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10/11/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006948018

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 3, 10 novembre 2005, JURITEXT000006948018


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 10 Novembre 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 08 septembre 2003 - No rôle : 02J00894 No R.G. : 03/07094

Nature du recours : Appel

APPELANTE : La Société TECHNICAL BUREAU CHRISTOS A. X..., SA, société de droit grec 61, Rue Academias, Athènes 106 79, PO BOX 3592 ATHENES 102 10 (GRECE) représentée par Me DE FOURCROY, avoué à la Cour assistée de Me Laure MARCILHACY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE : La Société RENAULT TRUCKS, SA 99 Route de Lyon 6

9800 ST PRIEST représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me Didie...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 10 Novembre 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 08 septembre 2003 - No rôle : 02J00894 No R.G. : 03/07094

Nature du recours : Appel

APPELANTE : La Société TECHNICAL BUREAU CHRISTOS A. X..., SA, société de droit grec 61, Rue Academias, Athènes 106 79, PO BOX 3592 ATHENES 102 10 (GRECE) représentée par Me DE FOURCROY, avoué à la Cour assistée de Me Laure MARCILHACY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE : La Société RENAULT TRUCKS, SA 99 Route de Lyon 69800 ST PRIEST représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me Didier LAIGO, avocat au barreau de PARIS Instruction clôturée le 22 Juillet 2005 Audience publique du 15 Septembre 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Madame MIRET, Conseiller Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 15 septembre 2005 GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Y..., Greffier, ARRET : CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 novembre 2005, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle Y..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS et PROCÉDURE ANTÉRIEURE :

faute pour celle-ci d'avoir constitué une structure commerciale et un service après-vente suffisants et d'avoir consenti les investissements correspondants ; elle indique que c'est après un examen détaillé du business plan de la société X..., sollicitant de sa part des efforts non compatibles avec le contrat de concession, qu'elle s'est résolue à dénoncer celui-ci, dans le strict respect de ses stipulations.

Elle souligne que le litige ne saurait en aucune manière porter sur la vente des autocars et autobus, expressément exclue dans le contrat de 1996, et donc par suite dans l'avenant de juin 1998 relatif à la gamme Master.

À propos de la rupture des relations contractuelles, l'intimée affirme d'abord que la résiliation du contrat est intervenue conformément aux

À propos de la rupture des relations contractuelles, l'intimée affirme d'abord que la résiliation du contrat est intervenue conformément aux dispositions réglementaires et contractuelles applicables.

Rappelant que la durée des relations contractuelles n'entache pas le droit de résiliation du constructeur, la société RENAULT TRUCKS affirme que le préavis de deux années était suffisant au regard de la longévité des relations commerciales entre les parties et du degré de dépendance économique de son distributeur grec ; au sujet de cette dépendance, elle observe que la clause de non-concurrence était seulement la contrepartie directe de l'exclusivité accordée et qu'il était laissé à la société X... la possibilité de commercialiser tous autres véhicules ou engins quelconques tels que remorques, matériels de levage ou de manutention pour compléter ou favoriser l'exercice de l'activité découlant de la concession. ; elle souligne que les ventes de véhicules n'ont représenté que 79,6 % de l'activité

La société de droit grec TECHNICAL BUREAU CHRISTOS A. X... dite ci-après société X... est intervenue à partir de 1962 en qualité d'importateur des véhicules industriels de marque BERLIET puis RENAULT, d'abord sur la base de différents contrats d'importation conclus en 1962, 1964 et 1966, puis, jusqu'en 1982, sans formalisation des relations commerciales entre elle-même et les sociétés du groupe RENAULT.

Un contrat de concession exclusive a été signé le 30 mars 1982 pour une durée déterminée, expirant le 31 décembre 1985. En dernier lieu, les parties ont été liées par un contrat du 8 novembre 1996 qualifié de contrat de concession Acheteur-Revendeur à l'exportation pour véhicules de plus de 3,5 t de PTAC .

Ce contrat prévoyait en particulier qu'il pourrait y être mis fin à tout moment par l'une des parties, par lettre recommandée adressée à l'autre au moins 24 mois à l'avance.

Après avoir demandé à sa cocontractante, le 20 janvier 1999, d'établir un "business plan" en vue de parvenir à améliorer sa diffusion sur le marché grec, estimée trop faible, la société RENAULT TRUCKS, qui a reçu le 12 février 1999 le projet de la société X..., a avisé celle-ci, par lettre du 11 mai 1999 de son intention de résilier le contrat d'importateur, en mettant fin à leurs relations commerciales à compter du 31 mai 2001.

Par acte du 12 mars 2002, la société X... a alors assigné devant le tribunal de commerce de Lyon la société RENAULT TRUCKS pour obtenir réparation du préjudice, estimé à environ 47 millions d'euros que lui auraient causé la rupture brutale et abusive par la société RENAULT TRUCKS de leurs relations ainsi que les manquements répétés de celle-ci à ses obligations contractuelles.

Par un jugement du 8 septembre 2003 le tribunal a débouté la société X... de l'ensemble de ses demandes et

l'a condamnée à payer à la de X... en 1997 puis 28,4 % en 1999 avant de remonter à 100 % au premier semestre 2001. Elle signale qu'en fait, compte tenu des effets du marché OASA, c'est sur une période de trois années et huit mois à compter de la résiliation du 11 mai 1999 que la société X... a pu maintenir une activité bénéficiaire en raison de la vente directe ou indirecte des produits Renault.

La société RENAULT TRUCKS fait encore valoir que le préavis de deux ans est conforme à la réglementation communautaire (règlement communautaire 1475/95), applicable aux contrats à durée indéterminée. Elle ajoute que ce préavis avait été estimé suffisant par la société X... lors de la signature du contrat 8 novembre 1996 puisqu'elle n'avait fait aucune remarque à ce propos lors des discussions préalables (notamment courrier du 25 septembre 1996).

