La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006947465

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 3, 05 janvier 2006, JURITEXT000006947465


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 05 Janvier 2006

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de ROANNE du 20 octobre 2004 - No rôle : 2004/492 No R.G. : 04/06987

Nature du recours : Appel

APPELANT : Monsieur X... Y..., né le 22 mai 1947 aux SABLES D'OLONNE (85) 30/32, rue Léon Noùl 06400 CANNES représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS

INTIMES : Maître Philippe CHARRIERE, mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la soci

été MERKER YSHIMA, SAS (route de Charlieu - 42300 ROANNE) 2 Cours de la République 42300 RO...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 05 Janvier 2006

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de ROANNE du 20 octobre 2004 - No rôle : 2004/492 No R.G. : 04/06987

Nature du recours : Appel

APPELANT : Monsieur X... Y..., né le 22 mai 1947 aux SABLES D'OLONNE (85) 30/32, rue Léon Noùl 06400 CANNES représenté par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assisté de Me Stéphane BONIFASSI, avocat au barreau de PARIS

INTIMES : Maître Philippe CHARRIERE, mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la société MERKER YSHIMA, SAS (route de Charlieu - 42300 ROANNE) 2 Cours de la République 42300 ROANNE représenté par la SCP DUTRIEVOZ, avoués à la Cour assisté de la SCP BOUFFERET ET ASSOCIES, avocats au barreau de ROANNE Monsieur Klaus Z... OB DEM WEILLER A... (ALLEMAGNE) défaillant MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel Palais de Justice Place Paul Duquaire 69005 LYON Instruction clôturée le 28 Octobre 2005 Audience publique du 16 Novembre 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, DÉBATS en audience publique du 16 novembre 2005 tenue par Monsieur SANTELLI, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président, et par Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller, chargés de faire rapport, sans opposition des Avocats dûment avisés, qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Monsieur ROBERT, Président Monsieur SANTELLI, Conseiller, Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller GREFFIER : la Cour était assistée

lors des débats de Mademoiselle B..., Greffier, ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 5 janvier 2006, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle B..., Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 20 octobre 2004, le Tribunal de Commerce de ROANNE a dit n'y avoir lieu à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'encontre de Monsieur Klaus Z... et Monsieur X... Y... - les a condamnés l'un et l'autre solidairement au paiement de l'intégralité du passif de la société MERKER YSHIMA et a prononcé contre chacun d'eux la faillite personnelle pour une durée de 15 ans.

Par déclaration du 3 novembre 2004, Monsieur X... Y... a relevé appel de ce jugement.

Vu les prétentions et les moyens développés par Monsieur X... Y... dans ses conclusions du 23 juin 2005 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que le jugement déféré, s'il est motivé sur le fait qu'il aurait été un dirigeant de fait, ne l'est pas en revanche quant aux raisons pour lesquelles il a été sanctionné, sans que l'acte de citation ne mentionne les moyens au soutien de la demande - que de la sorte il convient d'annuler l'acte introductif d'instance et le jugement, ce qui conduit à retenir l'absence d'effet dévolutif de l'appel - qu'à titre subsidiaire, il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente que la juridiction pénale, saisie du grief qui lui est fait d'avoir dirigé une entreprise, alors qu'il était sous le coup d'une interdiction de gérer, décide s'il avait ou non qualité de dirigeant

de fait qu'on lui reproche.

Vu les prétentions et les moyens développés par Maître Charrière ès qualités de mandataire liquidateur de la société MERKER YSHIMA dans ses conclusions du 28 juin 2005 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que les moyens de nullité soulevés par Monsieur X... Y... ne sont pas sérieux et qu'il convient de les rejeter - que sur le fond, Monsieur X... Y... s'est conduit comme le dirigeant de fait de la société MERKER YSHIMA - qu'à ce titre il a géré l'entreprise d'une manière calamiteuse, de sorte que le passif social, qui est le résultat de ses fautes de gestion ainsi que de nombreuses malversations commises à son profit, doit être mis à sa charge - que Monsieur X... Y..., en réclamant le sursis à statuer et en multipliant les recours, cherche à gagner du temps - qu'il y a lieu de confirmer le jugement déféré.

