COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 01 Décembre 2005
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 25 février 2004 - No rôle : 2002j2244 No R.G. : 04/01645
Nature du recours : Appel
APPELANTE : La Société DAUPHITEX, SAS 466, rue des Mercières BP 125 69143 RILLEUX LA PAPE représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de Me Anne COVILLARD, avocat au barreau de LYON
INTIME : Monsieur Claudio X..., né le xxxxxxxxxxxxxxà MILAN (Italie) Via Anna Magnani 00197 ROME (ITALIE) représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me Janine FRANCESCHI BARIANI, avocat au barreau de PARIS Instruction clôturée le 07 Octobre 2005 Audience publique du 27 Octobre 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame FLISE, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Madame MIRET, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 27 octobre 2005 GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle BASTIDE, Greffier ARRET :
CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 1er décembre 2005, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Madame FLISE, Président, et par Mademoiselle BASTIDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur Claudio X... était depuis le 26 janvier 1997 aux termes d'un contrat agent commercial pour l'Italie de la société DAUPHITEX, membre du Groupe ZANNIER, qui lui avait confié à cet effet la distribution des produits de la marque FLORIANE, ce dont il s'acquittait au travers d'un réseau d'agents régionaux qui étaient sur place ses mandataires.
Le 21 janvier 2000, la société DAUPHITEX, adressait un courrier à Monsieur Claudio X... l'informant qu'il avait commis une faute grave en n'assistant pas à une réunion du Groupe et qu'en conséquence elle résiliait le contrat avec effet à l'issue du préavis de quinze jours prévu au contrat.
Le 31 janvier 2000, Monsieur Claudio X... contestait cette décision qui révoquait son mandat abusivement.
Par acte du 21 novembre 2000, Monsieur Claudio X... a fait citer la société DAUPHITEX devant le Tribunal de Commerce de LYON pour lui réclamer diverses indemnités qui lui étaient dues tant au titre de la rupture du contrat, dont l'indemnité de préavis, qu'au titre de la concurrence déloyale qu'il lui reprochait d'avoir exercée à son encontre en chargeant une autre personne du réseau appartenant à sa filiale italienne de distribuer les mêmes produits et enfin pour le préjudice moral qu'elle a subi à ces titres.
Par jugement du 25 février 2004, le Tribunal de Commerce de LYON a dit que la société DAUPHITEX avait rompu abusivement le contrat d'agent commercial de Monsieur Claudio X... et ce sans respecter le préavis prévu au contrat et a condamné la société DAUPHITEX à lui verser la somme de 43.777 euros au titre du préavis et celle de 175.110 euros au titre de l'indemnité de rupture - a dit que la société DAUPHITEX s'était rendue coupable de concurrence déloyale envers Monsieur Claudio X... et l'a condamnée à ce titre à lui
régler la somme de 54.000 euros et a condamné la société DAUPHITEX à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par déclaration du 10 mars 2004, la société DAUPHITEX a relevé appel de ce jugement.
Vu l'article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la société DAUPHITEX dans ses conclusions du 3 mai 2005 auxquelles il convient de se référer tendant à faire juger que Monsieur Claudio X... a commis des fautes graves en s'abstenant de participer à deux réunions du groupe les 16 juin 1999 et 20 décembre 1999 qui avaient pour objet de présenter les produits, de préparer les plannings de réunion et de déterminer les actions d'approche de la clientèle, sans qu'il puisse prétendre à justifier ces absences par des demandes de report de réunion - que le contrat n'a donc pas été respecté du fait de l'agent qui engage sa responsabilité contractuelle - qu'ainsi est justifiée la résiliation du contrat aux torts de Monsieur Claudio X... qui perd tout droit à une indemnisation, que ce soit au titre d'un préavis, à l'exception du préavis contractuel de 15 jours accordé à l'agent, qu'au titre d'une rupture brutale du contrat égal à deux années de commission - qu'au titre de la concurrence déloyale, il n'est pas possible d'incriminer le mandant qui est propriétaire de sa clientèle et qui est libre après la rupture de l'exploiter - qu'il n'est de toute façon prouvé ni qu'elle aurait continué de travailler avec le réseau des agents régionaux de Monsieur Claudio X..., ni même que la filiale italienne les ait utilisés - que l'article 1382 du Code Civil exige que les faits reprochés lui soient imputables, ce qui n'est pas le cas - que c'est en tout cas à tort que le premier juge a mis en oeuvre la clause pénale du contrat prévue en cas de
violation de la clause de non concurrence en allouant une indemnité de 304,80 euros par jour de retard sur six mois à compter de la cessation du contrat - qu'enfin Monsieur Claudio X... ne démontre aucun préjudice - qu'il y a lieu de réformer le jugement déféré.
