R.G : 04/02821 décision du Tribunal de Grande Instance de LYON Au fond 2002/10730 du 31 mars 2004 LARMARAUD C/ SCI ... D'APPEL DE LYON 8ème Chambre Civile * ARRET du 6 Septembre 2005 APPELANT :
Monsieur Lucien Y...
9 place Ambroise Courtois
69008 LYON 08
Représenté par Me VERRIERE, avoué à la Cour
Assisté de Me X..., avocat
substitué par Me Z..., Avocat INTIMEE :
SCI ...
représentée par ses co-gérants A... Françoise
C... et Mr. Jacques C...
Chez Melle Françoise C...
...
69160 TASSIN LA DEMI LUNE
Représentée par la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avoués
Assistée de Me B..., avocat Instruction clôturée le 25 Mars 2005 Audience de plaidoiries du 12 Avril 2005 Délibéré au 31 Mai 2005 - prorogé au 6 Septembre 2005 La huitième chambre de la COUR d'APPEL de LYON, composée lors des débats et du délibéré de :
* Jeanne STUTZMANN, président, * Martine BAYLE, conseiller, * Jean DENIZON, conseiller, assistés lors des débats tenus en audience publique par Nicole MONTAGNE, Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant :
FAITS-PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La SCI ..., société familiale constituée entre les consorts C..., est propriétaire d'une propriété située ... en BUGEY (AIN) occupée depuis le décès de leur grand-mère en 1978 par leur oncle, Lucien Y..., d'abord comme résidence principale puis secondaire. A compter de 1983, ce dernier a pris à sa charge le paiement de la taxe foncière et de l'assurance ainsi que certains travaux d'entretien et de rénovation de la propriété.
Des difficultés sont survenues entre les parties pour la prise en charge des réparations de la toiture et des façades, suivies de discussions sur la vente de la maison ou la conclusion d'un bail mais
aucun accord n'a pu intervenir sur le montant du loyer. La SCI ... a alors décidé de vendre la propriété et a demandé à Monsieur Y... le 11 décembre 2001 par l'intermédiaire de son conseil de quitter les lieux. Ce dernier n'ayant pas obtempéré, la SCI ... l'a fait assigner en référé puis, après avoir été déboutée, au fond devant le tribunal de grande instance par exploit du 18 juin 2002.
C'est dans ces conditions que par jugement du 31 mars 2004, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de LYON a :
- constaté la résiliation à compter du jugement du prêt à usage liant les parties et portant sur la mise à disposition par la SCI ... à Lucien Y... du bien immobilier,
- dit qu'à défaut par Lucien Y... d'avoir libéré les lieux dans le délai de trois mois suivant la signification du jugement, la SCI ... était autorisée à faire procéder à son expulsion immédiate et à celle de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique,
- condamné Lucien Y... à verser à la SCI ... une indemnité d'occupation de 610 euros à compter du premier jour du mois suivant la signification du jugement jusqu'à son départ effectif des lieux,
- condamné Lucien Y... à verser à la SCI ... la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
- débouté Lucien Y... de sa demande reconventionnelle fondée sur l'action de in rem verso et de sa demande au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
- condamné Lucien Y... aux dépens.
Lucien Y... a relevé appel de ce jugement le 28 avril 2004 puis
a saisi le premier président de cette Cour d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire, demande rejetée par ordonnance du 2 juillet 2004.
Il fait valoir à l'appui de sa demande d'infirmation qu'il existait un bail verbal entre les parties, qu'en l'absence de congé, le courrier du 2 juin 2001 ne valant pas congé, son expulsion intervenue en vertu de l'exécution provisoire est fautive et justifie sa demande de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral subi du fait de son expulsion.
Il explique pour justifier l'existence d'une contrepartie à son occupation des lieux qu'il a exécuté à ses frais des travaux conséquents d'électricité, d'installation de chauffage central, de plâtrerie, de maçonnerie, de menuiserie, de double-vitrage, de carrelage, de plomberie et sanitaire, d'isolation thermique et phonique, travaux incombant normalement au propriétaire, et ce pour un total de 484.439,98 F, que toutes ces dépenses ont apporté une plus value à l'immeuble et que le règlement de travaux par le locataire peut parfaitement constituer une modalité de paiement des loyers ; il ajoute qu'il réglait également les frais incombant au propriétaire (taxe foncière, assurance de l'immeuble) et que le coût mensuel calculé par le tribunal (322,45 euros) ne peut être considéré comme dérisoire eu égard au coût des loyers dans les années 70/80
Subsidiairement, si la Cour estimait qu'il n'existe pas de bail verbal entre les parties, il sollicite le remboursement des dépenses qu'il a faites dans la maison pour le compte de la SCI ... soit la somme de 97.946,27 euros outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.