Le Procureur Général près cette Cour a conclu le 7 novembre 2005 au rejet des moyens de nullité soulevés par Monsieur X... Y... et à la confirmation sur le fond du jugement déféré en ce qu'il a retenu la qualité de dirigeant de fait de Monsieur X... Y... et la poursuite d'une activité ruineuse de la société qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements pour le condamner à supporter le passif social et pour le sanctionner d'une faillite personnelle de 15 ans. MOTIFS DE LA DÉCISION

I/ Sur la demande en nullité de l'assignation et du jugement déféré :

Attendu qu'il résulte de l'examen de l'acte de citation que Maître Charrière ès qualités de mandataire liquidateur de la société MERKER YSHIMA a fait délivrer à Monsieur X... Y... qu'il comporte bien les griefs qui lui sont faits au titre de sa gestion en tant que dirigeant de fait de la société MERKER YSHIMA fondant ainsi la

demande qu'il forme de voir prononcer à son encontre, à raison des fautes qui lui sont reprochés, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ainsi qu'une mesure de faillite personnelle, et subsidiairement de le voir condamner solidairement avec Monsieur Klaus Z... à supporter en totalité le passif de la société MERKER YSHIMA - que cette assignation, qui vise au surplus les textes au soutien des prétentions du demandeur, est donc parfaitement régulière - que la demande d'annulation de cet acte pour les motifs avancés par Monsieur X... Y... doit donc être rejetée ;

Attendu que le jugement déféré énonce très explicitement les motifs qui ont été retenus par le juge pour caractériser d'une part le comportement de Monsieur X... Y... dans la société comme étant celui d'un dirigeant de fait et d'autre part les fautes imputables à sa gestion à l'origine de la situation de cessation des paiements de la société - que c'est donc à tort que Monsieur X... Y... invoque l'absence de motivation du jugement - que sa demande en nullité de jugement dépourvue de fondement doit être en conséquence rejetée.

II/ Sur les demandes de Maître Charrière ès qualités à l'encontre de Monsieur X... Y... :

Attendu que Monsieur X... Y... réclame que soit prononcé le

sursis à statuer au motif qu'ayant été mis en examen du chef de direction ou contrôle d'une entreprise commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une personne morale ayant une activité économique, malgré interdiction judiciaire, c'est à la juridiction pénale de dire, s'il avait bien ou s'il n'avait pas la qualité de dirigeant de fait dans la société MERKER YSHIMA - que l'autonomie de l'article L.624-3 du Code de Commerce (ancien article 180 de la loi du 25/1/85) comme de l'article L. 624-5 (ancien article 182) donne à la juridiction commerciale toute latitude de statuer hors du champ des poursuites pénales et sans en attendre l'aboutissement, les critères propres à retenir la qualification de dirigeant de fait devant être appréciés au seul regard des dispositions des articles sus énoncés - que la demande de sursis à statuer n'est donc pas fondée et doit être en conséquence écartée - qu'elle ne dispensait pas Monsieur X... Y... de conclure subsidiairement au fond - que par conséquent l'absence de réponse de sa part aux demandes de Maître Charrière ès qualités, alors qu'il est appelant d'une décision qui a examiné le fond, ne fait pas obstacle à ce que la Cour statue sur les prétentions de l'intimé qui réclame à son encontre les sanctions patrimoniales soit de l'article L. 624-3 soit de l'article L. 624-5 du Code de Commerce, ainsi que la sanction personnelle de la faillite ;

1o/ Sur la qualité de dirigeant de fait de Monsieur X... Y... :

Attendu que les griefs allégués à l'encontre de Monsieur X... Y... se rapportent aux fautes de gestion que Maître Charrière ès qualités lui reproche d'avoir commises en se comportant dans la société MERKER YSHIMA comme un dirigeant de fait ;

Attendu que Monsieur X... Y... avait les pouvoirs les plus étendus dans la société, puisqu'il disposait de la signature en banque, donnait des instructions au personnel et engageait l'entreprise auprès des tiers - que les articles de presse parus à l'occasion d'un conflit né dans la société en octobre et novembre 2002 font état des prises de position de Monsieur X... Y..., qui se comporte comme le seul représentant de la société - qu'un courrier du 19 février 2002 émanant de l'URSSAF relate l'entrevue de Monsieur X... Y... au siège de cet organisme attestant qu'il s'est présenté comme l'interlocuteur de la société - que c'est Monsieur X... Y... qui est intervenu lors de la reprise de la société CARROSSERIE INDUSTRIELLE ROANNAISE (CIR) par la société MERKER YSHIMA, le jugement rendu le 17 juillet 2001 ordonnant la cession de l'entreprise CIR mentionnant que c'est lui qui a présenté la proposition de reprise au tribunal et qu'il est tenu à cet effet par l'exécution du plan - que c'est encore Monsieur X... Y... qui a effectué la déclaration de cessation des paiements de la société MERKER YSHIMA avec le pouvoir de Monsieur Klaus Z... dirigeant de droit - que ces éléments caractérisent à eux seuls l'existence d'actes positifs de gestion permettant de retenir comme dirigeant de fait de la société Monsieur X... Y... - que c'est bien à ce titre que Maître Charrière ès qualités le met en cause ;

2o/ Sur la sanction patrimoniale :