La société RENAULT TRUCKS indique qu'elle a bien respecté le préavis contractuel et que les affirmations de la société

X... à cet égard sont démenties par les pièces, et notamment son courrier du 6 mars 2001 précisant qu'elle honorerait toute commande ferme émise avant le 31 mai 2001, et même toute commande postérieure résultant d'une soumission faite dans des conditions économiques acceptables, déposée avant la même date. Elle explique qu'elle a entendu se prémunir contre une ultime demande de remise excessive et elle conteste avoir empêché la société X... de concourir à des appels d'offres, ainsi qu'il ressortirait des correspondances échangées :

selon elle, c'est en réalité la société X..., qui, en définitive a refusé de poursuivre les démarches nécessaires auprès des administrations grecques (exemple des appels d'offres Postes Helléniques et municipalité d'Athènes).

La société RENAULT TRUCKS soutient ensuite que la résiliation a été loyale et sans abus de sa part.

Elle rappelle que la partie qui résilie le contrat n'est pas tenue de

société RENAULT TRUCKS la somme de 20 000 ç à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une somme de 10 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société X... a relevé appel de cette décision le 10 décembre 2003. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Aux termes de ses secondes conclusions récapitulatives du 4 juillet 2005, la société X... demande à la cour, infirmant le jugement en toutes ses dispositions, de dire que la société RENAULT TRUCKS a résilié de manière brutale et abusive le contrat du 8 novembre 1996 et qu'elle a manqué à ses obligations contractuelles et à la bonne foi dans l'exécution de ce contrat et de son avenant du 8 juin 1998. Elle sollicite en conséquence sa condamnation au paiement des sommes suivantes, assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 12 mars 2002 : - 19 028 275 ç au titre du manque à gagner résultant de l'impossibilité dans laquelle elle a été de répondre aux appels d'offres émis pour des véhicules objet du contrat (hors avenant Master) dans la période du 1er janvier 1998 au 31 mai 2001, - 3 195 022 ç au titre du manque à gagner résultant de l'impossibilité d'apporter et de commercialiser les véhicules de la gamme Master, - 1 500 000 ç en compensation de l'atteinte à son image commerciale, - 23 135 779 ç au titre du manque à gagner résultant de l'insuffisance de préavis, - 258 259 ç au titre des coûts à supporter pour se séparer des salariés affectés à l'activité RENAULT TRUCKS, - 728 019 ç au titre de l'obligation de reprise des stocks non respectée par la société RENAULT TRUCKS.

Elle requiert, en tout état de cause, l'infirmation du jugement en ce qu'il a mis à sa charge une indemnité de 20 000 ç pour procédure abusive et elle demande à la cour de lui allouer la somme de 100 000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure

motiver sa décision ainsi qu'il a été constamment admis en jurisprudence de sorte qu'elle indique ne fournir les motifs de la résiliation qu'à titre subsidiaire, pour la bonne information de la cour. Elle fait état à ce propos de : - l'insuffisance avérée des résultats de la société X..., ne dépassant pas en moyenne 30 véhicules par année civile contre plus de 90 pour le nouveau distributeur, - le caractère inacceptable pour elle des propositions contenues dans le business plan de la société X... ne prévoyant qu'un accroissement des engagements financiers du constructeur sans aucun engagement ni objectifs précis et chiffrés du distributeur, et ne répondant en aucune manière à la demande contenue dans le courrier du 20 janvier 1999.

L'intimée déduit l'absence d'abus de sa part du caractère limité des investissements consentis par la société X..., qui correspondaient seulement à ceux découlant du contrat de concession et se trouvaient amortis de longue date au jour de la résiliation. Elle ajoute que, comme il a été jugé, le constructeur, libre d'organiser son réseau de distribution en considération des intérêts économiques de la marque, n'est pas tenu d'une obligation d'assistance du concessionnaire en vue de sa reconversion, pourvu qu'il ait respecté un préavis suffisant.

La société RENAULT TRUCKS conteste avoir fait preuve de mauvaise foi dans la mise en oeuvre de la résiliation dès lors que la société X... avait été régulièrement prévenue de son mécontentement et n'a pas su apporter les réponses adéquates, bien que conscientes de la réalité (ce que révèle son courrier du 12 février 1999) ; elle souligne que la réussite de la société X... dans le concours organisé à l'intérieur du réseau de concessionnaires ne pouvait faire illusion compte tenu de la faiblesse du groupe où elle se trouvait, et du caractère limité des objectifs pour la Grèce. Elle relève que

civile.

La société X... précise à titre liminaire que le litige porte uniquement sur les conditions dans lesquelles la société RENAULT TRUCKS a mis fin à leurs relations commerciales concernant les véhicules d'un PTAC supérieur à 3,5 t, hors autocars et autobus, d'une part et les véhicules de la gamme Master d'autre part. Elle affirme qu'elle a bien été l'importateur exclusif en Grèce des camions et fourgons du groupe Renault depuis 1962, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal et elle observe qu'il en a été de même pendant de très nombreuses années pour les autobus et autocars du groupe Renault, même si ces derniers étaient expressément exclus du contrat du 8 novembre 1996 : elle observe à ce sujet d'une part qu'un contrat d'importateur exclusif a été signé pour ce type de véhicule le 1er décembre 1982 et que si aucun nouveau contrat écrit n'a été formalisé après le 31 décembre 1985, elle-même est intervenue pour permettre à la société RENAULT TRUCKS et à la société IRISBUS (société commune créée en 1999 par les groupes Renault et Iveco) de remporter l'un des plus importants marchés publics, pour la vente d'autobus urbains à Athènes, puis a favorisé par son activité efficace l'obtention d'un nouveau marché de 404 autobus urbains.

Pour prétendre faire consacrer le caractère abusif et brutal de la rupture des relations commerciales notifiée le 11 mai 1999, l'appelante se fonde en premier lieu sur la durée insuffisante du préavis qui lui aurait été accordé par la société RENAULT TRUCKS. Elle rappelle, au visa de l'article L. 442-6 4o) du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à la loi du 15 mai 2001) que nonobstant toute clause contraire la durée du préavis doit s'apprécier au regard

de la nature et de la durée des relations commerciales et qu'ainsi le préavis doit être d'autant plus long que la relation a été ancienne et que le distributeur est économiquement dépendant de son la mise en place d'un système de co-distribution pour des produits de la gamme Master avait constitué à un autre avertissement adressé à la société X....

