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13/10/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006945058

France | France, Cour d'appel de Lyon, Chambre civile 3, 13 octobre 2005, JURITEXT000006945058


COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 13 Octobre 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 21 octobre 2003 - No rôle : 01J04138 No R.G. : 03/07473

Nature du recours : Appel

APPELANTES : La Société AVENIR TELECOM, SA 208, Bd des Plombières 13581 MARSEILLE représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour assistée de Me Thierry ANSELLEM, avocat au barreau de MARSEILLE La Société SERNAM SUD EST, SNC, prise en son établissement sis : 20, boulevard Eugène Déruelle 69003 LYON représentée par la SCP

AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de la SCP DEYGAS PERRACHON BES COTTIN, avo...

COUR D'APPEL DE LYON Troisième Chambre Civile ARRÊT DU 13 Octobre 2005

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de LYON du 21 octobre 2003 - No rôle : 01J04138 No R.G. : 03/07473

Nature du recours : Appel

APPELANTES : La Société AVENIR TELECOM, SA 208, Bd des Plombières 13581 MARSEILLE représentée par Me André BARRIQUAND, avoué à la Cour assistée de Me Thierry ANSELLEM, avocat au barreau de MARSEILLE La Société SERNAM SUD EST, SNC, prise en son établissement sis : 20, boulevard Eugène Déruelle 69003 LYON représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de la SCP DEYGAS PERRACHON BES COTTIN, avocats au barreau de LYON La Société LORD PARIS SERVICES, SA, exploitant sous l'enseigne "ENVOYE SPECIAL" 42, quai du Brésil 76600 LE HAVRE représentée par Me GUILLAUME, avoué à la Cour assistée de la SCP LEVY-ROCHE-LEBEL etamp; ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

INTIMEES : Madame Maria Da Luz GASPAR X... épouse Y... 15, rue Faraboeuf 77320 BETON BAZOCHES représentée par la SCP JUNILLON-WICKY, avoués à la Cour assistée de la SCP PIOT-MOUNY/JEANTET/LOYE ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON La Société SERNAM SUD EST, SNC, pris en son établissement sis : 20, boulevard Eugène Déruelle 69003 LYON représentée par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués à la Cour assistée de la SCP DEYGAS PERRACHON BES COTTIN, avocats au barreau de LYON La Société LORD PARIS SERVICE, SA exploitant sous l'enseigne "ENVOYE SPECIAL " 42, quai du Brésil 76600 LE HAVRE représentée par

Me Annie GUILLAUME, avoué à la Cour assistée de la SCP LEVY-ROCHE-LEBEL etamp; ASSOCIES, avocats au barreau de LYON HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES ("HELVETIA ASSURANCES"), SA, venant aux droits de la Compagnie ROYAL etamp; SUN ALLIANCE, ayant son principal établissement en France : 2, rue Sainte Marie 92415 COURBEVOIE CEDEX représentée par la SCP BRONDEL-TUDELA, avoués à la Cour assistée de Me Xavier BUREAU, avocat au barreau de PARIS Instruction clôturée le 22 Juillet 2005 Audience publique du 08 Septembre 2005 LA TROISIÈME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame FLISE, Président, Monsieur SANTELLI, Conseiller Madame MIRET, Conseiller DEBATS : à l'audience publique du 8 septembre 2005 GREFFIER : la Cour était assistée lors des débats de Mademoiselle Z..., Greffier ARRET :

CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 octobre 2005, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile signé par Madame FLISE, Président, et par Mademoiselle Z..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

La société AVENIR TELECOM a confié le 26 juin 2001 à la société SERNAM SUD EST, qui est l'un de ses transporteurs habituels, le transport de téléphones portables d'Aulnay sous Bois en Grande Bretagne.

La société SERNAM SUD EST a affrété le transport à la société LORD PARIS SERVICE, laquelle l'a fait effectuer par un sous affréteur, Madame Maria Da Luz Y... exerçant sous l'enseigne "Y... M".

