des différentes instances : - jugé qu'il n'y avait pas litispendance avec la procédure suivie devant la juridiction anglaise, - sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours.

La société EXEL LOGISTIQUE a formé contredit le 20 juillet 2005. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

La société EXEL LOGISTIQUE demande à la cour de réformer le jugement, mais seulement en ce qu'il a dit qu'il n'existait pas de litispendance entre la procédure en cours à Villefranche et celle pendante devant la Haute Cour de Justice de Londres et par conséquent, en sus du sursis à statuer d'ores et déjà ordonné en application de l'article 4 du code de procédure pénale, de surseoir d'office à statuer conformément à l'article 27 du Règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 sur l'action principale de la société HI-TEC ELECTRONICS et sur ses propres demandes en garantie, dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la Court of Appeal de Londres sur la compétence de la Haute Cour de Justice pour connaître du litige au fond.

La société EXEL LOGISTIQUE soutient que le tribunal de commerce s'est fondé à tort sur les dispositions de l'article 31.2 de la convention CMR, inapplicable à la présente situation des lors qu'il a pour objet d'empêcher qu'une nouvelle action ne soit intentée alors qu'en l'espèce deux procédures concurrentes existaient au jour où le tribunal a statué ; elle observe qu'au surplus ce texte ne fournit pas d'éléments d'appréciation pour déterminer laquelle d'entre deux juridictions saisies d'actions concurrentes l'a été en premier.

Elle estime que seule a vocation à s'appliquer le Règlement du 22 décembre 2000, qui régit toute matière civile ou commerciale quelle que soit la nature de la juridiction. Elle rappelle que son article 27 comporte un mécanisme de litispendance obligatoire prévoyant que, lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant les juridictions d'État membres différents, la juridiction saisie en second surseoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie, ce que après quoi elle doit se dessaisir en sa faveur.

Or, selon elle, elle-même a bien saisi la Haute Cour de Londres dès le 11 novembre 2004, selon l'une des formes admises à l'article 30 du Règlement, par le dépôt et l'enregistrement à cette date d'une "Claim form", préalable en Angleterre à la notification de l'action au défendeur.

Au sujet de l'identité de cause, d'objet et de parties, elle fait valoir que s'il n'y a pas en l'espèce d'identité parfaite des parties aux deux procédures, celle-ci n'est pas nécessaire des lors que l'obligation faite aux juges de se dessaisir ne concerne que les liens d'instance existant entre les parties présentes devant les deux juridictions, le juge conservant son pouvoir d'appréciation pour se dessaisir quant aux autres parties au titre de la connexité. Elle en déduit donc que le tribunal de Villefranche avait l'obligation de surseoir à statuer sur les demandes de la société HI-TEC ELECTRONICS à son encontre, toutes les deux étant parties à la procédure anglaise.

La société EXEL LOGISTIQUE relève en effet que l'objet et la cause des deux instances était bien les mêmes à savoir pour la cause l'appréciation de la responsabilité éventuellement encourue en raison de la perte des marchandises litigieuses et pour l'objet l'exécution des contrats de transport et/ou de commission de transport. Elle

observe que le risque de contrariété de jugement est d'ailleurs évident.

De son côté, par des conclusions récapitulatives no 2 déposées le 30 novembre 2005, la société HI-TEC ELECTRONICS demande à la cour, à titre principal, de déclarer la société EXEL LOGISTIQUE irrecevable en son exception de litispendance internationale, soulevée tardivement, et en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il est dit n'y avoir lieu à litispendance, refusé de surseoir à statuer de ce chef et reconnu sa propre compétence.

Selon la société HI-TEC ELECTRONICS, son adversaire a, en méconnaissance des dispositions de l'article 74 du nouveau code de procédure civile, proposé son exception de litispendance après avoir assigné en intervention forcée et en garantie quatre défendeurs en vue de l'audience du 7 décembre 2004 puis conclu au fond et enfin également argumenté au fond lors de l'audience de plaidoirie ; elle considère que même devant la cour, la société EXEL LOGISTIQUE aborde le fond, et notamment l'application du Règlement CE 44/2001, avant toute discussion sur la recevabilité de sa demande. Elle ajoute que, pareillement le contredit serait irrecevable sur le fondement des règles relatives au sursis à statuer et notamment l'article 380 du nouveau code de procédure civile.