En ce qui concerne les inexécutions contractuelles qui lui sont imputées par l'appelante, la société RENAULT TRUCKS fait d'abord observer qu'après la notification de la résiliation du contrat, celle-ci s'est mise à répondre de façon effrénée aux appels d'offres les plus divers, multipliant des candidatures inconsidérées et cherchant en réalité à nourrir son dossier contentieux en remettant en cause des tarifs auxquels elle avait pourtant consenti.

La société RENAULT TRUCKS souligne d'abord que chaque constructeur est libre de fixer ses prix comme il est stipulé au contrat ; elle précise que les taux de réduction applicables sont d'autant plus importants qu'il s'agit des véhicules haut de gamme et qu'en l'espèce ils variaient de 18 à 36 % par rapport au prix de base avec, en

outre, une remise complémentaire de 2 à 5 % à la seule discrétion du constructeur, pour lui permettre de tenir compte de la spécificité de l'opération ou des volumes vendus ; elle ajoute que la pratique de prix plus élevés que la concurrence, à la supposer établie, ne constitue pas un manquement à l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi alors que serait sanctionnée comme telle la pratique de prix discriminatoires à l'égard de certains distributeurs membres du réseau. Elle indique avoir produit les barèmes en vigueur avec son nouvel importateur, révélant des prix de même niveau en dépit de quelques adaptations à la hausse ou à la baisse.

L'intimée prétend qu'en acceptant les remises supplémentaires revendiquées par la société X... elle aurait dû vendre au-dessous de son prix de production : elle cite l'exemple de l'appel d'offres numéro 8504 lancé en 2000 par la municipalité d'Athènes au cours duquel l'application des remise voulues par la société X...

fournisseur ; elle estime donc le préavis de deux années manifestement insuffisant au regard de l'exceptionnelle durée de sa collaboration avec le groupe RENAULT et de sa propre situation d'extrême dépendance économique (quasi-totalité de son chiffre d'affaires réalisé par la distribution des véhicules en cause, obligation de non concurrence très stricte) et souligne qu'au surplus le préavis contractuel lui avait été imposé comme les autres stipulations du contrat du 8 novembre 1996 et que celui-ci, comme le règlement communautaire du 28 juin 1995, ne fait du délai de deux ans qu'un minimum auquel la bonne foi aurait dû conduire la société RENAULT TRUCKS à ne pas se limiter.

En second lieu, la société X... fait grief à la société RENAULT TRUCKS d'avoir, par un courrier du 14 février 2001, indiqué qu'elle n'accepterait que les commandes relatives à des affaires traitées pendant la période du mandat, ce qui revenait à l'empêcher à répondre de répondre à tout appel d'offres dans les trois mois précédant l'expiration du contrat, compte-tenu du temps nécessaire aux organismes publics pour choisir l'entreprise attributaire ; or elle observe qu'en Grèce la quasi-totalité des ventes de véhicules industriels neufs s'effectue par voie de marchés publics. Elle précise que si le 6 mars 2001, la société RENAULT TRUCKS est partiellement revenue sur sa position antérieure, elle a néanmoins subordonné l'acceptation éventuelle de commandes à son appréciation discrétionnaire des conditions économiques acceptables qu'elle entendait exiger, la mettant là encore dans l'impossibilité de prendre des commandes pour ne pas risquer un refus de la société RENAULT TRUCKS de les honorer.

L'appelante soutient en troisième lieu que la société RENAULT TRUCKS a multiplié les manquements à ses obligations contractuelles durant

la période de préavis, la privant d'un préavis effectif et réel. Elle aurait abouti pour elle à une perte de 4 ou 6 % du prix de revient de chaque véhicule. Elle estime donc que sa politique de prix était irréprochable, et parfaitement conforme au tableau annuel des remise contractuelles.

Elle fait encore valoir qu'elle n'a nullement refusé à son importateur de collaborer lors de la fixation des prix de cession ; elle conteste avoir accordé à un client final des conditions de tarifs plus avantageuses ou avoir pratiqué avec la société X... des tarifs supérieurs à ceux bénéficiant au nouvel importateur : elle détaille à cet égard différents exemples.Elle s'oppose au reproche articulé par la société X... à propos des remises quantitatives en soulignant qu'elle a à plusieurs reprises consenti une réduction particulière en cas de vente groupées ; elle explique pourquoi, s'agissant de l'appel d'offres 5/98, elle n'était pas en mesure de consentir une remise complémentaire malgré le nombre des véhicules en cause.

La société RENAULT TRUCKS remarque qu'on ne saurait tirer de conséquences utiles de l'échec rencontré dans divers appels d'offres dont la société X... elle-même avait dénoncé les termes trop sévères ou les erreurs de calcul.

Ensuite, à propos des causes réelles de la perte des appels d'offres, la société RENAULT TRUCKS les impute aux marges prohibitives que cherchait à se réserver la société X..., allant jusqu'à 30 % même pour de gros marchés qui lui auraient procuré une marge bénéficiaire sur le service après-vente et la fourniture des pièces de rechange. Elle met également en cause le refus de la société X... de présenter une caution bancaire et sa proposition de produits inadéquats lors de certains appels d'offres.

Enfin, au sujet des autres griefs soulevés, et d'abord des conditions de distribution des véhicules Master, la société RENAULT TRUCKS

fait état à cet égard des éléments suivants : a) Les tarifs pratiqués par RENAULT TRUCKS, manifestement inadaptés au marché grec, empêchaient son distributeur de répondre de manière utile à de nombreux appels d'offres ; ainsi :

- la société RENAULT TRUCKS a méconnu l'obligation générale de collaboration prévue dans le contrat du 8 novembre 1996, et la nécessité, antérieurement admise, de tenir compte de l'état de la concurrence sur le marché local,

- elle s'est délibérément soustraite à toute collaboration avec son importateur dans la fixation des prix de vente des véhicules, n'hésitant pas à accorder des tarifs plus favorables aussi bien au client final qu'au remplaçant de la société X..., la société SARAKAKIS, parfois dans des proportions considérables ou bien encore refusant d'accorder des remises quantitatives, au point, dans certains cas que le prix offert par RENAULT TRUCKS à elle-même était supérieur aux prix publics d'autres soumissionnaires de l'appel d'offres, b) la société RENAULT TRUCKS a mis son importateur dans l'impossibilité de participer à divers appels d'offres soit en déclinant toute commande éventuelle soit en retardant sa réponse après clôture de l'appel d'offres.