La marchandise a été prise en charge par le chauffeur de l'entreprise Y... le 26 juin 2001 sur le site de la société LOGISTIS, entrepositaire de la société AVENIR TELECOM.

Le chauffeur, ayant laissé son véhicule en stationnement à proximité de son domicile le soir même, constatait à une heure du matin qu'il avait disparu avec son chargement. Ce n'est que le 3 juillet 2001 que le véhicule a été retrouvé vide, le neiman forcé et le système de démarrage électronique endommagé.

C'est dans ces conditions que la société AVENIR TELECOM a assigné le 7 novembre 2001 la société SERNAM SUD EST ainsi que la société LORD PARIS SERVICE et l'entreprise Transports Y... devant le Tribunal de Commerce de LYON pour les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 310.358 euros en réparation de son préjudice.

La société SERNAM SUD EST a appelé dans la cause le 19 novembre 2001 la société LORD PARIS SERVICE ainsi que Madame Maria Da Luz Y... aux fins de les voir condamner in solidum à la relever et garantir les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au profit de la société AVENIR TELECOM.

La société LORD PARIS SERVICE a assigné à son tour le 4 janvier 2002 Madame Maria Da Luz Y... et sa compagnie d'assurances Royal et Sun Alliance pour les voir condamner in solidum à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au profit de la société AVENIR TELECOM ou de la société SERNAM SUD EST. Madame Maria Da Luz Y... a appelé dans la cause le 4 avril 2002 sa compagnie d'assurances CGA Assurances pour qu'elle soit condamnée à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Par jugement du 21 octobre 2003, le Tribunal de Commerce de LYON a condamné in solidum la société SERNAM SUD EST, la société LORD PARIS SERVICE et Madame Maria Da Luz Y... à payer à la société AVENIR TELECOM la somme de 11.300 euros , outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation des intérêts par année

entière ainsi que celle de 7500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, a débouté la société LORD PARIS SERVICE de son action en garantie contre son assureur la COMPAGNIE ROYAL SUN ALLIANCE de même que la société SERNAM SUD EST et a mis hors de cause la société LORD PARIS SERVICE ainsi que la Compagnie CGA ASSURANCE.

Par déclaration du 26 décembre 2003, la société AVENIR TELECOM a relevé appel de ce jugement.

La société SERNAM SUD EST a fait un appel provoqué le 9 mars 2004 à l'encontre de la COMPAGNIE ROYAL SUN ALLIANCE.

Le 10 mai 2004, la société LORD PARIS SERVICE en a fait de même à l'encontre de la COMPAGNIE ROYAL SUN ALLIANCE.

Vu l'article 455 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la société AVENIR TELECOM dans ses conclusions du 22 avril 2004 tendant à voir réformer le jugement déféré en condamnant in solidum la société SERNAM SUD EST, la société LORD PARIS SERVICE et Madame Maria Da Luz Y... à lui payer la somme de 310.358 euros, montant des marchandises volées, aucune limitation de responsabilité ne pouvant être retenue à raison de la faute lourde commise par les transporteurs substitués qui ne pouvaient ignorer la nature et la valeur des marchandises transportées et de celle du chauffeur de l'entreprise Y... qui a laissé en stationnement le véhicule sur la voie publique, la nuit et sans la moindre surveillance pendant près de sept heures, le système anti-démarrage dont était équipé le véhicule, à défaut d'une alarme sonore, étant insuffisant - que le transporteur a une obligation de résultat à l'égard de son commettant direct ainsi que du commissionnaire de transport, lequel a commis au surplus une faute

personnelle en ne respectant pas l'instruction qu'elle lui avait donnée de ne pas sous affréter le transport, ce qu'elle a laissé faire, malgré cette instruction.

