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10/11/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946182

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 3, 10 novembre 2005, JURITEXT000006946182


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 10 Novembre 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 15 avril 2004 - No rôle : 2003f848 No R.G. : 04/03288

Nature du recours : Appel

APPELANT : Maître Patrick-Paul DUBOIS, mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la Société REPRO EXPRESS, SARL 32 rue Molière 69006 LYON représenté par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assisté de Me Jean-Marc BRET, avocat au barreau de LYON

INTIMES : Monsieur Robert X... 289, rue de la Balme 38950 ST MART

IN LE VINOUX représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me Michel B...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 10 Novembre 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 15 avril 2004 - No rôle : 2003f848 No R.G. : 04/03288

Nature du recours : Appel

APPELANT : Maître Patrick-Paul DUBOIS, mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur de la Société REPRO EXPRESS, SARL 32 rue Molière 69006 LYON représenté par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assisté de Me Jean-Marc BRET, avocat au barreau de LYON

INTIMES : Monsieur Robert X... 289, rue de la Balme 38950 ST MARTIN LE VINOUX représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me Michel BENICHOU, avocat au barreau de GRENOBLE Monsieur Victor Y... 15 rue Saint Just 38400 ST MARTIN D'HERES représenté par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assisté de Me Michel BENICHOU, avocat au barreau de GRENOBLE MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel Palais de Justice Place Paul Duquaire 69005 LYON Instruction clôturée le 29 Juillet 2005 Audience publique du 05 Octobre 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Monsieur ROBERT, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Madame CLOZEL-TRUCHE, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 05 octobre 2005 GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Z..., Greffier, ARRET :

CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 10 novembre 2005, les parties en ayant été préalablement avisées

dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Monsieur ROBERT, Président, et par Mademoiselle Z..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS ET PROCÉDURE ANTÉRIEURE :

La société REPRO EXPRESS, créée en 1976, a été dirigée jusqu'au 31 décembre 1996 par Robert X..., gérant de droit et Victor Y..., directeur général.

Robert X... et Victor Y... avaient créé la SCI LA FEUILLERAIE, qui louait les locaux dont la société REPRO EXPRESS avait besoin pour son activité, par un bail initial du 12 juillet 1988, complété par des avenants des 25 mars 1994 et 16 février 1996 et ayant porté le loyer total à la somme de 595 200 F hors taxes.

Selon protocole d'accord du 31 décembre 1996, signé entre les époux Robert X... et Victor Y... d'une part, et la société holding IRIS représentant le groupe SÉZANNE d'autre part, celui-ci a acquis 51 % des parts de la SARL REPRO EXPRESS et M. A..., PDG des sociétés IRIS et SÉZANNE a repris la gérance de ladite société. Jusqu'au 6 octobre 1997, il a toutefois délégué sa signature à Robert X... et Victor Y..., bénéficiaires d'une procuration sur le compte bancaire pour la gestion courante de la société, et qui, par ailleurs étaient devenus salariés de la SARL REPRO EXPRESS avec une rémunération fixée à 500 000 F par an pour chacun d'eux.

Robert X... et Victor Y... ont été licenciés respectivement les 6 avril et 12 novembre 1998.

À l'issue de l'instruction pénale consécutive à une plainte déposée le 19 mars 1998 par M. A..., Robert X... et Victor Y... ont été déclarés coupables d'abus de biens sociaux par un jugement du tribunal correctionnel de Grenoble du 15 mai 2001, confirmé par un

arrêt aujourd'hui définitif de la cour d'appel de Grenoble du 17 octobre 2002.

Sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Lyon a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de la SARL REPRO EXPRESS le 10 août 2000, en l'autorisant à poursuivre son activité jusqu'au 25 août ; le dossier de déclaration de cessation de paiements faisait état d'un passif de 12 335 085 F.

Par acte du 11 février 2003, Me DUBOIS, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL REPRO EXPRESS a assigné Robert X... et Victor Y... devant le tribunal de commerce pour voir ouvrir à leur encontre une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire et dire qu'ils supporteraient solidairement le passif de la SARL REPRO EXPRESS, sur le fondement des articles L. 624-5 et L.624-6 du code de commerce, au motif que, dirigeants de fait de la société, ils auraient fait de ses biens un usage contraire à son intérêt, dans le but de favoriser la SCI LA FEUILLERAIE.

Par jugement du 15 avril 2004, le tribunal de commerce de Lyon a déclaré recevable mais mal fondée l'action de Me DUBOIS et l'a condamné au paiement d'une indemnité de procédure.

Le tribunal, s'il a reconnu aux défendeurs la qualité de dirigeants de fait de la SARL REPRO EXPRESS jusqu'au 6 octobre 1997 a estimé que leurs fautes pénalement sanctionnées ne constituaient pas un élément substantiel de la liquidation judiciaire de la société REPRO EXPRESS, notamment en raison de leur antériorité par rapport à celle-ci, et du montant du préjudice qu'elles avaient causé, au regard du passif de l'entreprise.

Me DUBOIS, ès-qualité, a relevé appel le 18 mai 2004.