À titre subsidiaire, la société HI-TEC ELECTRONICS sollicite la confirmation du jugement au motif que le règlement du 22 décembre 2000 ne peut lui être opposé en sa qualité de société danoise.

Elle rappelle en effet que le Danemark n'a pas adhéré au Règlement de sorte que, comme le prévoit l'article neuf de son préambule, les défendeurs domiciliés dans cet État doivent continuer à être soumis à la Convention de Bruxelles ; or elle indique qu'elle même est bien défendeur à l'exception de litispendance et au contredit de sorte qu'elle ne peut se voir opposer le Règlement.

Plus subsidiairement, la société HI-TEC ELECTRONICS conclut au mal fondé de l'exception de litispendance.

Elle considère d'abord qu'il appartient à cet égard à la cour de se prononcer sur l'existence d'un lien suffisant entre le litige et le territoire du pays de la juridiction dont la compétence est revendiquée, c'est-à-dire le Royaume Uni ; selon elle ce lien, également exigé par le Règlement, la CMR et la Convention de Bruxelles, n'existe nullement en l'espèce dès lors qu'il ne pourrait résulter que de la faute caractérisée commise par la société EXEL dans la mention de l'adresse du destinataire des marchandises volées. Elle ajoute que le vol a été commis en France, où les marchandises se trouvaient et que c'est également en France que la société EXEL a non seulement déposé plainte mais également initié une action civile (plainte avec constitution de partie civile).

Elle soutient ensuite que la compétence exclusive du tribunal de commerce de Villefranche résulte des conditions générales de la société EXEL LOGISTIQUE, qui sont applicables puisque les textes en présence réservent le cas d'existence d'une clause attributive de compétence : article 23 du Règlement, article 31.1 de la CMR ou article 17 de la Convention de Bruxelles.

La société HI-TEC ELECTRONICS relève encore que les parties ne sont pas les mêmes devant les deux juridictions saisies de ce qui constitue pourtant une condition d'application des textes sur la litispendance.

Elle soutient qu'en tout état de cause, à supposer applicables les dispositions du Règlement CE, le sursis à statuer pour exception de litispendance internationale ne pourrait être admis que si la High Court de Londres avait été saisie avant le tribunal de commerce de Villefranche. Or, selon elle, cette dernière juridiction avait été

valablement et complètement saisie le 10 décembre 2004, date à laquelle, si un formulaire de plainte avait bien été déposé devant la High Court, l'action correspondante ne lui avait pas été notifiée (elle l'aurait été seulement le 4 février 2005).

La société HI-TEC ELECTRONICS ajoute que la société EXEL LOGISTIQUE qui a agi en qualité de commissionnaire de transport et non de transporteur, ne pouvait échapper à l'obligation d'obtenir de la juridiction anglaise l'autorisation préalable à la notification de sa demande à l'étranger (ici au Danemark) puisque c'est seulement lorsque le litige relève de la CMR que l'on peut se dispenser d'une telle autorisation.

La société HI-TEC ELECTRONICS explique à ce propos que la CMR ne s'applique qu'au contrat de transport de marchandises alors qu'ici la société EXEL est bien intervenue comme commissionnaire au sens des articles L. 132-3 et suivants du code de commerce, ayant été chargée d'organiser le transport et ayant librement fait appel pour cela à un transporteur, la société UNIVERS LINES.

Mais la même société HI-TEC ELECTRONICS s'estime fondée à se prévaloir néanmoins des dispositions de la CMR dès lors que la société EXEL l'invoque devant les juridictions anglaises ; or elle rappelle que cette Convention exige l'existence d'un lien suffisant avec l'État du siège de la juridiction saisie et qu'elle règle bien le cas de la litispendance, même si elle le fait de manière différente du Règlement : elle soutient que le critère de la CMR est l'existence d'une action en instance devant un tribunal compétent, de sorte, selon elle, qu'au jour de la notification effective de l'action de la société EXEL devant la juridiction anglaise (4 février 2005), il existait bien une action en instance devant le tribunal de commerce français. Elle se réfère à l'analyse d'un spécialiste anglais du droit de transport selon lequel les

tribunaux anglais ne considèrent pas une procédure comme pendante devant eux avant la signification du formulaire de plainte. Or, selon la société HI-TEC ELECTRONICS, la CMR ne prévoit aucun sursis à statuer obligatoire en cas de litispendance.