Vu les prétentions et les moyens développés par la société SERNAM SUD EST dans ses conclusions du 18 mai 2005 tendant à voir confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait application des limitations de responsabilité, aucune faute lourde ne pouvant être retenue contre ses substitués, mais en le réformant en condamnant in solidum la société LORD PARIS SERVICE, son assureur la Compagnie HELVETIA et Madame Maria Da Luz Y... à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle au profit de la société AVENIR TELECOM, dès lors qu'elle n'a commis aucune faute personnelle en tant que commissionnaire de transport, la faculté de sous-traiter le transport ayant été prévue dans la commande de transport et l'affrètement connu de la société AVENIR TELECOM qui l'a accepté - que c'est la société LORD PARIS SERVICE qui n'a pas respecté l'interdiction de sous affréter et qui a falsifié la mention s'y rapportant figurant sur le document qu'elle a adressé à son affrété la société LORD PARIS SERVICE - que la société LORD PARIS SERVICE ne pouvait ignorer la nature des marchandises transportées, puisque la facture jointe à la lettre de voiture les décrivait dans le détail - qu'elle n'est pas responsable de l'utilisation d'un véhicule inadapté à ce transport, lequel a été fait à son insu alors même que le représentant du donneur d'ordre, présent lors du chargement, n'a émis aucune réserve - que Madame Maria Da Luz Y... a commis une faute en laissant le véhicule sans précaution ni surveillance, à l'origine du vol - qu'elle est fondée à solliciter la condamnation des assureurs de ses substitués à la relever et garantir sans que la Compagnie HELVETIA ne puisse invoquer la nullité du contrat d'assurance du fait d'une fausse déclaration de son assuré la

société LORD PARIS SERVICE, dès lors que cet événement est postérieur à la souscription de la police et n'a donc pas eu d'effet sur l'appréciation du risque par l'assureur - que celui-ci doit sa garantie à son assuré, lequel était assuré en tant que commissionnaire de transport à l'égard de Madame Maria Da Luz Y... qu'il a affrété, sans avoir à vérifier si elle était elle-même assurée, l'affrètement intervenu occasionnellement n'étant pas considéré aux termes de la police comme une aggravation du risque - que la société AVENIR TELECOM ne justifie pas d'un préjudice.

Vu les prétentions et les moyens développés par la société LORD PARIS SERVICE dans ses conclusions du 15 juin 2004 tendant à faire juger que la société AVENIR TELECOM ne justifie pas qu'elle était propriétaire des marchandises ni de leur valeur - qu'il lui appartenait d'en déclarer le prix au commissionnaire ou de s'assurer ad valorem - que le transporteur ne disposait ainsi d'aucun élément sur la nature des marchandises - qu'elle s'étonne donc que ceux qui ont commis le vol aient pu avoir cette information - que le préjudice n'est pas établi, d'autant que la société AVENIR TELECOM vendait en Grande-Bretagne des téléphones portables à perte, de sorte qu'elle doit être déboutée de ses demandes - qu'à titre subsidiaire, il devra être jugé l'absence de faute lourde du transporteur, de sorte que le plafonnement s'impose - qu'en tant que commissionnaire intermédiaire, elle bénéficie de la limitation de responsabilité qui s'applique au transporteur - que l'expéditeur doit supporter les conséquences de sa faute relative aux insuffisances des indications de la lettre de voiture, l'article 6 de la CMR lui prescrivant de désigner la nature des marchandises, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte que le transporteur n'a pu commettre une faute lourde en laissant en stationnement le véhicule près de son domicile pour un temps limité - que si une indemnité est mise à sa charge, la société SERNAM SUD EST

ainsi que Madame Maria Da Luz Y... devront la relever et garantir à raison des fautes qu'elles ont commises.