En quatrième lieu, la société X... considère que l'intimée a manqué à ses obligations de loyauté et de bonne foi en mettant fin brutalement et sans explication à leurs très anciennes relations commerciales.

Elle observe à ce propos, d'une part que rien ne pouvait laisser lui laisser présager la décision de rupture du 11 mai 1999, intervenue quelques mois après la conclusion de nouveaux accords (et notamment l'avenant relatif à la distribution de la nouvelle gamme Master) et

sa désignation comme l'un des meilleurs importateurs de RENAULT TRUCKS en Europe ; elle souligne qu'à de très nombreuses reprises la explique que la société RENAULT SA avait souhaité organiser en Grèce la co-distribution du nouveau modèle de Master entre son propre distributeur la société MAVA et la société X..., ce qui a conduit à la conclusion de l'avenant du 18 juin 1998 ; elle affirme qu'elle avait elle-même intérêt à la meilleure diffusion possible de ces véhicules en Grèce et reproche à la société X... d'avoir été inefficace pour l'obtention de l'homologation ; si elle admet qu'au cours de sa première année de fabrication, le Master ne pouvait être livré qu'avec un délai de huit mois, elle soutient que la société X... a refusé de s'adapter aux contraintes habituelles liées à l'introduction d'un nouveau modèle et notamment de passer commande dans les délais impartis par le constructeur, ce qui a entraîné la perte de certains marchés comme celui de la Marine.

Elle ajoute que la société appelante n'a jamais passé commande de

certains des véhicules, pour des clients non soumis à homologation et soutient qu'elle a été normalement renseignée sur les tarifs applicables. Elle conteste de la même manière le caractère tardif de ses réponses et la réalité du refus prétendu de sa part de participer aux appels d'offres.

À titre subsidiaire elle souligne le caractère extravagant des prétentions indemnitaires de la société X... correspondant à 49 années du chiffre d'affaires ; elle rappelle que la société X... a maintenu son chiffre d'affaires en 1999 et 2000 et qu'elle l'a accru nettement 2001 de sorte que la réalité même du préjudice invoqué peut être mise en doute.

La société RENAULT TRUCKS motive sa demande reconventionnelle par la mauvaise foi de la société X... qui chercherait à tirer argument des difficultés qu'elle a elle-même contribué à créer et persiste dans une procédure abusive.

société RENAULT TRUCKS l'avait assurée de sa volonté de poursuivre leur collaboration et encore en 1997 en juillet 1998.

D'autre part, elle tient la rupture pour d'autant plus brutale qu'elle n'a été précédée d'aucune discussion ni explication, d'ailleurs au mépris de l'engagement pris en ce sens en octobre 1994. La société X... fait valoir que si dans sa lettre du 20 janvier 1999, la société RENAULT TRUCKS avait fait part de certains motifs de mécontentement, de manière peu précise, elle a n'a jamais répondu à ses protestations ou demandé d'explications ultérieures, ni formulé le moindre commentaire sur le business plan qu'elle lui avait remis, refusant en réalité de discuter avec son distributeur malgré la durée de leur collaboration.

La société X... soutient qu'à titre surabondant, elle entend démontrer le caractère erroné des motifs, largement retenus par le tribunal, qui auraient pu justifier la décision de rupture de la société RENAULT TRUCKS; ainsi, selon elle :

- ne seraient nullement établies la prétendue faiblesse de son réseau, organisé et développé avec l'accord de RENAULT TRUCKS, jugé parfaitement satisfaisant par les autorités ou les entreprises adjudicatrices et tout à fait apte à assurer le service après-vente, pas davantage que l'insuffisance de ses investissements, - l'absence de résultats satisfaisants ne serait pas démontrée, si l'on tient compte des statistiques officielles, du taux de pénétration des véhicules industriels Renault sur d'autres marchés et du défaut de pertinence de toute comparaison avec les performances d'un concessionnaire français, - le "business plan" de février 1999 n'a fait l'objet d'aucune observation ou critique de la part de la société RENAULT TRUCKS avant ses écritures judiciaires et il s'agit

d'un document sérieux révélant une très bonne connaissance du marché grec et dont les suggestions étaient parfaitement justifiées pour permettre le développement des importations.

SUR CE , LA COUR :

Attendu, en premier lieu, sur la rupture des relations commerciales entre les parties, qu'il convient d'abord de déterminer si son caractère abusif et brutal, allégué par la société X..., peut résulter d'une part de la durée du préavis notifié le 11 mai 1999 par la société RENAULT TRUCKS ou d'autre part des circonstances de la rupture elle-même, et ensuite, s'il y est lieu, de rechercher ensuite si le préavis accordé a ou non été effectif au bénéfice de l'appelante ;

Qu'il importe de rappeler ici que la discussion ne porte que sur les poids-lourds et véhicules industriels, à l'exclusion des autobus et autocars ainsi qu'il ressort des écritures des parties, concordantes sur ce point ; que la question discutée de la possibilité pour la société X... de distribuer des minibus de la gamme Master sera examinée dans les développements consacrés à

la portée et l'exécution de l'avenant du 18 juin 1998 ;

Attendu, sur le premier point, que selon l'article L. 442-6 I 5o du code de commerce, dans sa rédaction applicable au moment des faits, est générateur de responsabilité le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels ;

L'appelante souligne qu'en tout état de cause, une exécution loyale du contrat aurait dû conduire la société RENAULT TRUCKS à discuter de manière franche et de sincère avec son importateur au vu du document transmis par celui-ci.

La société X... soutient par ailleurs que la société RENAULT TRUCKS a délibérément empêché l'exécution de l'avenant signé le 18 juin 1998 pour la commercialisation des véhicules de la gamme Master, en co-distribution avec le réseau commercial de RENAULT SA.