Vu les prétentions et les moyens développés par Monsieur Claudio X... dans ses conclusions récapitulatives du 5 septembre 2005 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé tendant à faire juger que la société DAUPHITEX a rompu abusivement le contrat, alors qu'il n'est démontré aucune faute grave à son encontre, les absences qui lui sont reprochées n'ayant été que de courte durée, sans conséquence - qu'ainsi pour la première, elle n'a été évoquée que le 20 janvier 2000, soit plus de six mois après les faits du 16 juin 1999 et pour la seconde, elle ne peut constituer une faute, dès lors que la société DAUPHITEX avait été informée depuis le 2 novembre 1999 de son impossibilité d'être présent à la réunion du 20 décembre 1999 - que s'il devait y avoir faute, elle ne pourrait être retenue comme grave, dès lors qu'elle ne rend pas impossible la poursuite de la relation contractuelle - qu'il a donc droit au préavis de 6 mois prévu au contrat ainsi qu'à une indemnité de rupture - que la société DAUPHITEX a commis en outre une faute en résiliant le contrat aux fins de s'approprier le réseau des sous agents régionaux qu'il avait mis en place en Italie et pour confier par l'intermédiaire de sa filiale italienne la vente de ses produits à ces mêmes sous agents - que la société DAUPHITEX était débitrice d'une obligation de ne pas faire qu'elle a violée avec la complicité de sa filiale - qu'elle est donc redevable envers elle d'une indemnité en réparation du préjudice qu'elle a subi correspondant à la somme que lui a alloué le premier juge - que dans ces conditions le jugement déféré doit être confirmé intégralement.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I/ Sur la rupture du contrat d'agent commercial :
Attendu que pour mettre fin au contrat d'agent commercial qui la liait à Monsieur Claudio X... depuis le 26 janvier 1997, la société DAUPHITEX invoque l'existence de fautes graves dont s'est, selon elle, rendu coupable Monsieur Claudio X... en s'absentant le 16 juin 1999 durant la réunion de présentation de la collection Floréane automne-hiver organisée à Rillieux la Pape à cette occasion et en s'abstenant d'être présent les 21 et 22 décembre 1999 à la réunion de présentation de la collection automne-hiver 2000 qui se tenait également à Rillieux la Pape;
Attendu que, comme l'a relevé le premier juge, l'absence de Monsieur Claudio X... lors de la présentation de juin 1999 a été limitée à la matinée du 15 juin sur les trois jours (14-15 et 16 juin) prévus pour le déroulement de cette réunion - qu'elle n'a pas dû présenter le caractère de gravité qu'invoque actuellement la société DAUPHITEX puisqu'elle s'est contentée de préciser dans un courrier qu'elle adressait à Monsieur Claudio X... qu'elle s'en était préalablement expliqué avec lui, sans autre commentaire - que la société DAUPHITEX ne peut incriminer Monsieur Claudio X... de son absence à la présentation de décembre 1999 puisque l'ayant averti par courrier du 1er décembre 1999 qu'il serait absent de France pour toute la période et qu'il avait reçu par télécopie du 9 décembre 1999 l'information selon laquelle une réunion de présentation se tiendrait alors à Florence au mois de janvier 2000 - que si ce contre temps avait eu l'importance que lui donne à présent la société DAUPHITEX, on comprend mal qu'elle ait accepté un tel report - que la société DAUPHITEX ne donne aucun élément sur les conséquences qu'ont pu avoir ces absences sur l'activité de Monsieur Claudio X... - que les griefs invoqués par la société DAUPHITEX ne sont donc pas constitutifs d'une faute grave, laquelle doit s'analyser comme la
faute contractuelle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et qui rend le maintien des relations entre les parties impossible ;
Attendu qu'en mettant fin brutalement le 21 janvier 2000 au contrat au seul motif des absences répétées de Monsieur Claudio X... sans l'informer au préalable de la décision qu'elle entendait prendre à son sujet, la société DAUPHITEX a commis une faute, la rupture du contrat étant intervenue abusivement ;
II/ Sur les conséquences de la rupture du contrat :
Attendu qu'en l'absence de faute grave, l'agent commercial a droit aux indemnités consécutives à la rupture du contrat ;