Vu les prétentions et les moyens développés par Madame Maria Da Luz Y... dans ses conclusions du 18 mai 2005 tendant à faire juger que, si sa responsabilité peut être retenue dans son principe, elle peut invoquer les causes d'exonération de l'article L. 133-1 du Code de Commerce - qu'en effet elle a effectué un transport qui n'aurait pas dû lui être confié à raison des instructions de la société AVENIR TELECOM - qu'elle n'était informée ni de la nature des marchandises à transporter ni des exigences de l'expéditeur, ce qui lui aurait permis de prendre des dispositions nécessaires - que de toute façon, il convient d'appliquer les limitations de responsabilité - que la société AVENIR TELECOM ne peut prétendre à une faute lourde de la société SERNAM SUD EST, alors qu'elle a remis les marchandises sans l'informer de leur valeur et en acceptant de charger un véhicule inadapté à ce transport - qu'elle n'a commis aucune faute lourde, la faute de la société AVENIR TELECOM l'exonérant - qu'à titre subsidiaire si elle devait être condamnée, la société SERNAM SUD EST et la société LORD PARIS SERVICE devraient la relever et garantir - que la société AVENIR TELECOM doit être déboutée de toutes ses demandes ainsi que les sociétés SERNAM SUD EST et LORD PARIS SERVICE des leurs.

Vu les prétentions et les moyens développés par la Compagnie HELVETIA venant aux droits de ROYAL SUN ALLIANCE dans ses conclusions du 3 juin 2005 tendant à faire juger qu'elle ne doit pas sa garantie à la société LORD PARIS SERVICE à raison de la fausse déclaration du sinistre et du fait qu'elle a falsifié le document par lequel la société SERNAM SUD EST lui indiquait qu'elle ne pouvait sous traiter le transport qu'elle lui confiait - que le contrat d'assurance est donc nul entraînant la déchéance de toute garantie, l'aggravation du

risque résultant du fait que la société LORD PARIS SERVICE se devait de vérifier si son sous traitant était bien assuré au titre de la responsabilité contractuelle - qu'à titre subsidiaire les demandes formées à l'encontre de la société LORD PARIS SERVICE sont dépourvues de tout fondement, dès lors que celle-ci n'a pas respecté les instructions que lui donnait la société SERNAM SUD EST - que la société SERNAM SUD EST n'a pas d'action directe contre elle - que la société AVENIR TELECOM ne justifie d'aucun préjudice - qu'à titre très subsidiaire les limitations de responsabilité doivent s'appliquer. MOTIFS ET DÉCISION

I/ Sur la responsabilité du vol des marchandises transportées :

Attendu qu'il est constant et d'ailleurs contesté par personne que c'est Madame Maria Da Luz Y... qui a le 26 juin 2001 pris en charge les marchandises dont la société AVENIR TELECOM avait confié le transport à la société SERNAM SUD EST pour les acheminer d'Aulnay sous Bois en Grande-Bretagne, à la demande même de la société LORD PARIS SERVICE qui, affrétée par la société SERNAM SUD EST, l'avait chargée en qualité de sous affrétée d'effectuer le transport - qu'il est également constant que le véhicule de Madame Maria Da Luz Y..., que son chauffeur avait stationné près de son domicile sur

la voie publique dans la soirée du 26 juin 2001 a été dérobé avec son chargement, le chauffeur ayant constaté à une heure du matin le 27 juin 2001 sa disparition - que cette seule circonstance fait peser sur le voiturier une présomption de responsabilité dans la survenance du vol, la marchandise étant en sa possession au moment où le sinistre s'est produit, et Madame Maria Da Luz Y... n'établissant pas que son chauffeur ait pris les précautions nécessaires à la surveillance du véhicule - que le sinistre est donc imputable à Madame Maria Da Luz Y... ;

II/ Sur la faute lourde imputable au transporteur :