Elle observe, toujours plus subsidiairement, que le rejet du sursis à statuer pour litispendance internationale s'impose en application des règles spécifiques de la Convention de Bruxelles, dont l'article 21 prévoit que la juridiction saisie en second lieu surseoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie. Selon elle, cette notion de le tribunal premier saisi s'apprécie en fonction des règles de chaque droit national, d'où elle déduit là encore que le tribunal de commerce de Villefranche a bien été saisi avant la Haute Cour de Londres.

La société HI-TEC ELECTRONICS requiert enfin l'allocation d'une indemnité de procédure de 30

000 ç.

Par ses écritures en réponse, la société EXEL LOGISTIQUE prie la cour de dire que le règlement du 22 décembre 2000 a vocation à s'appliquer à la société HI-TEC ELECTRONICS, qui n'a pas la qualité de défendeur à l'instance engagée devant le tribunal de commerce de Villefranche. Elle soutient en effet que ce sont seulement les défendeurs domiciliés dans un Etat membre non lié par le Règlement (comme le Danemark) qui doivent continuer à être soumis à la Convention de Bruxelles alors qu'ici, la société HI-TEC ELECTRONICS qui a introduit le procès devant le tribunal de commerce de Villefranche y est donc demandeur et ne peut y revendiquer l'application du droit danois, c'est-à-dire de la Convention de Bruxelles. Elle considère que la société HI-TEC ELECTRONICS a volontairement consenti à se soumettre à la loi de procédure française, alors surtout qu'il s'agit de résoudre

un conflit de compétence avec les juridictions d'un autre État lié par le Règlement.

À propos du moyen d'irrecevabilité de sa demande de sursis à statuer pour cause de litispendance internationale, la société EXEL relève que l'article 27 du Règlement impose à la juridiction de surseoir d'office dès qu'elle est informée de l'existence d'une autre procédure, de sorte que la situation serait proche de celle d'une question préjudicielle et ne saurait relever de l'application de l'article 74 du nouveau code de procédure civile.

Maintenant que la CMR n'est pas applicable,

Maintenant que la CMR n'est pas applicable, elle-même étant commissionnaire de transport (même si devant la juridiction anglaise où n'est pas connue la commission de transport mais seulement la notion de transporteur contractuel, elle a dû faire référence à cette Convention), la société EXEL souligne toutefois, subsidiairement, que son article 31.2 n'est d'aucune utilité pour résoudre les difficultés résultant d'une litispendance.

Elle continue d'affirmer que le tribunal de commerce de Villefranche n'a été saisi qu'après la juridiction anglaise, ce qui imposait le sursis à statuer au tribunal français.

La société EXEL LOGISTIQUE soutient que les autres moyens articulés par la société HI-TEC ELECTRONICS n'ont pas lieu d'être débattus céans puisqu'ils devront être soumis à la cour d'appel de Londres dans le cadre de la détermination de sa propre compétence.

Elle s'oppose enfin à toute application l'article 700 du nouveau code de procédure civile à son préjudice.

La compagnie suisse d'assurances HELVETIA, assureur de la société Univers Lines, déclare s'en rapporter sur l'opportunité et le bien-fondé du contredit, en faisant observer que elle-même n'est pas

partie à la procédure anglaise ; elle sollicite sa mise hors de cause pure et simple.

Jean-Claude X... et les sociétés Univers Lines et A.M.S. n'ont pas comparu; il sera donc statué par décision réputée contradictoire. SUR CE, LA COUR :

Attendu, sur la recevabilité du contredit, qu'en jugeant qu'il n'y avait pas litispendance avec la juridiction anglaise et en décidant de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours, le tribunal de commerce de Villefranche a nécessairement retenu sa compétence pour connaître du litige, comme il ressort sans équivoque de sa motivation ;

Que dès lors que la juridiction de première instance s'est ainsi prononcée sur la compétence, sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut valablement être attaquée par la voie du contredit en application de l'article 80 du nouveau code de procédure civile ; que dans la mesure où la société EXEL LOGISTIQUE n'entendait pas remettre en cause la décision de sursis mais seulement celle, préalable, prise sur la compétence, elle n'avait pas à engager la procédure d'appel spéciale instituée par l'article 380 du nouveau code de procédure civile ;

Que le contredit est donc recevable ;