Elle affirme en premier lieu que RENAULT TRUCKS a mis obstacle à l'homologation des véhicules de cette gamme sur le territoire grec en

tardant pendant plus de deux ans après la signature de l'avenant pour lui remettre les documents nécessaires au dépôt de la première demande d'homologation, la privant elle-même, en pratique, de la faculté d'assurer la co-distribution des véhicules ; elle réfute l'argumentation de la société RENAULT TRUCKS selon laquelle elle n'aurait pas passé commande de tels véhicules, même pour les marchés ne nécessitant pas d'homologation, en relevant que l'intimée lui a fait perdre des marchés de fourniture auprès de la Marine de guerre grecque en ne donnant pas suite ou en refusant d'honorer les commandes en 1999.

La société X... soutient en second lieu que la société RENAULT TRUCKS a abusivement refusé l'importation d'une partie de la gamme des véhicules Master c'est-à-dire ceux relevant de la catégorie des autobus, malgré l'absence de restrictions quant à ce type de véhicule dans l'avenant du 18 juin 1998, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.

En troisième lieu, la société X... considère que la société RENAULT TRUCKS a refusé de lui fournir la moindre collaboration pour lui permettre de répondre utilement aux appels d'offres, la laissant dans l'incertitude quant aux remises dont elle pourrait bénéficier

Qu'en l'espèce la société RENAULT TRUCKS a avisé la société X... de son intention de mettre fin au contrat d'importateur du 8 novembre 1996 à compter du 31 mai 2001, par un courrier du 11 mai 1999 ; qu'ainsi la durée de préavis n'a pas été inférieure à celle du délai minimum prévu au contrat comme, d'ailleurs, par le règlement européen d'exemption no 1475/95 ;

Qu'il convient toutefois de vérifier que le délai de préavis contractuel est bien suffisant pour permettre au distributeur de réorienter utilement son activité et de se réorganiser afin de pouvoir surmonter les conséquences de la rupture, même si les motifs de celle-ci sont discrétionnairement appréciés par son auteur, auquel ne sauraient être imposées ni une poursuite indéfinie des relations commerciales, ni l'obligation de justifier des motifs de son choix de gestion ;

Attendu à cet égard que doit être prise en considération l'ancienneté de la relation commerciale entretenue entre les parties qui avait fait de l'entreprise X..., depuis 1962, le seul distributeur des véhicules BERLIET puis RENAULT Véhicules Industriels, même si à plusieurs reprises, elle n'avait pas bénéficié d'un véritable contrat d'exclusivité comme celui conclu le 8 novembre 1996 ; que si ce contrat laissait à l'importateur la faculté de vendre d'autres marques dans des locaux séparés et sous une forme juridique distincte, et lui réservait aussi la possibilité de s'intéresser à la vente de tous autres véhicules ou engins

quelconques complétant ou favorisant l'exercice de son activité d'importateur pour RENAULT TRUCKS, il reste que dans la dernière période, la société X... réalisait plus des trois quarts de son chiffre d'affaires avec les ventes d'origine RENAULT (plus de 80 % s'agissant des véhicules et environ les deux tiers pour les pièces détachées), ainsi qu'il ressort notamment du rapport Grant Thornton ;

sur la gamme Master et ne lui accordant en définitive et des remises très faibles, interdisant de fait toutes chances de succès. Elle souligne qu'on ne saurait lui faire grief de n'avoir pas voulu courir un risque financier en commandant au prix fort des véhicules Master qu'elle n'était pas sûre de vendre avant la fin de son contrat.

À propos de son préjudice, la société X... relève à titre préliminaire que son chiffre d'affaires réalisé en 2001 (2 580 258 ç) ne témoigne pas de la réorganisation de son activité, puisqu'il est lié pour une large part à l'exécution du marché OASA de fourniture de 295 autobus neufs à l'agglomération d'Athènes, de même d'ailleurs que pour

l'exercice 2002.

Elle évalue son manque à gagner résultant de l'impossibilité de répondre de manière compétitive voire de participer aux 34 appels d'offres organisés entre le 1er janvier 1998 et le 31 mai 2001 sur la base d'un chiffre d'affaires de 76 millions d'euros et d'une marge brute s'élevant en moyenne à 22,75 % selon le rapport d'expertise comptable et financière Grant Thornton, ce qui représente une perte de 17 290 000 ç ; elle considère que l'on doit y ajouter l'incidence de la perte des prestations de service après-vente qui, selon elle, l'a privée, sur une durée de 15 années, d'une marge brute totale de 1 738 275 ç.

À propos du manque à gagner sur l'importation des véhicules de la gamme Master, la société X... estime que son préjudice a été subi sur une période de trois ans et cinq mois entre juin 1998 et le 31 mai 2001 ; selon elle, elle aurait été en mesure de vendre au moins 500 fourgonnettes à un prix unitaire moyen de 23 477 ç hors taxes que ce qui correspond à une perte directe de marge brute de 2 670 509 ç, à quoi s'ajoute une perte de

marge de 268 485 ç au titre des prestations de service après-vente ; la société X... y ajoute, pour les minibus Master qu'elle n'a pu commercialiser, une perte de Que son état de dépendance économique envers le constructeur est donc largement établi ; que toutefois la structure de distribution mise en place par la société X... demeurait légère, ce qui était de nature à faciliter sa reconversion à court terme en en limitant l'incidence financière ; qu'en effet l'importateur disposait essentiellement d'un point de vente à Athènes et d'un centre de maintenance et de réparation à Aspropyrgos, ainsi que du concours de trois agents indépendants dans des grandes villes, dont il n'est pas allégué que la fin de leur collaboration ait pu générer des charges significatives pour la société X... ; que même s'ils s'étaient développées récemment, les investissements réalisés par cette dernière avaient d'ailleurs été forts limités pendant de nombreuses années ; qu'ainsi l'incidence de la longueur de la collaboration entre les parties sur les difficultés de réorientation de la société

X... s'en trouvait réduite ;

Attendu qu'en fonction de ces éléments, la prévision d'un délai minimum de préavis de deux ans dans le contrat d'importateur apparaît raisonnable au regard de l'objet d'un tel préavis, dont la société RENAULT TRUCKS observe à juste titre qu'au moment de la négociation du contrat de 1996, sa partenaire n'avait pas discuté la durée alors qu'elle avait formulé de nombreuses autres observations ; que les dispositions légales invoquées par la société X... n'imposaient donc pas le respect d'un préavis plus ample;

Attendu, quant aux circonstances de la rupture, que la déloyauté ou la mauvaise foi imputées à la société RENAULT TRUCKS par l'appelante ne pourraient être caractérisées que si dans les mois, voire l'année, ayant précédé la notification de la rupture, le constructeur avait donné à son importateur des assurances sur la poursuite durable de leurs relations ou manifesté par des signes non équivoques son intention de les prolonger, rendant ainsi plus sensibles les

232 643 ç pour les ventes et de 23 385 ç pour les prestations après-vente, portant ainsi à 3 195 022 ç sa réclamation au titre de la gamme Master.