Attendu que caractérise la faute lourde caractérise le comportement d'une extrême gravité qu'a pu avoir un co-contractant confinant au dol lorsqu'il dénote chez lui une inaptitude à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée - qu'il en est ainsi d'un transporteur qui laisse son camion chargé de marchandises de valeur sans surveillance sur une voie publique pendant plusieurs heures, le fait que le véhicule ait été équipé d'un système anti-démarrage étant insuffisant en l'absence d'une alarme sonore et d'un verrouillage approprié des portières - qu'il n'est pas établi que le véhicule de Madame Maria Da Luz Y... comportait de tels équipements - qu'il appartenait à tout le moins au chauffeur de prendre les précautions qui s'imposaient, sans qu'il puisse alléguer pour s'exonérer de sa faute son ignorance de la nature exacte des marchandises chargées, alors qu'était jointe à la lettre de voiture, ce que Madame Maria Da Luz Y... ne conteste pas, la facture détaillée des téléphones portables composant le chargement, cette information ne laissant aucun doute sur la valeur des objets transportés - que, quand bien même n'eut-il pas eu connaissance de la nature des marchandises et du prix qu'elles représentaient, une élémentaire précaution s'imposait au chauffeur à qui la preuve incombe d'établir qu'il a satisfait à

cette exigence ;ir qu'il a satisfait à cette exigence ;

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que Madame Maria Da Luz Y..., responsable de son préposé, a commis une faute lourde au titre de la mission qui lui avait été confiée - que le premier juge, qui a écarté la faute lourde, a fait des circonstances du vol une inexacte appréciation - qu'il convient de réformer sur ce point ;

III/ Sur la faute de la société LORD PARIS SERVICE affrétée par la société SERNAM SUD EST :

Attendu que l'article 6 de la charte qualité établie par la société AVENIR TELECOM en mars 2001, dont l'objet était de régir les rapports qu'elle entretenait avec la société SERNAM SUD EST à l'occasion des opérations de transport qu'elle lui confiait, prévoit que le transporteur peut affréter ou sous traiter l'expédition à condition d'en informer le commettant, mais qu'il lui est interdit de pratiquer le sous affrètement - que l'original de la télécopie que la société SERNAM SUD EST a adressé le 26 juin 2001 à la société LORD PARIS SERVICE pour la prise en charge des marchandises (pièce no5 du dossier de la société SERNAM SUD EST) comporte l'interdiction de sous traiter, mention qui a été reprise dans les ordres de transport tamponnés et retournés par la société LORD PARIS SERVICE - que c'est par conséquent en contradiction avec cette prescription, que la société LORD PARIS SERVICE a transgressé l'interdiction qui lui était faite de sous affréter le transport à Madame Maria Da Luz Y... - que cette violation constitue une faute qui engage la responsabilité de l'affrété à l'égard de la société SERNAM SUD EST en ce qu'elle manifeste un comportement équivalent au dol révélant son inaptitude à accomplir la mission qui lui a été donnée ;

IV/ Sur la responsabilité du commissionnaire de transport à l'égard du commettant :

Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-6 du Code de Commerce le commissionnaire est garant des faits des transporteurs auxquels il a adressé les marchandises - que dans ces conditions la société SERNAM SUD EST est tenue, dès lors que les transporteurs sont eux-mêmes responsables des pertes en vertu du contrat de transport qu'ils ont conclu avec elle - qu'il doit donc en cette qualité indemniser la société AVENIR TELECOM, donneur d'ordres, des conséquences du vol des marchandises sans bénéficier des limitations de responsabilité à raison des fautes lourdes de ses substitués - qu'il ne peut être responsable solidairement avec eux des pertes survenues à la marchandise, alors qu'aucune faute ne peut être relevée à sa charge, les instructions reçues du commettant ayant été communiquées à la société LORD PARIS SERVICE, son affrétée, et le sous affrètement confié à Madame Maria Da Luz Y... étant intervenu à son insu ;

V/ Sur les condamnations de la société SERNAM SUD EST à l'égard du commettant :