Attendu que le préavis contractuel était fixé à six mois - qu'en conséquence Monsieur Claudio X... doit percevoir une indemnité de préavis calculée sur cette durée, soit la somme de 43.777 euros - que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société DAUPHITEX au paiement de cette somme à ce titre ;
Attendu que l'agent commercial a droit à une indemnité en réparation du préjudice résultant de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune - qu'il apparaît qu'une indemnité correspondant à deux années de commissions constitue une juste réparation du préjudice subi par Monsieur Claudio X... du fait de cette rupture - qu'il convient dans ces conditions de condamner la société DAUPHITEX à payer la somme de 175.110 euros à Monsieur Claudio X... à ce titre, confirmant de ce chef le jugement déféré ;
III/ Sur les faits de concurrence invoqués par Monsieur Claudio
ASSAEL à l'encontre de la société DAUPHITEX en vertu du contrat :
Attendu que Monsieur Claudio X... invoque au soutien des griefs qu'il fait à la société DAUPHITEX d'avoir participé à des actes de concurrence commis à son encontre les dispositions de l'article 11-3 du contrat d'agent commercial qui fait référence à l'engagement du mandant de ne pas entretenir de rapports contractuels avec les agents secondaires pendant une durée de six mois à compter de la date de cessation du contrat - qu'il lui reproche d'avoir enfreint cette interdiction en chargeant la société ZANNIER Italia de commercialiser ses produits par l'intermédiaire du réseau des sous agents italiens qu'il avait mandatés et en continuant de travailler avec ce réseau - que cette référence au contrat exclut que Monsieur Claudio X... agisse en concurrence déloyale sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil - que l'action engagée en vertu du contrat exige que les faits reprochés soient imputables à la société DAUPHITEX - qu'à cet égard Monsieur Claudio X... ne produit aux débats aucun élément établissant que la société DAUPHITEX ait personnellement utilisé les sous agents de Monsieur Claudio X... dans les conditions qui sont définies dans la clause précitée du contrat pour commercialiser ses produits - que le fait que la société ZANNIER Italia ait entretenu des rapports contractuels avec les sous agents italiens de Monsieur Claudio X... ne signifie pas que la société DAUPHITEX ait contrevenu aux dispositions de l'article 11-3 du contrat, quand bien même seraient-elles toutes deux filiales du groupe ZANNIER - qu'il n'est pas rapporté la preuve que des rapports directs aient été entretenus par la société DAUPHITEX avec les sous agents - qu'il ne démontre pas qu'ayant voulu continuer son activité en Italie, il ait subi un préjudice du fait de la concurrence liée à l'utilisation de ses sous agents - que dans ces conditions il ne peut être reproché à la société DAUPHITEX d'avoir manqué à ses obligations contractuelles
à l'égard de Monsieur Claudio X... - qu'il convient en conséquence de le déclarer mal fondé dans sa demande en indemnisation d'un préjudice lié à des actes de concurrence et l'en déboute ;
Attendu que le jugement déféré doit être ainsi réformé ;
IV/ Sur les autres demandes :
Attendu qu'il serait inéquitable que la société DAUPHITEX supporte la charge de ses frais irrépétibles d'appel et qu'il y a lieu ainsi de lui allouer une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Attendu que Monsieur Claudio X... doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel ; PAR CES MOTIFS LA COUR,
Confirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a condamné la société DAUPHITEX envers Monsieur Claudio X... au titre de la rupture du contrat d'agent commercial qui les liait,
Le réforme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Déclare Monsieur Claudio X... mal fondé dans sa demande formée à l'encontre de la société DAUPHITEX au titre d'actes de concurrence commis en violation des dispositions de l'article 11-3 du contrat d'agent commercial et l'en déboute,
Condamne Monsieur Claudio X... à payer à la société DAUPHITEX la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés par la SCP JUNILLON etamp; WICKY, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER,
LE PRESIDENT,
M.P. BASTIDE
L. FLISE