Elle motive sa réclamation afférente à l'atteinte à son image commerciale par sa perte de crédibilité résultant de l'impossibilité où elle a été mise de présenter une proposition sérieuse au cours des deux dernières années.

Au sujet du préjudice consécutif à l'insuffisante durée du préavis, la société X... évalue à 96 204 433 ç le montant du chiffre d'affaires qu'elle aurait normalement dû réaliser pendant la période du 1er janvier au 31 mai 2001 et à 22 046 366 ç la marge brute correspondante au titre des ventes ; après avoir pris en considération l'incidence des prestations après-vente, elle fixe son manque à gagner de ce chef à la somme totale de 23 135 779 ç.

Elle explique enfin, à propos de la reprise des stocks existants au jour de la rupture, que la société RENAULT TRUCKS n'a jamais donné suite à l'envoi de la liste détaillée des véhicules et pièces concernés, malgré son offre de reprise du 11 juin 2001 ; elle lui impute de ce chef une méconnaissance des dispositions de l'article 17 du contrat et estime à un total de 728 019 ç la valeur des véhicules et des pièces détachées restés en sa possession.

De son côté, par ses dernières conclusions du 15 juillet 2005 , la société RENAULT TRUCKS demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement et de condamner en outre la société X... au versement de la somme de 50 000 ç à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que d'une indemnité de procédure de 20 000 ç.

De manière générale, dans son rappel des faits, l'intimée soutient qu'elle a été amenée à mettre fin au contrat du 8 novembre 1996 du fait de la médiocrité des résultats obtenus par la société X..., conséquences de la résiliation du fait de son caractère peu prévisible ;

Attendu à ce sujet que d'une part la conclusion de l'avenant du 18 juin 1998 relatif à la co-distribution de la gamme Master ne pouvait être interprété par la société X... comme le signe favorable d'une volonté de la société RENAULT TRUCKS de développer sa présence en Grèce par son intermédiaire puisque, comme elle l'indique elle-même, elle renonçait par cet avenant à son droit d'exclusivité pour la distribution de ce type de véhicule ; que si la signature de l'avenant ne peut davantage être considérée comme un avertissement donné à la société X..., ainsi que le prétend l'intimée, il reste qu'il ne traduisait aucune volonté de cette dernière d'intensifier sa relation commerciale avec son importateur et

n'autorisait à ce dernier aucune déduction sérieuse quant à la durée du contrat principal ;

Que d'autre part la réussite de la société X... dans une étape du challenge Fighting Spirit au quatrième trimestre 1997 était d'une portée manifestement trop réduite pour qu'elle puisse en déduire un motif de satisfaction durable du constructeur quant à son implantation sur le marché grec ; qu'il s'agissait d'une démarche courante d'animation du réseau de distribution, à l'enjeu modeste (un voyage aux États-Unis) et aux exigences non moins limitées, pour les pays en concours avec la Grèce au sein du même groupe ; que les lettres de félicitations reçues dans ce cadre en décembre 1997 et février 1998, plus d'un an avant la rupture, ne pouvaient donc constituer pour la société X... une assurance de sa pérennité comme importateur, au regard de la médiocrité du taux de pénétration de RENAULT TRUCKS sur le marché grec, n'excédant pas 3,64 % pour l'année 1998 ;

Que, de la même façon, les autres courriers dont se prévaut la

société X... pour relever la satisfaction que son travail inspirait à la société RENAULT TRUCKS sont trop anciens pour les uns, ou trop peu significatifs pour les autres, qui relèvent d'une courtoisie d'expression, pour constituer des indices sérieux d'une volonté permanente de l'intimée de la conserver comme importateur ;

Attendu qu'il apparaît au contraire que, dès l'automne 1998, comme il ressort du courrier RENAULT TRUCKS du 7 décembre 1998 faisant référence à un entretien avec Mme X... au salon de l'auto de Paris en octobre 1998, l'appelante avait été informée des changements de la stratégie commerciale du constructeur et en particulier de sa volonté de parvenir à un développement commercial accéléré ; que cette information ne pouvait que l'inciter à s'interroger sur ses propres performances, au regard de l'extrême modicité de la place de RENAULT TRUCKS sur le marché grec des véhicules industriels ; que faisant suite à une rencontre le 12 janvier 1999 à Milan, entre la société X... et ses nouveaux interlocuteurs responsables de la zone géographique, la lettre du 20 janvier 1999 avait clairement averti la société X... de l'insuffisance des résultats enregistrés et de la nécessité de la création d'un véritable réseau de concessionnaires pour y remédier ; que de telles exigences, concrétisées par la demande d'un business plan pour le 15 février 1999 n'avaient rien que de très prévisibles pour l'appelante depuis plusieurs mois ; que la grande ancienneté de ses relations avec la société RENAULT TRUCKS et les résultats positifs obtenus dans le passé (comme par exemple la progression relevée en 1996) ne la dispensait pas d'une analyse actualisée de ses résultats et des attentes du constructeur ;