Attendu que la société AVENIR TELECOM justifie du quantum de son préjudice correspondant au montant de la valeur des marchandises transportées en produisant la facture jointe à la lettre de voiture du 26 juin 2001 remise à la société SERNAM SUD EST en tant que commissionnaire de transports - qu'il appartenait à celle-ci de vérifier le contenu des palettes qui lui étaient confiées au moment de leur chargement, ce qui lui interdit, faute de l'avoir fait, de contester l'exactitude des mentions qui y étaient portées et notamment l'identité des marchandises ainsi que leur valeur - que la société AVENIR TELECOM est donc bien fondée dans sa demande - qu'il convient ainsi de condamner la société SERNAM SUD EST à payer à la société AVENIR TELECOM la somme de 310.358 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2001, date de l'assignation - qu'il y a lieu de réformer le jugement déféré, qui a limité la

condamnation, sans retenir la faute lourde des transporteurs substitués et d'ordonner la capitalisation des intérêts par année entière à compter de la même date ;

VI/ Sur la condamnation des substitués à l'égard du commissionnaire de transports :

Attendu que le commissionnaire, garant de ses substitués, a appelé en garantir la société LORD PARIS SERVICE et Madame Maria Da Luz Y..., le dommage s'étant produit pendant les opérations dont elles avaient la charge ;

Attendu que les fautes lourdes commises par la société LORD PARIS SERVICE et Madame Maria Da Luz Y... et retenues contre elles ont manifestement concouru à la réalisation du dommage - qu'en effet si d'une part la société LORD PARIS SERVICE n'avait pas sous traité au mépris des instructions formelles qu'elle avait reçues et si d'autre part le chauffeur de Madame Maria Da Luz Y... n'avait pas laissé le véhicule sans précaution ni surveillance sur la voie publique avec son chargement, le vol n'aurait pu survenir dans ces conditions - qu'il en résulte que la société LORD PARIS SERVICE et Madame Maria Da Luz Y... doivent être tenues ensemble des conséquences dommageables de ce vol à l'égard du commissionnaire, de sorte qu'elles doivent être condamnées in solidum à relever et garantir la société SERNAM SUD EST des condamnations prononcées contre elle en principal et intérêts - qu'il convient en conséquence de réformer sur ce point le jugement déféré ;

VII/ Sur la garantie due par la Compagnie HELVETIA à son assuré :

Attendu que la Compagnie HELVETIA venant aux droits de la ROYAL SUN ALLIANCE conteste sa garantie à la société LORD PARIS SERVICE au motif que son assuré a falsifié l'ordre de service du 26 juin 2001 sur lequel figurait l'interdiction de sous traiter l'opération de

transport, de sorte que cette dissimulation faite à l'assureur emporterait la nullité du contrat d'assurances et par conséquent la déchéance de la garantie, dès lors qu'il en est résulté une aggravation du risque, la société LORD PARIS SERVICE, agissant comme commissionnaire à l'égard de son sous-affrété, ayant manqué à l'obligation qu'elle avait de vérifier que celui-ci était bien titulaire d'un contrat d'assurance responsabilité contractuelle ;

Attendu que la déclaration erronée faite par la société LORD PARIS SERVICE du sinistre à son assureur, qui est intervenue postérieurement à la souscription du contrat d'assurances, n'a pu avoir d'effet sur l'appréciation par l'assureur du risque à assurer, laquelle se fait au jour de la signature du contrat - que la COMPAGNIE ROYAL SUN ALLIANCE, garantissant l'assuré pour l'activité de commissionnaire de transport, outre celles d'affréteur et de voiturier, l'assureur avait nécessairement pris en compte l'incidence d'une sous-traitance dans la garantie qu'il lui accordait, aucune clause de la police n'imposant au surplus à la société LORD PARIS SERVICE de vérifier l'existence d'une garantie suffisante des voituriers affrétés - qu'à défaut d'une aggravation du risque inconnue de l'assureur, la Compagnie HELVETIA ne peut invoquer la nullité du contrat et par conséquent doit la garantie à son assuré - que dans ces conditions la Compagnie HELVETIA doit être condamnée à relever et garantir la société LORD PARIS SERVICE des condamnations prononcées contre elle en principal et intérêts ;

VIII/ Sur les autres demandes :