Attendu qu'en effet il résulte du dossier que la société n'avait presque plus d'activité faute de commandes, bien avant que n'ait lieu le dépôt de bilan en décembre 2002 - que le personnel n'était plus payé de ses salaires, (les articles de presse de novembre 2002 font référence explicitement à cette situation à l'origine du conflit social dans l'entreprise) ni le propriétaire de la location des locaux d'exploitation- que par conséquent c'est bien la gestion de

Monsieur X... Y..., qui était le seul représentant sur place de la société du fait de l'absence permanente de Monsieur Klaus Z... dans l'entreprise, qui est à l'origine de la situation calamiteuse de la société - qu'en effet le passif social admis s'élève à 1.354.000 euros (soit 8,8 millions de francs) sans tenir compte d'un passif déclaré, mais contesté de 2.378.000 euros (soit 15,6 millions de francs), alors que l'actif de la société est pratiquement inexistant ;

Attendu qu'il apparaît de ce qui précède que l'insuffisance d'actif, quasiment égale au montant du passif, a été le fait de Monsieur X... Y... en tant que dirigeant de la société et donc responsable de sa gestion - que dans ces conditions, il doit être condamné à payer l'intégralité du passif de la société MERKER YSHIMA pour les fautes commises par lui à l'origine de cette insuffisance - qu'ainsi le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur X... Y... à supporter le passif, sauf à préciser que cette participation sera de 1.350.000 euros ;

3o/ Sur la sanction de la faillite personnelle :

Attendu que Maître Charrière ès qualités rapporte la preuve que Monsieur X... Y..., outre des fautes de gestion, a commis diverses malversations dans la société MERKER YSHIMA - qu'il fait ainsi état du paiement par la société du loyer d'un appartement personnel de Monsieur X... Y... à Cannes, de l'embauche par la société de l'épouse de Monsieur X... Y... comme salariée, alors qu'elle est domiciliée à Cannes et n'a jamais occupé cet emploi, de l'ouverture d'un compte au nom de la société dans une banque à Cannes, lieu de la résidence de Monsieur X... Y..., sur lequel il disposait de la signature, alors que la société a son siège d'exploitation à Clermont Ferrand et à Roanne ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que Monsieur X... Y... a disposé des biens de la société MERKER YSHIMA comme des siens propres et que c'est bien dans son intérêt personnel qu'il a poursuivi abusivement une exploitation qu'il savait de par ses fonctions déficitaire, ce qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la société - qu'il ne s'est décidé à mettre un terme à l'activité de l'entreprise qu'après y avoir été acculé faute de la trésorerie nécessaire et face à un conflit social qu'il n'a pas été en mesure de maîtriser - que ces faits relèvent des articles L. 624-5 et L. 625-1 du Code de Commerce qui prévoient la sanction de la faillite personnelle à l'encontre des dirigeants de société contre lesquels ils seraient retenus;

Attendu que Monsieur X... Y... s'étant rendu coupable de ces faits, il y a lieu de prononcer contre lui la faillite personnelle pour une durée qui, à raison de leur gravité, doit être fixée à quinze années ;

Attendu que le jugement déféré doit ainsi être confirmé sur ce chef de demande ;

III/ Sur les dépens :

Attendu que Monsieur X... Y... doit être condamné aux dépens ; PAR CES MOTIFS LA COUR,

Vu les conclusions prises par le Procureur Général près cette Cour le 7 novembre 2005,

Déclare Monsieur X... Y... mal fondé dans ses demandes en nullité de l'assignation qui lui a été délivrée le 23 décembre 2003 ainsi que du jugement rendu le 20 octobre 2004 déféré à la Cour et l'en déboute,

Dit qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur X...

Y... à payer le passif de la société MERKER YSHIMA, sauf à dire que sa participation à ce paiement est limitée à 1.350.000 euros, et en ce qu'il a prononcé la faillite personnelle à l'encontre de Monsieur X... Y... pour une durée de quinze années,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur X... Y... à payer les dépens qui seront distraits au profit de la SCP DUTRIEVOZ, avoués, qui les recouvrera conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. B...

H. ROBERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947465
Date de la décision : 05/01/2006
Type d'affaire : Civile

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Responsabilité - Dirigeant social - Action en comblement - Domaine d'application - Dirigeant de fait - Notion - Appréciation - /

Les critères propres à retenir la qualification de dirigeant de fait étant appréciés au regard des dispositions des articles L. 624-3 et L. 624-5 du Code de commerce, la juridiction commerciale a toute latitude pour statuer sur ce point en dehors du champ des poursuites pénales. Dès lors, une personne mise en examen du chef de direction ou de contrôle d'une entreprise commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une personne morale ayant une activité économique malgré une interdiction judiciaire, ne peut demander à une juridiction commerciale de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale appelée à se prononcer sur la qualité de dirigeant de fait


Références :

Code de commerce, articles L. 624-3 et L. 624-5

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2006-01-05;juritext000006947465 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award