A titre infiniment subsidiaire, si la Cour confirmait la qualification de prêt à usage retenue par les premiers juges, il
demande la somme de 20.000 euros au titre du préjudice matériel et moral subi du fait de son expulsion alors que la SCI ... ne justifiait nullement des conditions édictées par les articles 1888 et 1889 du Code civil pour justifier de la nécessité impérieuse de reprendre son bien.
En tout état de cause, il conclut au rejet des demandes financières (indemnités d'occupation) formulées par la SCI ... à son encontre et à la confirmation du jugement sur ce point et réclame à son adversaire la somme de 1.900 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
La SCI ... conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la libération des lieux.
Niant l'existence d'un bail verbal, en l'absence de contrepartie suffisante, elle explique que sa demande est justifiée que ce soit sur la qualification de simple occupation précaire ou sur celle de prêt à usage, que ce prêt étant à durée indéterminée, elle était en droit d'y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable ce qu'elle a fait.
Sur les travaux exécutés par Lucien Y..., elle répond que la plupart des dépenses ne constituaient nullement des améliorations valorisant l'immeuble ou d'entretien incombant au propriétaire ; elle estime que le tribunal pour classer les différentes dépenses dans la catégorie des travaux incombant au propriétaire s'est montré beaucoup trop large et que seuls pourraient être retenus des travaux pour un total de 132.101,47 F, ramenés à 25 années d'occupation soit 800 euros par an et 66 euros par mois.
Elle ajoute qu'à supposer l'existence d'un bail verbal, lequel relèverait du droit commun s'agissant d'une résidence secondaire, le congé n'est soumis à aucune condition de forme et qu'elle a donné congé le 30 septembre 2001 et au pire à la date de l'assignation en
référé (14 février 2002).
Formant appel incident en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation et son point de départ, elle sollicite la condamnation de Lucien Y... au paiement d'une indemnité d'occupation de 915 euros par mois outre charges locatives et impôts et intérêts au taux légal à compter de chaque échéance mensuelle avec capitalisation à compter du 1er octobre 2001, date à laquelle elle a fait connaître son intention de mettre un terme à l'occupation gratuite.
Sur la demande reconventionnelle de Lucien Y..., elle conclut également à la confirmation du jugement en soutenant que les conditions de l'action "de in rem verso" ne sont pas réunies et plus particulièrement l'absence de cause juridique de l'enrichissement et l'absence d'intérêt du demandeur.
Enfin la SCI ... réclame à son adversaire la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande principale de la SCI ... :
Attendu que le contrat de bail se caractérise par la mise à disposition d'un bien en contrepartie du paiement d'un loyer qui peut être stipulé en espèces ou en nature ; que, si entre les parties il n'a jamais été question du règlement d'un loyer, il était prévu le paiement par Lucien Y... des taxes foncières et des primes d'assurance incombant au propriétaire ; que de même la SCI ... n'ignorait pas l'exécution de travaux dans l'immeuble par Lucien Y... ;
Attendu qu'il convient de rechercher si les travaux incombant en principe au propriétaire et pris en charge par Lucien Y... ont été suffisamment importants pour valoir loyer ;
Attendu que la Cour après examen des factures produites (celles manuscrites établies sur papier libre ayant été écartées), retient quant à elle des travaux incombant au propriétaire et apportant une amélioration du bien pour un total de 61.636,21 euros, somme sensiblement proche de celle obtenue par le tribunal ; qu'ont été également écartées toutes les factures d'entretien incombant au locataire comme la réfection des peintures extérieures et intérieures et celle des papiers peints, l'entretien du jardin, les achats de luminaires et surtout les travaux de survitrage, de carrelage de la cuisine et d'aménagement de celle-ci puisque ces derniers ont été soit emportés soit dégradés par Lucien Y... lors de son départ ; Attendu que les dépenses les plus importantes retenues ont été celles d'installation du chauffage, de réfection de l'installation électrique et de pose de sanitaires ;
Attendu que si l'on ajoute les taxes foncières (18.056,60 euros) et la partie "propriétaire" des assurances (5.155,22 euros) réglées par Lucien Y... c'est un total de 84.848,03 euros qui a été dépensé pour le compte du propriétaire en 25 années d'occupation, soit en moyenne 282,83 euros par mois, ce qui est peu pour une maison de 250 m élevée sur sous-sol et terrain de 1400 m avec dépendances ;