Attendu que s'il est vrai qu'aucune preuve n'est rapportée d'un dialogue entre la société RENAULT TRUCKS et la société X... dans le délai de trois mois entre le dépôt du business plan et la lettre

de résiliation, cette circonstance ne suffit pas à démontrer le comportement déloyal ou brutal de la société RENAULT TRUCKS, si l'on considère le caractère assez sommaire des propositions de l'importateur, et sa volonté, clairement exprimée dans sa lettre de transmission, d'imputer au constructeur la responsabilité exclusive des médiocres résultats obtenus sur le marché grec, notamment en lui reprochant sa politique de prix ; que l'examen du business plan ne permet pas d'y trouver une analyse précise des causes de l'échec commercial relatif ni des propositions concrètes et novatrices; que l'essentiel des propositions y relève de revendications à l'égard de l'importateur et d'abord de celle d'une augmentation considérable des remises (de 20 à 35 %) ; qu'en résumé ce document trahit une vive réticence de la société X... à toute remise en cause et une certaine frilosité dans les perspectives dessinées, comme si, déjà, elle ne croyait plus en son avenir commun avec la société RENAULT TRUCKS ;

Attendu qu'ainsi il n'apparaît pas que dans la période ayant précédé la rupture, l'intimée ait manqué à ses obligations de loyauté de bonne foi et donné un caractère abusif ou brutal aux modalités de sa décision de rupture, notifiée à la société X... avec un délai de préavis suffisant ; que de ce premier chef, la société RENAULT TRUCKS n'a donc pas engagé sa responsabilité à l'égard de l'appelante ;

Attendu, sur le second point, relatif aux conditions d'exercice du préavis, que la société X... prétend d'abord qu'il a été amputé de plusieurs mois par la société RENAULT TRUCKS qui, n'ayant entendu accepter que les commandes relatives à des affaires traitées avant le 31 mai 2001, l'aurait empêchée de répondre aux appels d'offres dans les trois mois précédant cette date, les offres soumises au secteur public grec devant demeurer

valables au minimum un trimestre ;

Que toutefois dans son courrier du 6 mars 2001, la société RENAULT TRUCKS a indiqué qu'elle exécuterait toute commande ferme même postérieure au 31 mai 2001, afférente à une soumission déposée avant cette date, et "sous réserve des conditions économiques acceptables" de la commande ;

Que d'une part contrairement à ce que soutient l'appelante, une telle position n'était en rien contraire à l'application normale du contrat du 8 novembre 1996 alors que l'intimée ne remettait pas en cause le niveau des remises de générales antérieurement arrêtées et se réservait seulement en pratique de fixer elle-même le niveau des remises commerciales complémentaires au cas par cas, conformément à une pratique suivie de longue date entre les partenaires ; qu'il n'était pas illégitime pour la société RENAULT TRUCKS de formuler cette réserve pour éviter toute tentative de la société X... d'imposer les niveaux de prix inférieur qu'elle revendiquait de longue date ; que d'autre part, la société X... n'établit pas que la

société RENAULT TRUCKS ait refusé d'honorer une commande précédemment agréée;

Qu'enfin, aucune conséquence ne peut être tirée de l'impossibilité où s'est trouvée la société X... de participer à des appels d'offres dont le délai de validité des offres expirait plusieurs mois après le 31 mai 2001 dès lors que cette situation quoique potentiellement dommageable pour elle n'était que la conséquence inévitable de la perte à cette date de sa qualité d'importateur ;

Attendu quant au grief plus général d'un manquement de la société RENAULT TRUCKS à ses obligations contractuelles pendant l'ensemble de la période de préavis, qu'en premier lieu, comme l'a relevé le tribunal de commerce, l'importateur pouvait fixer librement ses tarifs en application de l'article 4 du contrat en cours ; qu'il n'est pas allégué que la grille de remises ait été défavorablement modifiée durant la période de préavis et qu'il n'est pas démontré que

les remises commerciales supplémentaires aient été pratiquées par la société RENAULT TRUCKS à un niveau inférieur de juin 1999 à mai 2001, c'est-à-dire en définitive que la politique commerciale de l'importateur ait varié de manière significative pendant l'ensemble du préavis, étant observé qu'en 1988 déjà la société X... déplorait l'insuffisance des remises ponctuelles ;

Qu'en second lieu, à propos de la fixation de tarifs inadaptés et du refus de collaboration pour la détermination des prix, que la société X... impute à l'intimée, il ressort des nombreuses pièces produites de part et d'autre que les produits RENAULT TRUCKS étaient peu compétitifs sur le marché grec, par rapport à certaines autres marques et notamment IVECO ; que généralement leurs bonnes performances techniques reconnues ne permettaient pas de combler ce handicap, de sorte que, spécialement en 2000 et 2001, les marchés publics portant sur des véhicules ont été attribués à d'autres constructeurs ; que toutefois, cette constatation, et le refus de la société RENAULT TRUCKS d'accorder des remises quantitatives particulières de plus de 3 à 4 % ne suffisent pas à caractériser un comportement fautif de sa part ; qu'en effet il

lui était loisible de souhaiter ne pas compromettre sa marge d'exploitation en s'alignant systématiquement sur des concurrents en mesure d'offrir des tarifs plus attrayants, que ce soit grâce à leur performances industrielles ou pour des motifs commerciaux conjoncturels ;

Que c'est seulement dans l'hypothèse - non démontrée dans les exemples cités par la société X... - où la société RENAULT TRUCKS aurait maintenu à son profit une marge confortable en laissant tous les efforts de compétitivité à la charge de l'importateur que sa faute à son égard serait établie ; que plusieurs des appels d'offre examinés révèlent d'ailleurs que la réduction de la marge du constructeur à un niveau symbolique n'aurait pas suffi à rendre ses tarifs compétitifs, et que dans un tel cas, on ne peut lui faire grief de ne pas s'être aligné sur la politique de dumping de ses concurrents ;

Que les mesures discriminatoires dont la société X... prétend avoir fait l'objet ne sont

pas davantage démontrées si l'on considère que : - la grille générale des remises permanentes accordées au successeur de l'appelante, la société SARAKAKIS, si elle est légèrement plus avantageuse pour la plupart des modèles diffusés reste néanmoins proche de celle en vigueur jusqu'au 31 mai 2001, la différence observée, de l'ordre de 1 % en moyenne, étant sans rapport avec les baisses de tarifs revendiquées par la société X..., - l'offre de prix transmise par le constructeur à la société Desautel pour un véhicule de type Midliner 4x4 ne n'aboutissait pas à un tarif plus avantageux que celui bénéficiant à la société X..., si l'on considère non le pourcentage de remise mais le prix effectif ;ctif ; Attendu que de manière générale on doit considérer que, même si la fixation de sa propre marge bénéficiaire relevait du libre choix de la société X..., qui devait tenir compte d'importants frais financiers et du coût du service après-vente, sa propre réticence à réduire cette marge pour emporter certains marchés publics a contribué, au même titre que la volonté de la société