Aux termes de ses conclusions du 12 août 2004, Me DUBOIS demande à la cour, réformant le jugement, d'ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de Robert X... et Victor Y... et de

dire qu'ils devront supporter le passif de la SARL REPRO EXPRESS.

Requérant l'allocation d'une indemnité de procédure de 2000 ç, il fait d'abord observer que les consorts Robert X... et Victor Y... ont multiplié leurs oppositions à la conduite de la société et ont usé de leurs droits de minorité pour en entraver le fonctionnement et la conduire en définitive à l'ouverture d'une procédure collective, mettant en cause la gestion de M. A... sans motif, l'expertise organisée à leur demande sur ce point ayant tourné à leur confusion.

Sur le fond, il indique d'abord que les intimés ont continué à exercer d'importantes responsabilités dans l'entreprise jusqu'en octobre 1997, dans des conditions ayant permis à la juridiction pénale de caractériser leur gérance de fait par délégation ; il souligne en particulier qu'une série chèques émis au profit de la SCI LA FEUILLERAIE a été signée par l'un de l'autre des intéressés.

Il se fonde sur la condamnation pénale intervenue pour soutenir que Victor Y... et Robert X... ont fait des biens de la SARL REPRO EXPRESS un usage contraire à son intérêt, au bénéfice de la SCI LA FEUILLERAIE, détournant des sommes importantes ou refusant pendant des mois de restituer un trop-perçu consécutif à une erreur de la banque. Il leur reproche également d'avoir, contrairement à leurs engagements, refusé de porter en compte courant des sommes qu'ils s'étaient engagés à apporter .

Me DUBOIS affirme que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, les fautes de Robert X... et Victor Y... ont eu une incidence directe et négative sur la trésorerie de l'entreprise puis sur sa pérennité. Il relève en effet qu'au 31 décembre 1996 la situation de la SARL REPRO EXPRESS était déjà marquée par un état d'insuffisance grave de trésorerie, que les prélèvements indus opérés n'ont fait qu'aggraver.

De leur côté, Robert X... et Victor Y... prient la cour de confirmer le jugement et de condamner Me DUBOIS, ès qualités, à leur payer une somme de 2000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ils soulignent d'abord que la liquidation judiciaire est intervenue en août 2000, deux ans après leur licenciement, et alors que depuis le 6 octobre 1997 toute procuration sur les comptes bancaires leur avait été retirée. Il s'étonnent qu'aucune action du même type n'ait été engagée à l'encontre de M. A... et observent que le dossier présenté par Me DUBOIS est dépourvu d'éléments d'information essentiels.

Au sujet des reproches qui leur sont adressés, ils font valoir que la SARL REPRO EXPRESS et la SCI LA FEUILLERAIE étaient en compte, et que la cour d'appel de Grenoble statuant au civil est actuellement saisie d'une instance les opposant, après un jugement du tribunal de Grenoble condamnant la société REPRO EXPRESS au paiement d'une somme de 290 367,80 F ; ils contestent à ce propos donc avoir fait un usage des biens de la société REPRO EXPRESS contraire à son intérêt.

Les intimés considèrent n'être nullement responsables du passif accumulé par la SARL REPRO EXPRESS en niant s'être immiscés dans la gestion des affaires sociales après le 1er janvier 1997 ; ils estiment n'avoir pas été dirigeants de fait de l'entreprise, et notamment au jour du dépôt de bilan. Ils ajoutent que leurs éventuelles fautes ne pourraient être appréciées qu'au regard de la situation du passif à la date du 6 octobre 1997 et en établissant leur responsabilité dans ce passif, dont le montant est parfaitement ignoré.

Ils qualifient de catastrophique la gestion de M. A... en faisant état de la rapide dégradation de l'activité et de la capacité bénéficiaire de l'entreprise après sa prise de contrôle et notamment

durant l'exercice 1999, déficitaire de 8 383 959 F.

Ils approuvent le tribunal d'avoir refusé de prononcer la sanction particulièrement grave requise contre eux, en se fondant sur des critères économiques.

Par conclusions du 16 septembre 2005 , le procureur général requiert l'infirmation du jugement en rappelant que la condamnation pour des faits d'abus de biens sociaux prononcés contre Robert X... et Victor Y... est définitive et que, leur responsabilité étant certaine, pourrait être envisagée pour le moins leur condamnation au comblement partiel du passif. SUR CE, LA COUR :

Attendu que l'action engagée par Me DUBOIS, ès qualités à l'encontre de Robert X... et Victor Y... est expressément fondée sur les dispositions de l'article L. 624-5 du code de commerce ; qu'elle tend ainsi à l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l'égard des intimés ; qu'en conséquence, sauf à méconnaître l'objet du litige, il n'appartient pas la cour de rechercher si pourraient être réunies les conditions de l'action en comblement de passif définie à l'article L. 624-3 du même code ;