Attendu que pour régler les conséquences de la situation de litispendance en débat, il convient d'abord de rechercher si les dispositions de la Convention de Genève du 19 mai 1956 dite CMR ont vocation à s'appliquer ; qu'à cet égard, si elles doivent prévaloir en raison de la spécialité de cette Convention, relative aux contrats de transport international de marchandises par route, il apparaît qu'elles ne permettent pas de trancher utilement la question litigieuse ;

Qu'en effet l'article 31 OE2 de la CMR, seul texte utile discuté par

les parties, prohibe l'introduction d'une nouvelle procédure pour la même cause entre les mêmes parties lorsque l'action est déjà en instance devant une juridiction compétente au sens du paragraphe premier du même article ou lorsqu'un jugement a déjà été prononcé ; qu'il s'agit là d'une disposition à caractère préventif qui n'apporte aucune solution dans le cas de l'espèce, c'est-à-dire de la poursuite simultanée de deux procédures devant des juridictions d'Etats différents, où elles ont d'ailleurs progressé à des rythmes comparables, puisque les décisions sur la compétence sont intervenues à Londres le 21 juin et à Villefranche le 7 juillet 2005, l'une et l'autre frappées d'appel ; qu'ainsi, sans qu'il n'y ait lieu de déterminer ici si la nature des relations contractuelles entre la société HI-TEC ELECTRONICS et la société EXEL LOGISTIQUE permettrait l'application de la CMR, il suffit de constater que la situation de litispendance ne peut qu'être appréciée en fonction des règles générales de procédure internationale ;

Attendu sur ce point que le Règlement CE 44/ 2001 est directement applicable aussi bien en France qu'au Royaume-Uni ; qu'en revanche le Danemark n'a pas participé à son adoption et reste donc soumis aux prévisions de la Convention de Bruxelles ; que toutefois ainsi qu'il résulte des dispositions du préambule du Règlement invoquées par la société HI-TEC ELECTRONICS elle-même et des principes admis pour d'autres conventions internationales qu'en agissant comme demanderesse devant une juridiction française, la société HI-TEC ELECTRONICS se soumet nécessairement à la loi de procédure française, et par là même au Règlement et à ses dispositions en matière de litispendance ; qu'il n'aurait pu en être autrement que si : - elle avait été attraite à la procédure comme défenderesse, étant observé à ce sujet que sa situation de défenderesse au contredit ne modifie pas la nature et la portée du lien juridique d'instance qui la placent à

l'origine de celle-ci - la juridiction étrangère également saisie était située dans un État où le Règlement ne s'applique pas ;

Attendu qu'il sera en conséquence fait application dudit Règlement ; que son article 27.1 dispose que lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie; que, comme tel était déjà le cas en application de l'article 21 de la Convention de Bruxelles, la juridiction saisie en second lieu ne dispose pas d'une simple faculté de sursis comme en matière de connexité mais doit examiner d'office si les conditions de la litispendance sont réunies et, dans l'affirmative, se dessaisir une fois établie la compétence de la première juridiction saisie ;

Qu'il importe donc peu que la société EXEL LOGISTIQUE ait pu ne pas proposer l'exception de litispendance in limine litis puisqu'il appartenait au tribunal, et qu'il revient aujourd'hui à la cour, saisie de l'ensemble de la question de la compétence par l'effet du contredit, de faire application d'office des dispositions de l'article 27.1, si du moins la situation de litispendance est caractérisée ;

Attendu à cet égard que comme il ressort de l'examen des assignations délivrées en France et des "Claim forms" remises à la juridiction anglaise, les deux procédures suivies à Villefranche et à Londres ont bien le même objet, c'est-à-dire la détermination de la responsabilité de la société EXEL LOGISTIQUE dans la perte du lot de téléphones portables, à l'occasion du transport qui lui a été confié par la société HI-TEC ELECTRONICS, et l'éventuel recours de celle-là à l'encontre des transporteurs qu'elle s'était substituée, Univers Lines et A.M.S. ; que leur cause en est également identique puisqu'il

s'agit de l'exécution du contrat unique passé entre EXEL et HI-TEC ELECTRONICS ou, pour les actions en garantie, des contrats de transport conclus avec les deux transporteurs précités ;