RENAULT TRUCKS de conserver le caractère profitable à ses ventes en Grèce, aux échecs constatées dans les procédures d'appel d'offres durant la période de préavis;

Attendu que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a estimé qu'aucune faute contractuelle n'était caractérisée à la charge de la part de la société RENAULT TRUCKS dans l'exécution du contrat du 8 novembre 1996 entre le 1er juin 1999 et le 31 mai 2001 ; que la société X... ne peut donc prétendre à indemnisation au titre de la rupture des relations commerciales ;

Attendu en second lieu, sur l'exécution de l'avenant du 18 juin 1998 relatif à la distribution des véhicules de la gamme Master, que cet avenant ne dérogeait pas aux dispositions du contrat du 8 novembre 1996 excluant de son périmètre les autocars et autobus, de sorte que la société RENAULT TRUCKS était fondée à refuser à son importateur la distribution des minibus Master, comme elle l'a fait à plusieurs reprises sans jamais créer d'équivoque à ce sujet ;

Attendu, quant à l'homologation en Grèce des modèles Master, que la

société X... communique d'abord plusieurs lettres qu'elle a adressées au représentant de la société RENAULT TRUCKS puis de la SA RENAULT entre le 9 juin et le 16 septembre 1999 pour réclamer les documents nécessaires à l'homologation ; qu'à cette dernière date elle ne les avait pas encore obtenus, ayant été renvoyée par son importateur vers le service spécialisé du constructeur RENAULT; que néanmoins on ignore à quelle date elle a pu recevoir finalement les documents en cause ; qu'en effet aucun autre courrier émanant d'elle-même ou de l'intimée n'est produit par la société X... avant ses deux lettres des 27 juillet et 7 septembre 2000 par lesquelles elle réclame de nouveau à la société RENAULT TRUCKS ITALIA des documents nécessaires à l'homologation de la gamme Master, mais seulement pour deux types de châssis cabines (80 35 et 115 35) ; qu'aucune indication n'est fournie sur la suite réservée à cette réclamation ;

Que l'on ne peut donc exclure à défaut de toute production de certificats d'homologation, que celle-ci ait été obtenue pour

certains modèles de la gamme courant 1999 ou début 2000 ; qu'en effet il apparaît peu vraisemblable que si ses demandes de septembre 1999 avaient été laissées sans suite, la société X... ne se soit pas manifestée à nouveau avant juillet 2000 ; qu'il n'est donc pas possible d'imputer avec quelque certitude à la seule société RENAULT TRUCKS le retard constaté dans l'obtention d'une homologation en principe facilitée par l'appartenance de la Grèce à l'Union Européenne ;

Attendu, sur le défaut de collaboration reproché par l'appelante à la société RENAULT TRUCKS dans l'importation des véhicules Master, la politique de prix pratiqués n'était pas différente de celle dont il a déjà été jugé qu'elle n'était pas fautive ; que dès lors, s'il est vrai que le taux de remise applicable en faveur de l'importateur, soit 18 % lui laissait une marge de négociation plus faible que pour les gammes poids-lourd, il ne saurait faire grief à la société RENAULT TRUCKS de n'avoir pas accédé à ses demandes tendant à une considérable augmentation des remises (jusqu'à 30 %) et de s'être

limitée le plus souvent à un geste commercial n'excédant pas 2 % du tarif ;

Attendu que la société X... ne justifie pas non plus d'obstacles délibérément apportés à la diffusion des véhicules Master dès lors que : - on ne peut lui imputer à faute les délais de fabrication de cette gamme renouvelée, - les retards dénoncés, le plus souvent mal caractérisés, n'ont d'autres fois eu aucune conséquence dommageable, comme dans l'exemple de l'appel d'offres numéro 102/00 du ministère du Développement où, même sans les atermoiements de la société RENAULT TRUCKS, l'offre n'aurait pu être déposée en l'absence de la remise de 30 % estimée indispensable par la société X... pour pouvoir concourir avec une chance de succès ;

Attendu que les prétentions de l'appelante apparaissent mal fondées en tous leurs éléments ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Qu'en revanche c'est à tort que les premiers juges ont estimé abusive la procédure introduite par la société

X..., sans préciser en quoi celle-ci avait fait dégénérer en un tel abus son droit d'ester en justice ; que la complexité des faits de la cause et la réalité de la situation dommageable subie enlevaient au contraire tout caractère illégitime au choix d'un arbitrage judiciaire du différend, y compris en cause d'appel ; PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement du 8 septembre 2003 sauf en sa disposition ayant condamné la société X... à payer à la société RENAULT TRUCKS une indemnité de 20

000 ç pour procédure abusive ;

Le réformant, rejette comme mal fondée la demande formée à ce titre par la société RENAULT TRUCKS ;

Dit n'y avoir lieu à de nouvelle application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société X... aux dépens et accorde contre elle à la SCP BRONDEL-TUDELA le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. Y...

H. ROBERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948018
Date de la décision : 10/11/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONTRATS DE DISTRIBUTION

Selon l'article L442-6 I 5 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable au moment des faits, est générateur de responsabilité le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords interprofessionnels. En l'espèce, si la durée de préavis n'a pas été inférieure à celle du délai minimum prévu au contrat comme d'ailleurs par le règlement européen d'exemption n 1475/95, il convient toutefois de vérifier que ce délai contractuel est bien suffisant pour permettre au distributeur de réorienter utilement son activité et de se réorganiser afin de pouvoir surmonter les conséquences de la rupture, même si les motifs de celle-ci sont discrétionnairement appréciés par son auteur, auquel ne sauraient être imposées ni une poursuite indéfinie des relations commerciales, ni l'obligation de justifier des motifs de son choix de gestion.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2005-11-10;juritext000006948018 ?
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