Attendu que si Me DUBOIS impute essentiellement aux intimés un usage des biens de la SARL REPRO EXPRESS contraire à l'intérêt des celle-ci, dans ses relations avec la SCI LA FEUILLERAIE, qu'ils contrôlaient, il leur fait également grief d'avoir refusé de porter en compte courant des sommes qu'ils s'étaient engagés à verser en application du protocole du 31 décembre 1996 ou d'avoir tardé de faire ; que toutefois un tel fait, à le supposer établi, ne relève pas de l'un des sept manquements sanctionnés par l'article L. 624-5; qu'il en est de même du comportement adopté par les consorts X... et Y... en leur qualité d'associés minoritaires de la société REPRO EXPRESS, dont le caractère abusif ou fautif ne saurait être sanctionné sur la base de ce texte ;

Attendu que l'arrêt pénal définitif du 17 octobre 2002 a consacré la réalité des abus de biens sociaux commis par les intimés au profit de la SCI LA FEUILLERAIE entre avril 1996 et fin 1997, à une époque où ils avaient bien la qualité soit de dirigeant de droit pour Robert X... jusqu'en janvier 1997 soit de dirigeants de fait, au moins jusqu'au 6 octobre 1997 ; que les sommes indûment réglées au préjudice de la SARL REPRO EXPRESS à la suite de leurs agissements pénalement sanctionnés s'élèvent à 40

000 ç environ ; que les intimés ont très récemment réglé les dommages-intérêts correspondants, qui avaient été alloués par l'arrêt confirmatif du 17 octobre 2002 à Me DUBOIS, partie civile en sa qualité de liquidateur de la société ;

Attendu que les premiers juges ont retenu à bon droit que l'ouverture d'une procédure collective en application de l'article L. 624-5 ne constitue qu'une faculté, qui laisse place pour la juridiction saisie à une appréciation de l'opportunité d'une telle mesure ;

Qu'il est également possible d'observer avec le tribunal qu'en fait les abus de biens sociaux commis par Robert X... et Victor Y... n'ont eu qu'une incidence minime dans le processus, amorcé dès 1995, de la dégradation du chiffre d'affaires et du résultat de la société REPRO EXPRESS ; que sans doute les choix de gestion opérés par les intimés ne sont-ils pas étrangers aux difficultés très sérieuses éprouvées par l'entreprise au 31 décembre 1996, date à laquelle sa situation de trésorerie était alarmante, en raison d'un défaut de règlement de ses fournisseurs ; que toutefois cette considération est étrangère à l'application de l'article L. 624-5 et qu'au regard de l'ampleur du déficit accumulé lors des exercices 1998 et 1999, les prélèvements opérés au bénéfice de la SCI LA FEUILLERAIE n'ont pu contribuer à empêcher le redressement de l'entreprise REPRO EXPRESS que de manière très marginale ;

Que le lien entre les fautes pénales des intimés et la mise en

liquidation judiciaire de la société est par ailleurs d'autant plus ténu qu'environ trois années se sont écoulées entre le moment où l'essentiel des détournements avait été consommé et la déclaration de cessation des paiements ;

Attendu qu'en fonction de ces différents éléments, il apparaît que la sanction requise par Me DUBOIS à l'encontre de Robert X... et Victor Y..., SCI, si elle est juridiquement possible, se trouve disproportionnée à la gravité des faits commis, du moins pour ceux qui sont susceptibles de sanction sur la base de l'article L. 624-5 du code de commerce ;

Que le jugement sera donc confirmé ;

Attendu qu'il serait toutefois inéquitable de faire une nouvelle application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au bénéfice des intimés ; PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 15 avril 2004 ;

Dit n'y avoir lieu à nouvelle application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Dit que Me DUBOIS, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL REPRO EXPRESS, supportera les dépens d'appel et accorde contre lui à la SCP BRONDEL-TUDELA le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. Z...

H. ROBERT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946182
Date de la décision : 10/11/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Responsabilité - Dirigeant - Action en redressement ou liquidation judiciaire - Ouverture - Cas - /JDF

L'ouverture d'une procédure collective en application de l'article L. 624-5 du code de commerce ne constitue qu'une faculté qui laisse place pour la juridiction saisie à une appréciation de l'opportunité d'une telle mesure. Dès lors que les abus de biens sociaux commis par les dirigeants n'ont eu qu'une incidence minime dans le processus de la dégradation du chiffre d'affaires et du résultat de la société, que la considération tenant aux choix de gestion opérés par les intimés est étrangère à l'application de l'article L. 624-5, qu'au regard de l'ampleur du déficit accumulé, les prélèvements opérés par les dirigeants n'ont pu contribuer à empêcher le redressement de l'entreprise que de manière très marginale, et que le lien entre les fautes pénales des intimés et la mise en liquidation judiciaire de la société sont d'autant plus ténus qu'environ trois années se sont écoulées entre le moment où l'essentiel des détournements avait été consommés et la déclaration de cessation des paiements, il apparaît que la sanction requise par le mandataire judiciaire à l'encontre des dirigeants se trouve disproportionnée à la gravité des faits commis, du moins pour ceux qui sont susceptibles de sanction sur la base de l'article L. 624-5 du code de commerce


Références :

code de commerce, article L. 624-5

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2005-11-10;juritext000006946182 ?
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