Attendu qu'il serait inéquitable que la société AVENIR TELECOM supporte la charge de ses frais irrépétibles et qu'il y a lieu de lui allouer une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile - que la société LORD PARIS SERVICE et Madame Maria Da Luz Y... sont condamnées chacune au paiement de la

moitié de cette indemnité;

Attendu que toutes les autres parties doivent être déboutées de leur demande à ce titre ;

Attendu que la société LORD PARIS SERVICE et son assureur la Compagnie HELVETIA ainsi que Madame Maria Da Luz Y... doivent être condamnées in solidum aux dépens de première instance et d'appel ; PAR CES MOTIFS LA COUR,

Réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit que la société LORD PARIS SERVICE en tant qu'affrétée et Madame Maria Da Luz Y... en tant que transporteur sous affrétée par la société LORD PARIS SERVICE ont commis l'une et l'autre une faute lourde dans le transport rendant inapplicables la clause de limitation de responsabilité,

Dit que la société SERNAM SUD EST est tenue en qualité de commissionnaire de transport de garantir son commettant donneur d'ordre, la société AVENIR TELECOM, des conséquences du vol des marchandises survenu au cours des opérations de transport dont elle l'avait chargé pour les acheminer d'Aulnay sous Bois en Grande-Bretagne,

Condamne en conséquence la société SERNAM SUD EST à payer à la société AVENIR TELECOM la somme de 310.358 euros au titre de son entier préjudice, majorée des intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2001,

Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière sur le montant de cette condamnation à compter du 7 novembre 2001,

Déclare la société LORD PARIS SERVICE et Madame Maria Da Luz Y... tenues ensemble des conséquences du vol des marchandises en ce que par leur faute respective elles ont concouru à la réalisation du dommage,

Les condamne en conséquence in solidum à relever et garantir la société SERNAM SUD EST des condamnations prononcées à son encontre en principal et intérêts,

Dit que la Compagnie HELVETIA venant aux droits de la COMPAGNIE ROYAL SUN ALLIANCE doit sa garantie à la société LORD PARIS SERVICE son assurée,

Condamne en conséquence la Compagnie HELVETIA à relever et garantir la société LORD PARIS SERVICE des condamnations prononcées à son encontre en principal et intérêts,

Condamne la société LORD PARIS SERVICE et Madame Maria Da Luz Y... à payer chacune à la société AVENIR TELECOM la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déboute les autres parties de leur demande en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la société LORD PARIS SERVICE, la Compagnie HELVETIA son assureur et Madame Maria Da Luz Y... à payer les dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés par Maître BARRIQUAND, Avoué, et par la SCP AGUIRAUD-NOUVELLET, avoués, chacun pour ce qui le concerne, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

M.P. Z...

L. FLISE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945058
Date de la décision : 13/10/2005
Type d'affaire : Civile

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Responsabilité - Clause limitative - Opposabilité - Exclusion - Cas - Faute lourde - Caractérisation - Applications diverses - /JDF

Caractérise la faute lourde, le comportement d'une extrême gravité confinant au dol qu'a pu avoir un co-contractant lorsqu'il dénote chez lui une inaptitude à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée. Il en est ainsi d'un transporteur qui laisse son camion chargé de marchandises de valeur sans surveillance sur une voie publique pendant plusieurs heures, le fait que le véhicule ait été équipé d'un système anti-démarrage étant insuffisant en l'absence d'une alarme sonore et d'un verrouillage approprié des portières. Dès lors qu'il appartenait à tout le moins au chauffeur de prendre les précautions qui s'imposaient, sans qu'il puisse alléguer pour s'exonérer de sa faute son ignorance de la nature exacte des marchandises chargées, alors qu'était jointe à la lettre de voiture la facture détaillée des marchandises composant le chargement, cette information ne laissant aucun doute sur la valeur des objets transportés, le commettant a commis une faute lourde au titre de la mission qui lui avait été confiée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2005-10-13;juritext000006945058 ?
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