Que sans doute les parties aux deux instances ne sont-elles pas exactement les mêmes puisque si c'est le cas pour EXEL LOGISTIQUE, HI-TEC ELECTRONICS, Univers Lines et A.M.S., en revanche la compagnie d'assurances d' EXEL, Royal & Sun Alliance et la société chypriote MK Digital Fze, fournisseur des téléphones sont présentes à Londres et pas à Villefranche, à l'inverse de la compagnie HELVETIA et de M. X... ; que néanmoins il importe d'observer d'une part que les parties au litige principal figurent bien dans les deux procédures et que d'autre part le dessaisissement, s'il devait advenir, n'aurait lieu qu'à l'égard de ces parties, le lien juridique d'instance subsistant à l'égard des autres et pouvant alors donner lieu à une décision en France après disjonction, sauf pour le tribunal à user de la faculté de se dessaisir pour cause de connexité ;

Attendu que les éléments de la litispendance étant ainsi établis, il convient de déterminer laquelle des juridictions de Londres ou de Villefranche a été saisie en premier ; qu'il y a lieu à ce sujet de se référer aux précisions fournies par l'article 30 du Règlement ; que les parties admettent qu'en France, la date à prendre en considération est celle de l'assignation délivrée à la requête de la société HI-TEC ELECTRONICS c'est-à-dire le 2 décembre 2004;

Que devant la juridiction anglaise, la société EXEL LOGISTIQUE et son assureur ont déposé un formulaire de demande en justice mentionnant comme parties défenderesses les sociétés HI-TEC ELECTRONICS, MK Digital Fze et Univers Lines le 11 novembre 2004, ainsi qu'en atteste le cachet apposé le même jour par le secrétariat de la Cour

Commerciale et de l'Amirauté ; que la société A.M.S. a été ajoutée comme défenderesse au formulaire de demande le 24 novembre suivant ; que les avocats d'EXEL ont remis à la cour les documents nécessaires à la signification de la procédure aux sociétés HI-TEC ELECTRONICS et MK Digital le 4 janvier 2005 et que les parties défenderesses ont accusé réception de la signification de la demande entre le 21 février et le 29 mars 2005 ; que cette signification, qui a permis à la société HI-TEC ELECTRONICS de saisir la juridiction anglaise d'un avis de requête pour contester sa compétence le 24 mars 2005, n'apparaît pas irrégulière puisqu' intervenue dans le délai de six mois prévu par la procédure anglaise et que sa validité n'a d'ailleurs pas été contestée devant le juge AIKENS, auteur du jugement du 21 juin 2005 ;

Attendu que dès lors qu'il est constant que la procédure anglaise requiert le dépôt préalable du formulaire de demande en justice auprès de la juridiction avant toute signification au défendeur, il apparaît qu'en application de l'article 30-1) du Règlement 44/2001, la cour de Londres est réputée saisie à la date du dépôt de cette demande auprès d'elle, c'est-à-dire au 11 novembre 2004 (ou au 24 novembre en ce qui concerne la société A.M.S.) puisque la société EXEL LOGISTIQUE et son assureur, demandeurs à l'instance ont ensuite effectué les diligences nécessaires pour parvenir à la notification de l'acte exprimant leurs prétentions aux différentes parties défenderesses ;

Attendu qu'ainsi, sans qu'il n'y lieu aujourd'hui pour la cour de s'interroger sur l'existence d'un lien entre le litige et le Royaume-Uni ou l'existence d'une clause conventionnelle attributive de compétence, questions qu'aura le cas échéant à apprécier la Cour d'appel de Londres dans le cadre de la vérification de la compétence de la juridiction anglaise, il convient de faire droit au contredit

et de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas litispendance avec la procédure en cours devant la juridiction anglaise et, en conséquence de surseoir d'office à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la juridiction d'appel anglaise; que ce sursis ne vaudra toutefois que pour les parties également présentes dans les deux procédures, ce qui exclut son application à la compagnie HELVETIA et à Jean-Claude X... ; PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort :

Déclare recevable le contredit formé par la société EXEL LOGISTIQUE ; Réforme le jugement du 7 juillet 2005 en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas litispendance avec la procédure suivie devant la juridiction anglaise ;

Dit qu'il y a lieu, en application de l'article 27.1 du Règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000, sauf du chef des demandes dirigées contre Jean-Claude X... et la compagnie HELVETIA, de surseoir d'office à statuer jusqu'à ce que soit établie la compétence de la High Cour of Justice de Londres, premier tribunal saisi, à l'issue de la procédure actuellement pendante devant la Court of Appeal de Londres ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Réserve les dépens.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. Y...

H. ROBERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 05/05190
Date de la décision : 19/01/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-01-19;05.05190 ?
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