Attendu que cette valeur ne peut pas être considérée comme la contrepartie d'un loyer ; que pour ces motifs et ceux non contraires et pertinents des premiers juges, et que la Cour adopte expressément,
la qualification de bail verbal est à exclure au profit de celle de prêt à usage ;
Attendu que la propriétaire a mis fin à ce prêt à usage par son courrier du 11 décembre 2001 ;
Attendu que les raisons invoquées par la SCI ... à savoir la nécessité de vendre la propriété face aux importants travaux à réaliser sur la maison étaient sérieuses et ne peuvent être discutées par Lucien Y... ; qu'en effet ce dernier avait lui-même attiré l'attention de la SCI ... sur l'état de la toiture et des façades qui nécessitait des travaux, nécessité confirmée par son notaire (pièce 27 de l'appelant) dans son certificat d'évaluation ("la défectuosité des murs d'enceinte nécessiteraient une reprise globale de leurs crépis, le gros oeuvre de la maison est en bon état mais le crépi mériterait d'être repris intégralement, la toiture mériterait d'être reprise (charpente et couverture) ainsi que toute l'isolation intérieure et extérieure et les ouvrants") ;
Attendu que la SCI ... avait donc un besoin pressant et imprévu de son bien alors que parallèlement Lucien Y... disposant d'une résidence principale à LYON, 9 place Courtois n'avait plus besoin de se loger ;
Attendu que dans ces conditions le jugement doit être confirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du prêt à usage liant les parties ;
Attendu que le tribunal ayant estimé que les conditions des articles 1888 et 1889 du Code civil étaient remplies et constaté dès lors à la date de sa décision la résiliation du commodat, l'indemnité d'occupation due par l'occupant ne pouvait courir qu'à compter du jugement contradictoirement rendu et non de la signification du jugement ou de courriers antérieurs (1er octobre 2001 ou 11 décembre 2001) ;
Attendu que l'intimée discute le montant de l'indemnité d'occupation fixée par les premiers juges mais ne fournit aucun élément de référence ; que la Cour considère que la valeur de 610 euros retenue par les premiers juges sur la base du loyer offert par Lucien Y... lors des négociations a été correctement appréciée ; que toutefois elle courra à compter de la décision de première instance ; qu'il convient également de condamner Lucien Y... au prorata de son occupation entre le 31 mars 2004 et le 27 juillet 2004 au paiement des charges incombant habituellement aux locataires (taxe d'ordures ménagères notamment) outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
Sur la demande reconventionnelle de Lucien Y... :
Attendu que Lucien Y... entend obtenir sur le fondement de l'enrichissement sans cause le remboursement des travaux effectués par lui à concurrence de 97.946 euros ;
Attendu que l'action de in rem verso ne peut réussir que si l'enrichissement est sans cause ; qu'en l'espèce il trouve sa justification dans l'hébergement gratuit de Lucien Y... durant 25 ans et dans le contrat de prêt à usage qui s'est ainsi formé entre la SCI ... et lui-même ; qu'au demeurant la plupart des travaux ont été exécutés dans l'intérêt de Lucien Y... puisqu'ils étaient destinés à améliorer son confort ou réduire ses dépenses d'entretien ;
Attendu que le jugement doit être confirmé également sur ce point ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à la SCI ... la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Attendu que l'appelant succombant principalement à l'instance en
supportera les dépens ; PAR CES MOTIFS La Cour,
Confirme le jugement déféré excepté en ce qui concerne le point de départ de l'indemnité d'occupation mensuelle qui courra à compter du jugement ;
Y ajoutant :
Dit que Lucien Y... sera tenu de régler outre l'indemnité d'occupation les charges incombant habituellement aux locataires et notamment la taxe d'ordures ménagères calculée prorata temporis du 31 mars 2004 au 27 juillet 2004 outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
Condamne Lucien Y... à payer à la SCI ... la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;
Condamne Lucien Y... aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés par l'avoué de son adversaire conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.
Cet arrêt a été prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile, et signé par Martine BAYLE, Conseillère, en remplacement de la Présidente de la huitième chambre, légitimement empêchée, et par Nicole MONTAGNE, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
LE GREFFIER
LE CONSEILLER
Mme MONTAGNE
Mme BAYLE